TOUS COMPLICES ! (Deuxième épisode), par zébu

Billet invité.

‘Tous complices’, bien que provocateur, n’avait pas pour vocation uniquement de provoquer. Ni même de ne pointer du doigt que ceux-là même que je souhaite faire réagir : voici le bouc-émissaire, tuons-le !

D’autres le font très bien et surtout avec l’intention évidente d’en faire un, de bouc émissaire. Cela a été dit, à juste raison, car cela se fait d’ores et déjà : on a commencé par les immigrés, on continue avec les pauvres (allocataires du RSA), demain, à qui le tour ?

Or, l’objet fondamental du billet est de montrer que nous sommes dans un jeu à somme nulle, dès lors que les participants à ce jeu en sont les prisonniers (cf. théorie des jeux).

Car dès que la fumeuse croissance, celle qui alimente la ‘classe moyenne’ en emplois plus nombreux, en augmentation de salaire, en pouvoir d’achat plus généreux, etc. est en panne, nous sommes bien dans un jeu à somme nulle : pour croitre, l’un des participants doit prendre à un autre.

Jusqu’ici, la ‘classe moyenne’ fut relativement ‘épargnée’ par la crise (comparativement à d’autres classes sociales) mais demain ?

Si la crise perdure ou s’aggrave, il y a fort à parier que les plus riches n’en pâtiront évidemment pas, mais aussi que ceux que j’ai dénommé ‘rentiers’ en pâtiront le moins possible et le plus tard possible, pour les raisons que j’ai évoquées : soutiers du système en place, à leur corps défendant ou non et soutiens d’un système politique qui garantit l’ordre social ainsi constitué.

Mais à un moment ou à un autre, ils le seront : le risque de défaut, même partiel, pourra les atteindre.

L’objectif n’est pas de crier : « salauds de ‘rentiers’ ! » (quoique, vu le comportement délibérément individualiste en ces temps de crise et de maximisation des profits de certains d’entre eux, je fais aussi mien ce cri, que cela plaise ou non aux ‘rentiers’).

Ce serait conforter la stratégie du ‘struggle for life’, du chacun contre l’autre, que l’on nous fait jouer.

Bien au contraire, il nous faut sortir de la logique du jeu à somme nulle dont nous sommes TOUS prisonniers.

L’objectif, c’est de montrer en premier lieu à ces ‘rentiers’ qu’ils sont les rouages essentiels de ce système.

C’est de faire en sorte que ceux-ci s’interrogent réellement sur l’origine de leurs intérêts, défiscalisés et sécurisés et de savoir si dans le cadre actuel, ceci est toujours socialement possible, sans même parler d’éthique.

C’est enfin de leur montrer combien ce sont eux qui détiennent le pouvoir en démocratie. Et si, selon le type de jeu qu’ils souhaiteront jouer, on pourra ou pas sortir non seulement de la crise en cours mais aussi du système actuel.

Les plus riches profitent indubitablement de celui-ci. Les plus pauvres, dont le nombre augmente progressivement et dont les écarts de revenus augmentent d’avec, notamment, la ‘classe moyenne’, ne peuvent ou ne veulent plus participer aux élections, fonction de régulation du pouvoir dans une société démocratique, en particulier parce que l’offre politique est entièrement formatée pour ne pas remettre en cause le pacte social ainsi défini.

Ce sont donc les ‘rentiers’ qui en denier ressort peuvent choisir parce qu’ils sont les plus nombreux à encore participer au système politique.

Or ceux-ci sont victimes et bourreaux.

Bourreaux, ceux qui continuent à jouer à cette même règle, en pleine crise (l’immobilier locatif défiscalisé a été ainsi bien ‘juteux’ pour nombre d’entre eux), en connaissance de cause mais qui refusent soit d’en tirer les conséquences (politiques, sociales, etc.), soit même d’en reconnaître la réalité, forme patente de déni s’il en est.

Il est ainsi difficile à la fois de défendre les retraites par répartition tout en défendant son ‘3,5%’ (à minima) garanti et défiscalisé pour son assurance-vie, qui alimente les fonds de pensions qui jouent notamment au casino financier, font régler leur note par les États et in fine par les contribuables, soit … les ‘rentiers’. Avoir les deux était encore possible pendant des périodes de forte croissance. La crise de 2007 a rendu définitivement antithétique ces deux termes d’une même proposition qui tenaient, vaille que vaille, la route depuis près de 30 ans.

Victimes, ceux qui ont participé pendant des dizaines d’années à ce système et qui, avec la crise, se rendent compte combien ont les a piégés (ou combien on leur a maquillé la réalité), devenus dépendants de plus en plus non plus de la solidarité mais des intérêts que la finance leur porte, réduisant depuis de plus en plus les possibilités qu’elle leur ‘offre’ à des choix aujourd’hui cornéliens.

Cette fois-ci, les ‘rentiers’ devront choisir quel modèle de contrat social ils souhaitent, surtout que l’échéance se rapproche à grand pas, avec l’arrivée de l’inflation, contenue tant bien que mal encore par la BCE : quel niveau d’intérêt (et donc de risques financiers à supporter) faudra-t-il exiger pour garantir ‘l’intérêt’ des ‘rentiers’, toujours défiscalisé, sûr et suffisamment rentable ?

On peut donc décider collectivement de ne plus jouer un jeu à somme nulle, à condition de ne pas jouer individuellement. De nombreuses solutions s’offrent à tous, y compris aux ‘rentiers’, notamment l’interdiction des paris sur les fluctuations des prix, mais aussi le SLAM, la limitation de l’intérêt (perçu ou versé), une démocratie plus directe et pas uniquement représentative de leurs seuls intérêts, etc.

Encore faut-il que ces mêmes ‘rentiers’ acceptent de modifier les règles.

Certains en sont conscients et ne posent la question que du ‘comment’ : à ceux-là, il faut leur dire que ce sont eux qui ont le pouvoir.

A eux d’agir : en ‘démocratie’ (libérale), ils peuvent exiger une offre politique différente.

Voir même faire la ‘grève’ de la rentabilité forcenée : l’épargne réglementée est là pour ça, jusqu’à un certain niveau il est vrai. Au-delà, on répondra qu’ils perdront de l’argent, s’ils ne le placent pas. Ce à quoi on leur répondra : combien perdrez-vous, TOUS, quand le défaut adviendra ?

Qui peut assurer qu’il sera plus malin que les autres, pour pouvoir s’en tirer, le moment venu et pas uniquement financièrement ?

Pour les autres, on ne peut que provoquer des débats et souhaiter qu’ils y participent.

Dans le cas contraire, je pose la question aux ‘rentiers’ les plus concernés : comment faire ?

Hormis, en démocratie, la leur imposer par la loi ?

Mais alors, comment faire, alors même qu’ils participent au maintien de ce jeu, en sont les joueurs inamovibles et tandis que la crise se rapproche d’eux y compris, pour leur faire comprendre qu’il serait aussi dans leur intérêt propre de changer les règles ?

Nous sommes donc tous complices mais certains plus que d’autres : « Dans la ferme des animaux, les animaux étaient tous égaux mais certains l’étaient plus que d’autres ».

PS : sur un point précis, il me semble que la décroissance ne résout pas la question centrale du jeu à somme nulle. Elle en réduit les impacts, ce qui est intéressant mais ne répond à la question des inégalités (surtout si cette décroissance est ‘volontaire’), sauf à faire en sorte que tous, en même temps, aient un mode de vie tellement économe que les inégalités y seront très réduites.

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