Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Suite à ma participation au Sept dix de France Inter ce matin, vous me prodiguez vos conseils et je vous en remercie. J’aimerais du coup vous consulter un peu plus systématiquement sur le sujet.
Je découvre ce monde de l’information radiotélévisée et je procède par essais et erreurs. On vous interroge pendant dix minutes et on en extrait une phrase, introduite par un commentaire du reporter et de sa conclusion. Bon, j’ai compris : à rejeter absolument ! Dans ce cas-là, il ou elle dit ce qu’il veut et vous utilise pour confirmer ses propos. Pire encore : quand on extrait des dix minutes que vous avez accordées, quatre phrases que l’on monte dans un ordre arbitraire, ce qui permet de vous faire dire n’importe quoi. (Reporters qui m’avez abordé récemment, vous vous reconnaîtrez sans peine !)
Je retiens la leçon ! Aussi quand on m’appelle hier, je dis fermement : « Pas de propos tronqués : ce que je vous dis doit être retransmis intégralement ! ». Et on me répond : « Pas de souci : c’est du direct ! » Ceci dit, on ne m’en dit pas davantage : on dit juste « France Inter ». Ce n’est qu’une fois que j’ai accepté de participer que l’on ajoute : « Pour information, Jacques Attali sera notre invité en studio de 8h20 à 8h30 puis de 8h40 à 9h » (texto). Non pas que cela change quoi que ce soit : ce fut pour moi un grand plaisir de participer au Sens des Choses de Stéphanie Bonvicini et Jacques Attali dimanche dernier, mais le fait est que l’on vous en dit le moins possible et que cela en soi vous donne le vague sentiment d’être manipulé.
Certains font bien leur boulot et vous font penser qu’ils ont lu tous vos livres, tous vos articles et tous vos blogs tandis que d’autres semblent avoir consulté votre notice sur Wikipédia quinze secondes avant le début de l’émission. Dans le cas de ce matin, le « docteur en sciences sociales » incongru, appartient manifestement à la deuxième catégorie. Est-ce gênant ? Selon moi, pas vraiment : si ce que vous dites retient l’attention, on vous gougueulera et on retrouvera aisément qui vous êtes vraiment.
En conclusion, quelques remarques. La première, c’est que répondre à des questions impromptues d’auditeurs me semble un excellent exercice : cela vous met en contact direct avec ce que le public au sens large comprend de la crise (ce qui est en soi très instructif) et cela vous oblige à répondre en termes compréhensibles et de manière convaincante à ce niveau d’analyse particulier. La seconde, c’est que cela vous donne accès à d’autres média : j’ai reçu depuis ce matin trois nouvelles invitations, commençant toutes de la façon suivante : « Je vous ai écouté ce matin sur France Inter… » : d’un quotidien qui ne me connaissait pas jusqu’ici, d’un hebdomadaire qui me dit : « C’était court, pouvons nous reprendre la discussion ? » (texto), et d’une station de radio à laquelle je n’avais jamais eu affaire. Alors, pourquoi pas ?
Ceci dit, dites m’en plus – et en particulier où, selon vous, ne jamais aller en aucun cas. Comme vous le savez… je débarque !
(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.
133 réponses à “À quelles émissions participer ?”
…et le fil acéré de ton sens critique sur la pierre tu passeras et passeras jour après jour etc.
pardon
@ Paul Jorion,
Merci pour vos deux liens qui me permettent de mieux vous connaître.
Pourquoi ne pas observer le fonctionnement du média ?
Il est impossible de faire passer in extenso la richesse du débat sur la monnaie dans une émission de varietes par exemple.
Et pour de multiples raisons.
Croire que l on pourrait transmettre cette richesse dans une telle emission équivaut a croire de même que l on aurrait pu faire une conference (anachronique) sur le calcul intégral, sans micro, dans un coin du stade, devant le public antique des jeux, pendant les effusions bruyantes de deux gladiateurs..
De temps en temps le micro serait tendu et l’ avis du conférencier requis pour décider des deux coqs le plus vaillant; tout autre réponse que A ou B étant interprétée par le public préconditionné par les intermèdes publicitaires pour telle potion pour la digestion, comme un rôt prolongé ou un bruit digestif sans importance…
Il se peut toutefois qu ‘ existent des situations moins défavorables : un micro pour le conférencier disponible en permanence mais aux prix d’ un Monsieur Royal grossier qui au moment ultime de developpement d’ une idée vient interrompre l orateur pour l orienter sur un autre chemin, pour toujours dévier le trait de sa cible. Dans ce type d’ émission, avec présentateur grossier, le meilleur conférencier est le Poète, qui sait faire beau feu de tout le mauvais bois déversé par le goujat, avec la delicatesse du camionneur pressé.
Dans le cas de figure du cirque, avec terrain miné par le conditionnement du public, le sujet fermé par une logique bivalente (qui est le meilleur gladiateur), un micro pour deux, collé a la main d’ un co-conférencier bien choisi qui saura a chaque instant dévier le tir de sa cible, en pratiquant l outrance, ou la bêtise, ou inspirant l ennui, dont une part viendra discréditer tout ce qui aura été dit de juste de ce côté de la scène; il faut être dramaturge pour analyser la scène en temps réel et faire émerger quelque chose qui se rapproche de la cible.
