Ordre, Désordre et Société : réflexion sur la devise de la République française, par Pierre Raffy (*)

Billet invité.

La liberté de chacun s’arrête là où commence celle de l’autre ainsi que le déclare justement l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 :

Article 4 – La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.

Croire que sous couvert de défense de la Liberté, on peut faire tout et n’importe quoi, c’est méconnaitre gravement les mécanismes de la vie en société. En ce sens, le « Il est interdit d’interdire » de Mai 68 est une absurdité et peut se comprendre comme une provocation plutôt qu’une revendication.

Ceci dit, ce slogan me parait assez symptomatique d’une évolution profonde qui parcourt notre société, à savoir le délitement de l’ordre qui peut s’observer sous deux aspects perçus souvent de façon indépendante :

– Le développement de la défense des Libertés
– Le développement du juridique, c’est-à-dire le recours grandissant à la Loi comme régulateur de la société

Une société humaine ne peut tenir debout et perdurer que par l’existence d’une forme de Loi qui puisse s’imposer à tous, que cette Loi prenne la forme du Sacré et des interdits associés, dans les sociétés anciennes, ou qu’elle émane du Législateur dans l’État moderne. Sinon, c’est la Jungle et il n’y a pas de société humaine dans la jungle !

Dans le processus historique, on voit déjà apparaitre un mouvement :

Dans les sociétés archaïques l’ordre découle du Sacré qui impose ses interdits et ses rituels ; les dieux qui l’incarnent sont extérieurs à la société même si souvent ils la fondent au travers des mythes. En avançant dans le temps, cette extériorité commence à réintégrer la communauté : le roi, même s’il est sacré, est aussi humain et le plus souvent issu de la communauté. Plus avant encore, en continuant le processus de désacralisation de la Loi, dans l’État Nation moderne, l’extériorité n’est plus au niveau de la communauté, qu’elle a intégré, mais au niveau de l’individu : l’État et l’individu sont des parties intégrées de la Nation mais l’individu et l’État restent séparés. L’extériorité s’exerce donc maintenant au niveau de chacun et non plus au niveau de tous. C’est, je pense, au niveau de cette rupture de niveau assez fondamental, que s’opère le délitement de l’ordre car il accompagne une perte vertigineuse de transcendance. Dans l’Ordre Sacré ancien, l’extériorité de la Loi soude la communauté car enfreindre la Loi, c’est s’exclure, de façon immédiate et parfois irrémédiable, de cette communauté. Le prix payé par les individus est alors l’uniformité et l’immobilisme (un bon exemple dont il subsiste encore les traces est illustré par le système des castes en Inde). Le gain pour la communauté est évident : stabilité et pérennité de celle-ci. C’est sur ce mode que l’Humanité a fonctionné pendant des millénaires. Dans l’État Nation moderne, c’est chacun qui doit être contraint par la Loi pour éviter que le désordre prospère ; l’État s’y emploie en légiférant d’une part et en faisant respecter les lois d’autre part. Mais, en perdant la transcendance du Sacré et en faisant porter son point d’application sur chaque individu, la Loi doit lutter contre des forces de délitement qui n’existaient pas auparavant. Ce n’est plus à un ensemble d’êtres humains ou à des groupes homogènes que la Loi doit s’appliquer, mais à chaque individu pris comme une entité autonome et souveraine capable de revendiquer sa liberté d’action dans les limites justement que la Loi va devoir lui concéder. Certes la Loi continue de s’appliquer à tous en théorie mais des fissures commencent à apparaitre dans la belle uniformité sous la poussée de la défense des libertés individuelles, des Droits de l’Homme et autres revendications à l’autonomie qui paraissent, par ailleurs, parfaitement légitimes sur le plan moral ou éthique et qui ont été « libérés » par l’intégration de la Loi dans la communauté.

Cela suscite la montée de la judiciarisation, c’est-à-dire du recours de plus en plus fréquent à l’arbitrage des conflits par la loi, et l’hyperactivisme du Législateur, c’est-à-dire la nécessité de produire de plus en plus de lois pour répondre à la prolifération des conflits spécifiques. De moins en moins de cas généraux, de plus en plus de cas particuliers…

Bien sûr cette prolifération législative affaiblit la force de la Loi car, à force de vouloir répondre à tous les cas particuliers, les lois finissent par se contredire entre elles ouvrant ainsi la porte à la contestation et à la judiciarisation selon le principe de bon sens que trop de lois tue la Loi. Ainsi se met en place un mécanisme pernicieux et divergent mettant en évidence que la Loi, telle qu’elle s’appliquait dans nos sociétés, perd progressivement sa capacité à réguler les comportements et limiter les conflits interindividuels.

Longtemps, le pouvoir de la Loi a paru irrépressible dans la mesure où il s’exerçait sur des groupes humains socialement homogènes, castes, classes sociales, corporations qui lui servaient de relais ou de démultiplicateurs, ces groupes ayant eux-mêmes leurs propres cohérences. Mais vouloir ajouter au principe de Liberté le principe d’Egalité, c’est amener le droit d’exercice de cette liberté au niveau de chaque individu constituant la communauté puisque selon l’article premier de cette même Déclaration des Droits de l’Homme et des citoyens, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».

A partir de là, la porte est ouverte au surenchérissement sur les deux termes de la devise de la République :

-Liberté : avec le développement des revendications à la libération de toutes les formes d’oppression ou d’asservissement, quelles soient d’ordre social, économique, intellectuel, idéologique, sexuel…

Egalité : avec le développement des revendications pour garantir que les droits conquis au nom de la Liberté s’appliquent à tous, i.e. à chacun, sans discrimination de genre, de race, de niveau social, d’âge..

Nous voyons ainsi l’auto-renforcement qui s’opère entre le développement des libertés, le défrichage de nouveaux espaces de mouvement social ainsi réalisé, le besoin de régulation par la Loi qui se renforce pour assurer son applicabilité à tous et les nouveaux obstacles que, de ce fait, la Loi va rencontrer dans son opérabilité, le tout dans un décor mettant en scène la montée du recours juridique pour interpréter la Loi de plus en plus complexe et incomplète.

Nous nous offusquons parfois (ou revendiquons, c’est selon) de l’individualisme exacerbé de nos sociétés en oubliant qu’il s’inscrit en toutes lettres au fronton de nos mairies, que nous en avons été fiers autrefois et qu’il est ainsi viscéralement ancré dans la culture française. Il suffit, si on en doute, de constater la réaction de défiance et de rejet devant les tentatives par certains hommes politiques de remplacer l’objectif d’Egalité par la notion d’Equité qui est un principe déguisé d’Inégalité acceptée. Bien sûr tout un chacun peut mesurer que le principe d’Egalité ne peut être qu’un objectif inatteignable mais ce n’est pas une raison suffisante pour y renoncer sachant que le principe de Liberté est par essence tout aussi inatteignable et que nous ne sommes pas prêts à y renoncer pour autant.

En résumé :

Plus de Libertés c’est plus de lois.
Plus d’Egalité c’est plus de lois applicables à chacun, donc encore plus de lois.
Trop de lois c’est la de-légitimation de la Loi et donc menace sur les Libertés.

Il semblerait donc que nous soyons inéluctablement conduits vers une impasse, ou tout du moins que la Loi, comme principe régulateur de la Société, soit vouée à devenir de plus en plus inopérante.

Avançons que c’est peut-être là que se situe le pivot de notre crise de Société car nous ne renoncerons pas à nos principes de Liberté et d’Egalité. Ils sont maintenant inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.

Avançons encore que peut-être la voie de sortie de ce dilemme nous est indiquée si, chacun, nous levons la tête vers le troisième terme toujours oublié de la devise inscrite sur nos mairies ou si nous relisons l’article premier de cette même déclaration universelle qui reprend justement les trois termes de notre devise, ce que peu de Français savent :

Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Fraternité, citoyens !

———–
(*) BAB64

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95 réponses à “Ordre, Désordre et Société : réflexion sur la devise de la République française, par Pierre Raffy (*)”

  1. Avatar de Bruno
    Bruno

    La liberté, telle que décrite par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, ne peut s’articuler sans l’égalité (en droit, telle que l’on voulue nos fameux révolutionnaires). Le problème? Elle ne reste que purement théorique, les parties adverses n’ayant forcément pas de moyens matériels égaux. Sans même parler d’une véritable inflation des textes, qui ne fait que rendre encore plus complexe la pratique juridique. Mais bon: nul n’est sensé ignorer la loi…

  2. Avatar de Bernard Samson
    Bernard Samson

    « le « Il est interdit d’interdire » de Mai 68 est une absurdité et peut se comprendre comme une provocation plutôt qu’une revendication. »
    Je confirme : c’était bien une provocation!

    1. Avatar de claude roche
      claude roche

      @ samson
      C’est peut-être une provocation, mais à coup sûr une régression morale
      cordialement

  3. Avatar de bart94
    bart94

    Il y quand même quelque chose entre le sacré et la loi tout de même.
    on peut quand même savoir policer son comportement par rapport aux autres sans la crainte d’un dieu ou d’un tribunal !

    je pense que ce qui compte le plus pour vivre ensemble c’est l’empathie.
    Il ne faut pas attendre le dépôt d’une plainte pour se rendre compte qu’on a été trop loin. ça devrait aller de soi.
    je ne parle pas de choses illégales, mais de la vie en commun. personnellement je suis peut-être un cas, mais je nme dem

    voulez-vous dire que sans contraintes au dessus d’elle, la nature humaine aura toujours tendance à vouloir aller trop loin et empiéter sur la liberté des autres?

    1. Avatar de Amsterdamois
      Amsterdamois

      Justement, il me semble que ce quelque chose de plus, nécessaire pour vivre ensemble, l’empathie donc, se retrouve dans le troisième terme de la devise : Fraternité. La liberté et l’Egalité sont des droits de l’individu, la Fraternité un devoir de ce même individu envers ses semblables.

    2. Avatar de BAB64
      BAB64

      Je ne dis pas que la nature humaine aura toujours besoin de contraintes au dessus d’elle pour ne pas aller trop loin. Je constate qu’elle a toujours fonctionné comme cela mais que cela marche de plus en plus mal.

  4. Avatar de bart94
    bart94

    fausse manip dans mon premier post. je continue.

    je ne parle pas de choses illégales, mais de la vie en commun. personnellement je suis peut-être un cas, mais quand je fais quelque chose (percer un trou dans un mur à minuit) je me demande en permanence la gêne que je peux causer aux autres.

    voulez-vous dire que sans contraintes au dessus d’elle, la nature humaine aura toujours tendance à vouloir aller trop loin et empiéter sur la liberté des autres?

    1. Avatar de Nataly
      Nataly

      Et bien voilà : je te rejoins, Bart : Non ! La liberté des uns ne s’arrête pas où commence celle des autres, car en renonçant à enfoncer la mèche d’une perceuse à minuit dans un mur mitoyen, j’exerce encore ma liberté. Je choisis librement de protéger le sommeil de mes voisins.
      L’homme est une liberté qui choisit mais il ne choisit pas d’être libre, il est condamné à la liberté. Je me permets de restituer la citation ô combien célèbre de JP Sartre dans son intégralité, car n’en conserver que l’oxymore final c’est se priver de ce qui en fait l’intérêt. Oui nous sommes libres, oui nous choisissons, toujours (car ne pas choisir c’est encore choisir), et c’est renforcer l’expression de sa propre liberté que choisir de ne pas nuire à autrui.
      La règle (loi), reste pour moi, ce qui se substitue au bon sens pour ceux qui en sont dépourvus.

  5. Avatar de Phil de Saint Naz
    Phil de Saint Naz

    Une bonne description de la colique législative dont sont atteints les parlementaires, sous la férule du Gouvernement et des évènements: le livre « Ubu Loi » de Philippe Sassier et Dominique Lansoy: effrayant
    un lien présentant le bouquin sur le site de l’IFRAP: http://www.ifrap.org/Ubu-loi-Trop-de-lois-tue-la-loi,0253.html

  6. Avatar de jeannot14
    jeannot14

    La loi doit être GENERALE, de principes, le particulier ne devrait être déterminé que par un juge de fond, en respect des principes Républicains, ou des coutumes, ou du cadre du préambule de la constitution, de la constitution, des lois civiles et de tous les codes particuliers. La décision finale pour les cas étudié fait Jurisprudence.

    Le préambule de la constitution, est fait pour poser les limites d’interprétation des lois, dans le respect de l’intérêt général et des principes Républicains.

