BFM, Intégrale Bourse, lundi 12 décembre à 11h35

Je répondais aux questions de Guillaume Sommerer sur l’Europe et la zone euro.

Le podcast est disponible ici (j’interviens à 6m17).

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52 réponses à “BFM, Intégrale Bourse, lundi 12 décembre à 11h35

  1. Avatar de lars
    lars

    Ce qui sera passionnant, ce sera d’écouter les arguments des « chiens de garde » de l’orthodoxie furio-libérale et combien de fois vont-ils vous interrompre. Chaque fois que vous débarquez dans une telle table ronde , on a l’impression que vous distribuez du poil à gratter dans le dos de de vos contradicteurs,c’est…. poilant!

  2. Avatar de Pirouli
    Pirouli

    Je vous souhaite bonne chance Mr Jorion.

    Il n’existe pas pire aveugle que Guillaume Sommerer.

    Il suffit de regarder ses interventions tous les mardis matin sur BFM face à Olivier Delamarche pour s’en convaincre.

    1. Avatar de Piotr
      Piotr

      Peut être pas si dupe!

  3. Avatar de Sergi Goudard

    Il ne faut pas baisser la garder devant la bêtise ou  » l’ignorance » stipendiée !!!
    Continuez !!!

  4. Avatar de Renou
    Renou

    Bon, c’est dimanche et il pleut sur la côte.
    Xavier Grall mort il y a trente ans.
    « ….
    Seigneur me voici c’est moi
    de votre terre j’ai tout aimé
    les mers et les saisons
    et les hommes étranges
    meilleurs que leurs idées
    et comme la haine est difficile
    les amants marchent dans la ville
    souvenez-vous de la beauté humaine
    dans les siècles et les cités
    mais comme la peine est prochaine !
    … »
    Extrait de Solo.
    http://arielnathan.files.wordpress.com/2009/12/xavier-grall-quere.jpg

  5. Avatar de lucien lerouffe
    lucien lerouffe

    J’ai hâte de voir si PJ sera contaminé par ces deux optimistes ou s’il réussira à les transformer en petits garçons sous nos yeux… Le suspense est insoutenable.

  6. Avatar de Serge
    Serge

    Bonne chance…

  7. Avatar de Basicrabbit
    Basicrabbit

    Paul Jorion, économiste de renom, capable a lui seul d’ influencer les marches. Ce n’est pas le prophète de Brice Couturier.
    Intervention limpide. J’ ai bien aime la peau de banane(?) referendum a propos d’une éventuelle consultation démocratique.

  8. Avatar de Greg
    Greg

    Bonjour Paul,

    Votre intervention sur BFM aujourd’hui était impeccable et votre propos limpide. Notamment lorsque vous avez plaidé pour un nouveau Bretton Woods lorsqu’on vous a demandé quelle était la solution à la crise actuelle. J’ai apprécié que vous preniez le temps d’avancer et de développer vos idées en faveur d’une refonte du fonctionnement du système monétaire (ce que vous auriez du faire lors de l’émission sur France Culture où vous vous étiez si vous me permettez cette remarque un petit peu dispersé en vous braquant inutilement contre la posture de contradicteur adopter par Couturier qui était dans son rôle, au détriment à mon avis de la clarté de votre propos).

    Bravo, il faut continuer ainsi à porter le message qu’une alternative existe au système capitaliste actuel, dont les fondements ne sont pas issus de la cervelle de quelques économistes fantaisistes, mais de Keynes lui même, qui avait même mis en avant ce modèle à Bretton Woods. Un capitalisme épuré de tous les travers et dévoiements introduits par l’école de Chicago afin de mettre l’argent au service de l’argent, détournant alors un système qui avait été au départ pensé pour mettre l’argent au service de l’économie et des peuples en un système les asservissants sournoisement.

    1. Avatar de flamonline

      @ Greg
      Je partage votre jugement. L’intervention de Paul était impeccable ; Paul ne doit pas se laisser tirer vers le bas par des journalistes chien de garde (type Couturier). Je tiens qu’il peut devenir un grand bretteur, un grand débatteur français sur les terrains de la nouvelle économie et de la nouvelle démocratie. Notre rôle consiste à lui apporter soutien et idées.

    2. Avatar de Paul Jorion

      Merci pour ces remarques. Vous faites manifestement partie des personnes qui n’ont pas entendu la chronique de Brice Couturier, sans quoi vous sauriez que son propos était – comme l’un d’entre vous l’a très bien formulé : « Comment osez-vous dire que ma maison s’effondre alors que vous êtes incapable de me montrer les plans de celle que j’aurai ensuite ! »

      1. Avatar de xian
        xian

        La maison que nous aurons ensuite, sera peut être celle dans laquelle le sourire remplacera l’argent !!
        Courage, encore quelques pas de géant et nous arriverons.
        Ce n’est que le premier pas qui coûte.

        En attendant Paul, bravo pour l’intervention.

      2. Avatar de flamonline

        J’ai bien entendu la chronique de Brice Couturier et je partage l’avis de Greg. C’est plus facile à dire qu’à faire mais je pense qu’il est inutile de se braquer et de se disperser face à ce type de journaliste chien de garde. Il existe l’humour, l’esprit, la dérision, et maintes formes linguistiques pour éviter ces échanges stériles. D’autre Couturier se mettront en travers de vous pour brouiller votre message qui doit rester factuel, scientifique, logique et clair. Sur BFM c’était nickel chrome.
        Bravo !

      3. Avatar de Renou
        Renou

        Allons paul, je suis sûr que vous êtes pro-fêtes!…

      4. Avatar de jacquesson
        jacquesson

        concernant le passage à FC, le regret que j’ai eu est que l’énervement vous ait gagné devant Couturier qui, ne croyant pas à la spécificité de cette crise, a tout tenté pour vous déstabiliser. Le problème, c’est que le système a encore beaucoup de défenseurs, dont l’argument massue est que : » ça tient toujours », donc que « les Cassandre sont des gens pas sérieux qui fragilisent alors qu’il faut serrer les coudes pour que ça passe »Heureusement, Marc Voinchet a rattrapé le débat en calmant les esprits. Je ne jetterai pas la pierre, car nous sommes humains avec toutes les limites que cela comporte. Sur le fond, il me semble que ça ne va pas si bien que ça, et la conférence de Durban n’augure riende bon quant à la prise en compte des autres graves dérèglements qui nous assaillent. Nous ne résolvons pas les problèmes, nous nous contentons de les déplacer, et de surcroît en y ajoutant le détour technologique (théorisé par Yvan Illich) qui vient alourdir le gaspillage des ressources de notre petite planète bel et bien finie.

    3. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      (ce que vous auriez du faire lors de l’émission sur France Culture où vous vous étiez si vous me permettez cette remarque un petit peu dispersé en vous braquant inutilement contre la posture de contradicteur adopter par Couturier qui était dans son rôle, au détriment à mon avis de la clarté de votre propos).

      C’est peut-être au contraire grâce à ça que Tic et Tac ont foutu une paix royale à Paul Jorion, en l’introduisant même comme un économiste de renom, capable à lui seul d’influencer les marchés.

  9. Avatar de Pym
    Pym

    Très bonne intervention en effet. 🙂

  10. Avatar de Renard
    Renard

    Bonne intervention, complète, claire, carrée.
    BrettonWoods, moratoire, deux mots qui ne doivent pas s’entendre souvent sur BFM.

    1. Avatar de Albéric de la Bastide
      Albéric de la Bastide

      Peut-être n’écoutez vous pas BFM assez souvent! Vous seriez surpris.

