Certains des commentaires à mon billet Aristote et nous font apparaître un personnage bien étrange – qui ne laisse apparemment pas indifférent – mais sans rapport aucun avec le philosophe du même nom dont je parle dans Comment la vérité et la réalité furent inventées, mon ouvrage à paraître. En espérant que ce qui suit permette de clarifier un peu les choses : le projet de quatrième de couverture.
Quelles notions nous sont-elles plus évidentes que la vérité et la réalité ? La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe.
Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique, et elles sont récentes dans la nôtre. Leur histoire est bien documentée, ayant donné lieu à de nombreuses querelles. La vérité telle que nous l’entendons est née en Grèce antique et fit ses débuts comme argument polémique. Ce sont Platon et Aristote qui la firent émerger dans la bataille qu’ils menèrent conjointement contre les sophistes. La réalité (objective) est elle fille de la vérité aristotélicienne mais résulte sous sa forme moderne d’un coup de force pythagoricien opéré à la Renaissance par les jeunes Turcs de l’astronomie moderne naissante, lassés des interférences de l’Église dans la construction du savoir.
L’émergence de la vérité et de la réalité n’aurait pas été possible sans une particularité de la langue : la possibilité de rassembler deux idées, non seulement pour établir une certaine identité entre elles, mais aussi pour suggérer un rapport antisymétrique entre elles, comme l’inclusion de l’une dans l’autre ou le fait que l’une soit la cause de l’autre. Ce que produit une langue privée de cette relation antisymétrique, s’observe dans ces faits de « mentalité primitive » qui étonnèrent longtemps les anthropologues, comme quand les Nuer affirment que « les jumeaux sont des oiseaux ».
Le coup de force pythagoricien de la Renaissance supposait une assimilation de deux univers : le monde tel qu’il est en soi (par-delà les illusions « phénoménales ») et celui des objets mathématiques dont nous avons fait la méthode privilégiée de nos théories scientifiques visant à le représenter. Il en résulta une confusion dont la physique contemporaine est aujourd’hui la victime : la modélisation mathématique du monde suggère en retour de lui attribuer des propriétés qui ne sont rien d’autre que les particularités des nombres livrés à eux-mêmes. Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible.
L’œuvre d’Aristote constitua un sommet dans la pensée. L’enthousiasme brouillon des savants nous fit nous en écarter. Les rendements décroissants de leurs théories nous obligent aujourd’hui à débarrasser l’entreprise de construction de la connaissance du mysticisme mathématique dont ils avaient fait leur principale arme de guerre dans le combat qu’ils menèrent victorieusement contre l’Église. Un exemple de la tâche à entreprendre est offert par une analyse, à la lumière de l’analytique aristotélicienne, de la démonstration par Kurt Gödel de son théorème d’incomplétude de l’arithmétique : les a priori mystiques en sont soulignés ainsi que le caractère hétéroclite des types de preuve mobilisés, dont certains seraient considérés par Aristote comme tout juste passables dans le contexte de la conversation courante.
98 réponses à “Comment la vérité et la réalité furent inventées : 4e de couverture”
Les mathématiques permettent toujours de décrire la réalité à l’incertitude près qui peut elle même être calculée. Mais quelque soit l’effort déployé par les mathématiques l’incertitude persiste même si parfois on la réduit par de nouvelles connaissances mais pour autant même mathématiquement elle persistera elle aussi ! La tentation est la simplification qui confond une description avec ce que l’on décrit et de dire que les mathématiques calcule une réalité alors que c’est exactement le contraire on ne fait en fait que coller quelque chose qui ressemble à quelque chose qui existe.
@Jean-Baptiste
La réalité dans le bon usage des mathématiques !
« L’œuvre d’Aristote constitua un sommet dans la pensée. L’enthousiasme brouillon des savants nous fit nous en écarter. Les rendements décroissants de leurs théories nous obligent aujourd’hui à débarrasser l’entreprise de construction de la connaissance du mysticisme mathématique dont ils avaient fait leur principale arme de guerre dans le combat qu’ils menèrent victorieusement contre l’Église. »
Telle que je les comprends, ces deux phrases me chiffonnent. Parler de rendement au sujet de toute théorie scientifique me paraît simplement fumeux: Par exemple, l’un des concepts mathématiques fondateur de toute l’électronique moderne – les nombres complexes – est vieux de 5 siècles, excusez du peu. Quel était son « rendement » à l’époque? Quel est-il aujourd’hui? Par ailleurs, quelle « réalité » ce concept mathématique est-il sensé représenter au juste?
Un distinguo à faire, peut-être, entre théories applicatives et théories fondamentales, non? La masse de théories applicatives produites par l’ingénierie (financière comme technique) peut à la rigueur être considérée en terme de rendement, quoi que la chose mérite sans doute d’être discutée.
Les théories fondamentales, pour leur part, sont simplement inqualifiables: On ne peut pas nécessairement mesurer leur qualité à l’instant même de leur formulation, celle-ci pouvant n’apparaître que plus loin dans le temps, à la lumière de nouveaux éléments, et sous réserve que quelqu’un parvienne à en discerner les implications. Pour reprendre l’exemple des nombres complexes, si les mathématiciens s’étaient bornés strictement à modéliser la réalité, nous ne serions pas en train d’en discuter sur ce blog.
Bonjour a tous .A tous moments le vent soufflant sur la girouette celle ci indique une direction,celle ci est une verite ;maintenant quand le vent souffle la girouette indique sa direction la est la realite .La verite n’a pas de consistance elle est le fruit du moment ,de l’epoque ,de la culture ou des elements en presences.Amities
« La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe.
Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique… »
Selon le bouddhisme, il existe 2 sortes de vérité : la vérité relative et la vérité ultime. La vérité relative, ce sont nos concepts (j’ai raison, tu as tort…etc), notre vision personnelle ou collective des choses. La vérité ultime, c’est ce que vous appelez les choses qui sont vraies et ce qui tout simplement existe. La différence tient à la manière d’appréhender les choses, en Occident on réifie les choses par la science en général, en Extrême-Orient la vérité ultime ne peut pas être réifiée sinon on retombe dans la vérité relative.
« le caractère hétéroclite des types de preuve mobilisés [dans la démonstration de Gödel], dont certains seraient considérés par Aristote comme tout juste passables dans le contexte de la conversation courante. »
Mais justement c’est la marque de l’amélioration de la capacité démonstratrice humaine que d’avoir découvert de nouveaux types de preuves — ou plutôt de leur avoir découvert des fondations qui les ont rendues admissibles absolument. Gödel et d’autres disposent de moyens de démonstration plus amples qu’Aristote parce que l’humanité progresse également en raffinant et en élargissant ses pouvoirs démonstratifs, comme elle progresse en amplifiant ses capacités techonologiques. La machinerie de la preuve est une forme de technè appliquée aux opérations de l’esprit, à l’instar des machines physiques qui prolongent et renforcent l’action corporelle ; il ne faut s’étonner que les nôtres soient plus puissantes que celles des Grecs.
Cher Paul,
J’achèterai votre livre car je trouve déjà dans la présentation quelques « réalités » très importantes à dire pour les chercheurs et qui sont pratiquement tues dans la profession. C’est une chose très importante que de débattre du fond philosophique et des contradictions épistémiques de la science actuelle, notamment de la « modélisation » destinée à aider les « décideurs », mythe de plus en plus évident dans ce monde qu’on maîtrise si mal, complexe, systémique (crise), menacé par des phénomènes climatiques, etc. La critique épistémologique débouchera forcément sur l’analyse sociale de la pratique scientifique mais peut-être cela est abordé dans le livre.
De même qu’il existe un observatoire des médias (acrimed) il faudrait un observatoire critique de la Recherche !, en tant qu’instrument majeur du pouvoir dans nos démocraties, pour ramener un peu à la réalité « l’enthousiasme brouillon des savants »… Il faut que ce débat (aussi !) commence, c’est urgent ; car il y a bien évidemment des « rendements décroissants [des] théories » scientifiques, surtout en termes d’utilité sociale et de liens avec la réalité. (En revanche, l’utilité en termes de profits se porte mieux.)
Trois éclairages ou pistes de réflexion sur la construction sociale de la Science :
* Meyer et Rowan décrivent dans un article classique un « découplage » entre l’activité au sein des organisations (savants, décideurs etc.) et la réalité, processus à l’œuvre dans les sociétés modernes, qui se traduit par une fabrication de mythes « d’efficacité » multiples pour légitimer ces organisations. C’est une facette sociale de la construction de la réalité…
J. W. Meyer & B. Rowan, « Institutional organizations: formal structure as myth and ceremony, » American Journal of Sociology, 83 (1977), 340-63. (sur internet)
*Quelle classe sociale « les savants » représentent-ils d’après Bourdieu ? « Dans La Distinction, Bourdieu fait l’analyse du système de classe et fractions de classe qui se disputent les critères apparents de la méritocratie pour se hisser dans la hiérarchie sociale par le fétichisme de la consommation et des loisirs ostentatoires. Il prend pour cible la culture bourgeoise dans ce qu’elle a de légitimant, mais surtout les petits-bourgeois, fraction dominée de la classe dominante, qui imitent servilement des pratiques de vie quotidienne à usage externe qui ne correspondent pas au niveau réel de leurs revenus. » http://archives.univ-lyon2.fr/53/1/addi_l_bourdieu.htm
A propos du niveau réel des revenus, au moins, pas de doute ! Un chargé de recherche en fin de carrière 3000 euros.
*Toujours Bourdieu, à propos des chercheurs : « La dichotomie entre scholarship et commitment rassure le chercheur dans sa bonne conscience car il reçoit l’approbation de la communauté scientifique. C’est comme si les savants se croyaient doublement savants parce qu’ils ne font rien de leur science. Mais quand il s’agit de biologistes, ça peut être criminel. Mais c’est aussi grave quand il s’agit de criminologues. Cette réserve, cette fuite dans la pureté, a des conséquences sociales très graves. Des gens comme moi, payés par l’État pour faire de la recherche, devraient garder soigneusement les résultats de leurs recherches pour leurs collègues ? Il est tout à fait fondamental de donner la priorité de ce qu’on croit être une découverte à la critique des collègues, mais pourquoi leur réserver le savoir collectivement acquis et contrôlé ? »
@Paul :
Je me considère comme « coeur de cible » pour un ouvrage de ce type et me permets donc quelques commentaires sur cette 4ème de couverture, élément important dans l’achat d’un bouquin.
La proposition « La réalité (objective) est elle fille de la vérité aristotélicienne mais résulte sous sa forme moderne d’un coup de force pythagoricien opéré à la Renaissance par les jeunes Turcs de l’astronomie moderne naissante, lassés des interférences de l’Église dans la construction du savoir. » est très prometteuse même si la phrase me paraît un poil lourde. Et « Turcs », est-ce au sens figuré ? Copernic, Tycho-Brahé, Kepler, Galilée ne me paraissent guère Turcs.
« Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible. » : cela est peut-être vrai en en économie, où l’objet observé est lui-même un pur artefact humain construit sur des modèles. En sciences dures cela ne me semble pas applicable : la « réalité » (ou bien ma pensée est-elle contaminée ?) n’ayant que faire de nos modèles se chargera par ses faits bruts d’infirmer ceux qui ne la reflètent pas.
« Les rendements décroissants de leurs théories » : rendement décroissant des théories scientifiques ?? Voilà un postulat un peu dur à admettre au vu des 100 dernières années.
« Un exemple de la tâche à entreprendre est offert par une analyse, à la lumière de l’analytique aristotélicienne, de la démonstration par Kurt Gödel de son théorème d’incomplétude de l’arithmétique : les a priori mystiques en sont soulignés ainsi que le caractère hétéroclite des types de preuve mobilisés, dont certains seraient considérés par Aristote comme tout juste passables dans le contexte de la conversation courante. » : si je comprends bien l’ouvrage propose ce démontage « mystique » de Gödel ? C’est alléchant mais vous vous attaquez à forte partie ! Le mysticisme n’est-il pas plutôt dans l’interprétation que certains ont voulu faire des résultats de Gödel ? Quant au caractère hétéroclite des preuves, il me semble que les mathématiciens justement les honorent (comme celles mobilisées par Wiles pour Fermat) car elles mettent en exergue et exploitent la profonde cohérence de l’ensemble de la construction mathématique.
Veuillez excuser mon outrecuidance alors que j’admire la clarté de votre écriture : j’ai juste essayé de me mettre dans l’état d’esprit de l’acheteur potentiel qui en cinq minutes, debout dans une librairie surpeuplée, son gamin braillant qu’il veut aller faire pipi, parcourt une 4ème de couv’ pour décider s’il ajoute cet ouvrage prometteur à sa pile d’achats.
Deux questions pour lesquelles je n’ai pas de réponse assurée :
1- N’a-t-on pas tendance aujourd’hui à juger de certaines réalités « toutes choses égales par ailleurs » ? Principalement dans le domaine des théories économiques (et sociales ?), pour lesquelles on s’arrange avec des paramètres sous estimés en les niant tout simplement ? Ainsi seraient bâties des théories fonctionnant à merveilles… sur une paillasse de labo, loin de tout parasite ou courant d’air gênant.
2- En sciences dites « dures », n’a-t-on pas démontré avec Poincaré (les trois corps) ou Lorenz (chaos), que la prédictibilité des événements était limité par des données de départ qui seront si ce n’est inconnues, du moins incomplètes ?
Comme me le disait un copain ébéniste « La théorie, c’est pas pratique ».
Paul Jorion écrit : « Ils (les savants) opérèrent à la Renaissance un coup de force épistémologique : ils avancèrent que leurs modèles ne résidaient nullement dans la discursion, dans l’esprit humain, mais au sein de la Réalité-objective qui ne devait pas se concevoir à l’instar de la discursion comme un feuillet intermédiaire entre le monde sensible de l’Existence-empirique et le monde authentique mais inconnaissable de l’Être-donné, mais comme assimilée à ce dernier. La capacité des modèles mathématiques à représenter le monde n’était pas fortuite, affirmèrent-ils ; elle n’était nullement due à la rentabilité du type de stylisation opéré par les mathématiques mais elle était due au fait que la réalité ultime est constituée des objets dont parle le mathématicien : l’Être-donné est fait de nombres ».
On a une dualité : la vérité et la réalité.
Mais la « vérité » au sens grec, l’alètheia, veut dire dévoilement d’un monde, et cette « vérité » est différente de la vérité au sens habituel, i.e. la vérité intérieure. La « vérité », l’alètheia, est vue comme discursion (discours) ou esprit humain, et serait un feuillet intermédiaire entre l’Existence-empirique et l’Être-donné.
On a ici une tripartite : l’existence-empirique, la discursion (l’esprit humain, la vérité) comme feuillet intermédiaire, et l’être-donné.
Je préfère dire – parce que cela me semble plus neutre : l’étant (ce qui est ou les phénomènes), l’être de l’étant, l’être-même.
