Billet invité.
A Fukushima Daiichi, les jours se suivent et se ressemblent avec leur lot de mauvaises nouvelles, amenant aujourd’hui Tepco à se décider à reconnaître que son calendrier de travail ne pourra pas être respecté. Prévue en janvier prochain, la perspective d’un arrêt à froid des réacteurs est repoussée à une date ultérieure, qui n’est même pas envisagée.
Une brutale augmentation de température enregistrée hier au réacteur n°5, en raison d’une panne de la pompe le refroidissant en eau, illustre l’instabilité de la situation. Il y a été remédié en changeant la pompe, mais l’eau avait entretemps presque atteint la température de 100°C, toute proche de commencer à bouillir, les barres de combustible amenées à être découvertes, le combustible appelé à entrer en fusion. L’un des deux réacteurs – avec le n°6 – resté en dehors de la série noire affectant les 4 autres a menacé de les rejoindre. Le temps de réaction de l’opérateur est particulièrement préoccupant.
Aujourd’hui, la pluie tombe très dru et les opérations sur le site en sont affectées. Un débordement de l’eau hautement contaminée répandue dans les sous-sols et les tranchées des réacteurs est attentivement surveillé, une formule laissant en suspens la description des moyens permettant d’y faire obstacle, car ils n’existent pas. Pas moins réels, le ruissellement sur le sol ou le débordement des piscines désormais à ciel ouvert ne sont pas mentionnés dans la liste des dangers potentiels. Pas plus que le vent qui pourrait s’engouffrer dans des structures très endommagées et à la résistance inconnue. L’opérateur est à la merci des éléments.
La gestion de ces masses d’eau contaminée est devenue infernale, entre les pluies, l’absence de stockage suffisant, les fuites à tous les réacteurs et la poursuite des injections d’eau qui les alimentent. La référence au tonneau des Danaïdes a rarement trouvé aussi parfaite illustration. Pas de surprise, on annonce une nouvelle fois l’augmentation de la radioactivité mesurée dans l’océan, aux abords de la prise d’eau d’un des réacteurs, non identifié.
Initialement destinée à fabriquer de la vapeur d’eau bouillante permettant de faire tourner des turbines et de produire de l’électricité, la centrale a désormais muté en une autre machine. Elle produit sans discontinuer de l’eau contaminée qui se répand dans les sous-sols et dans l’océan, continuant de contaminer l’atmosphère et les régions avoisinantes au gré des vents et de la pluie. En mer et sur terre, la chaîne alimentaire en est progressivement affectée. Mais cette machine-là, il n’y a pas de mode d’emploi du constructeur pour l’arrêter.
Dernier volet de cette catastrophe destinée à n’en pas finir : il se confirme que les travaux à l’intérieur des bâtiments destinés à installer des circuits fermés de refroidissement d’eau – afin de rompre le diabolique enchaînement actuel – devront être effectuées dans des conditions proches de l’impraticable.
La dernière découverte en date a été faite dans le réacteur n°2, où les niveaux de radioactivité et d’humidité sont très élevés. L’opérateur allant procéder en deux temps afin de tenter d’y remédier. En installant demain mardi un échangeur de chaleur à l’intérieur d’abord, puis ensuite un système de décontamination de l’eau à l’extérieur. Sans succès garanti.
La tendance n’est donc pas à une stabilisation progressive de la situation, mais à la poursuite de la recherche introuvable d’une issue à la catastrophe rampante qui a débuté il y a douze semaines.
A Fukushima, vivre avec le nucléaire a pris une dimension mortifère que les défenseurs professionnels de l’électro-nucléaire vont devoir justifier. Cela a commencé en France, avec des déclarations d’Anne Lauvergeon, présidente d’Areva, qui a eu le front (ou l’indécence) de déclarer à propos de la décision allemande de sortie du nucléaire : « C’est une décision totalement politique. Il n’y a pas eu de référendum, ni d’appel à ce que pensait l’opinion publique, même les sondages montrent l’émotion des Allemands » (BFM-TV)…
165 réponses à “L’actualité des crises : FUKUSHIMA, CATASTROPHE RAMPANTE, par François Leclerc”