Pour qui sonne le glas

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La défaite de la candidate démocrate Martha Coakley à l’élection sénatoriale du Massachusetts, au siège laissé vacant par la mort d’Edward Kennedy, est essentiellement présentée comme une défaite de Barack Obama dans sa tentative de réforme de l’assurance maladie aux États-Unis – réforme dont il ne restait en réalité déjà pratiquement rien. Il est vrai que c’est là la manière dont Scott Brown, le candidat vainqueur, a présenté sa victoire, dans un pays où les décisions ne passent l’obstacle de leur vote au Sénat que par une majorité des deux tiers, majorité désormais hors d’atteinte pour l’administration Obama. De ce point de vue, la victoire du républicain signifie avant tout celle de l’industrie pharmaceutique et du secteur de l’assurance-maladie privée qui continueront de régler l’accès des citoyens américains à la santé ou, faudrait-il dire plutôt, de leur en barrer l’accès par leur politique de prix prohibitive.

Mais la victoire du candidat républicain constitue avant tout un vote sanction de l’administration démocrate pour sa politique à l’égard de Wall Street. À l’automne 2008, la part de l’opinion publique américaine montée contre l’establishment financier représentait certainement une majorité du même ordre que celle qui s’est exprimée en France et au Royaume-Uni dans le récent sondage IFOP-Le Monde, je veux dire de l’ordre de 75 % à 80 %, transcendant aux États-Unis comme ici les frontières des partis. Obama représentait l’opposition civilisée à Wall Street et McCain, l’autre. Or en faisant entrer l’establishment financier, dans un premier temps au sein du cercle rapproché de ses conseillers, en la personne surtout de Larry Summers, et dans un second temps, à la tête de son Secrétariat au Trésor, c’est-à-dire de son ministère des finances, en la personne de Timothy Geithner et de ses amis, Obama confiait la direction des affaires au petit cercle contre lequel les citoyens américains imaginaient avoir voté en masse.

La seule voie de sortie pour Obama, s’il veut éviter la déroute désormais annoncée du parti démocrate aux prochaines élections partielles, consisterait pour lui à s’aligner sur la majorité de fait existant aux États-Unis : celle qui exige que la nation secoue le joug que la finance impose à la conduite des affaires du pays. La faiblesse dont il a fait la preuve en toutes matières depuis le début de sa présidence – à part peut-être pour ce qui touche à Haïti – n’encourage pas à l’optimisme, c’est le moins qu’on puisse dire.

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  1. Tout cela est bel et bien , mais le fait est que le royaume uni est encore une démocratie où…

  2. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/07/11/soupcons-d-ingerences-etrangeres-sur-x-l-enquete-francaise-se-rapproche-d-elon-musk_6620705_4408996.html

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