      1. Avatar de Renard
        Renard

        @ Albéric ci-devant de la Bastide

        Je n’écoute jamais BFM, donc je vous crois sur parole.
        Vigneron a eu l’obligeance de copier le texte du confiteor que je m’en vais de ce pas réciter le nombre de fois prévu dans le manuel du parfait repentant.

      2. Avatar de kercoz
        kercoz

        //// Peut-être n’écoutez vous pas BFM assez souvent! ///
        Difficile sans devenir addict au vogalène .

  11. Avatar de danolo
    danolo

    Cher Paul,

    un grand merci pour cette excellente intervention: votre éclairement, votre analyse, et les voies pour s’en sortir ont été exposées avec BRIO ! Du trois en un super efficace.
    Cela donne du beaume au coeur de vous entendre. On veut y croire !

    encore merci !

  12. Avatar de Kimalu
    Kimalu

    Les «petits à-côtés » du dilemme de Triffin :

    Extraits de C’ETAIT DE GAULLE d’Alain PEYREFITTE
    (Première publication : 1994…)

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    (Source Le Livre de Poche – 2009 – Tome II, pages 99 à 113)

    PARTIE I

    Chapitre 12
    « L’IMPERIALISME AMERICAIN LE PLUS INSIDIEUX EST CELUI DU DOLLAR »

    Salon doré, 27 février 1963.

    GdG : « L’impérialisme américain, aucun domaine ne lui échappe. Il prend toutes les formes, mais la plus insidieuse est celle du dollar.
    « Les Etats-Unis ne sont pas fichus d’avoir un budget en équilibre. Ils se permettent d’avoir des dettes énormes. Comme le dollar est partout la monnaie de référence, ils peuvent faire supporter par les autres les effets de leur mauvaise gestion. Ils exportent leur inflation dans le monde entier. C’est inacceptable, ça ne doit pas durer.

    AP. – Ca ne doit pas, ou ça ne peut pas ?

    GdG. – Ca peut très bien durer ! Tout le monde se couche. Ca durera… tant que nous ne l’aurons pas dénoncé et que n’y aurons pas mis le holà.
    « Heureusement que nous avons empêché les Anglais d’entre dans le Marché Commun. Sinon les investissements américains sur l’Angleterre se seraient multipliés. Elle aurait été le point de passage des capitaux américains envahissant l’Europe. Et tant pis si notre économie passait sous la coupe des Américains. »

    Curieux que le Général se lance ainsi dans une critique économico-financière qui ne lui est pas familière. Il est vrai qu’il ne lui faut pas longtemps pour assimiler une discipline nouvelle. En 1946, entre son départ du pouvoir et le discours de Bayeux, il avait, en quelques semaines, absorbé nombre de livres de droits constitutionnel et bâti pour notre pays une Constitution selon son cœur ; elle set la nôtre aujourd’hui. Voici que, plus âgé de dix-sept ans, il assimile les techniques de la finance internationale et des relations économiques extérieures.
    Il est vrai que Rueff doit être passé par là, relayé par les conseils de Burin et les éclaircissements de Lévêque (1). Ce que ces deux derniers me confirment dans l’après-midi.

    « L’invasion américaine se déroule comme le cours d’un fleuve »

    Salon doré, 30 avril 1963.

    GdG – « Les Américains sont engagés dans un processus de mainmise sur l’ensemble des circuits économiques, financiers, militaires, politiques dans le monde. C’est une invasion qui se déroule comme le cours d’un fleuve. Les Américains le voudraient-ils, ils ne pourraient pas s’y opposer. D’ailleurs, ils n’y a pas de risque qu’ils le veuillent. Qui dresse une digue ? Ce n’est pas le fleuve. Ce sont les hommes qui ont intérêt à se mettre à l’abri de l’inondation. Or, personne n’en a le courage. C’est donc à nous qu’incombe ce devoir. Vous verrez, on finira par suivre notre exemple, si nous le donnons avec éclat. »
    Il se reprend : « Avec éclat, mais sans arrogance. Il faut ménager l’amitié.

    AP. – Tant que vous serez là, cette ligne peut être suivie : contenir la poussée américaine, mais sans se fâcher. Seulement, votre successeur, quel qu’il soit, n’en aura pas la capacité.

    GdG – « C’est pourquoi, là comme ailleurs, il faut créer l’irréversible. L’irréversible, pour les monnaies, ce serait l’étalon-or. Nous y sommes théoriquement, mais pratiquement nous lui tournons le dos. Le dollar a remplacé l’or. Si nous retournions à l’étalon-or, les monnaies seraient sur des rails, dont elles ne pourraient pas dérailler. Ca supposerait que, chaque fois que nous avons des dollars, nous les convertissions en or, et que tout le monde en fasse autant. Les pressions politiques ne pourraient plus manipuler les monnaies, même si les gouvernements sont soumis aux pressions électorales ou sociales. Les autorités monétaires auraient les moyens d’empêcher les dérives.
    (C’est du Rueff pur sucre, mais concentré et cristallin.)
    « Tant que je serai là, j’obligerai le gouvernement à lutter contre le déficit et l’inflation (2), donc à tenir le franc. Quand je ne serai plus là, vous verrez, la facilité reprendra son cours. Mais le franc pourrait tenir s’il était rattaché à l’or, comme les autres monnaies ; ça obligerait les gouvernements à être raisonnables, le gouvernement américain et tous les autres comme lui.
    « L’élection populaire du président n’est pas faite pour moi, mais pour qu’après moi, l’état et le pays aient une tête. De même, il faut créer une situation telle que les autorités politiques et monétaires soient obligées, après moi, d’assumer leurs responsabilités. »

    « Bull, c’est vraiment une entreprise française ? »

    Conseil du mardi 18 février 1964.

    Le Général, méfiant, se tourne vers Giscard : « Bull, c’est vraiment une entreprise française, avec ce nom ?

    Giscard (incollable). – Bull était un ingénieur norvégien qui a vendu son brevet à une entreprise française. Cette société est venue demander au Crédit national un crédit de 45 millions. Dans une firme fabriquant des machines pour connaître à tout instant les comptes au centime près, on avait laissé se créer une situation financière désespérée, sans que personne s’en fût aperçu.
    « La General Electric propose d’apporter de l’argent frais contre une participation de 20% au capital. Nous allons constituer une solution française. Non sans mal ; les compagnies voisines, qui sont jalouses de leurs prérogatives, ne voient pas l’importance de l’enjeu. Le nouveau groupe apporte 70 millions et détiendra deux tiers des parts, les anciens actionnaires ne disposant que d’un tiers. L’aide de l’état se fera sous forme de passation de marchés.

    Pompidou. – Les capacités financière et techniques des grandes sociétés américaines sont telles, qu’il n’y a guère de sociétés françaises, voire européennes, dans l’aéronautique, l’électronique, l’informatique, l’automobile, qui soient en mesure de résister à leur puissance, par absorption ou par achat, si les gouvernements ne se mettent pas en travers. Des entreprises familiales, incapables de soutenir le rythme, ne suivent pas l’avance technique et ferment les yeux devant le trou qui se creuse.
    « Il faut sauver cette entreprise, mais en lui gardant son caractère privé. Si nous la nationalisions, elle vivoterait aux crochait de l’Etat. Seule l’Europe formera un marché suffisant. Il ne faut pas s’imaginer pouvoir tenir, face aux colosses américains, avec un petit marché intérieur.