Mais si l’être de l’étant est discours, cet être de l’étant doit être distingué de l’esprit humain comme vérité intérieure, car le discours qui est dévoilement ou ouverture ou constitution d’un monde, ce discours donc, en tant qu’il est allées et venues et courses de différents côtés, implique le différer et la différence d’une connaissance partagée : conscience comme cum-scientia, science en commun, avec.
Si le discours est La conscience comme cum-scientia, alors cette science en commun se distingue de la subjectivité et de la vérité intérieure, et cette vérité intérieure est dès lors un mode (parmi d’autres) de l’être de l’étant; mais elle n’est pas l’être de l’étant, être de l’étant qui lui est la « vérité » au sens d’alètheia ou ouverture d’un monde (ou encore discours – ainsi toute la philosophie aristotélicienne est basée sur le dire du monde et des choses (« l’étant se dit, etc… »).
Mais au-delà du discours, ou plutôt en deçà, discours qui en tant qu’être de l’étant dévoile un monde de phénomènes ou d’étants (i.e. d’existence-empirique), il y a les mathématiques comme accès à l’être-même (l’Être-donné). Parce que cet être-même ou Être-donné serait nombre, et que les nombres ne se disent pas, mais se calculent, et échappent au discours, alors, comme la figure géométrique, ils ne peuvent que se contempler (Platon). Et cette mathématique est un transcendant ou plutôt elle est un pseudo-transcendant, car elle est ce transcendant qui est le renvoi de l’humain à lui-même (à sa liberté), condition d’un monde humano-humain.
Maintenant est-ce que la réalité est assimilable comme « Réalité-objective » a l’être-même? Mais la réalité, comme objectivé extérieure consensuelle (le principe de réalité), est un autre mode de l’être de l’étant, autrement dit une autre façon pour les choses et le monde d’apparaître. Si ce monde est hypertrophié depuis la Renaissance par le poids du « Réel », c’est parce que ce monde se caractérise par la prédominance du technique ou de l’ustensilité. Ainsi l’ingéniosité, l’ingénierie et l’ingénuité (la liberté de l’ingénu né de parents libres) deviennent le pivot de la modernité. Ingénierie technique sans doute déjà en germe chez Aristote. Ce qui caractérise la modernité c’est donc le primat de la poiésis (technique, faire) sur la praxis (commerce, avoir) et la théoria (science, être). La modernité est le règne du travail qui doit « rendre ».
Un point de vue parmi d’autres, mais je n’ai pas lu le livre seulement l’article du blog.
La forclusion et le refoulement d’une seconde nature humaine et son remplacement par l’ingénierie entraîne par contrecoup une hypertrophie du « Réel ».
@Alotar à 09:41 : Et réciproquement.
@ Lorem Ipsum
Hélas non ! Tous les procédés utilisés par Gödel dans sa démonstration sont connus d’Aristote qui les a répertoriés dans son Analytique, sa Dialectique et sa Rhétorique, où il a évalué leur valeur probante, non pas à partir d’un barème arbitraire mais en les situant au sein de sa théorie du syllogisme quant à la particularité et à la négation au sein des prémisses. De ce point de vue, la démonstration de Gödel est un désastre. Mon apport a consisté à suivre cette démonstration pas-à-pas et à en souligner les forces et les faiblesses, la valeur probante de l’ensemble étant bien entendu celle de son maillon le plus faible. Que ni Gödel, ni ses critiques, n’aient fait le même exercice révèle simplement une régression dans la connaissance : la théorie de la preuve, inventée par Aristote et développée par les Scolastiques, leur est tout simplement inconnue. L’excellent ouvrage de Ladrière : Les limitations internes des formalismes. Étude sur la signification du théorème de Gödel et des théorèmes apparentés dans la théorie des fondements des mathématiques, (Paris : Gauthier-Villars 1957), Paris : Jacques Gabay 1992, sur lequel je m’appuie en partie, et qui analyse l’ensemble des arguments utilisés aussi bien par les partisans du théorème que par ses détracteurs, confirme cette ignorance.
Le cœur de mon analyse se trouve déjà dans Le mathématicien et sa magie : théorème de Gödel et anthropologie des savoirs.
@ Yogi
jeune-turc
n. jeune-turc, jeune-turque (de Jeunes-Turcs, n.pr.), jeunes-turcs, -turques
Personne, souvent assez jeune, qui, dans une organisation politique, est favorable à une action rapide, ferme et volontaire: Les jeunes-turcs du parti.
@ Alexis
Mon maître Georges-Théodule Guilbaud rapportait dans ses cours, quand il parlait de l’approximation en mathématiques, les propos d’un plombier qui à la question : « Combien vaut Ï€ ? », répondait : « Ça dépend du métal ! »
@Paul : Ok, merci pour « jeune-turc » qui, comme le précise la source que vous citez, s’écrit avec cette graphie précise. Mais vu la rareté (de mon point de vue) de l’expression, c’est peut-être un peu hard pour une 4ème de couv, non 😉 ? Par ailleurs j’ignorais vos travaux sur Gödel et vais lire incessament votre article sur la question.
@Paul
d’accord avec Yogi à propos de la rareté de l’expression « jeune-turc ».
Surtout employée pour qualifier la Renaissance occidentale : c’est un coup à se faire vilipender par les anti-Turquie au sein de l’Union européenne !
Cela dit en toute humilité et contrition.
Et voila ! comme toujours, des que la philosophie s’attaque a la science, c’est la catastrophe. Pourtant nous les scientifiques, on laisse bien la philosophie en paix. Alors pourquoi elle, ne nous y laisse pas, en paix ?
Bon, si ce n’est pour l’effet commercial, cette 4eme de couverture émet quelques jugements pour le moins tranches.
Je passe rapidement sur l’idée de « rendement décroissant » des théories scientifiques, que certains lecteurs ont déjà conteste. Il suffira de regarder l’histoire scientifique du 20eme siècle pour se rendre compte que l’humanité a acquis plus de savoir théorique et pratique en 100 ans qu’en 10 000 ans de civilisation. Si cela était faux ou irréel, on s’en serait sans doute déjà rendu compte. Mais nous n’aurions sans doute pas ce débat.
Bref, je préfère me concentrer sur cet incroyable amalgame entre la réalité et sa modélisation théorique. Non, la physique contemporaine n’est victime de rien du tout ! Tous physicien sait très bien qu’il ne fait qu’observer une boite noire qu’il ne pourra jamais ouvrir, point. Un physicien honnête n’osera jamais dire « je sais que c’est vrai », il vous dira plutôt « je sais que ceci n’est pas encore prouve faux », ou « je sais que ceci est déjà prouve faux », et c’est tout. Un physicien ce place toujours dans le contexte d’une théorie particulière pour raisonner, et il sait que cette posture lui impose en-soi des limites. Je dis physicien car il se trouve que j’en connais quelques uns, mais j’aurais pu dire biologiste, chimiste ou ce qu’il vous plaît en fait.
De toute façon comme l’a dit Yogi, la réalité décide bien toute seule a partir d’où telle ou telle théorie commence a ne plus être vraie (cad: commence a émettre des prédictions qui ne sont pas vérifies par les expérience adéquates). La physique a toujours été ce jeu de ping-pong entre théorie et expérience. Ce qui est véritablement remarquable, c’est que la réalité n’est pas complètement chaotique, et qu’elle se laisse justement dompter dans une certaine mesure par la science et son outil mathématique: faites une observation, déduisez en une théorie, prédisez avec celle-ci le résultat d’une nouvelle expérience. Si ça ne marche pas réessayez, si ça marche, vous venez de trouver un domaine de paramètres danslequel votre théorie a un semblant de justesse. Voila l’essence de la physique moderne (depuis grosso-modo Kepler et Newton). Un exemple élémentaire pour enfoncer le clou: lâchez votre gomme au dessus de votre bureau: celle-ci tombe sur votre bureau. relâchez la 5 minutes plus tard, a votre avis, d’après l’expérience précédente, que risque t-il d’arriver ? Remarquez j’aurais pu choisir un autre objet, comme une pomme par exemple. Comprenez bien que les théories physiques ne viennent tangenter la réalité du monde dans lequel nous évoluons qu’en certains points.
Enfin bref, au fond 99% des gens n’ont absolument pas la moindre idée de ce qu’est le point de vue d’un scientifique, et 99.99% n’ont absolument pas les moyens de comprendre les détails techniques de ce qu’un scientifique tenterait de leur expliquer a propos de ses travaux (qu’il soit ingénieur ou chercheur, et sans tomber dans la grande vulgarisation). Dans mon domaine il y a peut être 2000 personnes dans le monde qui comprendraient exactement ce que je fais. Et pourtant nous sommes encercles par la technologie, notre mode de vie moderne repose quasi-entièrement sur les découvertes scientifiques des 5 derniers siècles, mais ça n’empêche pas les gens de cracher sur la science. Oui 3000 euros en fin de carrière, ça fait réfléchir (ou pas !).
Entièrement d’accord avec Tos.
Que signifie, –concrètement–, confondre le modèle et la réalité ? Attribuer des choses à la réalité ?
La science n’affirme rien, elle ne fait que développer des modèles, un point c’est tout.
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@Tos
Justement, Paul essaie de vous expliquer que la science n’ aurait jamais du laisser la philo en Paix !
Cela a l’ air évident pour vous, mais il se peut que sans la comprehension que la verité est relative a un certain cadre et certaines premisses métaphysiques, la science prenne ses « désirs pour des réalités ».
Quand bien même la balle tomberait a la même vitesse et au même endroit 100000 fois, rien n’ aurait prédît a la 101 eme fois que la balle disparaîtrait en même temps que la galaxie, dans un trou noir subitement formé dans l’ univers jumeau, indetectable jusque là…
On ne se trompait pas de beaucoup dans les modèles utilisés jusque là…et pourtant ils étaient salement faux !
La predictibilité d une theorie ne devrait pas avoir l’ importance que vous lui conférez dans la hiérarchie des preuves, surtout si vous vous complaisez a ignorer l’ apport de la philosophie.
Ecoutons St Thomas d’Aquin: » L’Art est l’imitation de la Nature DANS SA FACON D’OPERER: L’Art est le PRINCIPE de toute manufacture. » (Les capitales sont de mon fait à l’exception des mots Art et Nature) Il faut assurément entendre « manufacture » dans son sens vrai, réel -« fait à la main »-, et non dans son synonyme moderne, contraire, faux,irréel : »industriel ».
« La vérité évoque les choses qui sont vraies »
Ben il faut oser !
Et la fausseté évoque les choses qui sont fausses !
« tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe. »
la réalité évoque les choses qui sont réelles !
Non ?
Heureusement qu’on a bousillé l’église chrétienne et ses dogmes pour aboutir à ça !
Je t’aime quand même Paul mais remet ces idioties soixante-huit-ardes dans ta culotte.
Plz…
Shiva
@ Shiva
Tu n’as pas compris que j’écris cela pour m’en moquer ? Prends ton temps ! Relis tout cela à tête reposée, relax Max !
PS : les émotikon ne sont pas autorisés en 4e de couverture. Va savoir pourquoi.
@ Paul,
A propos de Jean Ladrière, son introduction à l’ouvrage de Jean Claude Schotte « La raison éclatée » vaut le détour!
le pb de la philo c’est qu’il n’est de sciences qu’ à ses dépens.
Y a-t-il ici encore quelqu’un pour philosopher sur l’air la terre l’eau et le feu?
Bon d’accord reste la philosophie du langage du droit la philosophie politique la philosophie de la science etc, mais qu’en restera-t-il quand les sciences humaines seront des sciences où ce concept ne sera pas usurpé? Rien? une façon particulière de présenter le Tout?
Tiens oui… on y arrive : Paul Jorion lit Jean Ladrière qui préface Jean-Claude Schotte. Et si Paul Jorion lisait Jean-Claude Schotte ?
« les choses qui sont vraies » :
Cela nous paraît une évidence, mais c’est justement tout le propos de Paul que de montrer que tel n’est pas le cas, puisqu’en Extrême-Orient, et tout particulièrement en Chine, la perspective est bien différente.
Dire qu’il y a des choses qui sont vraies suppose dans l’optique artistotélicienne qu’il y a des choses fausses, en soi, ce qui peut être démontré, notamment au moyen du fameux syllogisme, lui-même résultant de la dissymétrie des idées mis en exergue par Paul.
IL y eut bien, en Chine antique, une Ecole des noms qui s’attachait à montrer l’adéquation des mots aux choses, et qui donc se préoccupait du problème de vérité, mais l’adéquation à l’objet y est alors appréhendée en fonction d’une situation et du moment.
Dans un monde en procès, le monde chinois, connaître les choses du monde c’est interagir au mieux avec le monde, qu’il s’agisse de la moralité, du politique ou encore de l’artistique ou du médical. Avec Platon et Aristote les choses sont bien différentes il s’agit de se dégager de l’apparence des choses sensibles pour trouver une vérité objective. ON se sépare du monde visible pour y revenir après le détour par la démonstration dans le monde des idées. A l’inverse, dans la pensée chinoise, l’humain fait corps avec le monde de façon à se tenir au plus près de ses transformations et se rendre ainsi plus efficace. En cela certains ont pu caractériser la civilisation chinoise par son a priori moral, tandis que la civilisation occidentale serait axée sur la connaissance objective. (Ce qui n’implique nullement que les chinois soient incapables de science. Une spécialiste, française, mathématicienne et sinologue, Karine Chemla s’est ainsi attachée à caractériser la spécificité de la mathématique chinoise.)
Ce qui représente donc pour nous des idées n’en sont plus pour les penseurs chnois, puisque les idées sont co-extensives au procès du monde alors que, chez nous, elles « vivent leur vie », en dehors de lui, d’où certaines aberrations lorsque modèle et réalité sont confondus.
Notons aussi que dans « existence » il y a le préfixe « ex » qui désigne une sortie, une extériorité, hors de. En usant d’un raccourci : nous existons, les chinois vivent. Nous sommes du monde et en même temps hors de lui sur un plan des idées. Ce type de réalité, objective, en tant qu’ex-sistence n’a pas de sens dans l’univers chinois. Si nous nous plaçons d’un point de vue comparatiste, nous sommes néanmoins bien obligés de parler de réalité aussi bien pour la pensée philosophique occidentale que pour celle des penseurs chinois. Pour un chinois de l’antiquité ce que nous désignons par réalité n’avait certes pas de sens, mais rien ne nous empêche d’appréhender certains faits et traits de cette chine ancienne — y compris donc ses pensées — dans le cadre intellectuel impliqué par la notion de réalité objective. Si tel n’était pas le cas, plus aucune pensée ne pourrait s’échanger d’un monde un l’autre. La réalité chinoise brille donc par son absence, celle d’une réalité indépendante, pensée en tant que telle. A l’inverse, en « occident », la « réalité », objet constitué, nous parle de ce qui existe, c’est à dire ce qui est à part soi.