    Entendez-vous un avocat plaidé dans ce sens, non ce n’est pas leur intérêt bassement rémunérateur, le code civil leur accorde même le droit de ne pas dévoiler leur savoir, système système système……… juridique financier etc…!!!!!!!!

    Le droit, c’est comme pour la création de monnaie, il faut être deux, mais dans le respect que les deux parties soient libres de ne pas contractées, ou de pouvoir changer les termes du contrat.

    Je ne signe qu’après avoir lu les contrats et abrogés les clauses qui ne me conviennent pas, ma liberté est à ce prix, du temps et de la persuasion, sinon je vais contracté ailleurs avec mon bon argent. Le capitaliste accepte toujours par peur de perdre quelques sous.

  7. Avatar de Hole Street
    Hole Street

    Cet article premier de la Déclaration Universelle est quasiment magique et, mine de rien, révèle combien il a fallu réfléchir avant de « pondre » cela ! Et pourtant, tout est là, réduit en quelques mots si l’on veut bien les lire et les comprendre avec un minimum de bon sens et d’honnêteté.

    Et si, de ces trois mots, on ne retient souvent que les deux premiers, c’est bien parce qu’ils appellent des revendications ; et que revendiquer, tout le monde sait le faire. Par contre, accepter les contraintes induites par ce mot « fraternité », ça, c’est déjà beaucoup moins drôle et beaucoup plus difficile.

    1. Avatar de communisation
      communisation

      « Cet article premier de la Déclaration Universelle est quasiment magique… »
      C’est cela même se payer de mots, croire à leur magie, à leur sortilège, à leur efficacité incantatoire et changer le mot, quand onest impuissant à changer les choses
      « Et si, de ces trois mots, on ne retient souvent que les deux premiers, c’est bien parce qu’ils appellent des revendications ; et que revendiquer, tout le monde sait le faire. »
      Je vous laisse la responsabilité du « on ne retient… » (qui, vous, moi, les français, les hommes, les citoyens?), je tire comme conclusion de cette phrase que « revendiquer est drôle et facile », pouvez-vous expliquer pourquoi? Et d’autre part que la fraternité ne se revendique pas, qu’est-ce qui peut bien vous faire penser cela?
      Beaucoup de magie, un peu de morale…hmm, par ici le prêt-à-penser, prédigéré, fadaise et bon sentiments, vous n’y êtes pas du tout,
      humbles salutations

  8. Avatar de babypouf
    babypouf

    Bonjour,

    pronons alors le religieux afin d’avoir une morale de vie. (pas comme certains colons et certains terroristes évidemment)

    Laissons les loi aux joueurs de société en société.

    Cordialement

    1. Avatar de communisation
      communisation

      « pronons alors le religieux afin d’avoir une morale de vie. (pas comme certains colons et certains terroristes évidemment) »
      J’allais m’étouffer de rire, « pronons », comme vous l’écrivez, le « religieux », mais attention, le religieux « cool », bouddhisme, c’est tentant, non?
      Dieu est mort, et Le religieux n’existe pas, ce ou ceux qui existent ce sont des religions et leurs adeptes…
      Le temps payé ne revient pas babypLouf.
      AMEN

  9. Avatar de michel lambotte
    michel lambotte

    Fraternité, et bien oui!!!!
    Nulle part, on ne fait mention de cette composante pourtant essentielle pour l’avenir, cela n’a jamais été essayé.
    Au fait, qu’est ce au juste la fraternité que l’on confond souvant avec altruisme.
    Personnellement, je vois les choses comme ceci, l’altruisme est donner à l’autre dans son propre détriment.
    La fraternité étant le fait de payer ensemble pour récolter ensemble face aux périls qui nous menacent.
    Le système capitaliste industriel de marché est un système condamné à l’expansion continue, c’est impossible face aux limites de notre planète; je pense que chacun sur ce forum a conscience que la crise actuelle est la fin de ce système.
    Pour moi, ce n’est pas un problème, bon débarras.
    A mes yeux, en occident, nous consommons 3 planètes, c’est innacceptable, nous sommes condamnés à plus ou moins brève échéance à consommer 10 fois moins de ressources terrestres pour pouvoir survivre.
    C’est là que se trouve la fraternité est c’est tout à fait possible si nous nous y mettons tous ensemble avant qu’il ne soit trop tard.
    La liberté et l’égalité tournent en rond dans un fratas de lois toujours de plus en plus compliquées en croissance exponentielle, c’est je pense la fraternité qui résoudra le problème.
    Au préalable il faudra responsabilisé le citoyen et cela je pense que c’est la plus grande difficuté qu’il faudra surmonter à moins que l’austérité annoncée par l’ultralibéralisme ne lui envoie un bon coup de pied dans les neurones et qu’enfin il réagisse.
    Tous comptes faits, cette crise n’est-elle pas salutaire?
    Wait and see!
    « Act and see » C’est meilleur

    1. Avatar de communisation
      communisation

      « Tous comptes faits, cette crise n’est-elle pas salutaire? »
      Très, tout comptes faits, soustraction- des salaires-, multiplication- des chômeurs- ( et non des pains..), addition des fermetures d’usines, division universelle pour la survie individuelle…
      Tout comptes fais, mais que comptez-vous?

    2. Avatar de michel lambotte
      michel lambotte

      Plein d’idées qu’il faut mettre en route pour améliorer le bien être sans démolir la planète.
      Le savoir est pouvoir et c’est celui-ci qu’il faut utiliser.
      C’est clair que le capitaliste ne voudra rien lâcher et qu’il est capable de consommer le consommateur que nous sommes. C’est d’ailleurs ce qui se passe aujourd’hui.
      C’est un système suicidaire qui ne peut vivre sans expansion, or nous sommes aux limites de la planète.
      Le problème du chômage se résoudra par la relocalisation de l’économie et la prosommation ainsi qu’un développement encore valable dans mille ans.
      Ce n’est qu’un point de vue qui a le mérite d’exister

  10. Avatar de astrorock
    astrorock

    La societe francaise n’as pas la passion de la liberte, mais certainement celle de l’egalite.

    La liberte on l’oublie souvent, a son corollaire, la responsabilite! Et cette responsabilite, bien peu la revendiquent et encore moins l’assument. C’est toujours la faute d’un tiers: etat, patron, entreprise, voisin, etc, etc…La liberte a l’interieur d’une societe ca s’apprend, et ca s’assume, car quelquefois on vous presente l’addition, plus ou moins lourde.

    L’egalite par contre est bien une passion francaise, sans cesse mise en avant, par tout le monde. Vous en connaissez vous des personnes revendiquant l’inegalite comme projet politique. Par contre on attend souvent que ce soit un tiers qui la mette en oeuvre, nous exonerant par la de l’effort individuel que nous decrions consacrer a cet ideal claironné a tous vents. Saupoudrons tout cela d’un sentiment bien humain, la jalousie, et on arrive a penser l’illegitimite de certaines situations, les expliquant par la magouille et tant d’autres choses.

    Certe il y a a faire pour redonner de la realite a cette fameuse « egalite des chances » mise en vant par pierre paul et jacques, mais en admettant meme que ce soit realise par un coup de baguette magique, que tous les ompteurs soit mis a zero pour tout le monde en meme temps, 10 ans plus tard, on aurais de nouveau des inegalites.

    La loi ne peut pas tout, l’impot ne peut pas tout, ils sont bien entendus necessaire, mais c’est a nous tous, a notre niveau, d’oeuvrer a cet ideal, ne serais ce qu’en eduquant nos enfant, sans compter uniquement sur l’ecole.

    1. Avatar de communisation
      communisation

      « C’est toujours la faute d’un tiers: etat, patron, entreprise, voisin, etc, etc…La liberte a… »
      Niveau zéro de « la pensée », mais que demander de plus à (dés)astrorock?
       » vous des personnes revendiquant l’inegalite comme projet politique
      Bien sûr, par exemple : Les français d’abord ! Puis vous en connaissez, vous des politiciens qui ne flattent pas leurs électeurs? Vous en connaissez-vous qui ne jettent pas sur les cadavres des manteaux de parole? (Aux cadavres jetés ces manteaux de paroles : Louis Aragon)
      « La loi ne peut pas tout, l’impot ne peut pas tout, ils sont bien entendus necessaire, mais c’est a nous tous, a notre niveau, d’oeuvrer a cet ideal, ne serais ce qu’en eduquant nos enfant, sans compter uniquement sur l’ecole. »
      L’idéal, la magie de Hole Street, encore un qui se paie de mots, de mots ronflants et sonores, vides et traîtres, pleins de bonne conscience, idéal, liberté, humanité….
      C’est ainsi que nous sommes arrivés ici, le problème (les solutions politiques, les réformes, l’idéal…) n’est pas la solution.

  11. Avatar de Phil de Saint Naz
    Phil de Saint Naz

    « Cela suscite la montée de la judiciarisation, c’est-à-dire du recours de plus en plus fréquent à l’arbitrage des conflits par la loi, et l’hyperactivisme du Législateur, c’est-à-dire la nécessité de produire de plus en plus de lois pour répondre à la prolifération des conflits spécifiques. »

    Il n’est pas sur que l’inflation législative crée la moindre solution aux conflits ou renforce la sécurité.

    La ville de Drachten, aux Pays Bas, l’urbaniste Monderman décide de tenter une expérience( dite de shared space): faire disparaître toute règle, toute signalisation pas rapport à la circulation. La rue et les places deviennent des espaces neutre dans lesquels chacun doit se mouvoir en fonction des déplacements de son voisin. Seule subsiste l’obligation de rouler à droite.

    Moralité: diminution des accidents de 50%. N’est-ce pas la loi qui crée l’insécurité? Créer des ayants droits absolus n’ autorise-t’il pas ceux-ci à exagérer pour faire respecter leur droit à tout prix? La loi, dans sa forme actuelle n’est-elle pas, en elle-même, génératrice de violence?

    1. Avatar de Amsterdamois
      Amsterdamois

      La loi créatrice d’insécurité… On ne peut sans doute en faire une systématique, mais le propos est judicieux.
      Mon expérience de cycliste m’inspire une remarque un peu comparable. Ici aux Pays-Bas, les choses sont très bien organisées, on s’en rend compte en voyageant à l’étranger. On peut à juste titre être fier d’une certaine domestication volontaire, de la limitation de la sauvagerie dans les rapports sociaux.
      Mais il arrive aussi que ce soit trop bien organisé. L’exemple est trivial, mais… la régulation de la circulation aux croisements est ici souvent poussée jusqu’à l’absurde; c’est un peu compliqué à expliquer sans dessin, mais le feu vert pour chaque direction – à gauche, tout droit, à droite est décomposé, et combine la circulation des voitures, celle des vélos et celle des piétons, ainsi que la voie propre des bus ou des tramways de telle manière que l’on doit longtemps attendre. Je connais de multiples croisements ou, lorsque c’est vert tout droit pour les voitures et les pietons, ça ne l’est pas pour les vélos; de multiples cas où tous, voitures, vélos, piétons l’on attend des dizaines de secondes qui paraissent interminables. Etc… Conséquence : comme on n’est pas aussi discipliné que les Allemands, cyclistes et piétons excédés passent au rouge [les automobilistes n’osent en général pas, ils risquent gros]. Dangereuse anarchie provoquée par un excès de régulation.… En revanche, très tôt le matin losque je part en vélo au boulot et que les feux sont encore éteints, il se produit cet agencement spontanné de shared space comme à Drachten. Une courtoisie qui disparaît dès que les feux s’allument et que les uns et les autres « se voient signifier leurs droits »…

    2. Avatar de Clemence Daerdenne
      Clemence Daerdenne

      la Loi pour la Loi, n’est pas la vraie Loi.
      le vraie loi va dans le sens de la vie , elle delimite des espaces de sureté et de sécurité pour que l’on puisse y developper son autonomie, sa creation, la sublimation, la responsabilité …

      La Loi pour la LOI est mortifére.

      Comme je suis d’accord avec vous Phil au style acéré et jubilatoire !!!!

    3. Avatar de Nataly
      Nataly

      Amsterdamois dit : Une courtoisie qui disparaît dès que les feux s’allument et que les uns et les autres « se voient signifier leurs droits »…

      Je souscris. Nous avons construit (chacun d’entre nous, en nous prêtant au jeu) une société fondée sur la consommation, où Avoir prime sur Être.
      Je suis certaine que pour les plus fragiles d’entre nous « avoir droit » est vécu comme posséder. Dans leur course effrénée à la possession – intrinsèquement frustrante – les droits réduits à l’état de choses possédées induisent mécaniquement des comportements primaires de clebs à qui on fauche son os…

  12. Avatar de louise
    louise

    Ce principe fondamental de fraternité qui est totalement passé sous silence aujourd’hui contient en lui-même toute la loi.