Pas simple.
Il se peut toutefois que le public retienne quelque chose du conférencier qui aura dit : pourquoi se battent ils ? Quel est le sens de ce combat ?
le
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Dramaturgie
Contournement…Je ne suis pas sûr de bien comprendre François, pourquoi pas déviation, évitement ou alors dans un autre genre »passe muraille » ?
Sur la loi du média fort ok mais au pluriel, ses lois ; on est pas assez fort pour arriver au singulier.
Paul, je ne savais pas que vous aviez enseigné à Paris VIII, j’y ai etudié (les sciences politiques) après la bonne époque paraît il mais j’en garde un grand souvenir, certains enseignants et enseignements m’ont beaucoup marqué, une histoire des mathématiques notamment et une erreur de salle où l’on m’avait retenu, forcément ; c’était »un cours de psychanalyse » à base de Lacan. jvoulais dire ça au cas ou un ancien prof déprimé lisait le blog, qu’il sache qu’on sait jamais l’effet qu’on fait.
Il y a pas mal d’années, la confection avec pleins pouvoirs du JT de midi de ce qui s’appelait encore Antenne 2 avait été proposé, une semaine en août, à deux réalisateurs: Jean-Luc Godard, qui s’est alors désisté, et Armand Gatti, qui s’est mesuré à la bête.
J’y ai participé et regretté que Godard ne prenne pas le risque d’y aller aussi. Il aurait été le plus capable de démonter la mécanique. Car Gatti a substitué un discours à un autre discours, même si cela était sympathique.
La machine « JT » est plus forte qu’on ne le pense. C’est elle qui largement commande, voici ma conclusion de l’époque. Je n’étais pourtant pas innocent en la matière !
Pour rebondir sur les propos de François Leclerc, un article intéressant de Nicolas Cori sur le cas Frédéric Lordon, où comment son refus de participer aux émissions qui lui ont été proposées contribue à réduire le champ de diffusion de sa réflexion. Les lecteurs attentifs du blog ne manqueront pas de faire le parallèle avec la fin de non-recevoir opposée par Lordon, pour d’autres raisons, à une proposition de travail et d’échange collectif de réflexions sur ses « 4 principes et 9 propositions pour en finir avec les crises financières » (http://www.pauljorion.com/blog/?p=525).
Il y a des points valides de chaque côté : d’un côté, le rapport de forces est forcément biaisé quand on a pas les « clés » et les « codes » du média invitants, et le risque de « mise en conformité » ou d’acclimatation des propos de l’intervenant est fort, mais d’un autre côté, bien préparé, on peut faire des étincelles qui ont mille fois la portée des outils traditionnels comme le blog. En conclusion de quoi, je pense qu’il ne faut rien refuser, mais toujours bien se préparer.
Pour alimenter la réflexion sur l’utilité d’une présence à la plus grande échelle possible (position que je défends, malgré les risques déjà évoqués de mise en conformité des propos ou d’acclimatation des intervenants eu égard au rapport de forces largement à l’avantage de la puissance médiatique invitante), un article de Nicolas Cori, le monsieur économie de Libération, sur la stratégie de communication de Frédéric Lordon. Les commentateurs habituels du blog ne manqueront pas d’y voir un rappel de la fin de non-recevoir opposée par le même Frédéric Lordon à l’appel formulé par certains (dont Paul Jorion) d’un travail collectif à partir de sa plateforme « 4 principes et 9 propositions« .
Il y a quelques jours (le 6 août), pressé par un commentateur de mon blog de m’aligner sur la position de Lordon, j’avais répondu dans les termes suivants :
« Je viens d’écouter l’ensemble des communications de Frédéric Lordon sur son rapport avec les média. Je partage comme souvent ses analyses mais je n’en tire pas les mêmes conclusions. Sa position est celle d’un certain purisme, ce qui peut se défendre, mais qui me paraît contradictoire sur un certain point : si l’on essaie de diffuser ses idées, il faut s’en donner les moyens. Or il me semble qu’il partage les média en deux catégories : ceux qui défendent une position différente de la sienne et avec eux aucun dialogue n’est possible et ceux qui défendent une position semblable à la sienne, mais qui ne s’y sont ralliés que récemment et qui du coup n’ont aucune crédibilité. Et il illustre le cas de ces derniers en comparant ce qu’ils écrivaient il y a quelques années seulement et qui véhiculait un message ultralibéral et ce qu’ils écrivent aujourd’hui et qui est porteur d’une réelle critique sociale. J’aurais plutôt tendance à m’en réjouir : la question de leur bonne foi m’est indifférente puisque mon but est de rallier le plus de monde possible aux idées que je défends. Si les média m’ouvrent leurs colonnes et leurs studios, tant mieux, j’en tirerai parti. Le puriste dénoncera là un compromis, mais ce n’est pas un compromis que d’accueillir généreusement ceux qui se rallient à vos idées. Bien sûr s’il s’agit d’une tentative de manipulation de leur part, il faut la déjouer, et c’est pour cela que je refuserai, comme je l’ai dit, tout saucissonnage de mes propos. Mais – si le cadre s’y prête (j’exclus donc le simple cirque) – j’accepterai toute opportunité de défendre mes idées (si après m’avoir invité, on m’empêche de parler, je m’en irai bien entendu moi aussi). Dire que tout débat avec un défenseur de l’ultralibéralisme est nécessairement inégal parce que ses arguments ont été préparés de longue date, ne me paraît pas convaincant : aucun débat n’est évidemment gagné d’avance mais si vos idées sont meilleures que celles de votre adversaire, elles disposent d’un atout dont il est lui privé. »
Cher Sphinx, je vous renvois au second lien de mon post « 4 principes et 9 propositions » : quand vous proposez une collaboration qu’on vous refuse (poliment, mais fermement), il n’est certes pas interdit de collaborer tout seul, mais cela rend tout de même la chose plus compliquée 🙂
« monsieur Jorion propose une critique plus ou moins éclairée et s’en contente alors que monsieur Lordon propose des solutions »
Et la constitution pour l’économie, c’est de la critique éclairée selon vous?