    GdG – Tout cela est bien préoccupant. C’était fâcheux que Bull soit menacé. Il s’agit d’une entreprise française de pointe, qui n’est quand même pas mal dans sa partie technique. (La foi dans le génie français est émouvante.) Si General Electric entrait dans le capital, ce serait le loup dans la bergerie. Mais si on s’allie avec un partenaire européen, il ne faut pas non plus tomber sous sa coupe ; Ce serait qu’une autre façon de tomber sous celle ses américains. »

    Pompidou me fait passer un billet : « Pas un mot de bull. On n’en a pas parlé. » (Non ! Si on m’interroge, je dirai : « No comment. »)

    « Sans indépendance économique, il n’y a plus d’indépendance tout court »

    Conseil du 18 novembre 1964.

    Giscard et Pompidou présentent au Conseil un projet de loi sur le vote plural. Il s’agit de protéger les entreprises françaises contre des immixtions étrangères, en accordant plusieurs voix à des actions qui sont restées depuis dix ans attachées à la même société.

    GdG (visiblement fort satisfait) : « C’est un gros coup. Comment croyez-vous que ça va passer à l’Assemblée ?

    Pompidou (sans hésiter). – Ca passera sans difficulté. »

    Après le conseil, le Général me commente ce texte :
    « Vous pouvez dire que cette disposition va permettre d’éviter que des capitaux américains ne viennent sauvagement faire basculer le pouvoir dans une société française. Vous savez sans indépendance économique, il n’y a pas d’indépendance tout court. »

    « Nous payons les Américains pour qu’ils nous achètent »

    Un an plus tard, au conseil du 20 octobre 1965, le sujet revient, à l’occasion d’une communication de Maurice Bokanowski (3)

    Bokanowski : « L’Allemagne, où les entreprise sont plus concentrées, poursuit la modernisation de son équipement à un rythme accéléré, et les moyens de nos deux pays s’écartent de plus en plus. Chez nous, les concentrations sont très difficiles, elles posent des problèmes insurmontables de personnes.

    GdG. – Nous devons nous armer pour amener, et au besoin pour contraindre, notre industrie à la concentration. Le mouvement général y pousse, mais je ne crois pas que ce soit suffisant.
    « Nous ne sommes pas non plus armés pour lutter contre l’invasion américaine. Compte tenu de l’énormité des Etats-Unis, nous ne pourrons tenir le coup qui si nous sommes capables de nous défendre. Je vous demande d’y réfléchir très sérieusement. C’est primordial. Comment ferons-nous pour empêcher que nous soyons submergés par un monstre comme General Motors ou IBM ?
    « Les Américains exportent partout leur inflation, et à notre détriment. Ils veulent absolument investir à l’étranger, et ça ne leur coûte à peu près rien. Nous les payons pour qu’ils nous achètent !

    Pompidou. – Le traité de Rome nous interdit de faire aucune discrimination entre les entreprises installées dans le marché commun. Or, compte tenu des investissements étrangers très importants en Hollande, en Belgique, en Italie, nous ne savons comment faire pour empêcher ces entreprises d’essaimer ensuite chez nous.
    « Et puis, est-il de l’intérêt français de laisser Ford s’installer en Italie, ou plutôt en France de manière à faire travailler des Français ? De toute façon, les investissements se feront et nous n’y pourrons rien. »

    Pompidou, voici moins de trois ans, enchérissait sur la diatribe du Général contre l’invasion des capitaux américains (4). Il est devenu plus nuancé.

    Quand le Général ne voit encore dans l’investissement étranger en France qu’une défaite de la France, son Premier ministre y voit une source d’activité. Le premier reste méfiant. Le second, sur ce point, me semble avoir des vues plus sereines et sans doute plus justes.

    Chapitre 13
    « LE DOLLAR DECROCHERA, UN JOUR OU L’AUTRE, DE L’OR »

    Salon doré, 18 septembre 1963.

    GdG. – « Les Américains vont beaucoup s’intéresser à la prochaine réunion du Fonds monétaire. Le système monétaire mondial ne fonctionne pas correctement. Il oblige la France et l’Allemagne à garder aux Etats-Unis des dollars, qui sont une source d’inflation.

    AP. – Alors, vous allez dénoncer ce système ?

    GdG. – Pas tout de suite. Nous ne ferons pas encore cette fois de proposition révolutionnaires. Pompidou, Giscard et Couve m’ont conjuré de ne pas bousculer le pot de fleurs. Je reconnais que ce n’est pas immédiatement nécessaire de dire leur fait aux Américains. Mais ils ne perdront rien pour attendre. »

    Le lendemain matin, je tamise cette confidence pour Pompidou : « Le Général m’a laissé entendre qu’il remettrait à plus tard… » Le Premier ministre éclate de rire :
    « Le Général voudrait dénoncer le système monétaire international, mais j’essaie de l’en dissuader. Ce n’est pas le moment ! »
    Pour Pompidou, on ne prend jamais assez de précautions. Pour le général, son premier ministre en prend trop, et l’inopportunité sans cesse invoquée ne lui paraît qu’un prétexte pour se dérober devant l’obstacle.

    « Il faut rendre à l’or son rôle de support essentiel »

    Conseil du 16 septembre 1964

    Un an plus tard, Giscard rend compte d’une nouvelle réunion du Fonds monétaire international à Tokyo. Cette fois, par sa bouche, la France a sinon « bousculé », du moins déplacé le « pot de fleurs ».

    GdG : « Nous avons lu la communication que vous avez faite à Tokyo ; elle correspondait bien à ce que nous pensions devoir être dit. Ce système monétaire ne peut pas durer. Il est américain. Il n’est pas mauvais parce qu’il est américain, mais parce qu’il est déséquilibré. »

    (En conseil, le Général ménage ceux de ses ministres qui pourraient s’offusquer de son «anti-américanisme ». Il ne tient pas à renouveler l’incident de la démission des ministres MRP (5).)

    Après le conseil, j’essaie d’aller plus loin : « Allez-vous prendre une initiative ?

    GdG. – Giscard a dit tout haut à Tokyo ce que beaucoup pensent tout bas, à savoir que tout ne va pas pour le mieux dans le système actuel des règlements monétaires internationaux. Ce système, établi au gré des circonstances, permet aux pays dits « à monnaies de réserve », c’est-à-dire les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, de solder les déficits chroniques de leur balance des paiements. Il est en grande partie responsable du déséquilibre des règlements internationaux, ainsi que des tendances inflationnistes qui se manifestent actuellement partout dans le monde.

    « Il faut donc rendre pleinement à l’or son rôle de support essentiel du système mondial des paiements. Seul l’or, parce qu’il est inaltérable et qu’il inspire confiance, échappe aux fluctuations des soi-disant « étalons de change or (6) » et à l’égoïsme des politiques nationales anglo-saxonnes.

    AP. – Vous prônez un changement radical du système actuel ?

    GdG. – Non, ce qu‘il faudrait, c’est une évolution progressive et concertée, qui devrait permettre un meilleur ajustement du système mondial des paiements aux besoins réels. En attendant, il faudrait mettre sur pied une surveillance multilatérale des politiques monétaires nationales. »

    Où l’on voit que le Général n’a pas la religion de la « souveraineté monétaire » des états. Il sait qu’ils ne l’utilisent que trop pour manipuler leur monnaie. L’or fait la police. Il est extrapolitique.

    « La livre est à bout de souffle, les Anglais aussi »

    Salon doré, 23 décembre 1964.

    Le Général m’annonce qu’il compte tenir une conférence de presse en février prochain.

    AP. « Quels thèmes comptez-vous développer ?

    GdG. – En particulier, la question monétaire internationale.