    Il est à rapprocher du « Aimez-vous les uns les autres » et du « Ne faites pas à votre prochain ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fasse ».
    A partir de cela il est possible de supprimer quasiment toutes les lois.

    Vous n’aimeriez pas que votre voisin vienne piétiner vos plates-bandes, donc vous n’allez pas piétiner les siennes.

    Un banquier n’aimerait pas qu’on l’oblige à emprunter à 20 %, donc il ne doit pas proposer de tels crédits à autrui.

    A ce moment là, nul besoin de gens de lois, de simples tribunaux composés de personnes tirées au sort dans la société, avec un mandat pour une durée déterminée, dans chaque ville et c’est tout.
    Chacun pouvant aller déposer sa plainte qui sera examinée selon le principe énoncé au début.

    On peut toutefois garder certaines choses, comme le code de la route, par exemple, si une rue est trop étroite pour que deux voitures puissent se croiser, il est normal de lui appliquer un sens unique et de le signifier par des panneaux.

    Et pour respecter la loi, il suffit de se dire : « j’ai envie de faire telle chose, si mon voisin le faisait est-ce que cela me gènerait ? »

    1. Avatar de Clemence Daerdenne
      Clemence Daerdenne

      LOuise, comme d’habitude, merci de votre texte et de la lucidité et l’humanité qui s’en dégage.
      le ton y est Fraternel

  13. Avatar de François78
    François78

    Vous montrez que celà pose déjà problème lorsque vous voulez donner aux mots de Liberté, Egalité, Fraternité un sens naïf (je veux dire commun, ou premier).

    Il suffit d’entendre les fréquents débats sur tous sujets sensibles (par exemple ceux de l’actualité récente) entre intellectuels auto-proclamés ou médiatiquement adoubés pour se rendre compte à quel point les sens de ces mots peuvent être triturés à l’infini en fonction des argumentations. Qu’en est-il quand lorsqu’on s’arroge la liberté de réécrire le sens ?

    C’est tout simplement consternant, j’ai parlé dans un autre commentaire de « bouillie intellectuelle ». Je devrait parler aussi de perte de repères, et je commence à comprendre ce que veut dire le mot « décadence » (qui ne touche pas que la finance).

    Combien de blogs sur internet maintiennent encore un peu de sens, et pour combien de temps, avant que les tenants de la Liberté, de l’Egalité, et de la Fraternité réformées arrivent à les étoufffer ?

  14. Avatar de Crapaud Rouge

    Attribuer l’origine des problèmes sociaux-économiques et moraux de notre époque à la « perte de Transcendance », thèse favorite de ma grande sœur intello et bigote, est une approximation théorique qui n’aura jamais de fondement solide. Ma position est que le christianisme, avec sa théologie inventée de toutes pièces et historiquement datée, est une fausse religion. Certes, comme toute religion, elle a joué son rôle de ciment social, mais en s’imposant plus par les armes que par l’esprit. Le christianisme n’a séduit que les intellos qui se posaient des problèmes métaphysiques, les gens du peuple ne l’ont « acceptée » que sous l’autorité de leurs élites, exactement comme l’on vient de nous imposer le néolibéralisme.
    Avec son concept de transcendance, et du reste son dieu unique qui n’est que concept, le christianisme est le précurseur de tous les maux de notre époque, les métastases de l’ERREUR de NAZARETH, comme disaient les païens. Certes, il y a dans cette religion de la charité et de l’amour, proclamés haut et fort, mais aussi un ORGUEIL démesuré, démentiel, absurde : VAINCRE la MORT. Mais que s’imagine-t-on ? Que le paganisme était une religion de la haine ?

  15. Avatar de jducac
    jducac

    @Bernard Samson dit : 14 février 2010 à 10:18
    Je veux bien vous croire, mais les slogans sortis de leur contexte restent dans leur texte et survivent d’autant plus qu’ils sont ravageurs.
    Voyez ce qu’a pu faire « CRS SS ».

    Avant 68 la police n’était pas à toute occasion traînée dans la boue comme maintenant. D’autant que pour mieux la déconsidérer on a vu fleurir depuis « Nique la police ».
    Mais le mal ne s’est pas arrêté là, puisque cela a donné lieu à ce slogan formidable « Nique ta mère » qui marque la transgression d’un interdit remontant très loin dans les temps. Il nous rapproche donc encore plus vite du niveau de civilisation des temps anciens vers lequel nous nous acheminons.

    Bien sûr, avec « Nique ta mère », c’est surtout le père qu’on abat, en particulier son autorité et avec elle tout ce qui est la marque d’une autorité dans tous les domaines. Pour préparer l’anarchie et le chaos, il n’y a pas mieux.

    Voyez où cela a conduit les jeunes générations. Sont-elles plus où moins heureuses que celles de leurs grands parents, malgré la hausse du niveau de vie (probablement éphémère) à l’échelle des temps de l’humanité?
    Non, la jeunesse est devenue violente parce qu’elle n’est pas heureuse, dès la prime enfance et ça n’est pas la multiplication des lois et autre moyens qui peuvent y remédier.
    Il faut restaurer les lois morales simples et efficaces qui existaient avant 68 et qui étaient connues et appliquées par la plupart des gens même très modestes. Il n’y avait pas besoin de discuter d’une foule de lois à l’assemblée, ni de prévoir l’intervention de policiers, d’avocats, de juges et autres pour maintenir la civilisation au niveau où ceux qui nous avaient précédé, l’avaient amenée.

    La famille, l’école, la religion pourvoyaient à l’essentiel dans ce domaine et même jusqu’aux plus hauts niveaux de responsabilité.

    Allez, hommes 68 et ceux qui ont laissé reprendre leurs slogans, reconnaissez que vous avez commis des erreurs très graves et dites comment vous proposez de vous racheter. Ca n’est pas interdit, quand on voit les dégâts occasionnés

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Les « hommes de mai 68 » (et les femmes aussi ?) se rachèteront-ils avec trois pater et cinq ave ? Responsables condamnés en chair(e) d’un complexe d’Oedipe moins poétiquement renommé ?

      Patrie va de pair avec famille, école et religion, au nom des 10 millions de morts et 20 millions d’invalides de la Grande Guerre.

      Reprenez-vous !

    2. Avatar de Amsterdamois
      Amsterdamois

      Vous semblez ignorer que la défiance, voire l’hostilité envers les forces de l’ordre existant dans les couches populaires ne date pas de mai 68. Ne faites pas comme si la violence sociale n’existait point jadis.

      Vous ignorez à quel point la violence était présente jadis. Relisez les romans sociaux du XIXe S! Pour ne pas parler de la violence dans les sociétés d’Ancien Régime. N’oubliez pas que les ‘cognes’ avaient et ont pour mission d’assurer le maintien de l’ordre social bourgeois, et celui-ci n’était, et n’est toujours pas spécialement tendre pour les plus défavorisés. d’où venait, à votre avis, cette hostilité envers les forces de l’ordre dans les chansons de Brassens?

    3. Avatar de Crapaud Rouge

      « La famille, l’école, la religion pourvoyaient à l’essentiel dans ce domaine et même jusqu’aux plus hauts niveaux de responsabilité. » : affirmation de nostalgie. Admettons que « famille, école et religion » étaient 3 piliers de la « civilisation » avant l’apparition des « nike ta mère », (qui n’est jamais qu’une insulte), il faudrait nous expliquer les millions de morts de la Première guerre mondiale. Certes, il y avait à l’époque de l’Autorité, de la Transcendance, de l’Ordre, de la Morale et toutes ces bonnes choses, mais il y avait aussi ce qui a provoqué cette guerre, laquelle n’a pu qu’avoir des effets sur « la famille, l’école, la religion ». Mais tout ça, les contempteurs de Mai 68 n’en parlent jamais. J’aimerais avoir leur avis.

    4. Avatar de michel lambotte
      michel lambotte

      J’avais 19 ans en Mai 68
      Le slogan du pouvoir était « consommes et tais toi »
      On nous demandait d’être des moutons obéissant au doigt et à l’oeil, (chair à canons) on écrasait la créativité au nom de la rentabilité, heureusement aujourd’hui ce système s’écroule et c’est cela qui est cause de violence.
      La nature a horreur du vide.
      Pour en revenir à nos moutons, n’oublions pas la chanson de Jacques Brel « Au suivant »
      Je n’ai rien à me reprocher et encore moins à me racheter, c’est facile de mettre ses propres problèmes sur le dos d’une génération de juvénile qui avait vu juste. Certes, nous avons commis des erreurs, mais la plus grande est de ne pas tenir compte des apports positifs de mai 68.
      Ce n’est pas par hasard qu’en 1971 est parut les limites de la croissance suite au rapport Meadows.
      Suite à cela le mouvemnt écologiste et féministe est apparru.
      Hé oui, tout est dans tout.

    5. Avatar de Phil de Saint Naz
      Phil de Saint Naz

      Qu’est-ce qu’on se faisait chier avant 68: chacun chez soi, on visite les cousins, on va à la messe et les jeunes au patronage (confessionnel ou non), les jours de congé. Arrêtons de rêver à un âge d’or révolu. Si c’était si bien avant, ça se saurait et ça n’aurait pas débouché sur le merdier actuel, les chats ne font pas des chiens.

    6. Avatar de michel lambotte
      michel lambotte

      Un grand merci à vous mon cher Paul. Cette chanson à elle toute seule elle résume bien les causes de Mai 68.
      La fraternité n’est pas d’être le suivi d’un suivant comme à la caisse d’un super marché mais bien d’être ensemble pour résoudre le problème de notre civilisation dans le respect des opinions de chacun. Ce qui ne veut pas dire approbation.
      Encore un grand merci pour votre blog, je le suit comme je peux, mais ce que j’apprends est essentiel pour moi.

    7. Avatar de iGor milhit

      😀

      Après quelques lignes du début de ce billet (que je n’ai pas lu avec assez d’attention, mais une fois où je voyais 36 étoiles tournoyer autour de ma pauvre tête, je me suis dit que ma liberté commence là ou commence celle des autres, parce que je ne peux être libre sans la liberté des autres…), j’ai pensé à vous cher M. jducac… C’est bien dommage qu’un certain 2Casa ne soit là pour y répondre. Mais, est-ce que cela en vaut bien la peine?

      L’imagination est-elle au pouvoir? Permettez-moi d’en douter: Une artiste chinoise censurée à Paris.

      Bien à vous…

    8. Avatar de jducac
      jducac

      @ Paul Jorion 14 février 2010 à 14:04
      De la même époque, pour faire suite à « Au suivant » et pour aider ceux qui, en soutenant l’œuvre de 68, viendraient à en douter sur certains points:
      http://www.dailymotion.com/video/xjxwv_1965-francia-guy-mardel_music

  16. Avatar de Cassat
    Cassat

    Toutes les pratiques banquaires relèvent du piratage. Vieille tradition du droit de la mer qui inspire la pensée capitaliste idéologiquement prédatrice c’est à dire procédant par spoliation des moins mobiles et des plus faibles grâce à la liberté des mouvement d’une force supérieure.

    L’homme procède par mimétisme et identification. Allez voir Océans de Perrin et vous comprendrez l’actualité de ce processus dans sa version écologiste d’amour et d’identification aux grands prédateurs. Aucune pitié pour la sardine ou pour le végétal. Amour de la baleine et du requin au nom de la liberté.

    Observons la nature et examinons le passé et nous trouverons des solutions( étouffement des bourdons par les abeilles). Il faut sans doute rechercher à identifier la prédation et lui rendre le plaisir difficile et éradiquer l’identification à la prédation pirate à la fois par un processus idéologique montrant ses risques et ses échecs et concrètement punir férocement à la manière Poutine les avantages que l’on en tire(khodorofski). Ce n’est pas plaisant.
    Qu’en pensez vous?

  17. Avatar de Hentarbleiz
    Hentarbleiz

    En réalité, la fraternité n’est pas en soit une valeur qui fait sens. La fraternité est définie justement par les contraintes d’ordre social. On n’aide autrui que dans un sens bien définie par un contexte, une éducation. Si on envisage de l’aider d’une manière qui n’est pas envisageable par lui, on le réduit au niveau d’enfant, lui soustrayant sa condition d’homme. Sans une prise en compte du contexte, la fraternité devient ingérence et profonde insulte. La fraternité ne peut donc se concevoir que dans le respect de l’intégrité d’autrui, hors qu’est ce qui fait l’intégrité d’autrui ?