Autre chose à laquelle nous ne pensons guère, c’est que la subjectivité que nous opposons souvent à l’objectivité sont en réalité les deux faces d’une même réalité plus globale, celle de notre univers d’occidental. Or ni l’une ni l’autre de ces deux notions n’existaient dans la pensée chinoise antique. La subjectivité ne renvoie donc pas seulement à la psychologie, mais c’est un aspect impliqué par l’idée d’objectivité. Bon je m’égare peut-être un peu, en tous cas il serait intéressait de savoir si ces deux notions occidentales sont apparues au même moment dans l’histoire des idées, ce afin d’objectiver le phénomène !
tout ça pour ça, je sais pas si mon développent sera bien utile, tout est dans les billets de Paul, en mieux dit et plus clair.
Relisez les anciens billets sur « comment la réalité fut inventée ».
Quand Paul dit « débarrasser l’entreprise de construction de la connaissance du mysticisme mathématique dont ils avaient fait leur principale arme de guerre dans le combat qu’ils menèrent victorieusement contre l’Église » je retrouve la logique défendue par John Saul (« Les bâtards de Voltaire »). Au départ d’un objectif pertinent, l’abus de raison raisonnante (dont les mathématiques sont le sommet) nous a amené à créer des humains de plus en plus inaccessibles au monde sensible. Certes, une conséquence est la perte d’efficacité dans la quête de la connaissance mais, à mon estime, une tout aussi grave nuisance est le malheur que cela a suscité chez des êtres coupés en deux (au minimum) et dont les deux parties communiquent de plus en plus mal. Si « le sommeil de la raison crée des monstres » la dictature de la raison n’est pas mal non plus en cette matière.
Toujours la question de l’ange (âme subtile) et de la bête (corps désirant) qui se disputent le leadership. Et comme les anges sont des esprits, il aurait dû être évident pour les participants au Concile qu’ils ne pouvaient avoir de sexe…
J’ai lu il y a longtemps de cela « Les somnambules » d’Arthur Koestler et « Du monde clos à l’univers infini » d’Alexandre Koyré et s’il y a bien quelque chose que ces deux ouvrages font sentir, c’est la somme d’efforts surhumains que les fondateurs de la science classique ont dû déployer pour s’extraire enfin des prémisses aristotéliciennes, et notamment la hiérarchie entre monde lunaire et sub-lunaire, la primauté donnée au repos et au mouvement circulaire, l’inexistence du vide etc. Ce fut une très grande aventure de l’esprit, et la réussite extraordinaire de cette démarche s’est sans doute soldée par une attitude arrogante à l’égard d’autres approches (cataloguées comme non-scientifiques) et par une confiance exagérée dans le traitement mathématique des phénomènes. Isabelle Stengers en parle longuement dans son livre « La vierge et le neutrino », notamment en ce qui concerne l’apport de Galilée.
@Eugène: moi je crois que ce que vous appellez « science » n’est qu’une position philosophique parmi d’autres. D’ailleurs dans la reine des sciences, la physique, les débats philosophiques font encore rage. Il suffit de lire ou relire les ouvrages de Einstein, Bohr et autres (que j’ai à peine lu et sans toujours comprendre, mais j’ai bien compris qu’il s’agissait encore entre eux de philosophie).
La posture très universitaire de certains membres des sciences humaines faisant un gros complexe (de supériorité ou d’infériorité?) vis-à-vis de la philo me gonfle un peu, à vrai dire.
Autrefois, on appelait philosophe aussi bien un Newton qu’un théologien. Et cela me semble beaucoup plus juste.
@Moi
Oui. Pascal, Descartes, Leibniz sont également à compter au nombre de ceux ayant œuvré aussi bien dans les sciences que dans la philosophie.
La raison en est simple. Les uns comme les autres discutent autour d’un même thème, à savoir l’explication du monde. Tandis que les uns tentent répondre à la question « pourquoi? », les autres s’affairent à répondre au « comment? », le glissement de l’une à l’autre de ces questions n’étant pas exclus.
@ Pierre-Yves D.
Comme vous le dites, votre commentaire est en effet un excellent résumé de ce que j’ai expliqué dans des articles et des billets précédents. Maintenant sur le point suivant :
C’est une question qui est également discutée dans le livre. Voici le principal passage qui y est consacré :
« Il me faut encore, pour clore ce chapitre, dire pourquoi le coup de force pythagoricien put réussir, au moment où il intervint, à savoir au XVIe siècle, à mettre sur la touche le métaphysicien. Pour la première fois, en effet, l’exaspération semble se concrétiser en un passage à l’acte. Mais il y a là sans doute une illusion rétrospective due au fait que l’histoire de la physique fait aujourd’hui partie de l’imaginaire populaire (parce que la science est devenue la religion du savoir scolaire). Des tentatives isolées de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point, la scolastique en est pleine (et l’exemple en avait été donné par Socrate lui-même, comme le rappelle splendidement Hegel quand il affirme que, oui, « Socrate est bien ce héros qui mit à la place de l’oracle de Delphes le principe que l’homme doit se sonder lui-même pour savoir ce qu’est la Vérité ») ; mais, comme il ne s’agit alors que de la logique et de la théologie, les querelles qui animèrent, par exemple, la Sorbonne au XIVe siècle, n’intéressent plus guère que les historiens, et les incartades individuelles n’ont pas pris force d’événement pour la pensée contemporaine ordinaire.
Plus pertinente pour ce qui nous occupe ici est la montée du protestantisme, qui, puisqu’il implique une relation directe entre la personne et la divinité, n’est pas sans rapport avec la volonté de s’autoriser de soi-même. Mais le protestantisme ne précède que de peu l’invention de la Réalité-objective et se révélera, à quelques nuances près, sans incidence sur la science galiléenne, qui se développera aussi bien dans les pays de Réforme que de Contre-Réforme. Reijer Hooykaas montre, par exemple, dans son Religion and the Rise of Modern Science comment le soutien à Copernic se développe en ignorant la barrière des religions. Le protestantisme est bien plutôt un autre symptôme du courant intellectuel qui produira également l’invention de la Réalité-objective.
Ce qui est remarquable dans le tournant de la fin du XVIe siècle, ce n’est pas son caractère pythagoricien, dont on a vu qu’il est « logique » dans la mesure où les mathématiques peuvent se prévaloir d’une « vérité » intrinsèque en raison de la rigueur et de la nécessité de ses enchaînements, c’est le fait qu’il existe alors une proportion suffisante de scientifiques de premier plan qui soient prêts à sauter le pas.
L’anthropologue ne peut s’empêcher alors de penser à un phénomène propre à ces sociétés où la personnalité n’a pas, en règle générale, pour réceptacle, comme chez nous aujourd’hui, l’individu singulier, mais un groupe plus large, en général fondé sur l’identité substantielle attachée à la parenté. Dans ces sociétés l’individuation de la personne ne touche qu’un nombre restreint de membres de la communauté, ceux qui peuvent s’identifier à un destin singulier, ou bien n’intervient dans la vie de l’individu qu’à certains moments, et s’exprime alors dans une parole qui attribue les sentiments subjectifs liés à l’individuation (un basculement « paranoïaque ») à l’ensorcellement.
Les données historiques suggèrent que l’individuation généralisée (qu’il faut se garder de confondre avec l’individualisme) peut apparaître à certains moments de l’histoire d’une société. Sa présence dans l’Antiquité, suivie de sa disparition au bas Moyen Âge, rappelle que le mouvement n’est pas nécessairement irréversible. L’individuation trouve un facteur favorisant dans la solution de continuité qui apparaît dans le tissu social lorsque les enfants cessent de remplacer automatiquement leurs parents dans le processus de travail de la ferme ou, d’une manière générale, de l’unité de production familiale. Une démographie soudain plus favorable, en raison d’une meilleure alimentation ou d’une meilleure hygiène, obligera d’écarter un certain nombre d’enfants surnuméraires, que la ville pourra éventuellement absorber. L’urbanisation, dans la mesure où elle diversifie les activités, favorise l’apparition de stratégies de vie concurrentes, créant ainsi les conditions de l’individuation.
Or, ce que Lacan a décrit comme le « stade du miroir », c’est très exactement l’individuation généralisée dans ses effets subjectifs. Je rappelle que le stade du miroir manifeste « le dynamisme affectif par où le sujet s’identifie primordialement à la Gestalt visuelle de son propre corps : elle est, par rapport à l’incoordination encore très profonde de sa propre motricité, unité idéale, imago salutaire ; elle est valorisée de toute la détresse originelle, liée à la discordance intra-organique et relationnelle du petit d’hommes, durant les six premiers mois, où il porte les signes neurologiques et humoraux d’une prématuration natale physiologique ».
Ce qui caractérise le sujet humain, dont le stade du miroir contribue de manière décisive à la constitution, est la nature proprement imaginaire du moi qui lui servira de référent lorsqu’il aura à invoquer sa propre personne : « Il […] suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme : à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image dont la prédestination à cet effet de phase est suffisamment indiquée par l’usage, dans la théorie du terme antique d’imago. […] La fonction du stade du miroir s’avère pour nous […] comme un cas particulier de la fonction de l’imago, qui est d’établir une relation de l’organisme à sa réalité – ou, comme on dit, de l’Innenwelt à l’Umwelt. »
Cette confusion d’un imaginaire (d’un modèle), l’enfant qui s’identifie à son image dans le miroir, avec un réel, le sujet humain qu’il est en réalité, peut être reconnue comme « méconnaissance constitutive du moi » : « […] cette forme (imaginaire) situe l’instance du moi, dès avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction, à jamais irréductible pour le seul individu. »
Il n’est sans doute pas nécessaire d’insister sur l’homologie qui existe entre l’invention de la Réalité-objective et la définition que je viens de rappeler du stade du miroir. Dans un cas comme dans l’autre on a affaire à une méconnaissance résultant de la confusion d’une forme fictive et proprement « imaginaire » (ici le modèle, là la Gestalt du corps) avec un réel. Dans le texte « Stade du miroir comme formateur du Je » (1949), Lacan considère le stade du miroir comme propre à l’espèce. On sait cependant aujourd’hui que, semblable en cela au petit chimpanzé, l’enfant autiste ne s’identifie pas à son image au miroir et que le processus n’est donc pas « spécifique » au sens d’inéluctable pour tout membre de l’espèce. Dans un autre texte, Lacan devait cependant suggérer au contraire une origine historique et culturelle au stade du miroir : « Qui, sinon nous, remettra en question le statut objectif de ce “je”, qu’une évolution historique propre à notre culture tend à confondre avec le sujet ? »
Il est peut être alors permis de penser que si une génération de savants accepte au tournant du XVIIe siècle d’abandonner toute prudence épistémologique en confondant un espace de modélisation fictif avec un réel, cet événement n’est pas sans rapport avec un processus d’individuation généralisé dont la caractéristique est précisément de constituer le sujet sur la méprise qui lui fait prendre la fiction qu’est son image au miroir pour son propre réel. Si, d’une part, l’individuation généralisée encourage le savant à « ruer dans les brancards » en ne s’autorisant que de lui-même, est-il possible, d’autre part, qu’étant pris au leurre de la constitution imaginaire du moi, il en vienne à considérer la « prise au sérieux » du fictif comme de l’ordre du raisonnable ?
Un autre rapprochement s’impose. Une des caractéristiques majeures de la science moderne est son objectivisme ; je n’en ai pas parlé ici car nous pouvions nous en passer aisément. La séparation du sujet (observant) et de l’objet (observé) était encore étrangère à des hommes de la Renaissance comme Jérôme Cardan ou Paracelse ; elle s’opérerait d’ailleurs bien plus aisément dans le domaine de l’astronomie que dans celui de la médecine (comme théorie de l’art de guérir). Cette acceptation de l’objectivisme, qui nous paraît aujourd’hui évidente, puisqu’il fait partie de l’horizon cognitif du monde où nous sommes nés, ne l’était nullement dans un monde socialement plus proche du communautaire et dont le « mythe » comprenait une foule d’« incorporels » disposés à répondre aux sollicitations des êtres humains.
Une autre caractéristique majeure de la science moderne, que j’ai cette fois longuement évoquée, est la mise entre parenthèses de la nature consensuelle du savoir qui s’opère quand l’astronome évince le physicien. Il y aura encore, comme avant, accord consensuel au sein de la communauté scientifique pour tout ce qui touche à des choix métaphysiques, mais il s’agira désormais de ce qu’on appelle un « effet sociologique » pour souligner qu’il n’apparaît pas à la conscience des acteurs, alors qu’auparavant, comme on l’a vu, la nature consensuelle de l’accord sur l’explication (que symbolisait le dialogue obligé « astronome/physicien ») faisait partie de la règle explicite du jeu, et était à ce titre présente à la conscience des acteurs.
Qu’il s’agisse donc de l’objectivisme ou de la disparition d’une conscience de la nature consensuelle du savoir, il s’agit toujours d’une double forclusion, celle du rapport immédiat d’« un vivant avec le vivant » et celle de la réalité intersubjective du « désir du désir » dans la constitution du savoir, ou, en d’autres termes, et dans ce cas comme dans l’autre, d’une illusion d’autonomie. Or, ce sont précisément là les mots qu’utilise encore Lacan pour caractériser l’effet des « méconnaissances constitutives du moi ».
J’avance bien sûr ici en terrain incertain, celui d’une « métapsychologie historique » censée refléter un ensemble complexe de conditions politico-socio-économiques, et je la mets en rapport avec le développement interne du savoir, sous les formes successives de la science prégaliléenne, puis galiléenne. Ceci peut évoquer une problématique proche de celle de Michel Foucault lorsqu’il révèle, dans son « archéologie du savoir », les strates que constituent des épistémès successives. Le complexe de « connaissance/méconnaissance » que constitue une épistémè porte non seulement sur un ensemble de représentations mais aussi sur le sujet producteur de ces représentations lui-même. Une archéologie est bien sûr résolument héraclitéenne, car s’il est concevable que le savoir su revienne de façon cyclique, le sujet sachant, lui, ne le fera jamais. Il n’y a pas de « retour à… » qui soit un réel retour ; et la « clôture de la métaphysique » apparaît bien relative, puisque, si le savoir su peut demeurer immuable dans les mots où il s’écrit, le sujet sachant porteur du (et porté par le) sens des mots, poursuivra toujours sa fuite en avant.
Lacan écrivait de la psychanalyse que « son action thérapeutique […] doit être définie essentiellement comme un double mouvement par où l’image, d’abord diffuse et brisée, est régressivement assimilée au réel, pour être progressivement désassimilée du réel, c’est-à-dire restaurée dans sa réalité propre ».
J’ai présenté ici l’invention de la Réalité-objective comme assimilation régressive de l’image au réel. L’effort d’élucidation qui est le mien quand j’analyse cette invention entend contribuer à la désassimilation progressive du réel en vue de sa restauration « dans sa réalité propre » d’espace de modélisation. C’est notre rapport ici au savoir en tant que reflux de la méconnaissance. »
« Des tentatives isolées de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point, la scolastique en est pleine ». La question est en fait centrée sur l’expression « soi-même » (la quiddité du soi-même ?), ce quelle recouvre exactement. Il y a là un point de bifurcation.
