Quelques principes pour la réforme fiscale
Au cours de son entretien télévisé du 16 novembre, Nicolas Sarkozy a évoqué une refonte de la fiscalité impliquant la disparition du bouclier fiscal et de l’Impôt de solidarité sur la fortune, et axée sur deux principes : une imposition du patrimoine fondée sur ses revenus ainsi qu’un alignement de la fiscalité française sur celle des autres pays européens.
Faute d’une philosophie présidant au système dans son ensemble, les politiques fiscales s’identifient en effet à un ensemble hétéroclite de mesures, suivies de contre-mesures visant à palier les conséquences imprévues des premières. Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires publié en mars 2009 évoque ainsi « la complexité croissante des régimes et des mesures dérogatoires ».
Un examen systématique de la fiscalité la découvre constituée de strates de sédimentation successives, chacune faite de repentirs par rapport à la couche qui l’a précédée. Parmi ceux-ci : les « transferts sociaux », la Contribution sociale généralisée (CSG) au statut imprécis entre impôt et cotisation sociale, l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF), enfin le bouclier fiscal dont l’objectif est de neutraliser partiellement certains repentirs antérieurs.
Le principe général de la fiscalité est rudimentaire : combien l’État peut-il ponctionner sans que la masse ne s’insurge ou que les privilégiés ne quittent le pays, sans s’inquiéter du fait que cette capacité à s’insurger ou à émigrer reflèterait déjà en soi des rapports de force au sein du tissu social qui seraient loin d’être idéaux. La remise à plat annoncée offre l’opportunité de définir une philosophie de la fiscalité inspirée au contraire par une compréhension authentique du fonctionnement de nos sociétés, en particulier sur les plans économique et financier.
Quels devraient être les principes d’une politique fiscale ?
La principale leçon de la crise est qu’une concentration excessive de la richesse parvient à terme à gripper le fonctionnement même de l’économie, les ressources nécessaires à la production et à la consommation se trouvant de manière croissante absentes là où elles sont requises. Les mécanismes susceptibles d’entraîner une telle concentration devraient être spécialement visés par une politique fiscale. Au premier rang de ceux-ci : le versement d’intérêts et l’héritage. Malheureusement, dans son rapport de mars 2009, le Conseil des prélèvements obligatoires pose sur l’un et sur l’autre un regard particulièrement bienveillant.
Quelques grands principes pourraient se dégager. Le premier devrait être de ne pas imposer le travail, qui constitue sans conteste l’activité humaine la plus utile et la plus digne d’être encouragée. Un deuxième, serait d’imposer substantiellement les revenus du capital (les stock options en font partie), ceux-ci constituant des rentes dues à l’hétérogénéité d’une répartition de la richesse qui demeure essentiellement d’origine historique. Un troisième serait d’imposer de manière dissuasive les gains dus au jeu, le fait que ce jeu soit reconnu ou non sur le plan juridique comme « opération financière » étant indifférent, le gain au jeu étant obligatoirement – comme les événements récents l’ont douloureusement rappelé – la source d’un risque systémique dont l’État est le garant en dernier ressort. Quant aux rentes de situation, une politique fiscale bien conçue devrait viser à les éliminer entièrement dans une double perspective de rationalité économique et de justice sociale.
98 réponses à “LE MONDE-ÉCONOMIE, LUNDI 29 – MARDI 30 NOVEMBRE 2010”