    Fut un temps, on considérait la notion d’âme, ce pouvait être également, dans une optique plus confucianiste, la place sacrée de l’homme dans le cosmos, comme vous le rappelez si justement.
    Dans une société à taille humaine, c’est à dire où l’espace des possibles envisageables est visible et compris par l’ensemble des acteurs de la communauté, ou plus généralement, dans un espace symbolique clôt et cohérent, la fraternité est très facile à mettre en oeuvre. On en a la preuve dans une multitude d’études et de reportages sur des cultures traditionnelles.

    Or, dans une société où les cultures sont multiples, les champs symboliques entremêlés, comment faire? Lorsque la culture de chacun est encore affirmée, c’est facile, il suffit de mettre en oeuvre le principe de tolérance. L’autre est profondément différent de moi, nous en sommes tout les deux conscients, mais nous sommes tout deux hommes, et en celà nos dignités sont inaliénables quelques soients les conflicts auxquels nous seront amené à participer en raison de ces différences.

    Dans une société où il n’y a pas de modèle d’émergence d’une virilité, la tolérance n’a plus court. On lui préfèrera la discution et le compromis, la compréhension (la féminité diraient certain). C’est une chose qui n’est pas déplorable en soit, mais prendre conscience de la liaison qui existe entre mon système de pensé et celui d’autrui, c’est également prendre conscience de l’absurdité de notre communication : « nos système se recoupent, donc notre système n’est qu’un, donc autant s’éduquer chacun de notre côté dans ce grand système. »
    Et c’est le principal danger auquel est confronté tout scientifique : réussir à voir à la fois le lien et la richesse et la beauté du déploiement, ne pas faire du résultat de l’analyse la valeur à défendre… Cela demande une grande sagesse qui n’est pas facilement applicable.
    Par ailleurs, on risque ainsi de nier qu’il pourra exister également des conflicts dans ce grand méta-système, obligeant ainsi une prolifération des lois nécessaire pour ne pas tomber dans un totalitarisme.

    Les droits de l’homme, c’est le résultat d’une analyse anthropologique, mais ce n’est absolument pas une « valeur » à défendre, en soit. C’est la sagesse fondatrice que l’on retrouve dans tout contact humain sage, mais la concevoir comme supérieur aux autre cultures, c’est enlever le terreau du champ, c’est retirer le fil du métier à tisser ! Les droits de l’homme, ce n’est, en soit, rien, et ça peut être tout dans un monde riche de diversité et d’affirmation des identités, des mondes. Prendre les seuls droits de l’homme, c’est réduire l’homme à son corps souffrant, et de fait, on risque d’arriver à justifier le totalitarisme décrit par Tocqueville, ainsi que l’humanitarisme dévoyé, l’hygiénisme, la désincarnation par la science décrit notamment dans Matrix, et j’en passe.

    Les lumières ont voulu faire de tout homme un sage en donnant directement par écrit les clefs de la sagesse dans les rapports humains… Mais c’est oublier que l’homme est d’abord enfant, puis Homme, et qu’enfin il peut devenir sage. Il faut d’abord lui donner une vision du monde, des rites et coutumes, les moyens de s’incarner dans l’effort d’une tâche, lui apprendre comment aimer, lui laisser des oasis de nature sauvage où se ressourcer, où il peut renouer avec ses racines, et, enfin, il entreverra peut être les droits de l’homme lui même, sinon, dommage pour lui… De toute façon, comme il est dit dans l’Hagakure « le sens va au sens, le savoir au savoir », si on a pas compris, lire un millier de fois la même phrase ne la rendra pas plus lumineuse. Il faut l’avoir compris avant de la lire réellement.

    Depuis les lumières, on marche sur la tête, essayant d’ériger en valeur à défendre, une analyse. Et j’aurai presque envi de conclure avec un apopthègme d’un père du désert, Abba Jean-Colobos : « On ne construit pas une maison de haut en bas, mais on part des fondations pour aller jusqu’aux faîts »…

    1. Avatar de Phil de Saint Naz
      Phil de Saint Naz

      @ Hentarbleiz

      Hent ar Bleiz, ça veut dire le chemin du loup en Breton?

    2. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      @Phil de Saint Naz

      Oui, ou la voie du loup, c’est selon.

  18. Avatar de Coeur
    Coeur

    Pour moi le mot liberté, est d’abord un état, et après une action! Si je suis libre intérieurement je considère les autres comme mes égaux, et donc je suis fraternelle!!! Je dirais : moins il y a d’égo, plus il y a d’égaux!!!

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      L’égo est une notion bien trop vague. En le concevant comme la simple conscience de soit, on pourrait simplement dire : moins il y a d’égo, moins il y a d’hommes.

      La suppression de l’égo, généralement présenté comme aboutissement des principales religions contemporaines (à tord il me semble) (bouddhisme, christianisme, islam…), c’est en partie un aveux d’échec, hélas.
      Lorsque l’on n’arrive pas à se trouver une place dans un système donnée, on peut opposer le droit à la non place, trouvant ainsi un refuge dans le bouddha, l’église, c’est à dire dans une soustraction à la société qui nous a vu naitre. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, une société, par sa distribution des tâches et leur justification cosmologique, offre à l’homme la possibilité de l’action et même la justification profonde et sensible de l’action, donc l’amour total de sa tâche, et c’est ça la liberté, à mon sens, mais peut être qu’on se rejoint sur ce point. Elle permet l’émergence d’un amour qui n’est pas seulement contemplation, mais surtout action juste.
      Les religions, à l’heure actuelle en occident, sont surtout les derniers refuges de sagesse et les derniers groupes d’homme ayant pour seul objectif l’amour, le sentiment de vie. Cependant, elles peinent fortement à faire valoir leur point de vue dans une société rationnelle car « ça ne sert à rien d’aimer ».

      Il me semble plus pertinent de penser qu’il faut glorifier l’égo en lui faisant une place juste, et rendre à l’homme sa place parmis les siens et dans le monde, comme le clamait haut et fort Victor Hugo « L’Homme est grand ! ».

    2. Avatar de michel lambotte
      michel lambotte

      Il me semble que la définition de la liberté qui serait la plus propice à engrendrer une remise en question personnelle sur le sens de la vie, est celle de Jean Mrie Pelt dans L’homme renaturé
      http://www.rsr.ch/espace-2/comme-il-vous-plaira/selectedDate/1/6/2008#dimanche
      Liberté chérie
      la liberté désigne ici l’aptitude à dépasser, généralement à travers une situation de crise, le poids des aliénations qui conditionnent nos automatismes et nos habitudes.Elle brise les cercles vicieux. Elles appelle imagination et créativité. Elle rend brusquement crédibles à nos yeux étonnés de nouveaux modèles de comportement individuels ou collectifs. Elle poussent nos destinées audelà des frontières que leur assignent les systèmes, et débouche sur un futur ouvert. Elle dépasse les fausses alternatives dans lesquels les sociétés piétinnent et s’ emprisonnent. Bref, elle étend à l’infini dans un mouvement d’intériorité et d’approfondissement le champ du possible.
      La liberté c’est l’aptitude, lentement murie à recoder les valeurs, à prendre du recul, à ne plus se situer par rapport au système politicoeconomique, qu’il soit agi ou subi, chéri ou honi.on ne cherchera pas à aggraver la crise
      en accentuant les contradictions sociales, pour casser les automatismes économiques et les systèmes politiques qui les engendrent car la liberté n’est pas révolutionnaire. on ne cherchera pas d’avantage à sauver le système en l’amendant, en le bricolant par une série de réformes appropriées : car la liberté n’est pas réformiste.
      Elle se situe en dehors de cette problématique et de cette dialectique, et ne choisi plus ses référentsdans les systèmes existants.
      On parlerait en cybernétique de changement d’échelle…..

      C’est cette définition qui me satisfait le plus

  19. Avatar de Clemence Daerdenne
    Clemence Daerdenne

    Le pacte republicain m’est cher et l’un des trois piliers de ce tryptique , »fraternité » , me touche particulierement.
    Merci de mettre en lumiere ce « delaissé » et de rappeler qu’il peut etre une des pistes de sortie par le haut de la deshumanisation organisée.

    Edgar Morin dit qu’on ne sortirai de cette crise economique et societale que par la remise en cause personnelle de chacun de nous, de notre propre individualisme, notre propre avidité et par une approche spirituelle du vivre ensemble et du monde.
    la fraternite fait partie de son dessein.

    1. Avatar de michel lambotte
      michel lambotte

      Tout à fait d’accord avec vous, mais le « vivre ensemble » n’oubliez pas Dame Nature!!!

    2. Avatar de Clemence Daerdenne
      Clemence Daerdenne

      Michel, vous avez raison de le repreciser , bien que dans l’expression « le monde » est inclus de maniére elyptique « dame nature ». mais c’est encore mieux de la nommer vraiment

  20. Avatar de Clemence Daerdenne
    Clemence Daerdenne

    @Pierre Rafy et les autres
    Il y’a peu, certains d’entre nous se demandaient ce qu’avait de particulier le Blog de Paul Jorion, qu’avait -il de different des autres Blogs economiques et politiques.

    Pour ma part, j’ai deja exprimé ce qui faisait pour moi la difference de ce Blog, notamment le fait que son createur n’est pas dans le « deni de l’inconscient », agit une « vraie Loi » sur son Blog, celle qui fait grandir, qui fait sublimer( on a pu voir Paul à l’oeuvre dans ses recadrages fermes de certains internautes). Paul , avec son acolyte François, a crée un espace qui permet la creation et l’humanité.

    Avec le texte de Pierre Rafy, je rajoute que ce blog est un espace de fraternité.
    Il nous rend fraternels avec eux ( Paul, Francois et les invités) et entre nous les internautes.

    bien sur, on est d’accord, fraternel ne veut pas dire etre d’accord sur tout, etre beni oui-oui, evidemment. Mais comme dit Louise, on ne traite pas les autres comme on n’aimerait pas etre traiter soi-même et comme dirait Phil l’absence d’abus de loi permet l’autoregulation et nous fait prendre cas de l’autre.

  21. Avatar de Crapaud Rouge

    Plutôt que de réfléchir sur la triptyque et hypocrite devise de la République française*, lire et réfléchir sur le discours de Chef Seattle que je viens de découvrir via rezo.net et l’article Avatars palestiniens : le discours de l’indien rouge. Somme toute, s’il s’agit de remonter aux causes premières, pourquoi s’arrêter si près d’ici, en Mai 68, et si loin du but ?

    *Ayant travaillé au ministère de l’Intérieur, je peux témoigner que cette devise est affichée partout dans les couleurs officielles. Au sein d’un ministère qui s’efforce de chasser les immigrés sans fraternité ni égalité, ça interpelle, comme on dit.

    1. Avatar de astarte
      astarte

      un film lumineux, de 2004 de Jean-Luc Godard met en scène un Peau-Rouge et Mahmoud Darwish se rencontrant à Sarajevo, avec un pont et une bibliothèque détruits par les bons soins de qui vous savez.
      oui; im y a là une fraternité frémissante entre ces deux personnages:

      n-Luc Godard; sorti en 2004, Suisse-France, durée 80 mn; avec Sarah Adler (Olga), Jean-Christophe Bouvet (Un journaliste), Nade Dieu , Rony Kramer , Simon Eine, George Aguilar, Leticia Gutierrez, Ferlyn Brass, Simon Eine, Jean-Christophe Bouvet , Elma Dzanic et, dans leur propre rôle, Jean-Luc Godard , le poète Mahmoud Darwich, l’écrivain Pierre Bergounioux, Juan Goytisolo , Jean-Paul Curnier, Gilles Pecqueux.

      « Ce film se compose de trois parties de longueurs inégales:

      « Royaume 1 – Enfer » est composée de diverses images de guerre, sans ordre chronologique ni historique. Les images sont issues de films documentaires, de documents de propagande des armées ou issues de films de fiction.
      Aucun son original mais de la musique et quelques phrases. Ces séquences très courtes résument les différentes façons de dominer, de tuer ou de mourir.