L’individuation trouve sa cause dans un facteur exogène, social, historique, économique… Quand ce facteur cesse l’individuation cesse donc aussi. L’individuation est fondée sur une identité conventionnelle et arbitraire pour laquelle la conscience de la personne (personne réceptacle de cette individuation) n’intervient pas ou peu. Un rôle est attribué à la personne, rôle qui est assumé (joué) indépendamment et quelle que soit l’intensité du rapport réflexif à lui-même qui caractérise la conscience. L’individuation peut favoriser le développement de ce rapport, mais la conscience est bien sûr préexistante à l’individuation. La plupart des personnes endossent des rôles sans même en avoir.. conscience.
L’individuation aurait donc eu comme effet (un développement logique du subjectivisme ?) de confondre, dans la prétention du savant « un espace de modélisation fictif avec un réel ». Ce qui suppose que cet espace de modélisation soit d’une nature différente de celle d’un réel. A défaut de pouvoir définir ce qu’est un « réel » et ce qui est fictif, et ce qui est raisonnable, il faut chercher ailleurs le facteur différenciant.
S’agissant d’un petit d’homme de moins de six mois, l’appellation « sujet » semble exagérée même si l’on peut dire que le nourrisson de cet âge est porteur dèjà d’une forme d’identité héréditaire. Il existe quelque chose dans l’enfant, une force, une pulsion, une dynamique qui l’incline à former une identité, qu’il formera dans les retours qu’il recevra de ses actions sur son environnement immédiat. Mais là aussi, cette chose qui le meut dans cette direction, est préexistante aux conséquences de ce mouvement (l’ébauche de la création d’un moi, le début d’une subjectivité). L’apparition de ce moi, évidemment imaginaire, cette fiction (que l’on ait six mois ou 48 ans), est essentielle puisqu’elle est une étape indispensable, la partie d’un long processus, qui aboutira à renforcer ce rapport réflexif de l’individu à lui-même et le développement d’une conscience qui débordera largement le moi factice des origines.
L’illusion d’autonomie est le propre du sujet (ou d’une collectivité de sujets), du « je ». Là aussi, que ces créations n’aient pas de consistance ontologique n’enlève rien à l’intérêt du processus en œuvre, celui d’une conscience qui cherche à frayer son chemin. C’est précisément cette conscience sans forme et sans mots qui dévoile la nature peu crédible du « je ». La conscience ne nie rien, mais elle n’a que faire du moi. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas un moi en bonne santé, même ontologiquement inexistant, pour qu’elle se développe.
@Boukovski :
Bien que manquant de pertinence a ce « niveau » , j’ aime bien votre approche qui me rappelle celle de Goffman :
//// L’individuation peut favoriser le développement de ce rapport, mais la conscience est bien sûr préexistante à l’individuation. La plupart des personnes endossent des rôles sans même en avoir.. conscience. /////
A mon petit niveau , il me semble que d’approcher ces questions essentielles par les causes historiques :…. la sociologie , éthologie etc … nous offre plus d’ objectivité que par l’ approche psychologique … qui est faussée par de nombreuses itérations en « rebonds » .
S’ il y a de l’ objectivité ds la subjectivité qui participe a cette subjectivation ( Bourdieu) ….on ne peut guere en tirer quelque chose .
J’ ai une vision assez réductrice /simpliste qui peut avoir un interet :
– L’animal social bien que développant un niveau cognitif non négligeable ( K. Lorenz) , se statisfait de « RITES » et de leur respect pour maintenir la cohésion sociale ( inhibition de l’ agressivité intra-spé)
-Le développement cognitif propre a l’ espece humaine , dépassant ce niveau d’ équilibre, il faut d’ autres « Raisons » pour maintenir un comportemental qui DOIT s’opposer a la « RAISON » ( trop opportuniste)……d’ ou un développement du Religieux …
– Le Religieux n’ est plus suffisant pour justifier cette rigidité comportementale …..le « Scientisme » prend le relais ( Religion de la civilisation en terme organicisme .)
Paul Jorion pose la question de l’objectivité et de ses conditions. Remarquant, après Marx, que l’individu est une création historique, comment pourrait-il (= l’individu, le sujet) être ce qui garantit cette objectivité (comme dans toutes les métaphysiques de la conscience), si les conditions-mêmes qui la garantissent, à savoir l’existence de l’individu (ou du sujet), sont contingentes ? De là, et apparemment, soit le problème n’a pas de sens (= scepticisme, car il n’y a aucun raison de croire que le pur hasard historique pourrait être la condition d’accès au vrai), soit il n’a qu’un sens très relatif (= relativisme, le vrai n’est pas indépendant d’un contexte historique ou culturel d’énonciation).
Raison pour laquelle, si on veut éviter certaines formes de relativisme ou de scepticisme, du moins les plus radicales et inconséquentes, il faut considérer la question de l’objectivité, à savoir aussi les questions qui lui sont liées, celle relative à la réalité et à la vérité, dans une perspective différente, en faisant, un peu comme Castoriadis, de celles-ci des créations historiques. Non que ces questions n’aient aucun sens dans les autres sociétés, puisqu’elles ne méconnaissent pas le mensonge, l’illusion ou l’erreur, mais parce qu’elles n’y sont pas posées dans le même horizon : à savoir le logon didonai, « rendre compte et raison », justifier de manière rationnelle ce qu’on avance.
Cependant, comme le remarque Paul Jorion, la question de l’objectivité n’en reste pas moins historiquement liée à, ou concomitante ou contemporaine de, l’émergence de l’individu, que ce soit en Grèce ou en Europe occidentale.
Pour autant ici, plusieurs difficultés apparaissent (je me contenterai d’en considérer deux) : la première est que la démarche socratique n’est pas une tentative plus ou moins isolées « de s’autoriser de soi-même sur tel ou tel point ». Elle n’a de sens que sur un fond qui la dépasse, raison pour laquelle, et à juste titre, Paul Jorion rappelle que reconnaître l’existence de l’individu n’implique pas un individualisme, en un quelconque sens (méthodologique ou ontologique). Le fond ici, ce n’est pas tant la parole individuelle, c’est ce qu’elle signifie, explicitement ou pas (c’est sans importance), à savoir que la question est ouverte concernant ce qui est ou ce qui est vrai. Autrement dit, ce que la parole socratique signifie, c’est la possibilité ouverte par d’autres de mise en cause des idoles, de la ou des seules paroles autorisées, plus généralement des institutions. C’est pourquoi ce n’est pas tant que le sujet ou l’individu soit le lieu ou le point de départ d’énonciation du vrai, c’est surtout qu’il n’y en a plus qui puisse être privilégié (= la sophistique). Ce n’est pas tant que le sujet ou l’individu soit nécessairement privilégié, c’est surtout le ‘on’ qui est déprécié, ou décentré du lieu d’énonciation d’où il prétendait naturellement parler (les experts aujourd’hui, les prêtres autrefois), à savoir la supposée autorité des choses qui ne sont dites par personne – comme dans l’argument d’autorité, où seul le nom fait office d’argument.
La deuxième difficulté est que, chez Descartes, ou d’autres après, ce qui fonde l’objectivité de la subjectivité est en dernière analyse Dieu, ou, si l’on veut, l’Autre. Car le sujet cartésien se veut un sujet universel, donc ce qu’il y a en chacun, peut-être paradoxalement, de plus impersonnel : on cherche en soi les conditions du vrai, en tant qu’on les suppose identique chez chacun, la clarté et la distinction en étant les signes. Pour autant, comme, de plus, toute rationalité est normativité, la communauté des savants, comme le remarquait Descombes, ne sera jamais que la communauté des gens de bonne volonté.
Tant qu’il y a de la « bonne » volonté , ça autorise des » justes » titres .
Votre style est vraiment trop lourd pour moi … je ne pense pas que j’achèterai vos prochains livres (je n’ai d’ailleurs pas réussi à dépasser la page 13 – Introduction – de « l’Implosion » )
Vrai sceptique … faus septique, qui n’a d’ailleurs jamais eu besoin de faire de psychanalyse!
Vrai sceptique … faus septique
C’est dommage, vous feriez un très bon psychanalyste : vous avez le sens des effets de glissement du signifiant.
Tout ce qui vous semble « vrai » ne l’est qu’à l’aune de votre propre raisonnement et de vos pré supposés
Tout ce qui vous semble « réalité » ne l’est que parce que vos capteurs sont programmés dans certaines zones de fréquences et que cerveau est programmé pour fabriquer une image de ce que vous pensez être la réalité.
Il n’y a sans doute pas de « réalité absolue », même dans le monde physique: pensez seulement à ce que serait votre « réalité du monde » si vos capteurs visuels (vos yeux) étaient sensibles à des gammes de fréquences différentes.
C’est très prétentieux de penser qu’on puisse atteindre la vérité et la réalité.
Quand aux logiques: aristotéliciennes, non aristotéliciennes, 2, 3, 4 ou plus de valeurs de vérité ???? va savoir…
Mais c’est tellement plus simple de penser que l’homme est l’aboutissement de la création et que la force de sa pensée et de ses raisonnements lui permets de « comprendre le monde » et même de « voir le monde »…
Ouf… je n’écrirai plus avant une semaine!
Vrai sceptique … faus septique… qui marche sur du sable mouvant
@Septique : « Votre style est vraiment trop lourd pour moi … je ne pense pas que j’achèterai vos prochains livres »
Plongeons-nous directement dans Aristote, c’est beaucoup plus léger et digeste… 🙂
Phantasia, imago et imagination, de la même racine que phainomenon, etc. Signifie chez Aristote image ou imagination, sans distinction entre l’image-reproduction et l’image-innovation. Tant que la psychologie s’intéressait seulement à distinguer les opérations sensitives et l’entendement, la distinction entre les images copies et les images neuves était d’importance minime. Elle se faisait d’ailleurs, à l’exemple d’Aristote, en attribuant à la mémoire ce qui dans l’image était reproduction. (Cf. le début du peri mnêmès.)
Il y a cependant, dès le XVIIième siècle, une tendance à spécialiser fantaisie : « Una et eadem est vis quae, si se applicet cum imaginatione ad sensum communem, dicitur videre, tangere, etc. ; si ad imaginationem solam ut diversis figuris indutam, dicitur reminisci ; si ad eadem ut novas fingat, dicitur imaginari vel concipere… Proprie autem ingenium appellatur quum modo ideas in phantasia novas format, modo jam factis incumbit, etc. » Descartes, Regulae, XII.
Trad. : C’est une seule et même puissance qui, si elle s’applique avec l’imagination au sens commun est dite voir, toucher, etc. ; si elle s’applique à l’imagination seule, en tant qu’elle revêt diverses figures, est dite se souvenir ; si elle s’y applique pour en former de nouvelles, elle est dite imaginer ou concevoir… Mais on l’appelle proprement l’esprit {traduction de ingenium ?}, lorsque tantôt elle forme de nouvelles idées dans la fantaisie, tantôt elle s’applique à celles qui sont déjà formées, etc.
Ces trois paragraphes ci-dessus pompés du Vocabulaire Lalande.
Donc, émergence de l’imagination comme ingenium. L’humain par la technique (l’ingénierie) se fabrique lui-même, il se figure lui-même et son monde (qui est son reflet – dont il se forclôt en le constituant comme « Réel »), tout en donnant son congé à une seconde nature (qui s’artificialise). D’où obnubilation et fixation sur le Réel par défaut d’une seconde nature – qui autrement fait office de fondement. La forclusion d’une seconde nature humaine est ce qui caractérise les errements de la modernité occidentale et son incapacité à rencontrer ce qui lui est autre.
Si je considère la Terre comme le lieu où je vis, alors elle est plate, pas ronde. Cependant, les images de la Terre vue de l’espace prouvent que la réalité-objective de sa rotondité est plus qu’une image, mais une réalité tout court qui s’impose à toute l’humanité. Le réel a certes sa « réalité propre », mais les images que nous produisons aussi : intimement imbriquées dans le réel dont elles proviennent, (via les constructions intellectuelles et les instruments scientifiques), elles n’en sont plus séparables. Le « reflux de la méconnaissance » exige, non pas plus de rationalisme aristotélicien, mais la prise en compte de l’inter-subjectivité des personnes dans laquelle la connaissance prend naissance. On pourrait considérer cette inter-subjectivité comme un espace discret, (ou fractal, pour être à la mode), le lieu où tout ce qui est connaissance existe. « Ainsi tout le monde admet que ce qui est, est en quelque lieu de l’espace, et que ce qui n’est pas n’est nulle part; car où sont, par exemple, le bouc-cerf et le sphinx? » (Aristote, Physique, livre IV) Tant que « l’espace de modélisation » ne sera qu’une vue de l’esprit, (une de plus), la « thérapie » dont ont besoin la science et la société ne fonctionnera jamais.
@ Moi,
– Je ne suis pas universitaire mais utilisateur d’une théorie anthropologique conçue par d’autres (Gagnepain en l’occurrence avec O.sabouraud, et tous les jeunes thésards de l’époque – d’autres depuis – qui ont accompagné leurs travaux) bien qu’ayant trouvé une application d’un des modèles – à institutionaliser demain si…. – là où les chercheurs officiels n’en ont pas permettant d’expérimenter à ce niveau de couplage politique et morale! Va comprendre! je suis moi-même dépassé par ce qui m’arrive!
-Ma position qt au concept de science n’a rien a voir avec la philosophie mais est empruntée à cette même théorie. Ce qui peut par contre te donner l’impression que ma position est philosophique tient au fait que dans le cadre de la théorie de la médiation, science et empirie sont nettement distinguées (de relever chacune en l’homme d’une rationalité spécifique à savoir glossologie et ergologie**) là où dans la majorité des cas il faut le plus souvent comprendre technoscience sous le mot science; ce qui me fait donc expliquer ce concept sans avoir besoin de recourir à autre chose que du langage lui-même, d’où l’aspect bla-bla verbeux.
– Tu peux par contre très facilement repérer dans les commentaires faits ici par les scientifiques – plutôt d’origine qu’on dit « sciences dures » – qu’ils sont parfaitement conscients du fait que la véracité de ce qu’ils construisent-vérifient-trouvent est toujours à l’intérieur d’un cadre théorique;; même quand ils sont aux limites, et il y sont d’ailleurs d’autant plus sensibles que chercher c’est toujours se frotter à la limite d’une théorie !
**
Un atechnique, après un anévrisme ou une autre galère neurologique ne pourra même plus se servir de l’outil « crayon-papier », combien même sa faculté de langage serait intacte. Comment pourrait-il dans ces conditions écrire la moindre équation donc faire apparaitre des relations que le seul langage est bien incapable de faire émerger?