    (Ainsi, il aura attendu un an et demi avant de « bousculer le pot de fleurs ».)

    AP – D’ici là, le sterling risque d’être dévalué ?

    GdG. – Oh ! Les Anglais tiendront bien cahin-caha jusque-là, et même au-delà. Le trésor américain leur a donné assez de dollar pour ça. Mais ça va très mal. La livre est à bout de souffle, les Anglais aussi. Ils peuvent, comme les faibles, essayer d’abord une dévaluation masquée, vous savez, à la manière de Félix Gaillard ? Ils feront 10 %, 15 % , camouflés en prélèvement sur les importations et en détaxes sur les exportations. Et puis, ça ne suffira pas (7).

    AP. – Si le dollar suivait le sterling, nous serions obligés d’en faire autant nous-mêmes ?

    GdG. – Je ne sais pas encore. Cela dépendra des conditions. Les Anglais ont en caisse quatre milliards de dollars. Nous n’avons qu’un milliards trois cents millions de dollars en billets verts. Nous avons converti en or tout le reste, quatre milliards de dollars. Evidemment si tous les avoirs étrangers en dollars voulaient être convertis en or, ça mettrait à sec les réserves d’or américaines, ça démontrerait que le dollar n’est plus la monnaie de réserve qu’il prétend être. Seulement, si le dollar est dévalué, nos prix deviendraient tout de suite trop chers par rapport aux prix américains. Alors, pour nos exportations, ça deviendrait difficile. »

    « Nous ne sommes pas assez riches pour nous ruiner »

    Salon doré, 3 février 1965.

    AP. – « Annoncerez-vous des choses importantes demain, dans votre conférence de presse, sur le système monétaire international ?

    GdG. Je dirai que le Gold Exchange Standard est devenu caduc.

    AP. – C’est un vœu pieux ?

    GdG. – Ce n’est pas un vœu ! C’est ce qu’il faut faire. J’indiquerai que le Gold Exchange Standard ne repose plus sur les mêmes bases qu’autrefois et que, par conséquent, il faut un changement.

    AP. – Nous ne pouvons pas le changer à nous tout seuls ?

    GdG. – Le fait que nous le condamnons justifie à lui tout seul que nous ne voulions plus des dollars, mais de l’or. On nous imitera. Il suffit que nous le répétions assez longtemps pour que le Gold Exchange Standard finisse un jour par s’effondrer. Mais il faudrait mieux qu’il fût délibérément supprimé par une négociation.

    AP. – Les Américains, accessoirement les Anglais, vont prendre ça pour une agression.

    GdG. – Nous ne considérons plus le dollar comme de l’or, puisque maintenant nous échangeons systématiquement nos dollars contre de l’or… Un tas d’entreprises mondiales sont expropriées au profit des Américains, avec des capitaux qu’ils se procurent par leur inflation… Ils réagiront, mais ça n’a pas beaucoup d’importance.

    AP. – On dit que la France refuserait de participer au prochain relèvement des participations du Fonds Monétaire international.

    GdG. – Parfaitement ! Nous avons déjà énormément de participations internationales. Tout ça pour soutenir une livre qui, en définitive, ne sera pas sauvée, et un dollar qui commence à être ébranlé. Ca suffit comme ça ! Nous ne sommes pas favorables à l’augmentation des quotas. On les a déjà augmentés ! Nous ne sommes pas assez riches pour nous ruiner.

    AP. – Ca va nous faire quelques mois agités.

    GdG. – Les Américains n’ont qu’à faire ce qu’ils doivent faire pour redresser leur balance des paiements.

    Salle des fêtes de l’Elysée, 4 février 1965.
    Conférence de presse des grands jours. Les journalistes sont partagés entre l’éblouissement de cette leçon magistrale, la stupeur de voir ce militaire se lancer dans un sujet technique dont il devrait tout ignorer, et l’ironie de le voir monter allègrement à l’assaut de la forteresse dollar, inexpugnable par définition.

    A peine suis-je rentré dans mon bureau, que Rueff (8) me téléphone. Jamais il n’a entendu parler du dollar, du Gold Exchange Standard, du système monétaire international, avec tant de clarté, de profondeur, de maîtrise. Il est émerveillé.

    AP. – « Vous êtes content de votre élève ?

    Jacques Rueff – Je croyais qu’il était mon maître en toutes choses sauf pour celle-là. Je me demande s’il ne le devient pas aussi pour celle là. »

    « Rétablir l’équilibre, c’est une opération terrible. »

    Salon doré, 17 février 1965.

    AP. – « Ce que vous avez dit dans votre conférence de presse sur l’étalon-or est mal passé dans la presse anglo-saxonne et dans la presse française…

    GdG. – C’est la même chose !

    AP. – Mais c’est bien passé dans l’opinion, peut-être par patriotisme et puis parce qu’on a confiance dans l’or, pas dans le dollar.

    GdG. – Exactement. Dans le tréfonds français, on est pour l’or, parce que qu’on sait, héréditairement, que le règne de l’or s’est confondu avec une situation économique stable.

    AP. – Finalement, la presse elle-même a baissé le ton. Vous n’êtes plus guère contredit en France que par l’opposition, y compris par les MRP, qui disent que c’est un mauvais coup porté aux Américains…

    GdG. – Ou par Raymond Aron.

    AP. – Mais vous êtes suivi par la population.

    GdG. – La masse sent ce que les intellectuels ne veulent pas comprendre.

    AP. – Ca va déboucher sur quoi ?

    GdG. – Sur l’effondrement de la livre et, un jour ou l’autre, du dollar, qui cessera d’être convertible en or.

    AP. Mais nous ne pouvons pas souhaiter l’effondrement de la livre et du dollar !

    GdG. – Bah ! Pourquoi le craindre ?

    (Il pense à l’effondrement en tant que monnaie de réserve, alors que je pensais à l’effondrement en termes de dévaluation – qui nous serait préjudiciable.)

    AP. – Nous sommes solidaires, quand même ?

    GdG. – Les Américains et les Anglais ont pu maintenir artificiellement leur suprématie. Tant qu’ils étaient en mesure de changer leur monnaie contre de l’or, et tant qu’ils avaient des balances de paiement favorables, ça n’incommodait pas les gens. Aujourd’hui, cette situation s’est retournée, leurs balances de paiement sont défavorables, et ils perdent de l’or.
    « Pour que les Américains arrivent à maintenir le Gold Exchange Standard, comme ils sont censés le faire, il faudrait que leur balance des paiements soit équilibrée. Mais ils en sont incapables. Alors, le dollar décrochera, un jour ou l’autre, de l’or, malgré toutes les pressions. Rétablir l’équilibre, c’est une opération terrible. Il faudrait une force politique qu’ils n’ont pas. Ile père Johnson ne l’a pas. Il ne peut pas faire ça. De même qu’il ne peut pas faire la paix avec l’Asie. Il a peur de ses lobbies.

    AP. – Ne croyez-vous pas qu’avant de revenir à l’étalon-or pur et simple, on sera obligé de passer par une monnaie de réserve autre que le dollar, peut-être un panier de devises ?

    GdG. – Il, ne faut pas se laisser couillonner ! Les Américains et leurs séides tâcheraient de garder quand même le dollar comme principale monnaie de réserve, parce qu’elle serait la plus forte des devises du panier ! »

    « Les Américains se prennent pour les gendarmes du monde monétaire. »

    Conseil du 1er septembre 1965.