      « Royaume 2 – Purgatoire » est la partie la plus longue. Elle se déroule de nos jours dans la ville de Sarajevo à l’occasion des Rencontres Européennes du Livre.
      Il s’agit de conférences ou de simples conversations à propos de la nécessité de la poésie, de l’image de soi et de l’autre, de la Palestine et d’Israël, des Indiens d’Amérique, et qui sont le fait de personnes réelles comme de personnages imaginaires. Une visite au pont de Mostar en reconstruction symbolise l’échange entre culpabilité et pardon.
      Godard lui-même nous livre une magistrale leçon de décodage des images, en nous montrant comment deux images semblables peuvent être lues de façons radicalement opposées en fonction du mythe qui peut exister en arrière plan. Une courte réflexion sur le suicide complète la démonstration.

      « Royaume 3 – Paradis » montre une jeune femme qui, s’étant sacrifiée pour la paix en Israël, trouve sa récompense au bord d’un lac idyllique mais étroitement surveillé. Godard nous livre ce terrible avertissement :  » Les rues du Paradis sont gardées par les Marines des États-Unis d’Amérique »

      Ce film, présenté à Cannes en 2004, est le plus lisible, le plus clair et le plus structuré que Godard ait réalisé depuis bien des années. Il se complaisait un peu à nier le Cinéma et à travailler à son autodestruction, il nous donne là une œuvre qui donne à voir et nous pousse à réfléchir.
      Alors que Michael Moore est couronné pour un pamphlet qui ne fait que reprendre les méthodes approximatives de ceux qu’il dénonce et reste au niveau de l’anecdote, Godard s’adresse à notre intelligence et tente de trouver les racines communes de toutes les guerres. Il rend hommage à travers les livres et une bibliothèque désolée au Fahrenheit 451, celui de Truffaut. Godard n’a pas toutes les réponses, comme en témoigne un long et gros plan poignant où il reste silencieux mais il pose peut-être les bonnes questions. »

  22. Avatar de fnur
    fnur

    C’est bien joli la fraternité, le dernier slogan de Ségolène, ou aimons nous les uns les autres, sauf que il s’agit d’une liberté, celle de bien vouloir porter attention à l’attention. Pour ça il faut soi même se sentir libre et non esclave. Les conditions requises pour ça ne sont pas présentes. On obligera pas les gens à s’aimer et à être fraternels, bien heureusement…

    C’est une erreur de persister à croire au pouvoir bénéfique de l’amour qui bien plus souvent est un dictat.

    1. Avatar de Clemence Daerdenne
      Clemence Daerdenne

      mais la fraternité, ce n’est pas l’amour, ça n’a rien à voir.

    2. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      L’amour par définition n’est pas définissable. Mais on peut croire (il s’agit bien d’une croyance) qu’une transcendance dans la fraternité conduit à approcher l’amour.

      Un homme médecine Navarro qui chasse les démons du corps de son frêre en s’exposant lui même au combat et à la mort, passant pour certaines danse des jours entier en rituel, conaissant des états de transe, d’oubli de soit, m’évoque dans une certaine mesure de l’amour, mais c’est un point de vue personnel. Et pourtant l’acte de guérir, de s’occuper de la souffrance d’autrui en raison d’un lien fraternel entre deux individus, c’est de la fraternité.

      Le monde et l’homme médecine prennent alors sens dans un acte qui à la base n’est que de la fraternité.

      Les deux ne sont pas si éloignés selon moi…

  23. Avatar de fnur
    fnur

    Pour revenir à 68, dire  » faites l’amour pas la guerre » ça revient à dire la même chose, il n’est dons pas étonnant qu’avec cette
    manie des slogans les vieux soixante huitards aient bien participé de ce qui arrive et poussent leur chant du cygne en répétant la même tragiquement aveugle mélopée usée et régénérée par les millénaires de tueries amoureuses.

    1. Avatar de Clemence Daerdenne
      Clemence Daerdenne

      Mais arretons avec « mai 68 » comme reference à basardée, on dirait des passages du discours de campagne de notre president. Ce n’est pas ma generation non plus, alors n’idealisons pas cet evenement mais pour autant ne sombrons pas dans l’amnesie et rappelons nous ce qu’etait la société avant cette date.

    2. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      Toute construction rationnelle n’est qu’une construction rationnelle. Les mots ne sont que des mots. Lorsque l’on s’en rend compte, on a parfois la nausée comme le disait si justement un certain philosophe à lunettes…

      Les mots sont également le moyen le plus élaboré de communication, ce qui offre le plus de vie dans les rapports humains, une richesse infini de symboles évoquant les sentiments les plus subtiles, ils permettent la poésie !

      Mais quand le progrès va trop vite par rapport à l’éducation, la poésie, on l’oublie. Les mots se vident. Et l’éducation que l’on a reçu n’a aucun écho dans le monde. Quoi de plus grand alors que de passer outre, de faire vibrer les mots à nouveau dans des slogans, de leur redonner de la vie ?

      Je pense que ce genre d’élan de jeunesse arrive quand on ne donne pas à l’homme les moyens de justifier de sa propre existence. Il se replie alors sur lui même et surtout, son corps, ce repli allant parfois jusqu’au suicide. Chaque révolution du type de 68 est une révolution de la chair contre l’esprit, une remise à plat de la société. On cherche à nouveau une manière d’être vivant, plus que d’être en vie, et quoi de plus évidant pour cela que la sexualité ? Hélas, quand on en arrive là, c’est que vraiment, la société va pas fort…

  24. Avatar de michel lambotte
    michel lambotte

    Tout à fait d’accord avec vous, mais dans le « vivre ensemble » n’oubliez pas Dame Nature!!!

  25. Avatar de François78
    François78

    Hier soir 13/02 sur Arte, deuxième volet d’une série de cinq : Terres indiennes – La vision de Tecumseh. Remarquable et tellement d’actualité.

  26. Avatar de Eomenos
    Eomenos

    Chaque société humaine à ses mythes.

    Les mythes évoluent comme les sociétés.

    Les vieux mythes deviennent miteux à force de naphtaline, d’autres se créent et/ou se renforcent…

    Mais ce qui compte c’est l’analyse du mythe et sa finalité (de manière plus ou moins consciente chacun adhère aux mythes qui
    lui conviennent, les autres sont d’abord dépiautés (e.a; par les anthropologues, les sociologues), livrés aux politologues et la chute finale est laissée aux démagogues (lire politichiens).

    1. Avatar de Phil de Saint Naz
      Phil de Saint Naz

      @Eomenos

      Variante: joli pti chien

  27. Avatar de fnur
    fnur

    Ah bon ! Ca à voir avec quoi la fraternité ? Peut être encore pire, camarade.

  28. Avatar de communisation
    communisation

    « Bien sûr tout un chacun peut mesurer que le principe d’Egalité ne peut être qu’un objectif inatteignable mais ce n’est pas une raison suffisante pour y renoncer sachant que le principe de Liberté est par essence tout aussi inatteignable et que nous ne sommes pas prêts à y renoncer pour autant. »
    Tout ça pour ça.
    Si je ne m’abuse, vous parlez » des Hommes » (qu’est-ce?), des individus, des « groupes », mais jamais de classes sociales, c’est-à-dire de personnes occupant une certaine position, par exemple de domination. Vous pensez la Loi, l’état, etc…sans rapport avec les conditions matérielles réellement existantes, donc vous vous payez de mots, et vous vous complaisez dans le vague idéalisme des catégories historiques que vous ne parvenez pas à saisir, vous écrivez l’ombre, délaissant la proie.
    Typiquement bourgeoise, c’est-à-dire toute imprégnée, à l’insu même de son plein gré, d’idéologie des possédants, votre prose (les sonnets ne changeraient rien à l’affaire) ne va bien loin : Il faut des lois car sinon cela serait ( la loi) de la jungle, et disant cela vous ne savez pas qu’il n’y a pas d’état de nature, jamais de loi de la jungle dans les sociétés, même les sociétés sans lois.
    D’autre part, la loi est toujours l’émanation d’un rapport de force, donc une certaine loi de la jungle, la loi des plus forts, toujours, en tout temps, depuis les sociétés, c’est-à_dire depuis les classes, et très visiblement depuis l’état.
    L’histoire des médiations, de l’extériorité de la reproduction et de l’autoprésupposition est une histoire réelle, et tout cela peut aller bas.
    Les hommes ne sont pas qui vous croyez qu’ils sont…ni comme vous voudriez qu’ils soient : les êtres sont leurs rapports,
    le mode de production capitaliste est un rapport entre des gens, ce rapport contradictoire est l’exploitation, la lutte de classes, ou l’économie, c’est tout un.
    je me fiche des grands mots gravés dans le marbre, comme l’épitaphe sur les tombeaux.

    1. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Pas mieux !
      Autrement dit : toute loi ne peut être que viciée dès lors qu’il est permis d’exploiter, légalement, son prochain.

  29. Avatar de Pascal
    Pascal

    Ce blogue en étant une parfaite illustration, point de salut pour notre société hors un effort tendant à la prise en compte de la psychologie passée au crible de l’intelligence pour comprendre les motivations à la source de nos conduites individuelles prises dans le collectif … Nous sommes pris dans un psychopouvoir dont nous ne pouvons espérer nous affranchir sans un effort pour aller au fond où s’agencent ses ressorts… Et ainsi remettre à l’endroit ce qui fonctionne à l’envers, dans le déni de l’humain au coeur des individus, réduits à l’état d’objets maléables et adaptables. Le psychopouvoir se chargeant du formatage en ce sens. Naturellement, pas de complot en ceci. Juste une évolution induite par la logique du système qui articule progrés de la connaissance et des technologies, de communication notamment, au service de finalités consuméristes sensées procurer le bonheur aux uns et les profits aux autres ! Qu’est-ce qui est en jeu psyhologiquement dans ce dispositif et plus largement qu’est-ce qui fait courir les êtres humains … Vaste sujet, passionnant, libérateur, garant de plus d’égalité et de fraternité !

    1. Avatar de communisation
      communisation

      « Vaste sujet, passionnant, libérateur, garant de plus d’égalité et de fraternité ! »
      Typique phraséologie creuse : un tel sujet sur un blog ou autre n’est garant de rien du tout, toujours la magie des mots…
      « le bonheur aux uns et les profits aux autres ! » et le bonheur et l’existence même des uns et des autres.
       » qu’est-ce qui fait courir les êtres humains », il en est qui ne peuvent que claudiquer, savez-vous, d’autres ont des bottes de sept milliards de lieues, voyez-vous.
      Une société de classes, comprenez-vous ce que cela signifie, Pascal, et arrêtez un peu avec votre « psychopouvoir » : quelle est sa base réelle? Comment et qui produit ce pouvoir?
      C’est vouloir noyer le poisson dans une sauce psycho-humanisante.

    2. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Pas mieux !

      Nous ferions collectivement un grand pas, si nous cessions de traiter de philosophie, d’histoire, d’anthropologie, donc de sciences humaines à travers des mots qui renvoient à des abstractions vides, idéalistes : « l’homme », « l’égalité », « la loi », « la religion », « le communisme », etc.

      Toute science se construit en réduisant le sens des mots qu’elle emploie pour en faire des concepts en le limitant dans l’espace et dans le temps d’un système scientifique. Carré en mathématique n’a pas le même sens que l’abstraction vide « le carré » qui peut être rectangulaire comme la Maison Carrée de Nîmes !

      Ne confondons pas une « catégorie philosophique » (la matière, l’humain, l’égalité juridique, le droit capitaliste, la religion monothéiste, etc.) qui est contradictoire radicalement parce qu’elle ne peut se définir que par son contraire qu’elle présuppose et inclut (lisez Hegel pour comprendre ce que cela signifie…), avec un « concept scientifique » qui pour être tel ne doit plus être contradictoire. En théorie, car en pratique même les sciences dures se confrontent régulièrement à des contradictions qu’elles ont du mal à résoudre (lumière corpusculaire et ondulatoire, mécanique quantique non locale, systèmes chaotiques et autres nouveautés permanentes !).

      Bien entendu cela demanderait un débat qui dépasse un peu les dimensions des commentaires blogeurs…

  30. Avatar de Jean-Baptiste

    Dans la « définition » de la liberté il était sous entendu que chacun ait la possibilité de « bien » faire les choses. Cette possibilité n’est plus laissée à tous mais à certains seulement qui se réfèrent non pas à cette définition mais seulement à toute possibilité qui ne leur est pas interdite pas la loi même si c’est au détriment d’autrui. Et là il y a une énorme différence. La Liberté n’est pas le sens qu’on lui donne le plus souvent actuellement qui est de faire n’importe quoi du moment qu’on en a la possibilité et que cela n’est pas interdit et même pour beaucoup carrément que cela peut être interdit mais que l’on ne se fera pas attraper. Le « au détriment des autres » n’est plus limité qu’à sa part congrue et qui n’est plus un point de départ par défaut mais que l’on doit prouvé à postériori et que de fait la Justice ne reconnait pas s’il n’y a pas une loi alors que le détriment est bien réel.

