Grèce : ça va très mal finir

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

On en est revenu au même climat que celui qu’on avait connu en 2008, durant les derniers jours de Bear Stearns d’abord, de Lehman Brothers ensuite : une lente érosion, confirmée de jour en jour, ponctuée de commentaires lénifiants que la fin attendue est hors de question car des mesures importantes « prises en haut lieu » interviendront aussitôt que cela s’avèrera réellement nécessaire.

Personne n’y croit bien entendu car ce qu’on sait des mesures en question suggère qu’elles visent un problème différent : du même nom sans doute, mais d’un tout autre ordre de grandeur, soulignant que le ou les chevaliers blancs en puissance n’ont pas compris grand-chose au drame en train de se dérouler. C’est ce qui explique pourquoi le défaut de la Grèce a basculé du côté de l’inexorabilité aussitôt que furent connues les mesures envisagées au niveau européen et à celui du FMI.

Quand les experts du FMI sont arrivés hier à Athènes, les marchés ont aussitôt pénalisé le coût de la dette grecque à dix ans de 31 points de base supplémentaires, la barre des 7% a été enfoncée (1) : il en coûte à la Grèce depuis hier près d’un tiers de pourcent de plus pour emprunter sur dix ans. C’est dire si ces fameux marchés sont rassurés par la qualité des mesures envisagées par la prestigieuse institution internationale.

Bien sûr quand la dynamique en arrive là : quand la prime de risque réclamée des obligations d’une nation passe à la verticale, les dés sont jetés, parce que ce ne sont plus uniquement les spéculateurs qui poussent alors à la faute, ce sont tous ceux qui ont quelque chose à perdre : y compris les banques-mêmes du pays en question qui cherchent à se couvrir dans la débandade générale. Rien de neuf sous le soleil : on se souviendra que durant la crise obligataire de 1994, les banques françaises ont joué contre la France, confrontées au même problème que tout le monde : sauver les meubles dans une situation de sauve qui peut. Quand on en arrive là, le patriotisme ne fait plus partie de la donne, et ce sont les banques grecques elles-mêmes qui apportent depuis quelques jours leur propre eau au moulin.

La nouvelle finance que nous avons laissé s’installer depuis 1980 est sujette à la rétroaction positive, plus connue sous les noms de « réaction en chaîne » et d’« effet boule de neige ». Ni les financiers, ni les politiques ne l’ont encore compris. Je rappelle ce que j’ai dit aussitôt qu’il a été question du caractère préoccupant de la dette grecque : le jour où la Grèce fera défaut, le sort de la dette portugaise sera scellé – et pas pour le mieux, je le précise. Ceux qui prennent aujourd’hui des décisions en notre nom n’ont pas encore pris la mesure de la crise que nous traversons. Ils la prendront j’en suis sûr un jour mais il ne restera alors que ruines et désolation.

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(1) 7,18% au plus haut de la séance, le 7 avril.
7,322 % à 12h50, le 8 avril.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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