C’était Dissonnance je crois qui prenait l’exemple des nombres complexes: ‘i’, nombre imaginaire pur: on ne voit pas trop à quoi çà pourrait bien servir! mais ‘i’ au carré(=-1) çà devient intéressant; et ‘i’ puissance 4(= +1); du coup tu refais apparaitre du réel mesurable via l’invention d’un concept d’une part (‘les nombres complexes’), ET d’autre part le fait qu’il s’écrive.
Symétriquement, un pur aphasique sera très gêné par les questions relevant du seul langage oral, mais tu vois bien que devant un raisonnement scientifique supposant rigueur des concepts il sera très vite largué. Il sera donc également gêné dans la lecture d’écrits ‘scientifique’, mais ce n’est pas tant le graphisme qui lui posera problème comme pour l’atechnique antérieur, mais cette fois d’abord les concepts – dont il aperdu une des clefs d’analyse – et la nécessité d’y percevoir des relations logiques!
Si j’ajoute les deux autres rationalités mises en évidence par la théorie de la médiation (sociologie et axiologie) j’ai cette fois sous les yeux un débat où chacun joue sa partition pour justifier son job (question sociologique) et tenter de faire valoir son point de vue pour … perdre? … non gagner bien sûr (question axiologique).
Tu vois du coup se déployer incidemment toute la perspective d’une conception anthropologique de l’humain qui, de mon point de vue, mériterait être la moins inconsciente possible compte tenu des enjeux auxquels différentes crises simultanées nous convoquent, ne serait-ce que pour appréhender le point commun qui les relie lorsqu’on prétend s’attaquer avec méthode aux failles de ce qui a constitué l’édifice occidental de ces 5 (ou 25) derniers siècles!
@Eugène: « qu’ils sont parfaitement conscients du fait que la véracité de ce qu’ils construisent-vérifient-trouvent est toujours à l’intérieur d’un cadre théorique »
Tout à fait. Et s’ils en sont conscients, ils questionnent ce cadre. Et s’ils questionnent ce cadre, ils font de la philo.
En résumé, je ne comprends pas cette supposée rupture vis-à-vis de la philosophie dans la théorie de la médiation (alors que même dans les sciences dures on continue à faire de la philosophie).
Bla,bla,bla…Vive Gödel;-)
C’est quoi le prochain? Un scientologue? 🙂
@ VBS
Le degré zéro du commentaire !
@Eugène : elle m’a tout l’air intéressante, cette théorie de la médiation. On la trouve bien sûr dans Wikipedia mais aussi là : http://www.anthropiques.org/?page_id=56
Auriez-vous une illustration de ce que j’ai trouvé sur Wikipedia : « Chacun des quatre déterminismes de l’humain doit être analysé dans sa cohérence interne. Cependant, chacun de ces plans est constamment influencé par les trois autres et exerce une influence sur eux dans le fonctionnement ordinaire de la raison, à tel point que seul le recours à l’étude des pathologies permet d’en attester l’existence autonome. C’est également ce recours à l’étude des pathologies qui donne sa légitimité et sa vigueur heuristique à la construction du modèle par analogie : « si la raison humaine est une dans son principe », tout élément nouveau que l’on peut apporter au modèle dans l’un des quatre plans devrait pouvoir être recherché, vérifié ou invalidé par expérimentation clinique dans chacun des trois autres plans. » Un même défaut de la raison (pathologie), devrait donc se manifester avec des symptômes particuliers dans chacun des 4 plans. J’aimerais bien avoir un exemple, au moins pour 2 plans.
@ Moi,
Parce que la philo n’est pas construite sur la base d’hypothèses falsifiable, mais reste une théologie laïque.
Les scientifiques sérieux s’intéressent à la philo parce qu’elle est l’art d’accomoder les restes… et bien sûr qu’il y a des restes à la science; les mythes, la poésie; de même que personne n’a l’obligation de prendre notre perspective, sans parler du fait qu’elle reste qd même une mise en perspective sérieuse du tout des affaires humaines
@ Crapaud Rouge,
L’exemple global que j’ai donné au-dessus aphasique-atechnique est le premier sur lequel s’est penché Gagnepain avec les patients hospitalisés pour AVS ‘Accidents vasculaires cérébral’ et autres traumatismes crâniens.
En milieu hospitalier, le testing qui tombe sous la main est papier crayon. La réalité – j’emploie le mot volontairement – produite par les deux types de patients parait très proche. Gagnepain a eu l’idée, et bien d’autres, d’introduire la boite à outil des bricoleurs dans les services H, et là, il devient vite évident que l’aphasique est ennuyé pour nommer les outils qd l’atechnique ne sait pas par exemple s’il doit prendre le tounevis, la lampe à culot vissant ou la clé pour ouvrir le cadenas! D’où l’idée de construire deux modèles analogiquement structurés, la « nature » à l’oeuvre pour « construire » notre cerveau cherchant ‘a priori’ la simplicité.
Pour faire bonne mesure, les autres pathologies de culture, psychoses et perversions pour disons la socialité, névroses et psychopathies pour notre façon humaine de légitmer nos désirs, se sont vues également dotées du même modèle dialectique explicatif mais chacun des 4 avec ses propres concepts, sans parler de tous ceux qui permettent d’expliciter les interférences entre chacun des 4 plans!
Un autre exemple maintenant: un schizophrène (trouble de la socialité au point de s’enfermer dans sa bulle d’isolement) construit sa propre langue ( qu’il est le seul à parler et à comprendre tout) en respectant les règles de la grammaticalité permettant d’expliciter aussi bien les aphasies que le langage ‘normal’. Le Gagnepain aussi mathématicien, à la longue d’observation a fini par repérer des séquences comme des mots, au point de pouvoir s’adresser à lui dans SA langue; il a fallu vite fait repasser la camisole de force pour le calmer suite à cette effraction dans la bulle protectrice.
je te laisse découvrir la suite des effets de cette table de Mendéléeïev un peu particulière puisqu »elle a déjà permis de faire apparaitre effectivement 4 types d’atechnies différentes, 4 syndromes atechniques, indépendamment des symptômes sous lesquels ils semanifestent ds la réalité. A zut encore ce même mot!
Bref, je te laisse découvrir la suite de cette théorie de la relativité culturelle; relativité qui ne disparait que par des syndromes qui figent les « comportements », boulimie financière par exemple!
« La subjectivité ne renvoie donc pas seulement à la psychologie, mais c’est un aspect impliqué par l’idée d’objectivité. Bon je m’égare peut-être un peu, en tous cas il serait intéressait de savoir si ces deux notions occidentales sont apparues au même moment dans l’histoire des idées, ce afin d’objectiver le phénomène ! »
La thèse de Heidegger sur ce point est d’une rigueur et d’une puissance monumentale.
« Parce que la philo n’est pas construite sur la base d’hypothèses falsifiable, mais reste une théologie laïque.
Les scientifiques sérieux s’intéressent à la philo parce qu’elle est l’art d’accomoder les restes… et bien sûr qu’il y a des restes à la science; les mythes, la poésie; de même que personne n’a l’obligation de prendre notre perspective, sans parler du fait qu’elle reste qd même une mise en perspective sérieuse du tout des affaires humaines »
Faudrait peut-être arrêter de raconter n’importe quoi? En tout cas j’ai bien ri, merci Eugène. La différence fondamentale entre la phislosophie et les sciences humaines, c’est que la première tend à vous libérer et les secondes à vous asservir.
La philosophie c’est soit « la connaissance rationnelle par concept », et auquel cas le moment ou la science sera parfaitement autonome n’arrivera jamais, soit la recherche de la connaissance du tout, auquel cas même chose car une théorie unifiée ne peut s’en passer, soit elle est seulement une méthode (de la science de la logique à la Hegel à la phénoménologie) et dans ce cas les protocoles expérimentaux sont soit son émanation (ce qui est toujours le cas, in fine).
Il n’y a que les chercheurs médiocres, ceux qui ne révolutionneront jamais leur discipline, qui peuvent se permettre d’ en faire abstraction. Le premier penseur venu fait généralement exploser ces constructions (typiquement à la mode les théories interdisciplinaires de la nature humaine) comme un château de cartes. Le problème étant que le genre d’objection, aussi décisif soit-il, n’est généralement pas compris du laborantin laborieux, et ceci encore plus quand il laborantine en « sciences humaines ».
Un bon test:
Quand ils seront capable de recréer un « homme », à partir de que dalle c’est à dire de reproduire l’évolution, les sauts à l’organique et au conscient, alors les scientifiques pourront se passer de la philosophie car ils auront atteint la connaissance du tout (ou n’en seront pas loin). Ceci, bien sûr, n’arrivera jamais, pour des raisons ontologiques.
@Killixs: « La différence fondamentale entre la phislosophie et les sciences humaines, c’est que la première tend à vous libérer et les secondes à vous asservir. »
Là on retombe selon moi dans le même travers de querelle de chapelles qu’Eugène. Cette distinction entre science et philosophie ne tient pas (toujous amha). Ce que l’on nomme science actuellement c’est une position philosophique parmi d’autres. Une mathématisation du monde, du pythagorisme quoi. Le scandale du scientisme est de se poser comme seule source de savoir sur le monde. D’où le mépris des mythes et de la poésie qui sont aussi pourtant des formes de savoir (et cela ce sont certaines sciences humaines qui nous l’ont enseigné).
Personnellement, je considère comme philosophe tout chercheur sérieux de la vérité. Peu m’importent les cloisonnements entre disciplines des fonctionnaires du savoir.
Wer hat uns also umgedreht, dass wir,
was wir auch tun, in jener Haltung sind
von einem, welcher fortgeht? Wie er auf
dem letzten Hügel, der ihm ganz sein Tal
noch einmal zeigt, sich wendet, anhält, weilt -,
so leben wir und nehmen immer Abschied.
Traduction littérale (mot à mot):
Qui a nous ainsi retourné, que nous
quoi nous aussi faisons, dans cette Allure sommes
d’un, lequel quitte? Comme il sur
la dernière Colline, qui à lui en entier sa Vallée
encore une fois montre, se retourne, s’arrête, reste -,
ainsi vivons nous et prenons toujours Départ.
Huitième élégie de Duino (Rilke).
Pour dire que l’humain se futurise d’une drôle de façon, comme s’il allait à reculons vers un futur qu’il aurait dans le dos, la face et le regard dirigé vers le passé qu’il quitte.
@ Killixs,
Tu oublies complètement mon dernier petit § sur le fait que cette théorie inclu la relativité des comportements, je veux dire que ce qui nous intéresse à la fois dans les comportements sains comme pathologiques ce sont les structures sous-jacentes qui nous permettent les compétences observables (langage, art de s’y prendre pour faire, socialité, droit en chacun que nous nous donnons de) et de çà, chacun fait ce qu’il veut et/ou peut sans même s’en apercevoir. Derrière un JKill X peut se cacher un Mr Hyde qui s’ignore par exemple, mais je plaisante en jouant avec ton pseudo (le ‘X’ bien sûr!).
Ceci dit et dans l’état actuel des choses telles que les plus connues dans le public ou la doxa, philosophie et sciences humaines se répartiraient assez bien comme tu le dis: libération contre asservissement normalisation qd ce n’est pas manipulation effrontée voire management motivationnel comme disent les gourous (pavlovistes).
Libre à toi de ne pas aller voir toi même que je ne te parle pas de ces « sciences humaines » là qui singent les mathématiques, mais d’autre chose dont la revue « Le débat N°140 par exemple, la revue « philosophie magazine » ou encore « Le portique » ont fait des présentations plus ou moins développées soit la preuve que certains philosophes commencent à se fatiguer de tourner en rond pour faire des carrés sans compas, je veux dire sans méthode de vérification de ce qu’ils énnoncent!
@ killixs,
J’approuve ta façon de pointer les sauts de complexité du minéral au vivant comme du vivant à l’humain. Pour le dernier saut, le quedal joue un rôle structurant « essenciel »!
@Alotar
Pour les non-germanophones, Philippe Jaccottet a traduit Rilke avec beaucoup d’application et de sensibilité.
Une saine lecture !
Tant que j’y suis, Hölderlin, traduit par le même, est délectable !
Paul dit : Il en résulta une confusion dont la physique contemporaine est aujourd’hui la victime : la modélisation mathématique du monde suggère en retour de lui attribuer des propriétés qui ne sont rien d’autre que les particularités des nombres livrés à eux-mêmes. Les anomalies créées par ces artefacts font que les modèles en engendrent désormais d’autres sans retenue, chacun s’éloignant davantage du monde en soi dont il s’agissait pourtant de rendre compte le mieux possible.J’en conclue, peut-être à tort, que le comportement, pour le moins étrange des particules de la physique quantique, ne serait qu’invention, et que leur « vrai » comportement, dans le « monde en soi », nous serait toujours inconnu. Autrement dit, dans le « monde en soi », leurs paradoxes n’existeraient pas. Les expériences de la physique quantique qui prouvent leur existence seraient comme les tours de passe-passe du magicien. J’adhèrerais volontiers à cette solution si elle n’était pas un peu triste : il me semble qu’elle jette le bébé avec l’eau du bain, et fait disparaître les mystères de la nature. De plus, je pense que la physique quantique, loin de s’éloigner du « monde en soi », est au contraire la science qui s’en rapproche le plus, et que c’est pour cette raison qu’elle présente tant de paradoxes.
Je croyais qu’on avait laissé tombé la recherche de la connaissance du « monde en soi » depuis Kant (sauf à se prendre pour l’esprit absolu).
@ Crapaud Rouge,
Autre exemple en rapport avec l’actualité, les blog et thèmes majeurs de PJ, et dans l’interférence de deux plans de rationalité, sociologique et axiologique:
Dans l’approche anthropologique médiationniste, les psychopathies (inverse des névroses qt à l’autocontrôle « inconscient » – excès ou absence) relèvent d’une abolition partielle de l’instance éthique formelle. Or, le phénomène ne peut être mis en évidence que par la répétition du même défaut structural dans le processus de légitimation des désirs naturels au regard de codes (lois)(processus sociologique donc) permettant de le faire apparaitre (comme les aphasies qui elles ne s’observent que dans une langue càd du langage en quelque sorte codifié au sein d’un groupe humain reperable par trois coordonnées géographique historique et de classe).
Y a-t-il des codes ayant actuellement suffisamment de subtilité pour faire apparaitre ces défauts de légitimation (morale)? Non! Ils restent à construire!
Comment faire?