L’un des inconvénients de passer dans les média trop grand public est précisément d’attirer des gens vulgaires et mal intentionnés.
Je vais juste répéter et puis je ne répondrai plus parce que je vois bien que vous êtes un troll: « L’économie doit être régulée, sévèrement régulée, et tout ce qui fait un pas en ce sens est une solution. »
Des H1N1 camouflés ,mais si peu ,mutent du matin au soir :
ils sont culottés (pas masqués donc ) et perceptibles en macroscopie directe.
Ils sont même parvenus ici.
Méfiez (fuyez ) vous en comme de la P…je veux dire du virus porcin,alias « mexicain ».
Et pour lui dire deux mots ,une fois pour toutes :
la » fête » a commencé ce jour 17 août à Tokyo,Paris,Wall street et ce n’est ,hélas,mais Paul Jorion nous le dit depuis des mois et des mois qu’Un Commencement (Re-commencement !!!)
Ainsi l on peut se demander pourquoi opposer Lordon et Jorion, pourquoi l un des deux aurait il tord ?
La situation n est elle pas suffisament complexe pour adopter deux éclairages (ie points de vue) différends d’ une même complexité ?
Pour un Fan de Lordon, Sphinx ne s’ accommode que trop bien de la grossiereté du pseudo « fin de la crise ».
Nous avons donc une pièce a 3.
Un bel exercice de Dramaturgie en somme.
De quelle cible a t on dévié le tir ?
Qu est ce qui est plus facile : refuser de parler aux médias minés, ou les utiliser en faisant fonctionner toute son intelligence en temps réel pour surfer sur les mines ?
Qui a une attitude grossière et simpliste face a la complexité de l utilisation des medias ?
Qui ne sert a rien drapé dans sa superbe outrance, qui est réellement inoffensif et insignifiant (car outrancier) pour le système ?
Sûrement pas Paul.
@Paul
Hs Au sujet des trolls : Je trouve fascinant tous ces contributeurs anonymes mal attentionnés qui passent autant de leur « temps libre » (temps consacré hors de leur salariat sinon ils voleraient leurs employeurs !) à réciter leur catéchisme. D’où cette question anthropologique : Comment la classe moyenne a t’elle pu engendrer ce genre de zozos ?
http://heinberg.wordpress.com/2009/06/02/206-look-on-the-bright-side/
MuseLetter 206 / June 2009 by Richard Heinberg
Une traduction (automatique corrigée des erreurs grossières) des interrogations qui me semblent importantes pour le sujet de ce fil:
@ Fujisan
Merci pour vos contributions toujours très pertinentes.
Je trouve cette intervention très constructive par rapport à la position de Frédéric Lordon (dont j’apprécie la qualité de réflexion et la pédagogie)
Se draper dans sa pureté (ce qui est louable) ne fait pas avancer le débat.
L’ermite vit peut-être dans la sagesse, mais il n’y a pas de gloire à refuser de se confronter à la folie du monde en s’en retirant.
Dans ce fil, je regrettais que les économistes hétérodoxes ne puissent se réunir pour confronter leurs idées, j’ai constaté depuis que la démarche avait été tentée par Paul Jorion sans succès, je trouve cela d’autant plus déplorable, qu’en face, les ultras libéraux se tiennent les coudes eux!!!
C’est le drame des forces progressistes, elles avancent toujours en ordre dispersé, multipliant jusqu’à plus soif les chapelles, voir se combattant entre elles….c’est d’autant plus désespérant que nous sommes certainement à un tournant historique décisif.
Petite question pratique quel traducteur avez vous utilisé, car pour avoir essayé Google et Yahoo, j’ai renoncé à les utiliser tant le résultat était incompréhensible.
Merci d’avance
Salutations
Bob