Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Bien sûr, trois quarts au moins du temps qui aurait pu être consacré aux objectifs prédéfinis du G20, l’ont été plutôt à éponger les sueurs froides suscitées par la fronde initiale de Georges Papandréou (dont on saura cette nuit à minuit s’il est toujours carrosse ou est redevenu citrouille) et à tenter de maîtriser le dérapage de l’Italie (dont le prix d’un sauvetage éventuel dépasse et de loin les fonds disponibles dans la caisse du Fonds Européen de Stabilité Financière), et l’aboutissement de ce sommet en termes de résultats tangibles est certainement l’un des plus décevants des récents G8 et G20 (même si ceux qui l’ont précédé ont fait que la barre est désormais placée très très bas). Et pourtant, l’on constate comme un frémissement qui oblige à se poser la question : en viendrait-on finalement à prendre le taureau par les cornes – du moins sur le papier ?
C’est que même si les réponses apportées sont inadéquates, les questions posées semblent enfin baliser le problème dans son ensemble. En particulier pour ce qui touche à la reconstitution d’un ordre monétaire international – le plus récent étant né à Bretton Woods en 1944 et étant mort de sa belle mort en 1971 par une décision unilatérale du président Richard Nixon.
Les cotisations au Fonds Monétaire International – et donc le poids décisionnel des nations contributrices – représenteront désormais, et toujours davantage, le véritable poids économique des nations. Ceci signifie que l’on émerge enfin d’une hiérarchie de la puissance fondée sur l’ordre politique hérité de la guerre froide, pour entrer dans une nouvelle logique : celle de la réalité économique présente.
Ceci ne ferait qu’entériner bien entendu le déplacement d’un certain arbitraire vers un autre, si ne se dessinait pas en filigrane, comme l’ordre monétaire à venir, celui proposé sans succès par John Maynard Keynes en 1944, qui vise lui à une pacification des relations économiques entre nations. Va également dans ce sens d’une pacification, le fait que les aides financières ponctuelles accordées par le FMI à des pays en difficulté, ne seront plus nécessairement associées à l’obligation pour les bénéficiaires de se couler dans le moule ultralibéral qui était devenu l’image de marque du FMI : réductions budgétaires imposées dans des domaines aussi futiles du point de vue des marchés que l’éducation ou la santé par exemple. Encore que, comme l’ont montré des événements récents, la diète imposée au peuple grec relève toujours de la même philosophie hayékienne, de la confirmation dans ses droits du nouvel ordre féodal fondé sur une aristocratie de l’argent.
Va-t-on suffisamment vite dans la bonne direction ? Évidemment non, et l’écroulement final aura lieu bien avant que l’on n’atteigne les échéances fantaisistes par leur optimisme que le G20 mentionne dans son communiqué final : 2013… 2015… 2016…, mais ce qui s’esquisse cependant, c’est une prise de conscience « conceptuelle » : que c’est le cadre-même qu’il s’agit de changer, et que les rafistolages au sein d’un ordre caduc pris comme argent comptant ne déboucheront plus jamais sur rien.
Mine de rien, c’est le constat de la fin de l’hégémonie américaine qui se lit dans ce communiqué final d’un G20 caractérisé par ailleurs par son encéphalogramme plat. Ce n’est pas grand-chose peut-être, mais à l’échelle de l’histoire, ce n’est certainement pas rien.
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