Une partie d’entre eux pourrait provenir de l’analyse dont les contrats sont conçus en réadaptant les codes au cas par cas ( la chasse est ouverte et le terrain s’appelle Dalloz ou autre ouvrage regrouopant ces codes qui régissent nos rapports et échanges) de façon que là où les contrats ( dans le business par exemple) portent sur des projets valorisés, apparaitraient les processus formels qualitatifs et quantitatifs d’engagement (analyse timologique) d’une part comme d’autre part les processus formels de modération de la jouissance (analyse chrématologique), ensemble à l’oeuvre dans l’analyse de notre fonction naturelle de valorisation.( Là ou nos contrats ne sont le plus souvent évaluables que quantitativement et pas seulement financièrement, il est bien évident qu’il faudra faire apparaitre d’autres ‘critères’ d’engagement et de restriction pour voir jouer tous les éléments de cette analyse éthique formelle)
Par contradiction de la fonction naturelle (de valorisation) et du formel, la jouissance va qd même pouvoir s’exprimer moralement mais de façon « raffinée », de plus, selon l’heure du jour ou les tendances de chacun, de façon rigide (ascétique) ou laxiste; ce qui fait que nous sommes une deuxième fois en pleine relativité, pour un même individu, d’un individu à l’autre dans une même culture, d’une culture à l’autre, d’où le nécessité d’une multitude de codes ( la 1ère fois ou nous étions déjà en pleine relativité concernait les valeurs puisque n’importe lequel de nos projets est déjà valorisé, au risque de l’indifférence – aboulie) si l’on veut voir se répéter un même défaut structural.
Est-ce que c’est possible de mettre ces processus en évidence et de fabriquer ce type de codes? Oui, j’ai trouvé une première application dont je ne peux rien dire ici pour l’instant.
Un de ses effets sera de pousser la prévention au point de faire apparaitre le sens de la précaution « inconscient » des individus, autrement dit impossible d’aller plus loin sans devenir liberticide; mais tu vois du même coup que le découpage entre prévention devant des risque connus et précaution (préambulisée constitutionnellement…) devant des risques inconnus prend un coup de vieux. Autrement dit encore le fond des questions, écologiques ou d’écologie politique, comme celle d’une constitution pour l’économie, voire dans la visée sarkozienne d’une moralisation du capitalisme, passe par le jeu de l’interférence entre une rationnalité sociologique (nous ne vivons pas en troupeaux) et une rationalité axiologique ( la jouissance pulsionnelle se modère en nous inconsciemment – par excès les névrosés, ou par défaut les psychopathies type adiction par exemple et à n’importe quoi puisque ce n’est finalement pas ce sur quoi ellles portent mais sur le processus sous-jacent) dans laquelle se construisent les codes, ce que les juristent appellent le droit.
Bon, ceci dit, personne n’est obligé de nous suivre pour vouloir faire des diagnostics aussi précis des pathologies de culture (ici du vouloir) comme avec Claude Bernard la médecine avait su le faire pour la rougeole ou la rubéole; alors qu’il est qd même évident que si nos codes étaient tous un peu plus précis et mieux construits, nous serions peut-être plus à l’aise pour faire face aux galères écologiques et économiques dans lesquelles on va plonger du fait de la fuite en avant de ceux qui tendent pulsionnellement spontanément vers le tjs plus!
Un excès de raison logique [Si … Alors …] et d’abstraction — bourrée de substantifs — sur tout et n’importe quoi en « Humanités » (économie, ecologie humaine, psycho, socio, histoire, etc.), sans aucun lien aux dynamiques qui affectent, avec des adjectifs, le sentiment et la kinesthésie des corps sensibles, sur le théâtre de la vie, est-il
philoso(ph)pathologie ?
Oui, je le pense. Je ne vise spécifiquement aucun des « grands auteurs » dont les pliages verbaux viennent remplir les manuels qui assurent la formation des doctes corps (en pièces) du Clergé Moderne au service de la propagande du réseau FED-FMI-OMC-BRI-BCE+GouvBrochettes+CercleDesEconomistes
@Eugène : « Y a-t-il des codes ayant actuellement suffisamment de subtilité pour faire apparaitre ces défauts de légitimation (morale)? Non! Ils restent à construire! Pas forcément. Si j’ai bien compris, les lois promulguées par les nazis devraient faire apparaître un défaut manifeste de légitimation morale. Ils ont d’ailleurs été décrits comme psychopathes. (Cela dit entre parenthèses.)
Ce qui me gène, c’est que tu me parles du plan de l’éthique uniquement en termes d’excès ou d’absence de contrôle des pulsions. J’ai trouvé la même chose ici, http://socio-logos.revues.org/document436.html, deux cas fort bien documentés, dont celui du célèbre Phinéas Gage. Je présume que les névroses doivent se manifester par moult symptômes, qu’on ne peut expliquer par le seul excès de refoulement.
Cela dit, je dois t’avouer que je n’ai pas compris grand chose. Je ne vois pas du tout ce que l’on pourrait faire avec cette théorie, sinon de la recherche clinique pour l’affiner et la valider.
@Eugène : et si on prenait un exemple concret et simple ? Supposons le cas du pervers masculin qui éprouve le besoin irrépressible d’exhiber son intimité en public, classiquement devant une jeune fille. C’est une transgression caractérisée, quelque chose de très simple sur le plan logique.
La théorie va-t-elle étudier ce symptôme sur les 4 plans, (en considérant que chacun participe), ou considérer qu’il ne se manifeste que sur un seul, (celui de la norme, je présume), mais qui aurait son pendant sur les autres plans ?
@ Crapaud Rouge,
Sur ton premier § ….
Le but de ces codes est de tester, mettre en évidence, le sens de la liberté des personnes, celà suppose donc qu’elles soient effectivement libres, sinon, ce n’est pas leur sens de la liberté que je testerais mais leur soumission! (donc celle à un ordre nazi par exemple; tu vois donc bien que çà n’a rien à voir et que ce n’est donc pas si simple à concevoir). Dans notre esprit la morale est sans sanction ni obligation c’est peut être plus clair comme çà.
Le recours aux pathologies permet de tester les hypothèses, les gens sains se débrouillent au mieux entre névroses et psychopathies, sans excès ni absence de honte et/ou de culpabilité (suivant les circonstances qui peuvent les déclencher).
Concernant les névroses et la foule des symptômes possibles alors que l’hypothèse est qu’il n’y a que quatre syndromes de base: effectivement, ils affectent aussi bien le langage ( la prise de parole par exemple, aussi bien que des contenus (mots tabous) ou des thèmes que ces personnes s’interdiront d’aborder sans même s’en rendre compte); que l’usages d’outils de produits etc; ou de rencontres. Phinéas Gage au contraire avec son lobe frontal en moins n’avait littéralement plus d’autolimitation du tout sur les trois plans que j’ai incidemment balayé: vocabulaire de chartier, fréquentation douteuses et risquées, concernant les rapports à l’outil je n’ai plus le cas complètement en tête pour te l’exemplifier mais ce serait facile à retrouver. Bon, tu vois bien qu’il y a quant à l’explication possible une sacrée différence entre un aphasique qui ne parle plus (difficile à tester celui là!) et un névrosé silencieux au contraire de la logorrhée psychopatique.
@Eugène: ok, merci, je commence à saisir le schéma. J’avais besoin de ces précisions car je ne voyais pas comment l’excès de refoulement pouvait se manifester au niveau du langage. Et le cas de Phinéas Gage, avec son vocabulaire de chartier et ses fréquentations douteuses, montre bien un même défaut de contrôle sur 2 plans différents, la norme et le langage.
La philosophie est la science de la pensée. La science étant une pensée particulière, elle fait partie de la philosophie.
La pensée a trois aspects :
1. l’intellect : élabore la notion, obtenue par abstraction des données sensibles, et effectue des opérations
avec les notions (définitions, classifications, divisions)
2. la raison : élabore le jugement (énonciations affirmatives/négatives, universels/particuliers,
vrais/faux) et le raisonnement (inférences déductives/inductives, argumentations, rejets et
démonstrations)
3. la spéculation : élabore des catégories philosophiques (la pensée se pense elle-même), ex : Transcendance, Existence, Etre, Réalité
La catégorie » Réalité » inclut : la vérité, le bien, le beau, la justice et la liberté (qui sont développés parla philosophie de la science, la philosophie de l’art, la philosophie de la morale, la philosophie du droit et la philosophie politique )
A ces trois aspects de la pensée correspondent trois logiques :
– opérative
– formelle
– spéculative
Aristote s’est arrêté aux deux premières, sur lesquelles il a posé les fondements des sciences.
Il ne soupconnait pas la spéculation, il n’a donc pas inventé la réalité et la vérité.
Kant est celui qui ouvre la perspective de la spéculation, continuée par Hegel.
Actuellement, les trois logiques se livrent la bataille, alors qu’elles sont toutes trois nécessaires
et le défi de la pensée est d’élaborer une logique qui les intègre.
A la Renaissance, en réaction à la logique scolastique ankylosante, qui déduisait la vérité de principes
non-démontrables, la logique opérative a été appliquée (par les jeunes Turques) à la logique formelle,
ce qui a donné la logique mathématique ou logique symbolique, qui a eu de vastes applications scientifiques
et techniques.
Les dérives de la financiarisation ne peuvent pas être imputées au « coup de force pythagoricien de la Renaissance »,
ni à l’incomplétude de l’arithmétique mais à la défaillance de pensée de la justice, qui a cédé le pas à la pensée de la liberté.
Le remède est l’élaboration d’un équilibre entre ces deux dernières.
The concepts of truth and reality are fundamental to the esoteric teachings of advaita vedanta, the non-dual philosophy of the ancient HIndu rishis. Any page of the Upanishads and the Bhagavad Gita is replete with these concepts. Perhaps this is best summed up in the saying from Shankaracharya: « Brahman eva, jagat mithya, jagat Brahman », « Brahman alone is real, the world is mere appearance, the world is Brahman ». Brahman is the fundamental Reality, the One without a second, out of which all appearance is merely an arising, and that arising is no different from Brahman itself. In addition, the rishis and many of their spiritual heirs analyzed in depth the character and moods of this arising in the human being and the states of existence and their layers of which the human is composed and which must be understood in their particularities in any individual, if he or she is to attain moksha (liberation). I recommend a thorough reading of at least the Upanishads, the Bhavagad Gita, and Patanjali’s yoga sutras before pronouncing on the philosophy and practice of this part of Eastern thought.
@ Crapaud Rouge,
Suite à la disparition de son lobe frontal, Phinéas Gage présente des troubles DU vouloir qui se manifestent DANS le dire le faire et l’être; soit un trouble d’acculturation du pulsionnel qui se manifestera dans sa réserve – son absence de réserve – vis à vis du langage, de l’art de s’y prendre pour faire, et sa socialité. Le trouble est dans une des rationalités et se manifeste dans les autres
@Sylvie: intéressant votre post, mais où, quand, comment la pensée de la liberté a-t-elle pris le pas sur celle de la justice ??? Quant au remède… Comment redonner sa place à la justice dans ce monde devenu si complexe et, sur tous les plans, inter-connecté ?
@Eugène : « le trouble est dans une des rationalités et se manifeste dans les autres » : merci pour cette précision qui répond à l’une de mes interrogations. Les 4 plans de la théorie de la médiation appelant irrésistiblement à faire la comparaison avec les 4 axes d’un espace-temps, je me demandais si la théorie prévoyait que « le trouble » est, à l’origine, dans une sorte d’espace (confus) de la raison, pour se manifester ensuite par projection sur les plans.
Cette réponse appelle une autre question : que dit la théorie des psychothérapies comportementalistes ? Il me semble qu’en se focalisant sur la disparition de symptômes, elles ne peuvent qu’en renforcer ou faire apparaître d’autres. C’est le cas ?
@ Crapaud Rouge,
les 4 plans de rationalités sont en théorie isolables parce que ce sont les pathologies de culture qui ont imposé à Gagnepain et son équipe de les concevoir comme çà, ils n’ont donc du coup aucune priorité les uns par rapports aux autres car tous également nécessaires pour rendre compte de ce que nous sommes. Juste une petite différence pour les enfants avant la puberté de ne pas encore avoir émergé à la personne alors que dès deux ans le langage est structuralement en place, l’art de s’y prendre aussi (même maladroit, relativement à l’adulte….mais ni plus ni moins que pour la faiblesse du lexique antérieur), comme la faculté de s’autolimiter (combien même ne porte t-elle que sur les bonbons les gâteaux ou le chocolat).
La question des thérapies n’est pas notre priorité. Concernant les aphasiques, jeunes beaucoup récupèrent, le cerveau se reconstruit tout seul et l’on serait bien en peine de comprendre à quoi çà tient. Vu les quantités astronomiques de neurones et de synapses concernées, qui meurent et sont remplacées mêmes chez les individus sains: mystère et boule de gomme! je te laisse transposer aux questions de comportements.
Concernant les psychothérapies comportementalistes, je vais te répondre par une histoire: celle du chien de mon ex belle-mère (histoire vraie je te précise). Habitant à proximité d’une forêt, les deux avaient l’habitude de s’y ballader tous les jours, mais une route passagère sépare toujours l’habitation du lieu bien commode et agréable de promenade. Il fallait donc impérativement que le chien soit attaché ou « au pied » pour ne pas devenir chauffeur. Le chien, un peu cabot et à tendance dominatrice, prenait progressivement l’habitude de flaner mettant du coup la belle mère sur les nerfs au point que, croyant bien faire, le chien se prenait une rouste avant de se faire mettre la laisse. Que crois-tu qu’il advint? la belle était dans l’incapacité absolue de récupérer son clébard! qui n’en faisait plus qu’à sa tête avec tous les risques induits. J’ai repris les choses en main par le jeu, faisant approcher progressivement le chien de là où il devait impérativement être attaché pour traverser en sécurité. Bref, j’ai réussi à reformater le chien pour que les ballades ne soient plus un enfer pour ce duo de choc, mais…. je n’ai pas réussi à redresser la belle mère.
Psychothérapie comportementaliste= éthologie; mais… je veux bien croire que
çà marche pour certains vu que la pub marche aussi pour beaucoup
dans la stimulation de nos pulsions d’achat. De là à ce que le « çà marche » permette d’expliquer qq chose, je n’en franchis pas le pas et te renvoie à la distinction que je suis qd même – avec le respect que l’on doit aux être humains dont ma belle mère – obligé de faire avec ces deux là qui ont fait parti de ma vie qd même un bon paquet d’années! Waf!
@ Crapaud Rouge,
Dit autrement et en condensé: on ne sait pas comment agir sur des structures formelles, qui ont qd ^m bien un conditionnement neurologique et cortical. A la différence de PJ nous supposons qu’il y a rupture, saut de rationnalité des particules élementaires au vivant et du vivant à l’humain; là où il envisage une continuité nous voyons des rapports d’emboitement: l’humain inclut le vivant qui inclut les particules. Avant de nous intéresser au gaps donc aux ponts, il nous parait pour l’instant (quelques siècles?) préférable que chacun explore à fond l’un ou l’autre de ces trois champs et peut être un jour finira t-on par comprendre ce qui les relie et comment. En attendant, tu peux aller sur la lune ou en vacances, la réalité que tu découvriras sera toujours dépendante d’un cerveau et de ses facultés que tu emmmènes avec toi, je veux dire que même avec la science, et du fait que le concept soit aussi inclut dans une théorie qui réorganise tout le champs des sciences, nous ne découvrons que nous mêmes.