    1. Avatar de communisation
      communisation

      Il n’est qu’une seule et grande liberté celle de vendre et d’acheter…
      Haïti s’est délivré elle-même de l’esclavage, les bourgeois révolutionnaires de ce temps là, plein de citoyens, de patriotes, d’égalité, de fraternité à la bouche, trafiquaient le bois d’ébène et vénéraient la liberté de commercer.
      Car suivant la période la liberté de penser n’est qu’un vain mot, pensez aux guerres, aux censures de tout acabit, à l’inféodation aux grands, pensez USA, pensez maccarthysme…
      Vos catégories (Liberté) sont des monades :voir ce mot…

    2. Avatar de BAB64
      BAB64

      Tout à fait en accord avec vous. La montée de l’individualisme dans la société moderne tend à traduire l’expression de la liberté qui va avec par du « faire n’importe quoi », comme vous dites. C’est bien le problème de la délimitation de cette liberté que j’ai voulu soulever, en particulier, dans ce billet en questionnant la capacité de la Loi à l’assurer.

    3. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      Mais le problème c’est que « la loi » ça n’existe pas et donc que ça ne peut rien assurer !

      C’est une monade (je préfère « abstraction vide, ça parle davantage) dont on ne peut rien faire car à chaque détour de phrase vous aller tomber sur des contradictions insolubles de cette manière…

      Les lois qui sont développées dans une société soumise au mode de production capitaliste sont contradictoirement élaborées dans de multiples rapports de forces entre les classes sociales que ce mode crée.

      D’un côté elles sont le moyen d’assurer la pérennité du mode de production capitaliste et de l’autre elles expriment parfois la volonté de la classe soumise, exploitée, à exister malgré tout et à défendre des droits qu’elle juge nécessaires à sa vie et son développement.

      Ces droits ont un défaut : ils coûtent pour être satisfaits et ceux qui ont le pouvoir (les capitalistes) soit les refusent soit les font payer aux exploités… il est rare que les exploités arrivent à faire payer la satisfaction de leurs droits à ceux qui les leur confisquent ! S’ils y arrivent, cela ne dure pas longtemps… Faut-il citer des exemples ?

  31. Avatar de Didier
    Didier

    Fraternité.

    J’ai de la peine à la voir, à la reconnaître, à la pratiquer. Elle me manque. Qui est elle ? Où est elle ? Au secours !

  32. Avatar de fnur
    fnur

    Oui, elle est où la fraternité, quand même nos sœurs nous tuent ?

  33. Avatar de kabouli
    kabouli

    le mot « fraternité » fut rajouté dit-on aux termes de liberté et d’égalité sous l’influence de la révolution haïtienne. Les droits de l’homme sont autant d’hommage a tout ce que la nature humaine a de mesquin. En effet quoi de plus faux et de plus misérable que ma liberté s’arrête où commence celle de mon voisin. L’homme est fondamentalement un être social dont le voisin prolonge la liberté – pour le meilleur et le plus souvent pour le pire du moins jusqu’a maintenant – plutôt qu’il ne la limite

  34. Avatar de Jean-Luce Morlie

    Lorsque la liberté entre en conflit avec l’égalité, la fraternité ne sort pas pour autant d’un chapeau. L’interdiction d’interdire ne se mesure pas sur la seule valeur de sa syntaxe, mais à la complicité amusée qui naît de se l’adresser en miroir.

    « Il est interdit d’interdire » exprimait d’abord un mode de rébellion contre l’abus d’autorité, c’était aussi un jeu de langage qui nous faisait sourire, nous aimions sa contradiction, ce n’était pas « l’écriture d’une loi » mais un acte de communication, les murs avaient la parole.

    L’expression narquoise de Cohn-Bendit devant le CRS participait du même jeu et l’ajout du « SS » magnifiait notre « courage » :-). Faut dire que les années précédentes ça avait été plus dur en Pologne (Polanski passait justement par là et se demandait à quoi jouaient les Français). Photographe de guerre, Gilles Caron rend sensible l’humanité de l’affrontement. Les deux hommes se regardent yeux dans les yeux, non seulement parce que les regards semblent partager la même ligne, mais parce que la mimique de Cohn-Bendit présuppose qu’il a lu dans les yeux du CRS la capacité de ressentir – donc de comprendre- les affects qu’il envoie par le jeu des muscles du visage. Ce message n’a rien d’une tapette à mouche écrasant mécaniquement la vermine par un « casse-toi pauvre-con » (auquel parfois, nous nous laissons tous aller).

    Nous pouvons ressentir ce que l’autre ressent, l’organisation de nos systèmes nerveux permet de « nous mettre à la place de l’autre». Comme le constate Dan Sperber dans « la communication et le sens », c’est la condition même de toute communication (1).

    La fraternité fut gravée au fronton des mairies non pas comme une vieille scie du cours de morale, mais parce qu’elle est inscrite dans nos déterminations, Paul Jorion propose d’insèrer « une constitution pour l’économie » dans le processus de la nature prenant conscience d’elle-même.

    1- Je n’ai pas suivi l’affaire, mais Lionel Naccache aurait visualisé les zones cérébrales en jeu dans la reconnaissance réciproque, nous pourrions lui demander des précisions.

  35. Avatar de Emmanuel Haydont
    Emmanuel Haydont

    Pourquoi tant de références à la révolution de 68, à ces idées, ses slogans. Mai qui donc veut détruire ce mouvement maintenant quarantenaire. Mes rapides recherches sur internet me mènent tout au même point. Les défenseurs de la philosophie du Libéralisme autant de droite conservatrice que de gauche. Cet oxymore parfait, le Social-libéralisme…

    Quelles étaient les idées de mai 68. Un mouvement contre le consumérisme, pour la libération des mœurs, pour le rejet de la guerre, et une lute contre l’autorité de l’état.

    Ces idées sont-elles à l’origine de la crise politique, sociale, financière et économique. Je ne pense pas. Mais j’ai forcément un parti pris, étant né à Nanterre en Mai 68… Au contraire, il me semble que mai 68 était avant tout un mouvement porté par la fraternité des Hommes pour les Hommes.

    Fraternité !

  36. Avatar de Steve
    Steve

    Bonjour à tous
    Liberté Egalité Fraternité dans le sens( général) ou nous l’entendons tous résulte de l’application du christianisme pend

  37. Avatar de domini CB
    domini CB

    La Fraternité est peut-être aussi dans : l’esprit de Philadelphie – la justice sociale face au marché total,
    par Alain Supiot :
    http://www.dailymotion.com/video/xbrhew_conférence-alain-supiot_tech

  38. Avatar de Pascal
    Pascal

    @ Communisation,

    L’activité que vous déployez sur ce billet attire ma considération tandis qu la teneur de vos propos suscite ma curiosité. Aussi, d’après les quelques éléments que je puis rassembler, dites moi si je me trompe en croyant déceler un point de vue communisant [ ce qui à mes yeux n’a rien d’infamant ] à travers l’analyse que vous faites des « morceaux » de commentaires que vous relevez pour les passer au crible de votre critique … Je vous demande cette précision car elle constitue un éclairage intéressant pour se comprendre mieux, pour savoir à qui l’on s’adresse et d’où nous parlent nos interlocuteurs. C’est préférable me semble-t-il pour ne pas se perdre en considérations par trop générales.

    A propos des classes, je ne nie pas que la réalité puisse être appréhendée à travers cette grille de lecture … que je juge toutefois insuffisante pour progresser dans la connaissance du fait humain, cet humain dont est faite la société. La société est la maison, les êtres humains les briques de base : pas de maison réussie si les briques sont de mauvaise qualité. Après il est évident que dans la maison humaine, il y a interaction entre les parties et le tout. Mais un tout qui voudrait faire le bonheur de l’humain en croyant en connaître les ressorts, on a déjà vu ça me semble-t-il, et jusqu’à présent je ne pense pas que l’expérience ait été concluante. Ce qui n’autorise pas à renoncer. A condition toutefois de combler les zones lacunaires. Et de ce point de vue je ne pense pas que se préoccuper des mécanismes de la psyché humaine et de la façon dont elle peut être exploitée soit une entreprise vaine et inopportune.

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      @Pascal

      Ce n’est pas une entreprise vaine et inopportune, en effet, mais c’est justement ça le danger. A vouloir justifier du fait par des mots on s’extrait de la réalité et de sa responsabilité. Il faut joindre l’acte à la parole et non la parole aux actes…

      Par ailleurs, vouloir trouver des mécanismes qui expliquent tout, jusqu’à l’homme même, c’est encore une fois du totalitarisme, qu’on se le dise. Un totalitarisme sous couvert d’un esprit scientifique certe, mais tout totalitarisme est rationnel, c’est même une définition courante de dire que c’est la raison qui se mêle de ce qui ne la regarde pas.

      Ainsi votre approche optimiste des réflexions qui ont court en ce moment me semble dangereuse, et c’est peut être cela que Communisation a voulu mettre en évidence (entre autre). Il serait judicieux de rappeler la pierre angulaire de la démocratie et qui garantie le respect de chacun : « nous de savons pas ce qu’est un homme ». Mais là encore, c’est un idéalisme. La relativité des cultures dont parlait Lévi-Strauss va bien au delà des rapports entre acteurs géographiques, elle est garante du droit à la non justification.

      Tout idéalisme, qu’il soit personnel ou de société, se donne les moyens de justifier d’une place pour l’homme, ou d’une non place, or il n’y a pas de place qui se justifie autrement que par les actes. Quand on en arrive à l’oublier, on appelle ça la folie, purement et simplement. La sagesse, c’est reconnaitre le lieu où la raison ne peut s’exercer sans cette folie, mais force est de constater, par cette discution, que nous ne sommes pas encore sages.

  39. Avatar de jducac
    jducac

    @ louise 14 février 2010 à 11:25
    Louise, ma sœur, j’adhère totalement aux 2 préceptes que vous avez rappelés : « Aimez-vous les uns les autres » et « Ne faites pas à votre prochain ce que vous ne voudriez pas qu’il vous fasse ».
    Beaucoup de ce qui a fait notre civilisation est sans conteste d’origine religieuse, ce qui donne de l’urticaire à certains, même au sein d’une même famille politique où, pourtant, le sentiment de fraternité, notre troisième devise nationale, devrait l’emporter.

    1. Avatar de Hentarbleiz
      Hentarbleiz

      @ « ceux qui parlent de religion »

      Les religions traitent du vivre ensemble et du sentiment de vie, et cela depuis des millénaires. Il serait bien juvénile et arrogant de croire que l’on peut les réduire à néant en quelques phrases. Ce type de réaction est souvent affaire d’ignorance, hélas.

  40. Avatar de jducac
    jducac

    @ François Leclerc 14 février 2010 à 12:55
    Puisqu’il faut que je me reprenne, je m’y remets.
    Je ne comprendrai probablement jamais pourquoi des êtres, par ailleurs brillants et éminemment respectables de par ce qu’ils apportent de positif à la société, préfèrent se buter plutôt que d’admettre d’avoir commis des erreurs dans leur jeunesse. Le fait d’avoir été tellement dotés de richesses par la nature, les rend peut-être insensibles à devoir faire un effort sur eux-mêmes pour construire la part d’humilité qui leur manque. Quel gâchis ! Alors qu’ils pourraient, sans rien perdre, bien au contraire, être déterminants dans la reconquête des valeurs morales sans lesquelles l’œuvre de justice qu’ils poursuivent a peu de chance de pouvoir s’installer et durer.