    Giscard : « Le secrétaire d’Etat américain au Trésor, Fowler, est venu à Paris. Il assure que les Etats-Unis ont mesuré les troubles provoqués par les déséquilibres continus de leur balance des comptes et considèrent son rétablissement comme un objectif prioritaire. Mais ils arguent que leur déficit financier est un déficit mondial. Fowler évoque la possibilité d’un panier de devises. Il reprend à son compte votre thème de la réforme monétaire internationale, mais sans lui donner de contenu pratique.

    GdG. – Les Etats-Unis se prennent pour les gendarmes du monde monétaire. Fowler a dit à la radio que le Fonds monétaire international serait le cadre approprié pour régler la question. En réalité, c’est pour donner l’impression de l’action, mais ils ne veulent rien faire.

    Après le Conseil, j’entreprends le Général sur cette démarche :

    GdG. : « La visite de Fowler n’a abouti à rien. Ca n’a été qu’une première prise de contact, inévitable, sur un sujet que j’ai mis à l’ordre du jour. Rien qui modifie les positions respectives.

    AP. – Le franc et le mark pourraient devenir monnaie de réserve ?

    GdG. : Les monnaies de réserve, ça suffit comme ça ! On ne va pas encore en inventer d’autres ! Il y a l’or. Le reste, c’est des histoires, c’est pour nous couillonner.

    AP. – Petit à petit, les Américains reconnaissent que le système actuel n’est pas satisfaisant.

    GdG. – Pour eux, il n’est plus satisfaisant du tout, puisqu’il a pour effet qu’ils perdent leur or !

    AP. – Nous allons continuer à changer nos dollars en or ?

    GdG. – Bien sûr ! Il n’y a pas de raison que ça s’arrête. Les Hollandais et les Suisses en font autant. Puis d’autres suivront. C’est pour ça que le dollar finira par décrocher.

    AP. – Quand même, les Américains ont un peu rétabli leur balance des paiements.
    GdG. – Ils l’ont rétablie pour un mois ; c’est peu, après des années d’insouciance. Ils sont en pleine inflation. Alors, ils fabriquent des dollars à la planche à billets, ils les exportent, les gogos les prennent comme si c’était de l’or ; c’est commode pour le Américains. Comment voulez-vous qu’ils renoncent à exporter des capitaux ? Il faudrait qu’ils cessent de les créer ! »

    Le Général surestimait quelquefois les difficultés des autres. En tout cas, il sous-estima sûrement la capacité politique de Washington de faire pression sur ses créanciers pour qu’ils ne présentent pas leurs créances. L’exemple français ne fut guère suivi. Et quand il le fut, plus tard, devant l’ampleur prise par la dette américaine, et que la situation fut devenue intenable, Nixon imposa en 1971 son coup de force monétaire : en découplant le dollar et l’or, il allégeait brutalement le fardeau de la dette américaine. Le Général, en un sens, avait gagné : il avait tué le Gold Exchange Standard. Mais, en un autre sens, il avait perdu : Nixon s’acharna à interdire tout retour à l’étalon-or. Mais ceci est une autre histoire…

    (1) Jean-Maxime Lévêque : inspecteur des finances, conseiller technique à l’Elysée.
    (2) premier avertissement d’un plan que le Général imposera en septembre 1963.
    (3) Ministre de l’industrie.
    (4) Cf. ci-dessus, p. 18 et 19.
    (5) Cf. tome 1, p. 171 sq.
    (6) Le dollar et la livre sterling.
    (7) La livre sterling tiendra pourtant encore trois ans, jusqu’en novembre 1967.
    (8) Inspecteur général des finances honoraires, économiste célèbre, chancelier de l’Institut, conseiller financier officieux du Général.

    1. Avatar de xas
      xas

      Désolé kimalu,
      Le contraire de Paul Jorion ce matin sur bfm.
      Certainement intéressant mais, pas clair, trop long et inneficace.

      Un grand bravo à Paul Jorion, pour la concision la précision, et la justesse avec laquelle vous avez répondu aux questions d’actualité.
      J’espère vous retrouver aussi brillant demain soir chez Frédéric Taddei.
      Merci encore pour cette séance de remise des « pendules à l’heure » !

    2. Avatar de vigneron
      vigneron

      Merci Kimaku. Comme quoi même un pensum hagiographique peut s’avérer bien cruel, pour le loué, le laudateur et le lecteur tout déconfit… Allez mon petit Charles, trois confiteor…
      Confiteor Deo omnipotenti
      beatae Mariae semper  Virgini
      beato Michaeli Archangelo
      beato Joannni Baptistae
      sanctis apostolis Petro et Paulo
      omnibus Sanctis
      et tibi Pater
      quia peccavi nimis cogitatione
      verbo et opere
      mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa etc etc etc.

  13. Avatar de lau
    lau

    Réponses brèves, claires, efficaces.
    L’ accent est mis sur l’ essentiel… Le message devient limpide et incontournable!
    Merci!

  14. Avatar de l'albatros
    l’albatros

    Absurdité : le CDS de la Grèce dépasse les 10 000 points de base.

    Si on veut dorénavant se prémunir à hauteur de 10 millions d’euros contre un défaut de la Grèce, alors il faut débourser plus de 10 millions d’euros.

    Comme l’a judicieusement montré Paul Jorion, le CDS est un pari. Un pari sur une probabilité de défaut. Cette probabilité est ici supérieure à 1. La finance remet en cause les principes les plus fondamentaux des probabilités , principe qui repose lui même sur la théorie de la mesure ! Nombre de gens qui opèrent dans ce milieu sortent de prestigieuses écoles d’ingénieur et pourtant, ça ne semble choquer personne, encore moins les régulateurs…

    Quand une société de paris en ligne estime que la cote d’une équipe est trop proche de 1, elle ne propose pas ce pari (notamment, parce que la probabilité inverse est trop élevée, ce qui peut inciter à faire des paris truqués en truquant le match). La finance ne pense même pas à faire de même ! Ce serait pourtant du bon sens…

    Autre problème : si l’on considère que le défaut a une probabilité supérieure à 1, il devrait y avoir de facto restructuration de la totalité de la dette grecque et ensuite déclenchement des remboursements des détenteurs de CDS. Or, il ne se passe rien : par conséquent, le régulateur considère l’activité des CDS comme étant sans aucune pertinence, mais l’autorise tout de même.

    http://www.zerohedge.com/news/greek-5-year-cds-over-10000-bps-100

    1. Avatar de xas
      xas

      Toujours pas de réponse de Serge, sur l’inneficacité ou la prétendue efficacité des mesures prises pour faire baisser les taux italiens et grecs lors du dernier conseil Européen.
      Silence radio.

  15. Avatar de Joan
    Joan

    http://fr.news.yahoo.com/le-contenu-laccord-europ%C3%A9en-pr%C3%AAt-sous-15-jours-100950670.html

    Voilà que maintenant la perte du triple A ne serait pas si catastrophique, en attendant nous on a eu droit à un deuxième plan de rigueur, avec en particulier l’accélération de la « réforme » des retraites.
    Ce qui est important pour le gouvernement, c’est de ne pas rater l’occasion quand elle se présente de serrer un peu plus la vis à ces cochons de français qui vivent au dessus de leurs moyens.