Alors, qu’en est-il de nos facultés?
Pour l’instant la tdm (théorie de la médiation) me parait la plus aboutie et la plus cohérente, jusqu’au jour ou d’autres en montrant ce qui est faux la boulverseront de fond en comble. (pour info cette anthropologie clinique dite aussi anthropobiologie devient aussi par lecture inverse des rationnalités et par une approche plus mythique – dit comme çà pour aller très vite – une anthropothéologie qui devrait bien sûr envoyer les théologiens au charbon … comme leur permettre de discuter entre eux … ce qui explique aussi le titre que marcel Gauchet avait donné au dossier consacré à la tdm http://gauchet.blogspot.com/2006/06/la-mdiation-en-dbat.html : « une nouvelle théorie de l’esprit: la médiation »
@ Crapaud Rouge,
Ta Q 26/05 21:11 à la quelle je n’avais pas répondu:
exhibitionnistes-voyeurs? pathologie du rapport à l’autre dans l’acculturation de la sexualité (différent de la génitalité), mais se répercutant dans la satifaction du désir, ici sexuel. Il ne faut donc pas se laisser intoxiquer par ce qui est en l’occurence le plus visible mais dans ce type de pathologie d’abord observer en quoi c’est l’ensemble des rapports à l’autre qui est pathologique sous la forme d’une indistinction de la propriété, de l’intimité de l’autre …
@ Sylvie,
Si la philosophie est la science de la pensée, elle doit pouvoir expliquer comment pensent les quatre formes d’aphasie: aphasies phonologiques de Wernicke et de Broca, aphasies sémiologiques de Wernicke et de Broca, donc être en situation de prédire les fautes structuralement repérables qu’ils font quelles que soient la langue qu’ils utilisent!
Non?
Ou alors c’est pas une science!
Lorsque tu m’auras trouvé la philosophie du langage qui permet ce petit tour de force permettant au passage de mieux percevoir comment pensent les individus sains, tu verras que c’est la philosophie elle-même qui a pris un coup de vieux ( comme les catégories du Vrai du Beau et du Bien) en venant chasser sur le domaine des sciences. (le Beau par exemple est esthétique touchant directement de l’intérieur et chacuns en lui-même sans en passer par les autres, aussi bien le langage à travers la poésie, que l’art dans la plastique des produits, comme « l’art de faire la fête » socialement, ou encore la morale du geste pour le geste (héroïque) par exemple en sauvant quelqu’un de la noyade sans réfléchir une seule seconde ET sans en attendre de récompense quelconque … même ds l’au-delà puisqu’il est déjà là pour les croyants! [les vrais]).
La remarque concernant le langage et ses pathologies de culture (aphasies) vaut également pour l’art de s’y prendre (et les atechnies), comme pour les troubles de la socialité (perversions et psychoses) ou les troubles de la légitimation des désirs (névroses et psychopathies). Exit donc aussi la philosophie de l’art, la philosophie politique, comme la philosophie morale-du droit. Sur le dernier domaine qui me parait au coeur de nos problèmes en ce début de XXI, j’ai plongé (sans me noyer et yavait personne à sauver non plus) ds le « dictionnaire d’éthique et de philosophie morale » de Monique C-S pour voir s’il y avait quelque chose à glaner d’opératoire … autant prendre la Bible et s’interroger sur la façon dont Salomon parvient à son fameux jugement !
Qu’est ce qui reste de tes découpages conceptuels?
@ sylvie,
Pour info concernant Salomon, son trait de génie consiste à déclencher la réaction des femmes: l’une le fait sur le mode perdant-perdant de même nature utilitariste que le gagnant-gagnant cher à notre civilisation qui se fracasse contre le mur des impossibilités, l’autre une réaction morale. Il peut donc, comme il n’y a qu’une alternative possible, effectivement trancher devant l’amoralité spontanée de l’une effectivement plus susceptible que l’autre de vol d’enfant puis de mensonge effronté, mais pas l’enfant!
Dommage qu’on ne puisse transposer aussi facilement aux grands usurpateurs de la finance!
ceci dit l’affaire »salomon » représente un exemple où tes deux concepts de justice et de liberté sont à l’oeuvre, je dirais que la justice ici c’était « chacun le sien », comme tu vois que l’une n’est pas libre de vouloir absolument UN enfant quelle qu’en soit la manière, alors que ce n’est pas SON enfant, comme d’autres ne peuvent s’empêcher de boire d’autres encore de parier-spéculer.
@Eugène, notre génie de la TDM : « exhibitionnistes-voyeurs? (…) pathologique sous la forme d’une indistinction de la propriété, de l’intimité de l’autre … »
Jamais je n’aurais oser imaginer une telle interprétation d’un geste où je ne voyais, comme tout le monde, qu’une « transgression », un mot prêt-à-porter. Ton interprétation me suggère que l’exhibitionniste (de mon exemple) utilise sa propre intimité pour violer celle de l’autre. Ce cas me semble en effet différent de celui de Phinéas Gage qui ne cherche pas à transgresser me semble-t-il. S’il transgresse, c’est par inadvertance, parce qu’il s’en fiche du fait qu’il ne maîtrise pas ses pulsions. Tandis que l’exhibitionniste a « besoin » de transgresser, ou de croire qu’il y parvient, sans cela il ne chercherait pas à s’exhiber. C’est du moins ainsi que je le vois.
@ Eugene
J’ai fait cela dans mon livre Principes des systèmes intelligents (Masson 1990). Pour cause de déménagement, je ne peux vous dire en ce moment à quelles pages. L’un des buts de ce livre était précisément d’expliquer des pathologies de ce type.
J’ai dirigé (avec Jan Kordys) un séminaire consacré à ces questions à la Maison des Sciences de l’Homme à Paris de 1990 à 1996.
@ Paul Jorion,
Intéressant effectivement, j’irai voir çà et merci du rappel
@ Crapaud Rouge,
l’exhibitionniste a d’abord un pb de frontière formel « lui-l’autre » acculturant d’abord la différence sexuelle naturelle, mais se répercutant dans tout ce qui fait la relation sociale effective, ce qui veut paradoxalement dire qu’il puisse se sentir coupable mais sans pouvoir éviter le geste donc sans pouvoir éviter la culpabilité qui s’en suivra et qu’il assumera; à l’inverse d’un psychopathe qui lui ne ressent la culpabilité qu’abstraitement, comme certains la brame ds un tribunal sur les conseils de leurs avocats ds l’objectif évident d’atténuer la peine. Pour schématiser l’un ne reconnaitrait pas de responsabilité mais sa culpabilité, l’autre sa responsabilité mais sans culpabilité; bref l’un irresponsable coupable, l’autre responsable non coupable. Pour le redire autrement l’un ne « capte » pas qu’il puisse y avoir frontière donc infracte sans même s’en apercevoir mais ressent qu’il trangresse qq chose donc n’ira que rarement jusqu’au viol, l’autre respecte les lois, d’abord de sa bande, sans se reconnaitre moralement transgressif, sa morale c’est: ‘pas vu pas pris’ (donc pourrait très bien violer et zigouiller- cramer sa victime pour faire disparaitre les traces)
Bon, pas simple de s’y retrouver et pourtant il y a, dans le principe, autant de différence qu’entre causer ou utiliser spontanément notre environnement appareillé!
Crapaud Rouge,
Cool sur le génie qd même, je te rappelle que je ne suis comme beaucoup qu’ un amateur ou un utilisateur des théories des autres…
@Eugène : excellent ! Pour mettre les point sur les i, il faudrait dire que cette « frontière formel “lui-l’autre” » existe, je présume, sur plusieurs plans. L’exhibitionniste la transgresse sans s’en rendre compte sur le plan ethnique, mais aussi sur le plan éthique, ce qui le culpabilise. A l’inverse, le psychopathe a bien conscience de la transgresser sur le plan ethnique, mais il s’en fout, (et y trouve même du plaisir), parce que, sur le plan éthique, il ne se rend compte de rien. C’est la super-symétrie !
@ Crapaud Rouge,
C’est presque çà. Il y a dans la théorie un jeu analogue formel sur chacun des 4 plans (dire, faire, être, vouloir) composé de deux faces chacune bi-axiale (qualitative et quantitative). Mais ce jeu quadristructural dont notre cerveau assure le fonctionnement ne tient pas en l’air, il est l’ »opérateur » dialectique sur chaque plan entre une fonction naturelle partagée avec les vertébrés, et ce qui nous devient ainsi culturellement observable par contradiction du naturel et du formel.
le langage par exemple, s’étaie sur la fonction de représentation, s’analyse formellement en nous et par contradiction du naturel et du formel devient concept. Ya plus de point fixe nulle part. La dialectique roule en permanence. Mais, pris sous l’angle sociologique, l’instance ethnique vient jouer par le phénomène appropriation, et du coup le langage devient UNE langue càd la répercussion de la dialectique sociologique sur le langage explicité lui par la rationalité glossologique (explicative des aphasies. C’était ma distinction DU/DANS. Aphasie= pb DU langage s’exprimant DANS de la langue). ya le même pb avec l’instance éthique qui va filtrer ce qu’on s’autorise et dire; et encore avec l’instance technique qui nous permettra d’ écrire sous une forme ou une autre et pas seulement par les façons occidentales contemporaines…
Toutes nos facultés sont ainsi « rétrocontrôlées » les unes par les autres! le truc que n’explique pas le mot rétrocontrôle et qui pourrait t’induire en erreur, c’est qu’en fait les quatre instances fonctionnent en simultané, comme les opérations formelles dans chaque instance d’ailleurs. Bref, la « machine cerveau » est sans doute pour longtemps inimitable par le nombre de neurone comme de connexions mais peut être surtout pas son remodelage permanent accompagnant la mort-remplacement-recréation de « composants ».(ex: cerveau de quelqu’un qui n’a jamais fait de piano puis quelques années plus tard…)
Qu’est ce que ton exhibitionniste a perdu? le critère qualitatif d’analyse ontologique « ego-alter ego » (alius-ego devrait on d’ailleurs dire pour être plus cohérent avec le latin!) au sein de l’instance ethnique globale, et çà seulement.
Qu’avait perdu P. Gage? Vraisemblablement la totalité de l’instance éthique, et n’avait donc plus aucune idée de ce qu’il pouvait s’autoriser ou non à dire, faire ou fréquenter.
super-symétrie? pas tout à fait donc.
Infraction? question sociologique.
Transgression? question axiologique, éthico-morale si tu préfères,mais il faut alors que je reprécise qu’éthique épistémologiquement pour nous est le concept désignant l’instance formelle et çà seulement alors que chez les philosophes c’est plutôt ce qu’on appelle nous codification càd interférence du sociologique et de l’axiologique; la morale reste bien elle une « affaire privée », mais pour nous comme le fruit de la dialectique dont l’instance échappe à quelque contrôle que ce soit, soit une façon de tenir compte de la découverte freudienne et plutôt quatre fois qu’une.
J’anticipe sur une question: le pb de civilisation auquel on est confronté ? Cà consiste juste à concevoir des codes suffisament bien foutus (permettant d’y reconnaitre le jeu des ‘critères’ de l’instance éthique formelle) combien même les détails pratiques resteraient discutables démocratiquement hic et nunc mais pas le jeu des rapports formels implicites, donc, dont l’ensemble permettait de reconnaitre aussi facilement les psychopathes sans limites dans leurs codes (les codes de leur société – bien que ce ne soit que l’instance éthique qui soit partiellement touchée), comme il est possible de voir évoluer les aphasiques dans leur langue bien que ce ne soit que l’instance logique qui soit touchée.
La question est-elle aussi plus ou moins religieuse comme le suggère Sylvie pour remplacer la morale catholique construite en 20 siècles? ce sera juste une question de réinterprétation de ces mêmes codes dont tu vois la rigidité structurale nécessaire pour atteindre l’idéal, mais la souplesse d’application politique… sans parler des effets, mais çà c’est encore autre chose. Bref un sacré programme de travail….pour lequel çà urge parait-il? Ah bon?
@Sylvie, à propos de la philosophie comme science de la pensée : Un jour, la mère de deux fausses jumelles m’apprit que l’une se destinait à la philosophie, l’autre à l’armée. Tout semblait donc les opposer, mais pas pour moi : je lui ai répliqué que la philosophie c’était la discipline de l’esprit, et l’armée : l’esprit de discipline.
@Eugène: je te remercie pour tes longues explications, c’est très sympa de ta part, mais elles sont trop éloignées de ma maigre culture pour que je puisse vraiment les apprécier. Je suis avant tout un pragmatique, j’adore les théories mais en partant du concret. En prenant le cas simple de l’exhibitionniste, je cherchais seulement à savoir comment les 4 plans s’articulent de façon plus précise, au-delà des généralités. Par exemple, (et puisque tu m’as rappelé la dualité exhibitionniste/voyeur), qu’en est-il du voyeur derrière son trou de serrure ? Tous les voyeurs ne sont pas comme ça, j’imagine, alors pourquoi certains ont-ils besoin d’un « trou de serrure » comme si c’était un instrument ? J’aimerais avoir « tout le tableau » d’un tel voyeur, cad connaître tous les aspects de son étrange et mystérieux comportement, et comment ces aspects s’articulent. Il en va de la limite ego/alter-ego sur le plan de l’être, certes, mais aussi de la vision, du vêtement qui cache l’intimité selon les règles sociales en vigueur, du voyeur lui-même qui n’est pas vu, (alors que l’exhibitionniste veut être vu), etc… Il est probable que personne ne s’est jamais amusé à faire ce tableau-là, car il ne présente d’intérêt que pour le novice, mais bon, c’est ce qui m’intéresserait.
Rapport à la civilisation, ce qui semble t’intéresser bien davantage, l’un des aspects de la question est celui de la volonté : je me demande si elle n’est pas un peu malade par excès de volonté. Ce sont les derniers articles de Mona Cholet sur le Diplo, (http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=mona+cholet) qui m’ont inspiré cette question. Le culte de la performance, comme on le trouve chez l’Oréal entre autres, suppose en effet que l’on soit en posture de vouloir, à tous moments et à tous propos, comme si rien d’autre ne comptait. Sûr que, dans ces conditions, les petits névrosés abouliques sont perdants.
La difficulté tient peut-être à ce qu’entre le faux, et le vrai, subsiste toujours un nombre indéterminé de situations intermédiaires. La réalité se situe le plus souvent dans cet intermédiaire, d’où une modélisation mathématique souvent maladroite pour tenter de coller avec cette réalité.
Allez donc modéliser le vent qui souffle à un certain point, à un moment donné, en tenant compte de tous ses éléments. Cela paraît simple, mais même cela aura du mal à être appréhendé dans sa totalité. Quand il s’agit d’événements plus complexes, cela devient impossible.
@Eugène (suite) : j’avais encore une question : la TDM s’interroge-t-elle sur le langage en tant que moyen de modélisation ?
