Billet invité
Du passage à la ville à celui de la tour la plus haute du monde, du passage de la division des tâches à la si ridicule tentative de « société du savoir », nous savons tous ce qu’est la notion de verticalité. Face à des limites, que ce soit les limites naturelles purement quantitatives auxquelles ont eu à faire face les chasseurs-cueilleurs, ou aux limites des concentrations modernes qui vont jusqu’à l’absurde de la virtualité du pouvoir, l’humanité s’est toujours échappée des murs des contradictions par le haut, inventant une solution inusitée, jusque là tout à fait pensable, mais pas encore pensée.
Nous sommes, semble-t-il, à ce stade où les murs se referment, puisque, où que se tourne le regard, on ne voit que contradictions insolubles.
* La virtualité montre sa limite. Celle où une virtualité de niveau x ne se différencie plus vraiment d’une virtualité de niveau x+1. Perte du sens, dans laquelle le nombre de zéros stockés dans des ordinateurs n’a plus grande importance.
* La dominance sociale devient pratiquement indépendante du citoyen massivement désinformé par les médias, dans des choses politiques portant péniblement le qualificatif de « représentatives », ou dans des assemblées dont nul ne saurait dire par qui ni vers quoi elles sont dirigées.
* Comme l’ont signalé les décroissants, le mouvement mondialiste butte sur les limites physiques, ce qui n’est, à l’évidence, qu’une resucée de la problématique mésolithique-néolithique, mais à l’échelle planétaire.
* On voit pointer à l’horizon le stade final de l’entropie sociale. Par fusions d’entreprises, de nations, puis de continents, le mercure sociétal ne formera bientôt plus qu’une masse au creux du tissu des pouvoirs, délaissant à la périphérie le paysan, le pêcheur et le maçon.
* Le bouclier social bute sur la problématique incontournable de la productivité, qui conduira de façon certaine la solidarité des travailleurs à suivre la même voie que celle de la disparition du travail.
L’heure est venue pour une nouvelle verticalité. Les tentatives de verticalités, l’histoire le montre, peuvent échouer ou réussir, et celles qui réussissent possèdent toujours un caractère d’évidence, pour ne pas dire de trivialité.
Dans une situation de blocage comme la nôtre, les portes de sorties sont connues : la guerre, l’abaissement massif du niveau de vie des pays développés, le fascisme unitaire d’un gouvernement mondial… Pourquoi pas les trois à la fois… Parmi ces options, il en est une qui retient l’attention. On a entendu Paul Ariès proposer la mise en place d’un revenu minimal universel et inconditionnel, et partant de cette idée, il a dit : « Il faut un revenu minimum, donc il faut un revenu maximum ».
Cette formule est, à mon avis, très maladroite. Elle laisse supposer que c’est parce qu’il y a des pauvres qu’il y a des riches, alors que – tout le monde le sait – c’est bien parce qu’il y a des riches qu’il y a des pauvres. Ce n’est pas l’existence des paraplégiques, des idiots ou des incompétents, qui crée l’idéologie du mérite, même en creux.
La nouvelle verticalité qui se présente sera donc, bien plus probablement qu’une société des morlocks et des elois, une société qui se résoudra à criminaliser la richesse. La formule complète étant: criminalisons l’excès de richesse relative. Le plafonnement des richesses personnelles, automatiquement, provoquera une hausse des bas salaires, et il sera toujours temps, à ce moment là, de fixer un plancher.
En quoi tout cela constitue-t-il une verticalité, demanderez-vous. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, les artifices de la dominance sociale (comprise en tant qu’extension irraisonnée de la dominance naturelle) trouvent leurs limites. La criminalisation de l’excès de richesse n’a jamais été pensé pour la simple raison que, passant d’une société de pénurie à une société de sur-abondance, la chose était impensable. Il s’agit donc d’une chose triviale, facilement faisable, mais impensable, qui est de nature à bouleverser profondément les psychologies, reléguant la rapacité financière au niveau de la dominance tribale : une chose du passé dont plus personne n’a besoin.
« … ne nous contentons pas de briser les sceptres, pulvérisons à jamais les idoles »
« Français, encore un effort si vous voulez être républicains ! » -Donatien-Alphonse-François de Sade- 1795
188 réponses à “La dernière verticalité?, par Betov”