    1. Avatar de xian
      xian

      Déjà en 2007, ils ne supportaient plus le système social de ceux qu’ils considèrent comme des gueux, taillables et corvéables à merci.
      http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1316

    2. Avatar de xas
      xas

      Son pourri mais la viande de porc, le bon mauvais goût français du groupe de Ramon Pipin
      http://www.youtube.com/watch?v=SnrZ5XtSq_I
      Odeurs

  16. Avatar de millesime
    millesime

    il est certain qu’il faut revoir le système monétaire international, (le président de la Banque de Chine a fait un excellent article sur le sujet en 2009), mais il faut aussi revoir le problème des paradis fiscaux…c’est n’est pas pour rien que la Grande Bretagne (disons plutôt la CITY) s’est désolidarisée des autres pays européens …elle pratique le blanchiment à grande échelle mais chutttt il ne faut pas le dire ! (lire mon blog)
    il est fort probable que les attaques contre l’euro menés par la CITY et WALL STREET vont continuer de plus belle (et l’euro tient toujours…!)
    quelle va être l’attitude du président de la BCE ? jouer le jeu du « Cartel Bancaire » ou bien celui de l’Europe ???

  17. Avatar de Un naïf
    Un naïf

    Je suis un néophyte en finances/économie. Cependant, après de nombreuses lectures sur le sujet, je souscris complètement à votre analyse, à ce besoin de « redesigner » entièrement le système qui, on le voit, devient complètement dingue. OK. Mais ce système bénéficie encore à une « oligarchie », cette aristocratie qui n’a aucune envie d’en changer, ce 1% qui se remplit les poches au détriment des peuples. Ce 1% qui contrôle maintenant la démocratie, comme on peut le voir avec tous ces gouvernements balayés par « la crise », et qui est complètement mêlé au système politique. L’aval des peuples ne compte plus pour eux. On est donc en face de méga-lobbies politico-financiers qui n’ont jamais eu autant de marges de manœuvres pour faire grossir leurs fortunes et vous, d’une certaine manière, allez contre leurs intérêts en voulant changer ce (leur) cadre… d’où ma question : à qui souhaitez-vous vous adresser en priorité, au 1% aux manettes, aux 98% de la population qui lutte pour remplir le frigo et qui n’a pas le temps de comprendre ce qu’il se passe (appelons-les les résignés) ou au 2ème « 1% » que l’on appellerait les indignés, mais qui n’ont pour le moment aucun moyen de faire changer les choses ?
    Quoiqu’il en soit, un grand merci pour votre travail, continuez !

  18. Avatar de kaour
    kaour

    En bourse nous avons des partenaires excellents, amis avec d’autres gens très recommandables, par exemple le Qatar qui investit en France à tour de bras est si proche de l’Arabie Saoudite. Hé bien, pendant qu’on voue Assad aux gémonies, qu’on trucide Khadafi sans procès, nos amis saoudiens ne perdent pas leurs bonnes habitudes et viennent de faire décapiter une femme pour………….sorcellerie !!
    Je sais, l’argent n’a pas d’odeur mais quand même à force..Non ?
    Que pensent les gens du NED (national endowment for democracy) américain avec leurs révolutions colorées et capitalistes, de ce genre de procédé désagréable ?

    http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/735789/Une_Saoudienne_decapitee_pour_sorcellerie.html

    1. Avatar de liervol
      liervol

      Ils s’en tapent ça fait partie du folklore dans le business avec les saouds, as usual.
      un pays qui a envoyé un tas de compatriotes de faire tuer en Afghanistan et en irak, voyons !!!

  19. Avatar de Grégory

    Peut être l’intervention la plus saisissante, à cause du contraste avec ce qui précède.

  20. Avatar de Papimam
    Papimam

    Retour tonitruant sur BFM, Bravo.

    « Les agences de notation font leur boulot ».
    On pourrait ajouter : « plutôt sans agressivité et avec retard » en lisant l’article du supplément magazine hebdo du Monde, rubrique « En coulisses » titré :
    « L’homme qui a déjà dégradé la note de la France ».
    Cet homme dirige la première agence indépendante de notation financière. Moins connue que Moody’s ou Standard and Poor’s elle est de plus en plus prise au sérieux »
    Sean Egan dirige Egan-Jones crée en 1995.
    Elle a dégradé la note française en juillet et l’a fait passer le 30/11 de AA- à A (à 2 crans de AAA). La suite n’a pas de quoi rassurer.
    Son entreprise est petite, 20 analystes.
    Fiabilité : elle avait dégradé en son temps les notes d’Enron et de Lehman-Brothers bien avant leur faillite et bien avant les autres agences, et c’est pas tout.
    Elle avait aussi prédit l’explosion de la bulle immobilière.
    Sean Egan a été classé par la CNN et Fortunes parmi les rares qui avaient vu la crise venir et prévenu du désastre.
    Bref, un autre « prophète ».
    Comme souvent, les petites structures sont plus performantes que les pachydermes.

    1. Avatar de xian
      xian

      Les agences de notation sont au service de quel pourcentage de la population ?

      1. Avatar de liervol
        liervol

        100% elles n’ont oublié personne avec les obligations issues de la tritisation des hypothèques frauduleuses notée AAA

  21. Avatar de Lisztfr
    Lisztfr

    ”La vie se passe comme un bâton dans une course de relais dans la merditude des choses” 🙂

    Ce que l’on fait aux populations est une « saloperie » :

     » Les relations que l’on entretenait avec les ouvriers et les paysans n’étaient pas pires que celles qui existaient dans toutes les autres exploitations. Mais elles n’étaient guère meilleures. Ce qui veut dire qu’elles étaient pénibles.
    Et il arriva une fois que le commis cingla d’un fouet à longue lanière un berger qui avait tenu jusqu’au soir les chevaux au bord de l’eau. Monia blêmit et dit entre ses dents :
    – Quelle saloperie!
    Et je senti que c’était une saloperie. Je ne sais si je l’aurais senti sans Monia. Je pense que si. Mais il m’aida à le sentir et cela déjà devait m’attacher à lui, pour toute la vie, par un sentiment de reconnaissance. » (Trotsky, p 66)

    Il faut tout relire, et je respecterais quelqu’un qui lit à la fois Hayek et Trotsky, pour y chercher la vérité impartiale..

    1. Avatar de liervol
      liervol

      Il n’ »y a pas de vérité impartiale, ça n’ »existe pas tout dépend de l’endroit et du moment où vous observer la scène, il y a autant de vérités que d’individus et que de moments vécus par ces individus dans le temps.

      1. Avatar de Lisztfr
        Lisztfr

        Toujours pas lu Anna Karenine, juste par bribes…

        Dans maitre et serviteur, c’est le maitre qui protège son serviteur, du froid en se couchant sur lui, le temps qu’on les retrouve… j’y pense à cause du froid. Et le maitre se sacrifie.

      2. Avatar de kercoz
        kercoz

        @Liszt.fr:
        C’est normal , On retrouve ça ds « le conquistador perdu » de Cabra de la vaca , ou certaines tribus ou il est « esclave » , il mange avant ses maitre pare qu »il est la force de travail a préserver .