Lacan a dit que « l’inconscient est structuré comme un langage », mais ne serait-ce pas plutôt par le langage ? Non par le langage tel qu’il se manifeste, évidemment, mais par le langage en tant que moyen à l’origine de ses manifestations. Je dois dire que je n’ai pas la moindre estime pour la psychanalyse, tant freudienne que lacanienne, car leur sophistication ne semble servir qu’à sauver des concepts fondamentaux erronés, en particulier celui du refoulement. Les psys ont beau parler signifiants et signifiés, le psychisme restent pour eux le lieu d’un rapport de forces entre entités diverses conçues comme des êtres agissant selon leurs exigences propres.
Mon idée est que les faits les plus marquants de la vie s’inscrivent dans la mémoire comme les règles de grammaire : certains souvenirs deviennent des références, cad des moyens pour interpréter sa vie, comme des lunettes que l’on porte sur le nez. Quand l’astronome regarde dans son télescope, il ne voit ni son télescope ni son laboratoire mais le ciel : ça peut donner l’impression d’un refoulement mais, à la base, il n’y a qu’un effet de logique. L’on sait du reste que les grands traumatisés ne peuvent pas refouler, Primo Lévy était réveillé par un cauchemar récurrent : comment la psychanalyse explique-t-elle ça ? Je n’en sais, mais ça doit être drôlement acrobatique !
@Paul : J’ai lu votre article « Le mathématicien et sa magie : théorème de Gödel et anthropologie des savoirs », fort intéressant mais sur lequel je voudrais soulever quelques points de fond. Probablement ces points vous ont-ils déjà été signalés, il me semblent en tous cas devoir être traités dans votre livre à venir.
Le point central concerne bien la notion de « vérité » mathématique. Ainsi vous dites à de nombreuses reprises que : « Une proposition est dite « indécidable » au sein d’un système formel où existe un opérateur de négation, si elle est vraie mais que l’on ne peut ni la prouver ni l’infirmer, ce qui veut dire que l’on ne peut ni la prouver elle, ni sa négation. »
Ce n’est pas le cas. Une proposition est dite indécidable dans un système donné si on ne peut la prouver ni elle ni sa négation, c’est tout. Le fait qu’elle soit « vraie » non seulement n’est pas requis, mais n’a pas de sens dans ce système puisque justement elle y est indécidable.
En effet, et ce pour Gödel comme pour les platoniciens, une proposition n’est « vraie » que si elle est posée comme axiome ou si elle a été démontrée. Ce que Gödel a montré en revanche c’est que ce critère de démontrabilité, et donc de vérité, n’est valable qu’à l’intérieur d’un système donné et a toujours des lacunes. Lacunes qui peuvent parfaitement être comblées dans un système plus complet, au sein duquel ces propositions indécidables pourront s’avérer « vraies » (démontrées) ou « fausses » (leur négation y est démontrée).
Ainsi, on connaît des théorèmes qui sont « vrais », car démontrés, dans des systèmes mathématiques qui englobent l’arithmétique, mais qui ont été prouvés « indécidables » tant que l’on se limite aux règles de l’arithmétique (par exemple le théorème de Kruskal-Friedman, ou le théorème de Goodstein). Il est possible que ce soit également le cas du théorème de Fermat, qui a été démontré par Wiles en passant par la théorie des ensembles, mais qui est toujours improuvé au sein strict de l’arithmétique.
Il en vient me semble-t-il que vos considérations :
« Or le second théorème de Gödel établit qu’ » Il existe en arithmétique des propositions vraies que l’on ne peut ni prouver ni infirmer (prouver leur négation) « . D’où viennent alors ces propositions vraies ? Il ne peut s’agir des axiomes, puisqu’ils sont vrais sans devoir être prouvés, faisant partie du cadre de base de la théorie, il ne s’agit pas non plus des théorèmes, puisqu’un théorème est par définition une proposition qui a été démontrée. »
Et plus loin :
« Il ne reste donc qu’une seule possibilité : les propositions vraies non-déductibles qu’évoque Gödel doivent être vraies parce que leur vérité tombe sous le sens. »
ne sont guère applicables. D’une part jamais une proposition n’est déclarée vraie parce qu’elle « tombe sous le sens », et d’autre part Gödel ne prétend jamais que ces propositions indémontrables seraient vraies ; et s’il le faisait ce serait nécessairement par référence à un système d’ordre supérieur où elles auraient été démontrées (sachant que ce système aurait malgré tout lui aussi ses propres indécidables).
Pour finir j’ai un peu de mal à saisir votre « C’est dans la croyance en une possible consubstantialité réelle entre la formule codeuse et le message métamathématique codé que Gödel trahit sa conviction platonicienne. ».
Il me semble pour ma part que c’est bien tout l’objectif de la démonstration de Gödel que d’établir cette consubstantialité : il démontre (ie il « prouve », il « rend vrai ») que le système de codage qu’il construit assure cette pure équivalence entre la formule et l’équation qu’elle code. Dans un système formel comme l’arithmétique, dire que l’une est vraie équivaut à dire que l’autre l’est, ce qui n’est pas le cas, dans vos paradoxes, de la boîte d’Arthur ou du traducteur de Casimir (Isidore, lui, a juste affaire à un farceur !). Le cas d’Eusèbe serait un peu plus proche, si celui-ci pouvait démontrer, et pas seulement constater, la capacité de synthèse de son code.
@ Yogi
C’est l’une des raisons pour lesquelles une proposition est vraie chez Aristote. Les deux autres sont, qu’elle aurait été démontrée (à l’aide du syllogisme) ou qu’elle soit une définition.
Sur la vérité mathématique, voyez ma citation de Gödel lui-même, rapportée par Dawson :
Le concept de vérité mathématique était essentiel pour lui.
@ Crapaud Rouge,
1-Le premier modèle mis au point par JG, mais en parallèle avec les autres, concerne la science fondamentale du langage et s’appelle « glossologie »; la redondance du concept entre glose et logos te fait bien apparaitre j’espère cet aspect retour sur lui-même du dit langage comme faculté humaine et moyen d’expliciter cette même faculté. Impossible ici de l’éviter donc aussi d’analyser cet anthropomorphisme où l’homme s’interroge sur lui-même avec ses seuls moyens, je dirais même que cette question est le coeur des sc humaines avec le pendant de construire son objet.
2- Apparemment je ne te répèterai jamais assez qu’au plan théorique, les quatre plans sont autonomisables, ce qui ne veut pas dire qu’ils le soient dans la réalité où chacun d’entre nous fait au mieux la synthèse de ce qui se joue ds cette théorisation explicative néoquartésienne – jeu de mots de Gagnepain lui-même.
3- La notion d’inconscient au sens psychanalytique se décompose sur 4 plans en 4 structures formelles, donc pour recouvrir ce sens d’inconscient, la tdm y substitue celui d’implicite (du coup pour nous la notion d’inconscient garde la puissance et la saveur de la découverte freudienne, quoi qu’il nous arrive de l’employer ds un autre sens plus restrictif et relatif au seul plan glossologique donc dans un contexte où l’ambiguité est levée).
Ds la foulée de cette petite phrase de Lacan que tu cites (l’inconscient est structuré comme un langage) les deux mots clé sont structure et COMME, mais çà ne veut pas dire que l’inconscient soit langage, ce serait comme vouloir dire que la dialectique est, et ne serait, qu’histoire…
4-Les plages du week-end ensoleillé que nous venons de passer illustrent à merveille comment se jouent les limites de propriété et de pudeur attestant d’un jeu de frontières qui nous est constitutif, même sur les plages où les nudistes n’en sont, sauf justement exhibitionnistes et voyeurs, absolument pas « libérés » quoi qu’ils puissent en dire et penser.L’appartenance de classe par exemple se manifestera par le subtil jeu de lunettes de soleil de marque, les bijoux etc
5- Le rêve est satisfaction des désirs, mais ce qui alimente le rêve reste notre fonction imaginaire et notre mémoire . Une période traumatisante extême peut, au cours du sommeil, ressurgir… et devenir cauchemar qui va réveiller le dormeur car la charge émotionnelle et d’angoisse vitale ne trouve pas plus de solution satisfaisante ds le rêve qu’elle n’en trouvait à l’époque de traumatisme, en réalité, comme dans le sommeil de cette époque. Ensuite, mais c’est autre chose, le travail analytique rejoue, dans le transfert, et via le langage, ces phénomènes; mais ce sont comme tu le constates deux réalités différentes. ( la réalité pour faire un clin d’oeil à PJ, OK, par quel bout?)
@Eugène: « L’appartenance de classe par exemple se manifestera par le subtil jeu de lunettes de soleil de marque, les bijoux etc »
Sur les plages nudistes, on reconnait les riches à leurs couilles en or. 🙂
@ Moi,
🙂 🙂
« Quelles notions nous sont-elles plus évidentes que la vérité et la réalité ? La vérité évoque les choses qui sont vraies tandis que la réalité nous parle de ce qui tout simplement existe. Et pourtant, ces notions sont absentes de la culture Extrême-orientale classique, et elles sont récentes dans la nôtre ».
Il existe pourtant des ressemblances curieuses entre la culture extrême orientale, la pensée bouddhiste en particulier, et ce que Spinoza a écrit sur Dieu. Wikipedia: « Dieu est la Nature, la Substance unique et infinie. Seule la substance a la puissance d’exister et d’agir par elle-même. Tout ce qui est fini, en revanche, existe en et par autre chose, par quoi il est également conçu (définition du mode) » (Métaphysique chez Spinoza).
Les Bouddhistes parlent de « conditionné » et d’ »inconditionné ». Le conditionné dépend d’autre chose pour exister, est dépourvu d’identité en propre, apparaît et disparaît sans cesse. Tout ce qui relève du monde des perceptions et des sensations est conditionné, la conscience comprise (la conscience est une illusion utile). L’inconditionné est le vide et tout provient du vide et y revient (notion qui n’a rien a voir avec le néant puisque le vide du bouddhisme est riche de strictement tout ce qui est). L’inconditionné ne dépend que de lui-même, n’est jamais né, ne disparaîtra jamais, a toujours été.
Seul l’inconditionné est « réel », mais l’inconditionné ne peut faire l’objet que d’une connaissance strictement personnelle et intime, incommunicable par celui qui en fait l’expérience : on ne peut donc rien en dire si ce n’est que cet inconditionné est inconnaissable par la pensée. La pensée ne peut connaître autre chose que la pensée (la création d’un concept induit presque automatiquement la création d’un autre concept dont il est issu, qui lui-même donne naissance à d’autres concepts, et ainsi de suite). Le monde des choses échappe toujours et sans cesse à la pensée, qui pour les Bouddhistes est un sens avec les autres (ouïe, toucher, goût etc…) et inclut également les émotions. Enfin, est « vrai » ce qui permet de faire l’expérience pratique du chemin qui mène à l’inconditionné, sachant que ce chemin est le but.
La différence entre ces approches est que la philosophie européenne s’est bâtie sur la systématisation du postulat du dualisme : un témoin observe une réalité extérieure, cherche à la décrire, à la « comprendre », à la modifier ou à agir sur elle. La création de cette distance entre le sujet et l’objet fait apparaître le concept de « réalité ». « réalité « et « vérité » sont donc des concepts et des concepts européens. Ce dualisme est considéré comme une pure illusion par la pensée bouddhiste même si la création d’un « observateur » fictif est reconnue nécessaire pour permettre le cheminement vers l’inconditionné (les effets feed-back du monde des choses sur le sujet lui permettent de comprendre sa nature illusoire). Il n’y a pas de sujet, il n’y a pas d’observateur qui serait distinct de son environnement : observateur et paysage ne font qu’un, il n’y a pas de frontière entre intérieur et extérieur. Le moi « existe » mais n’est pas (il est aussi une illusion) et pourtant tout est.
@ C. Je ne dis pas qu’elles sont évidentes, ce serait d’une prétention… je dis qu’elles sont affaires de convention. Je parle de quelque chose de beaucoup plus intime que le maniement de concepts ou l’évocation de figures historiques sympathiques. Je parle de notre rapport aux choses en tant que ces choses sont une partie, ou le tout, de la réalité ultime, comme si « vérité » et « réalité » avaient toujours été données, avaient toujours été là, et non pas à deux doigts d’être « découverts » par le chercheur (on ne « découvre » jamais rien). Il n’y a que la poésie, ou la méditation bouddhiste, qui peut donner cette qualité de présence à ce qui est. Je crois que c’est là toute la question (la « silencieuse coïncidence » dont parlent les moines Chang quand l’observateur ne fait plus qu’un avec les choses).
Oui, bien sûr, en fait c’est par le truchement du symbole que l’on peut espèrer parfois ouvrir quelque chose de ce mystère qui ne se donne jamais à voir directement, d’où l’intérêt essentiel des contes, des mythes, de la poésie, du surréalisme,etc…
Extrême et palpitante vibration de l’esprit humain qui vient résonner PARFOIS au carrefour, à l’entrecroisement de la vérité archétypielle et de la réalité ex-istentielle, deux dimensions aussi nécessaires l’une que l’autre.
Un homme qui est trop fixé sur la dimension du mystère vit dans une réelle illusion inflationniste de son « moi » me semble-t-il, tout en croyant le contraire bien sûr, seul un homme qui lie dans son vécu basique et quotidien le terrestre manifesté au non-terrestre murmuré,appelons-le ainsi, laisse s’accomplir en lui quelque chose d’amoureux, des épousailles en quelque sorte, ne trouvez-vous pas?
Amha !! En voila une quête qu’elle est belle !
D’un autre côté je ne comprends pas bien l’objet:
Sauf les mathématiques pour certains (mais pas pour d’autres ex: « Les mathématiques pures n’existent pas »: Didier Nordon lui même mathématicien … et bien d’autres), je ne crois pas que l’homme (en particulier le physicien) d’aujourd’hui ait la prétention de savoir quel est le fin mot de l’histoire en terme de réalité.
« Tais toi et calcule » disait Feynman quand on lui demandait de « sous-titrer » les opérateurs de la MQ.
Et la vérité se renégocie tous les jours dans les médias, l’homme ne l’a pas inventé il passe sa vie à la réinventer. (Bon, j’imagine que la teneur du bouquin sera un peu moins fumeuse que les sornettes que je débite)
Sinon, avec la demonstration de Cohen ds les années 60, peut importe les théorème de Gödel, l’homme ne peut pas décider le la continuité de R tel qu’il l’a construit et tel qu’il a définit la continuité.
Ce qui fait de la continuité de R une proposition non décidable. Un genre de poussin noir (pour ne pas plagier) suffisant à prouver que toutes les propositions ne sont pas décidables. Et ce n’est pas une démonstration par l’absurde mais par l’exhibition.
Mais je me connais, j’achéterais très vraisemblablement le livre 🙂
Vérité et réalité :
« la pomme est sur la table » : réalité et vérité
1 million d’années aprés, c’est encore vrai mais n’est plus la réalité…
(d’après Conte Sponville, il me semble)