L’actualité de la crise : COMPTE A REBOURS, par François Leclerc

Billet invité.

« Un point d’équilibre a été trouvé » permettant de « combiner réduction des déficits et soutien à la croissance » a affirmé hier et droit dans les yeux François Baroin, le nouveau ministre Français, à l’issue du G7 Finances. Sans bien entendu l’identifier. Mais la nouvelle du jour n’était pas son compte-rendu de la réunion de Cannes, mais bien la démission de l’économiste en chef de la BCE, Jürgen Stark, qui a choisi à dessein le moment de son annonce pour lui donner le maximum d’éclat.

Il accordait dans la foulée une interview à Handesblatt, l’un des deux quotidiens économiques allemands, et appelait à « un saut qualitatif ». « Un stimulus budgétaire ne ferait qu’accroître le niveau de la dette » européenne, alors que « les risques pesant sur les budgets publics sapent la stabilité financière ». Une vision dont l’orthodoxie quasi religieuse laisse peu de marge de manœuvre pour atteindre le « point d’équilibre » de François Baroin, et qui illustre l’acuité des dissensions européennes.

Avant la réunion, ce dernier avait eu une formule qui y faisait pourtant référence, en déclarant au Figaro que « nous aurons une discussion de fond sur le ralentissement observé cet été dans le monde, et le débat sera d’autant plus libre qu’il n’y aura pas de communiqué final ». Il a pourtant fallu se résoudre à publier des « termes de référence agréés », car le silence n’était plus possible dans ces conditions, quitte à sortir une platitude : « Nous sommes décidés à apporter une réponse internationale forte et coordonnée pour relever ces défis », est-il écrit.

La suite des événements dira si le geste de Jürgen Stark est un chant du cygne ou une tentative de blocage. Sa tâche sérieusement compliquée, la réaction d’Angela Merkel a depuis expliqué qu’il fallait être patient, en rappelant à ses compatriotes le temps nécessaire à la réunification de l’Allemagne.

En prélude du G7, Tim Geithner avait dans le Financial Times exhorté les européens à « agir plus vigoureusement », et à manifester « un engagement sans équivoque à soutenir le système financier européen… », remarquant que ce qui est en question « n’est pas de savoir si nous avons les moyens économiques et financiers d’agir pour renforcer la croissance, mais si nous avons la capacité politique d’agir comme il convient ». Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, a rétorqué que « combattre la crise avec un endettement encore plus prononcé, cela serait exactement le mauvais chemin à prendre ».

Faute que ce soit dans les salons, c’est donc sur le pré que va très prochainement se régler le différent, en premier lieu au Sud des Balkans.

De quoi augure, à ce propos, la réunion d’urgence du conseil d’administration du FMI, le 14 septembre prochain, qui doit entendre son représentant chargé de négocier avec le gouvernement grec dans le cadre de la Troïka ? Où en est la double course d’obstacle de l’adoption du second plan de sauvetage du pays, avec d’un côté une ratification par les parlements des pays européens qui s’éternise et de l’autre des accords des banques qui se font attendre ? Combien de semaines les Grecs peuvent-ils tenir sans nouvel apport financier ? Comble du bon goût, Günther Oettinger, le commissaire européen à l’Energie, vient de proposer dans les colonnes de Bild de mettre en berne les drapeaux des pays trop endettés devant les bâtiments de l’Union européenne, anticipant ce qu’il attend.

Une partie de poker est en train de se jouer, au risque de faire sauter des banques. Celles-ci se sont à nouveau enfoncées dans les abysses boursiers et le prix de leur CDS – montant de l’assurance sur leur dette et résultat combiné d’actions spéculatives – continue de monter, sans que les offres réitérées de liquidité de la BCE ne parviennent à calmer le jeu. A l’inverse, les taux des obligations souveraines refuge continuent de plonger, exprimant les craintes exacerbées des investisseurs.

Qu’est-il encore possible de faire, afin de tenter de désamorcer la bombe à retardement activée ? Nous ne devrions pas tarder à le savoir. Mais sauver in extremis le sauvetage de la Grèce, si c’est encore possible, ne fera pas pour autant une politique. Münich nous a déjà appris que, à suivre la ligne de plus grande pente, le pire devient parfois inéluctable.

Le silence des oppositions est assourdissant…

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