  22. Avatar de Kimalu
    Kimalu

    Bonjour,
    Mr Jorion, vous déclarez dans votre post que Bretton Woods a disparu, c’est à mon avis absolument faux.
    Bretton Woods existe encore, mais dans sa VERSION DEBRIDEE, c’est-à-dire en permettant au PRIVILEGE EXORBITANT d’être exercé SANS AUCUNE CONTREPARTIE, en en USANT et en en ABUSANT SANS LIMITE AUCUNE depuis 1971… , donc en pouvant émettre SANS AUCUNE LIMITE DE LA DETTE…
    Je vous invite à lire le traité de Nicolas ORESME sur la mutation des monnaies écrit en 1355…

    Bien cordialement

  23. Avatar de Nathalie Ros
    Nathalie Ros

    Merci Monsieur Jorion,
    Je me décide à intervenir sur ce blog, juste pour vous dire combien votre énergie et votre intelligence m’impressionnent. Je vous vois comme un pèlerin, ne refusant aucune invitation, même celles dont vous devinez qu’elles sont des pièges. Vous vous battez inlassablement, jour après jour, pour convaincre des personnes parfois agressives, aveuglées par ce néolibéralisme où elles se sont empéguées (je suis du Sud Ouest). Vous voulez leur/nous ouvrir les yeux.
    Et ça marche !
    Bon, pas toujours, mais quand même.
    Votre action, vos propos, vos livres allument des petites lumières, et je veux croire que ces étincelles vont aboutir à un grand feu de joie, où brûleront actions, obligations et CDS (non, non, par leurs possesseurs) matérialisés pour l’occasion. Autour se retrouveront, outre les lecteurs de ce blog, la multitude des hommes et des femmes de bonne volonté. Parce que votre première force, il me semble, c’est de nous redonner confiance en l’humanité. En notre humanité. En nous.
    Voilà. Encore une fois merci pour tout, Monsieur Jorion.

  24. Avatar de Lisztfr
    Lisztfr

    Le téléphone sonne et la spéculation sur les matières premières (que faire contre la spéculation).

    Réponse 1) il y a beaucoup d’autres facteurs que la spéculation pour faire varier les prix.
    Réponse 2) la spéculation reste difficile à définir, entre celui qui spécule et celui qui veut se couvrir, la différence n’est pas évidente.
    Réponse 3) On note l’intervention d’acteurs financiers surtout depuis 2000.

    On passe à une autre question.

    Finalement ceci va vous faire plaisir :

    L’Afrique va sortir du trou en termes d’offre et de demande (la population augmente).
    Il reste du pétrole pour 75-80 ans.
    L’uranium n’entre que de 5-7% dan sle prix de revient de l’électricité (qu’en termes galants..)

    Et l’animateur ne savait même pas que quand la chine s’éveillera faisait référence à un livre de Pierrefite.

    1. Avatar de Renou
      Renou

      « Et l’animateur ne savait même pas que quand la chine s’éveillera faisait référence à un livre de Pierrefite. » Moi non plus…

      1. Avatar de lechanu
        lechanu

        c’est Pierrelatte ou Père fuite …

  25. Avatar de BA
    BA

    Une vidéo de cette chaine de télévision BFM : lundi 12 décembre 2011, sur BFM, Pierre-Henri de Menthon annonce que le bank run a commencé :

    « Chez Pictet et Lombard Odier, deux grandes banques privées de Genève, les ouvertures de comptes par les Français se multiplient, des dizaines de millions affluent tous les jours. »

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=_oEWxIkVA7o#!

  26. Avatar de Kimalu
    Kimalu

    A méditer :

    Extraits de « Traité sur l’origine, la nature, le droit et les mutations des monnaies »
    De Nicolas Oresme (1355)

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE VI
    A qui cette monnaie appartient-elle ?

    En effet, comme le dit l’apôtre (20) : « Le tribut à qui de dû, l’impôt à qui de dû. » Ce que le Christ voulut dire ainsi, c’est que l’on pouvait par là reconnaître à qui était dû le tribut : il était dû à CELUI qui COMBATTAIT pour DEFENDRE l’ETAT et qui, en RAISON de SON AUTORITE POUVAIT FABRIQUER la MONNAIE.
    L’argent appartient donc à la communauté et à chacune des personnes qui la composent. Aristote le dit dans le septième livre de la Politique (21), et Cicéron vers la fin de l’Ancienne Rhétorique (22).

    (20). Epître de saint Paul aux Romains, XlII, 7.
    (21). Aristote, la Politique, VIl, 8 (1328b 10).
    (22). Cicéron, De l’invention, Il, 56 (§ 168).

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE VII
    Aux frais de qui la monnaie doit-elle être fabriquée ?

    Et, si la monnaie peut être faite pour un moindre prix, il convient que le restant soit à l’ADMINISTRATEUR ou à l’ORDONNATEUR, c’est-à-dire au PRINCE ou au MAITRE DES MONNAIES, comme une SORTE de PENSION.
    Mais, cependant, CETTE FRACTION doit être MODEREE et elle peut même être ASSEZ REDUITE si les MONNAIES sont en QUANTITE SUFFISANTE, comme on le dira par la suite. Si une TELLE FRACTION ou PENSION était EXCESSIVE, ce serait au DETRIMENT et au PREJUDICE de toute la COMMUNAUTE comme tout un chacun peut facilement s’en rendre compte.

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE VIII
    Les mutations des monnaies, en général

    Il faut savoir avant tout que l’on ne doit jamais modifier sans une nécessité évidente les lois, statuts, coutumes ou ordonnances antérieures, quelles qu’elles soient, qui concernent la communauté.
    Bien mieux, selon Aristote, dans le second livre de la Politique (25), la loi ancienne positive ne doit pas être abrogée pour une nouvelle meilleure, à moins qu’il n’y ait une différence très notable entre elles, parce que de tels changements diminuent l’autorité de ces lois et le respect qu’elles inspirent, plus encore s’ils sont faits fréquemment. De là, en effet, naissent le scandale, les murmures dans le peuple et le danger de désobéissance.
    A plus forte raison si de tels changements rendaient la loi pire, car ces changements seraient alors intolérables et injustes.
    De fait, le COURS et le PRIX des MONNAIES (26) dans un royaume doivent être pour ainsi dire une LOI, un REGLEMENT FERME. La preuve en est que les pensions et certains revenus annuels sont fixés en un prix d’argent (27), c’est-à-dire à un certain nombre de livres et de sous. D’où il ressort qu’une MUTATION des MONNAIES NE DOIT JAMAIS ETRE FAITE, si ce n’est peut-être lorsque la nécessité s’en impose ou que l’utilité en est évidente pour toute la communauté.
    C’est pourquoi Aristote, dans le cinquième livre des Ethiques (28), parlant de la monnaie, déclare : « Elle tend toutefois à une plus grande stabilité. »
    Or, la mutation de la monnaie, comme je peux le constater en général, peut être faite de plusieurs façons :
    – Dans la forme ou précisément dans le type,
    – Dans la proportion,
    – Dans le prix ou appellation,
    – Dans la quantité ou poids et,
    – Dans la substance de la matière.
    En effet, on peut muer la monnaie de chacune de ces cinq façons ou de plusieurs à la fois.

    (25). Aristote, la Politique, 11, 8 (l269a 23).
    (26). « …cursus et pretium monetarium… »
    (27). « …ad pretium pecuniae… »
    (28). Aristote, Ethique à Nicomaque, V, 8 (l133b 14).

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE IX
    La mutation du type de la monnaie

    On peut renouveler le type imprimé ou empreinte de la monnaie de deux manières.
    – L’une d’elles est de ne pas interdire le cours d’une monnaie antérieure : le prince inscrit son nom sur la monnaie qui se fait de son temps en permettant à la précédente de continuer à courir. Cela n’est pas à proprement parler une mutation, et il ne s’agit pas d’un grand abus pour autant, cependant qu’elle ne s’accompagne pas d’une autre mutation.
    – L’autre manière dont le type peut être renouvelé, c’est de faire une nouvelle monnaie avec interdiction du cours de l’ancienne.
    Et c’est proprement une mutation, qui peut être faite à bon droit pour l’une des deux raisons suivantes.
    – La première, c’est que, si un prince étranger ou quelque faussaire avait reproduit ou contrefait par malveillance les modules (29) ou les coins des monnaies, et qu’il se trouvait dans le royaume de la monnaie altérée, fausse et semblable à la bonne en couleur et en type, il conviendrait, au cas où on ne pourrait y porter remède autrement, de modifier les modules et le type de l’empreinte de la monnaie.
    – L’autre raison, c’est que, si éventuellement une monnaie ancienne s’était à la longue par trop détériorée et si son poids avait diminué, on devrait alors en interdire le cours et une empreinte différente serait à faire sur la nouvelle monnaie meilleure, afin que le peuple sache par là les distinguer l’une de l’autre.