    Oui, les générations précédant 68 ont-elles aussi commis des erreurs avant la première guerre mondiale de même qu’avant et pendant la seconde. Sincèrement, il me semble que la mienne, née en 35, n’est pas la plus critiquable puisqu’ayant pris conscience des risques pour l’humanité, elle s’est employée dès l’après guerre à bâtir la paix en oeuvrant pour le projet européen qui, malheureusement est encore inachevé. Cette génération devrait-elle avoir honte d’avoir permis le retour au pouvoir de celui qui a su être clairvoyant et courageux en matière de défense de décolonisation, mais aussi d’industrie aéronautique et spatiale et même en matière monétaire, domaine dans lequel il avait vu juste ? A de rares exceptions, cette génération n’a pas contribué à faire régresser la civilisation comme celle qui a voulu 68 et celles qui la glorifient. Cette « révolution » n’a eu à mes yeux qu’un seul mérite celui de démuseler la parole.
    Il aurait fallu que cela s’arrête à ce niveau sans entrer dans l’irrespect des générations plus anciennes qu’on a voulu abattre et en premier celui qui les incarnait alors au pouvoir. Aujourd’hui, faute d’avoir su préserver les acquis des civilisations antérieures en matière de discipline de vie, les 68 ont engagés leurs congénères dans la jouissance à tout va, sans entrave d’aucune sorte. « Il est interdit d’interdire » a été utilisé dans tous les domaines, le commerce, les finances, les mœurs etc…« Jouissons sans entraves » ne s’est pas limité au domaine sexuel, mais s’est appliqué à tous les domaines précités ? Cela a entraîné une soif de consommation sans contrainte et sans limite puisqu’on a fini par trouver normal de s’endetter pour bien vivre aujourd’hui sur le dos de ceux qui ne pourront plus consommer au même niveau demain. A mon avis, et d’après mon expérience, les générations égoïstes, méprisant ce qu’elles devaient aux précédentes, sont nées principalement nées après 1950.
    Ce qui me gêne le plus, c’est de constater qu’en voulant créer de meilleures conditions de vie et d’en faire profiter les enfants dès leur premier âge, bien avant l’âge de raison, et bien avant qu’ils aient acquis quelques éléments de sagesse, on ne les a pas rendus plus heureux, bien au contraire, puisqu’ils sont en général devenus violents entre eux et envers les adultes. Ah, comme je voudrais qu’ils soient aussi heureux que leurs anciens quand ils avaient leur âge, et qu’ils vivaient, même dans la pauvreté, sous les affreuses contraintes qui réglaient la société avant 68.

    Si elle existe encore dans quelques décennies, lorsque les plus inflexibles soixantehuitards auront disparu, l’histoire jugera. Je souhaite que cela ne soit pas le dernier jugement de l’histoire, le jugement dernier.

    1. Avatar de François Leclerc
      François Leclerc

      Je ne me range pas dans les « soixante-huitards » (attardés, rajoute-t-on généralement), bien que, comme on dit, « j’y étais ! ». J’ai ensuite vu évoluer ses acteurs au cours des décennies qui ont suivi. Certains se sont intégrés plus ou moins aisément dans la société, d’autres pas du tout. Certains – et cela ne se recoupe pas nécessairement – ont renié leurs convictions, d’autres les ont émoussé, d’autres pas. Tout cela constitue, aujourd’hui encore, une génération, dont je serais bien en peine de trouver aujourd’hui l’unité.

      Mai 68 aura certainement moins marqué, pour des raisons dramatiques, la génération que l’on a caractérisé ainsi que la Grande Guerre ceux qui l’ont connu.

      Votre analyse fait reposer sur cette génération la responsabilité de ce qu’est devenu la société, avec sa soif de consommation et son égoïsme individualiste ambiant (après moi le déluge). Je crois que vous vous méprenez.

      Ce que cette génération a vécu est l’expression d’une évolution de la société qu’elle a subie et non crée. La Grande Crise (l’actuelle) n’est pas la continuation logique du celle du mois de mai 1968. Car le mouvement qui a jailli à cette époque était l’expression d’une aspiration collective à une société plus juste et débarrassée de ses contraintes, tandis que ce que nous connaissons est le résultat d’une crise du capitalisme financier arrivé au faîte de ses propres contradictions internes, dont ceux qui la subissent, toutes générations confondues, ne sont pas le moteur. Ce mouvement avait exprimé le désir et le besoin d’une plénitude dans la vie et le rejet révolté de ce qui lui était imposé et promis. Ce n’est plus qu’à recommencer…

      Il faut donc chercher ailleurs que là où vous croyez le trouver le mécanisme de cette évolution.

      Enfin, la dimension morale que vous revendiquez est, pardonnez-moi de vous le dire, pétrie d’ambiguïté. Pour en rester à l’essentiel, la morale évolue, et il est illusoire de se référer à des valeurs morales en soi. La difficulté étant parfois de se reconnaître dans la morale des autres. L’aspiration à des valeurs universelles et de tous les temps n’est pas de l’ordre de la morale. La morale, enfin, c’est à la fois un corps de valeurs individuelles et collectives, les deux niveaux ne se superposent pas nécessairement.

      Les valeurs morales, supposées intangibles, sonnent par ailleurs mal, sans vous faire de procès. Comme un rappel à l’ordre historiquement daté, la référence à des épisodes où elles ont été le fondement d’une politique, dont le bilan n’a jamais été totalement effectué. La société traîne ses fantômes, qui la hante. Toutes les sociétés ont de tels cadavres dans le placard, expression d’une névrose collective qui les mine.

      Bien à vous.

      PS: Je ne crois pas au Jugement Dernier, cela ne vous étonnera pas !

    2. Avatar de Paul Jorion

      … sa soif de consommation et son égoïsme individualiste ambiant.

      Nous avons tous connu des gens comme cela en 68 : ils étaient déjà là à l’époque et se tenaient à l’écart. Les plus hardis contre-manifestaient. Aujourd’hui, on les reconnaît à leur Rolex… et au fait qu’ils attribuent les excès dont ils se rendent coupables… à la mauvaise influence qu’a eu mai 68 sur leur évolution ultérieure. Qu’ils se rassurent : ils en sont sortis indemnes !

      Il faut relire ici-même : Insistance de 68 par Christian Laval.

    3. Avatar de JeanNimes
      JeanNimes

      En accord complet avec François Leclerc.

      J’ajouterais seulement que le socle des rapports masculins-féminins vécus depuis des millénaires a été bouleversé d’une part par le rôle des femmes dans la production, suite aux lois sociales et à la protection des travailleuses après 1945, et d’autre part par la mise au point de la pilule contraceptive avec une libéralisation de la contraception.

      C’est de cela qu’il était question aussi en Mai 68 et que la droite veut effacer… mais plus elle veut l’effacer plus le fond ressort !

    4. Avatar de Moi
      Moi

      @François Leclerc: « Car le mouvement qui a jailli à cette époque était l’expression d’une aspiration collective à une société plus juste et débarrassée de ses contraintes »

      Le néo-libéralisme ne prône pas autre chose, non? Après on peut dire que « la société plus juste » imaginée par les uns et les autres peut être bien différente. Mais cela n’est que l’aspect des intentions, toujours louables en tous temps et en tous lieux, bien entendu.
      Le principal, l’essence de l’époque, ce qui en fait son originalité, son programme, c’est le : « débarassée de ses contraintes ».
      Amusant d’ailleurs que les soixante-huitards comme vous ou Paul en soient maintenant à essayer de moraliser la finance (qui jouit sans entraves) et à tenter de lui imposer un corset.

      Au passage, François, je vous remercie de m’avoir fait découvrir Zinoviev.

    5. Avatar de Jérémie
      Jérémie

      @ François Leclerc

       » Je ne crois pas au Jugement Dernier, cela ne vous étonnera pas !

      J’ai toujours attendu le jugement dernier de la part d’un autre employeur ou d’une autre mégère de plus travaillant follement pour l’Etat, non par pure plaisir de vengeance ou de ce monde préférant encore s’autodétruire, mais comme d’un juste moment devant survenir tôt ou tard afin qu’un jour les hommes cessent continuellement de se juger et de s’accuser les uns aux autres, c’est pas moi c’est l’autre, mais comme d’un juste moment devant peut-être naturellement survenir dans l’histoire afin de pouvoir mieux remettre pas mal de gens à leur place, afin que la plupart mieux comprendre qu’ils ne pourront pas toujours agir ainsi, se prendre pour des titans, ce jour-là chacun se verra alors tel qu’il est en son cœur. Quelles sont avant tout mes valeurs aujourd’hui ?

      Bien sur à ce moment là on ne fera plus du tout les fiers en société, quand bien même nous serions de telle obédience philosophique des lumières ou pas, les hommes qui préfèrent souvent se conduire sans sagesse, prudence, sans foi, ni loi, se risquent hélas toujours plus à l’accident, à se faire du mal en plus, à aller tout droit dans le mur et c’est alors le jugement dernier qui survient, n’étant plus en vie, un tel homme ne peut plus alors continuer à juger l’autre, pour son socialisme ou alors son capitalisme,

      Ce n’est jamais la tête qui s’exprime en premier sur 1968 mais toujours bien le coeur, hélas cela va souvent si vite que la plupart des gens n’en ont même pas conscience dans leur intellect, j’aime ou j’aime pas et puis après je recherche à me bâtir et confirmer des conclusions à plusieurs, bien des employeurs m’ont souvent jugé et mis rapidement à la porte c’était aussi leur dernier jugement à l’égard d’un autre de plus, quelle chance de pouvoir toujours continuer à traiter brutalement et bêtement l’autre ainsi en société, oui depuis nos lumières comme j’ai beaucoup moins peur du jugement dernier, je continue alors à me conduire comme bon me semble.

      Plus personne de nos jours se soucie davantage du jugement dernier alors bien évidemment tout le monde continue à s’en donner à cœur joie, pourtant il est dit dans les écritures que tout cela ne pourra toujours durer ainsi, et lorsque cela surviendra ça sera conforme à la justice, et tous ceux qui ont réellement le cœur droit l’approuveront. La dérive de notre monde moderne n’a bien sur pas du tout démarré en 68 au contraire j’aurais tellement préféré vivre en cette période beaucoup moins dangereuse en ce temps là tout le monde se jugeait pas encore follement pour de l’argent, à quand le jugement dernier aussi pour un bon nombre de gens de plus se trouvant au chômage. Si plus personne ne croit même plus aussi au jugement dernier à leur égard !

    6. Avatar de jducac
      jducac

      @ François Leclerc 15 février 2010 à 11:56
      Merci d’avoir pris le temps de vous faire mieux comprendre. Notre échange a probablement fait avancer le débat un petit peu et c’est déjà énorme.

      Le jugement dernier ? Je n’y crois pas plus que vous. Mais ce qui est important, en tant qu’homme digne de ce nom, ce n’est pas d’y croire ou pas. Dans ce domaine, tout le monde n’a pas les mêmes besoins. Non, c’est de se sentir, chacun en ce qui le concerne, responsable de ce qu’il aura contribué à apporter à notre communauté humaine en plus ou en moins de ce qu’ il a hérité des générations précédentes. La prise de conscience de notre apport ou de notre dette, m’apparaît fondamental. Science sans conscience….

      En terme de répartition des richesses matérielles, je pense comme vous, que beaucoup reste à faire, mais je ne me fais pas d’illusion car je crois qu’il y aura toujours des plus doués, plus talentueux, plus habiles, plus malins, plus entreprenants, plus courageux, plus méritants, plus forts, plus cyniques que d’autres pour se faire la part plus belle que celle des autres. Cela s’est passé ainsi jusqu’alors dans toutes les communautés, même chez celles qui se sont constituées, parfois par la violence, avec l’objectif affiché d’un partage idéal. L’essentiel c’est de permettre aux plus défavorisés, de vivre avec un niveau minimum en rapport avec ce que permet l’époque. Hélas, il n’est pas certain que ce soit éternellement, comme dans le passé, toujours plus.

      Dans le domaine des sciences et des techniques, je pense que le solde sera positif à condition que l’on trouve une nouvelle grande énergie avant que l’on épuise les énergies et les matériaux non renouvelables (métaux).
      Pour ce qui concerne les valeurs morales, notamment celles qui ont un rapport avec ce qu’on appelle le vivre ensemble, qu’on appelait avant la vie en société, je pense que l’on doit progresser très sérieusement pour ne pas laisser derrière nous un état plus insatisfaisant que celui qui nous a été légué.

      Je reste convaincu que les slogans portés par 68 ont joué un rôle néfaste et je le répète dans l’espoir de contribuer, bien modestement, à une prise de conscience chez leurs promoteurs. Il ne faut pas désespérer, l’un des plus grands leaders de 68 à reconnu que cela avait été une erreur de lancer « CRS SS ». Il est aussi reconnu aujourd’hui, que c’était une erreur d’avoir laissé prospérer « Il est interdit d’interdire » dans le domaine de la finance, laquelle se laisse encore aller à « jouissons sans entrave » mais il faudra bien que cela cesse. Ces slogans ne méritent survivre dans aucun domaine, même sexuel pour lequel « Faites l’amour, pas la guerre » me convient beaucoup mieux.

    7. Avatar de Jérémie
      Jérémie

      A quand le jugement dernier envers ma pitoyable écriture comme envers le monde de la finance, à cause de mes origines, de mon pédigrée, pourquoi recherchons nous souvent à nous juger les uns aux autres pour une idéologie, de l’argent, le pouvoir, une position, un nom, une autre morale, du bien, du mal, tant d’accusateurs de part et d’autres mais bien peu qui recherchent encore à mieux reconnaitre d’abord en eux le capitaliste comme le socialite à la foi, a quand alors le jugement dernier envers le capitaliste ou le socialiste de plus.

  41. Avatar de Jean-Luce Morlie

    Non jdudac, la désublimation répressive que vous décrivez est la récupération marchande de mai 68.

  42. Avatar de claude roche
    claude roche

    @ les ambiguités de notre déclaration des Droits
    pardonnez moi de répondre si tard .. mais la morale a ses exigences.
    Je salue votre effort pour pointer les enjeux d’une constitution au-delà du seul affrontement avec la finance. je salue votre référence à la morale. Je voudrais simplement, puisque vous vous y référez, apporter un complément d’analyse sur notre compréhension à nous français des droits de l’homme.
    La déclaration des Droits a été rédigée sous l’autorité de l’abbé SIEYES , qui représentait bien le centre de gravité de la vie politique au début des années 1790 . C’est connu. Ce qui est moins connu c’est l’origine de la pensée de SIEYES.
    SIEYES , comme toutes les lumières se fonde sur le traité de gouvernement civil de Locke qui est son livre de chevet. Et dans ses réflexions politiques il a souvent prétendu ne faire qu’une simple adaptation de Locke à la France ( à l’image de Diderot)
    Mais entre le Traité et notre déclaration des droits il y a une évolution singulière, notamment sur la notion de liberté . Celle-ci est NEGATIVE chez SIEYES ( tu n’as simplement pas le droit de faire du tort à ton voisin) . Alors qu’elle est POSITIVE chez Locke : tu dois faire de ta liberté le meilleur usage et notamment soutenir ton voisin dans les limites de tes possibilités.

    Cette réduction s’explique : Sieyes est catholique de formation – sinon de croyance -LOCKE est protestant : Locke a donc de la LOI une vision plus forte que Sieyes. Mais je note que la position de SIEYES est à l’origine des ambiguités de notre déclaration qui a été obligée de rajouter le mot de fraternité sans lui donner de contenu précis. Et il est normal pour réponde à plusieurs auteurs qu’on oublie ce troisième terme ..

    Je note que dans votre article vous endossez de facto la position de Sieyes, .. et vous gagneriez à réflechir à cette ambiguité

    Mais au-delà de cette histoire, il y a une morale qui ne fera sans doute pas plaisir : le rapport plus qu’ambigû de la France à l’individualisme et qui va culminer dans 1968. Toujours condamné en théorie , toujours pratiqué en réalité – (on se réclame encore chez nous de l’Anarchie, c’est tout dire !) – l’individualisme français signale une véritable faiblesse de notre culture politique

    Souhaitons que l’Europe permette de la dépasser
    merci encore
    amicalement

  43. Avatar de Pierre
    Pierre

    N’est-il pas étrange que le mot aristocratie n’apparaisse pas une seul fois dans vos multiples commentaires?
    Le gouvernement des « meilleurs », par les « meilleurs », pour les « meilleurs » va-t-il autant de soi au sein de notre « pacte républicain » Franco-Français, noyé dans les vielles monarchies européennes et mondiales, que nous en oublions tous cette problématique?
    Quelle sont les alliances entre nouvelles aristocraties et anciennes?
    Quelle devise ornera le fronton des futures écoles de guerre pour cyborgs?
    Quel nouveau Surhomme en aura la direction?
    Qu’en pense ma soeur Elisabeth d’Angleterre ou mon frère Benoît XVI pour ne parler que d’eux? Mystère pour qui ne leur pose pas la question.

  44. Avatar de timiota
    timiota

    La Fraternité, n’est-ce pas la « filia » de Bernard Stiegler (et des grecs), non sans lien avec l »otium » le loisir constuctif des latins, opposé au « neg-otium », le négoce affairé, qui a peu de soin autre que le profit (décroissant, des croissants vous dis-je) , et n’est-ce pas encore le soin entre les générations ? (là on trouve même Bayrou, que va dire Corinne Lepage)

    Concept à creuser. A partir de combien de secondes devant un écran ai-je diminué mon potentiel de fraternité envers mon prochain ?
    (« le sanglot de l’homme internet pas très net », ouvrage à écrire …) Et pourtant la DS (Double Screen playstation Nintendo) est ce qu’on croit être la paix des foyers.

    Comment émerger de tout cela entre Jorion, Stiegler, Baudoin de Bodinat ?
    L’apprentissage des humanités (littéraires) n’a-t-il pas consisté à savoir faire (gérer le populo) sans compter ? à mettre en « valeurs » les actions de chaque jour afin qu’elles soient à l’abri des excès du négoce ?
    A cela on m’opposera Machiavel, qui expliqua la gestion du populo exquisement …
    et les protestants m’opposeront moultes bienfaits du commerce.
    1 partout, balle au centre.
    Le tout est de connaitre le terrain de ce jeu là, en somme, un but au négoce, un essai transformé côté esprit.

    Crise = capacité à discriminer (krinein, krisis) si je me souviens bien. Donc j’ai espoir…

  45. Avatar de VB
    VB

    Bonsoir,

    Quelques remarques sur les notions de liberté, d’égalité et de fraternité telles qu’elles résultent de notre Déclaration des Droits de 1789.

    Il m’apparaît important de remettre à leur place quelques notions fondamentales concernant la fameuse phrase républicaine.
    Ces préceptes révolutionnaires sont nés dans un certain contexte qu’il importe de rappeler pour bien cerner les contours de « liberté », « égalité » et « fraternité ». Ce qui permettra d’éviter des contresens interprétatifs.

    En premier lieu, il convient d’éviter de magnifier la Révolution Française qui a, par bien des aspects, été une des pires époques jamais vécues, annonciatrice avec les pratiques en vigueur lors de la Terreur, des atrocités nazies commises, de façon « industrielle », 150 ans plus tard.

    En second lieu, les concepts de liberté, égalité et fraternité sont nés dans une France :
    1) dont l’organisation sociale s’articulait en 3 partis très inégaux en droit et en impôts (la noblesse, le clergé et le tiers état),
    2) dominée par la Révolution industrielle naissante et
    3) dominée par les idées issues des Lumières.

    S’agissant de liberté : le concept de liberté concernait la liberté du commerce et de l’industrie. Liberté revendiquée par la bourgeoisie d’exercer tous les métiers qu’elle voulait et dans toutes conditions, c’est-à-dire, en particulier, en abolissant les corporations qui avaient pour effet de freiner les inventions et idées nouvelles par leur comportement très conservateur. Un des actes phare de la Révolution a été la suppression des corporations (loi le Chapelier du 14 juin 1791).
    La « liberté au sens de 1789 » est un concept né du développement du commerce et de l’industrie et l’on pourrait, à ce titre, aisément le qualifier de libéral, au sens qu’a pris ce mot par la suite mais expurgé sa connotation financière actuelle.

    S’agissant de l’égalité (à ne pas confondre avec légalité : concept inhérent au siècle des Lumières né en opposition à la loi Supérieure transcendantale : Divine pour la Religion ou Naturelle pour les philosophes grecs), là encore, l’histoire en explique la genèse.
    La Révolution Française est arrivée dans le contexte d’une dichotomie de plus en plus criante entre l’absence de droits (accès aux postes de responsabilités, impôts, accès à l’administration territoriale) de la bourgeoisie naissante et son rapide développement et enrichissement grâce à la nouvelle révolution industrielle.
    Le fait que les prérogatives en termes d’organisation sociales étaient, pratiquement, réservées à la noblesse, en voie, elle, de paupérisation (en raison, comme l’a très justement fait remarqué un commentateur – Daniel avatar rose -, de sa réticence au commerce et à l’industrie naissante) était devenu quasi insupportable à la vigoureuse bourgeoisie issue du commerce et de l’industrie.
    Le concept d’égalité concernait l’égalité des prérogatives sociales de la bourgeoisie et de la noblesse.

    Quant à la fraternité, permettez moi de commencer mon exposé par l’affirmation que Sieyès n’est pas de façon certaine l’auteur de cette déclaration. « Trois projets avaient été proposés, l’un du Marquis de La Fayette, l’autre de l’Abbé Sieyès, et c’est un projet anonyme du VIe bureau qui fut choisi, rapporte Louis Blanc, Histoire de la Révolution française, sd, éditions du Progrès, II, 198?. Cette commission était celle dirigée par Champion de Cicé, docteur en théologie, aussitôt nommé garde des sceaux, mais très rapidement démissionnaire par opposition à la Constitution civile du clergé. » (http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_des_droits_de_l%27homme_et_du_citoyen_de_1789)
    Par ailleurs, il me semble difficile d’imaginer que la fraternité telle qu’entendue en 1789 concernait la fraternité de la bourgeoisie naissante (bourgeoisie du commerce et de l’industrie) avec la paysannerie ou les manants non industrieux.
    Imaginer que la fraternité concernait celle des gens de pouvoirs (noblesse) avec le peuple (tiers état) me semble aussi relever d’un non sens.
    On pourrait imaginer que la fraternité s’appliquait, dans l’esprit des rédacteurs, à tous indépendamment de son statut social mais il faudrait alors imaginer des rédacteurs ayant mentalement réussi à s’extraire de leur contexte social et politique. Cette idée parait saugrenue même si l’on considère que les rédacteurs étaient des hommes d’église : le monde ecclésiastique de 1789 n’avait rien de fraternel puisqu’il était une caste politique et sociale relativement privilégiée.
    La fraternité de la Déclaration des droits de 1789 ne s’applique, plus vraisemblablement, qu’à la fraternité entre bourgeois et nobles (on imagine mal les rédacteurs s’être tout à fait dégagé de l’esprit de société de caste dans laquelle il avait jusqu’alors vécu).
    La notion de fraternité dont on parle aujourd’hui, reste difficilement imaginable pour les gens vivant il y a 220 ans. Mais qui sait…

    Quoiqu’il en soit : que les valeurs ci-dessus décrites de liberté, égalité et fraternité puissent et doivent être remise au goût du jour, cela ne fait pas de doute, mais n’en parlons surtout pas comme de valeurs intangibles du peuple français.

    Qu’il faille revoir notre organisation sociale n’en est pas moins douteux. En effet, l’Etat de droit tel qu’il ressortait de l’époque des Lumières et de la Révolution française a vécu : nous ne vivons plus, aujourd’hui dans ce type d’Etat de droit, pour la bonne raison que tous les contrepouvoirs imaginés à son installation sont aujourd’hui devenus inopérants (voir mon billet sur les dérives de l’état de droit), sans qu’ait été opéré une quelconque réflexion institutionnelle sur les nouveaux contrepouvoirs qu’il conviendrait de mettre en place pour créer une nouvelle organisation sociale (viable et supportable pour tous). Dans ce contexte et dans l’objectif de cette réflexion, tentons d’éviter les contresens sur les textes révolutionnaires car ceux-ci pourraient avoir des conséquences désagréables pour l’avenir.

    Cordialement,

  46. Avatar de BAB64
    BAB64

    @ Claude Roche
    Merci pour cet éclairage historique.
    Il me parait naturel que le concept de Liberté puisse recouvrir des significations quelque peu différentes selon le contexte culturel dans lequel il s’exprime. Je note toutefois qu’il y a au moins un socle chrétien commun sur lequel on peut s’entendre et qui aspire à l’universalisme, même s’il est certain que les formes de régulations incarnées dans la Loi prennent des formes très différentes dans les pays de culture catholique et les pays de culture protestante.
    Quant à l’individualisme français, au-delà du cliché, je ne suis pas sûr de vous suivre complètement tant cette caractéristique est maintenant largement partagée dans toutes les sociétés modernes. Je pense toutefois qu’il est bien lié aussi aux racines chrétiennes que vous évoquez.
    Vous placez, pour finir, vos espérances dans le cadre de l’Europe. Pendant un certain nombre d’années la construction européenne m’a enthousiasmé comme vecteur de dépassement des égoïsmes nationaux et je croyais sentir comme un parfum de fraternité…Autant vous avouer que j’ai déchanté depuis et que je n’attends plus rien de l’Europe actuelle.

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