    (…)

    Et il ne semble pas qu’un prince puisse y être poussé par autre chose que l’un des deux motifs suivants : ou bien c’est parce qu’il veut que sur toutes les pièces ne soit inscrit d’autre nom que le sien, et ce serait de sa part faire preuve d’irrévérence envers ses prédécesseurs, et de vaine ambition, ou bien c’est parce qu’IL VEUT FABRIQUER PLUS DE MONNAIE AFIN D’EN RETIRER PLUS DE GAIN, selon ce qui a été dit au chapitre VII, et c’est là de la CUPIDITE DEPRAVEE, au PREJUDICE et au DETRIMENT de toute la COMMUNAUTE.

    (29). « Modulus », module de la monnaie, c’est-à-dire son diamètre.

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE X
    La mutation de la proportion des monnaies

    (…)

    Mais s’il n’y a pas ou peu de changement réel, CETTE MUTATION NE PEUT en AUCUNE FACON être PERMISE AU PRINCE.
    En effet, S’IL CHANGEAIT cette PROPORTION A SON GRE, IL POURRAIT DE CE FAIT INDUMENT ATTIRER A LUI LES RICHESSES (33) DE SES SUJETS.
    S’il abaissait le prix de l’or et l’achetait avec de l’argent (34), puis, une fois le prix augmenté, revendait son or ou sa monnaie d’or, ou s’il faisait pareil pour l’argent, ce serait la même chose que s’il fixait un prix à tout le blé de son royaume, l’achetait puis le revendait à un prix plus élevé.
    Chacun, certes, peut voir clairement que ce serait là un PRELEVEMENT INJUSTE et un ACTE de VERITABLE TYRANNIE qui, même, apparaîtrait plus violent et pire que celui commis par Pharaon en Egypte, dont Cassiodore a dit : « Nous lisons que Joseph, pour lutter contre une famine meurtrière, donna la permission d’acheter du froment mais fixa un prix tel que le peuple, avide de son secours, se vendrait plutôt que d’acheter de la nourriture. Je le demande, quelle ne fut pas la vie pour ces malheureux auxquels on voyait ce secours sans pitié ôter leur liberté : en ce temps-là, on gémit tout autant d’être libre qu’on pleura sur son asservissement ! Je crois que le saint homme fut réduit à cette extrémité pour pouvoir à la fois satisfaire un souverain cupide et secourir un peuple en péril (35). » Tels sont ses propos.
    Mais ce MONOPOLE DES MONNAIES serait encore plus VERITABLEMENT TYRANNIQUE parce qu’il serait plus involontaire, non nécessaire à la communauté et particulièrement dommageable.
    Si l’on me dit que ce n’est pas la même chose que pour le blé parce qu’il y a des choses qui regardent spécialement le prince, sur lesquelles il peut établir un prix comme il lui plaît, comme certains le disent à propos du sel et, à plus forte raison, à propos de la monnaie, je répondrais que ce monopole ou gabelle du sel, ou de n’importe quelle chose nécessaire à la communauté, est injuste, et que s’il y avait des princes qui établissaient des lois leur concédant ceci, ils seraient de ceux dont le Seigneur dit par la voix du prophète Isaïe (36) : « Malheur à ceux qui créent des lois iniques et qui ont écrit des injustices en les écrivant. »
    Au contraire, il ressort suffisamment des premier et sixième chapitres précédents que l’argent appartient à la communauté elle-même.
    C’est pour cette raison, et pour que le prince ne puisse pas feindre avec malveillance que la mutation de la proportion des monnaies a la cause indiquée dans le présent chapitre, qu’il revient à cette seule communauté d’apprécier si et quand et comment et jusqu’où doit être mutée cette proportion, et que le prince ne doit en aucune façon usurper ce droit.

    (33). « …pecunias subditorum… » : cf. le terme pecunes employé par Nicolas Oresme dans ses commentaires en langue française sur la Politique.
    (34). « …pro argenta… »
    (35). Cassiodore, Variétés, XII, 28, 7.
    (36). Isaïe, X, 1.

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    Extraits du CHAPITRE XI
    La mutation de l’appellation de la monnaie

    (…)

    « Il faut remarquer », dit Cassiodore (37), « avec quelle science les anciens ont regroupé ces monnaies dans leur classement. Ils voulaient que six mille deniers fissent un sou, c’est-à-dire que, tel un soleil d’or, le rond formé du métal rayonnant comptât exactement l’âge du monde (38). La savante Antiquité a défini non sans raison le sextuple comme multiple parfait et, de fait, le sextuple du sou, elle l’a désigné du nom d’once qui fut l’unité fondamentale de la mesure. En la multipliant douze fois, comme il en est des mois dans le cours de l’année, les anciens en ont constitué la plénitude de la Iivre (39). Ô inventions d’hommes avisés ! Ô sages dispositions des anciens ! Système exquis qui, tout à la fois, classe ce qui est nécessaire à l’homme et contient symboliquement tant de mystères de la nature. Il est donc bien justifié d’appeler livre ce qui fut pesé (40) par tant d’observation des choses. » Tels sont ses propos.

    (…)

    (37). Cassiodore, Variétés, l, 10, 15-16.
    (38). Cassiodore joue ici sur l’apparente proximité (sans fondement étymologique) des termes sol, soleil et solidus, sou. C’est seulement au Bas-Empire que solidus supplanta aureus avec, au départ, le sens de « denier non altéré -. C’est à la même époque que l’on rencontre un sou d’or (talent), divisé en six mille deniers de bronze (lepta). Sans doute faut-il évoquer ici les six âges de la tradition patristique pour comprendre quel rapport établit Cassiodore entre le sou de six mille deniers et l’âge du monde.
    (39). Dans le système pondéral et monétaire des Romains, l’once est le douzième de la livre. L’idée que l’once est à la livre ce que le mois est à l’année est un lieu commun au temps de Cassiodore (cf. Priscien, Des poids et mesures, vers 28). De même, l’idée que le six est un nombre parfait apparaît par exemple chez Macrobe (Les Saturnales, VlII, 13, 10) et chez Martianus Capella (Les Noces de philologie et Mercure, VII, 736). Enfin, à défaut de références contemporaines de Cassiodore, on trouvera chez Isidore de Séville (Les Etymologies, VI, 25, 14) l’indication que le sou est identique à la sextuple, dont le sextuple est l’once. On a donc six mille deniers pour un sou, six sous pour une once et douze onces pour une livre, ce qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le système contemporain de Nicolas Oresme.
    (40). Nous rappelons que libra signifie à la fois « la livre» et « la balance ».

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    Extraits du CHAPITRE XII
    La mutation du poids des monnaies

    (…)

    Mais, ce dont je veux parler maintenant, c’est de la mutation proprement dite du poids ou dimension de la monnaie, celle que l’on fait sans changer son appellation ni son prix.
    Et il me semble qu’une telle MUTATION est tout simplement ILLICITE, surtout au prince, qui ne saurait faire cela sans HONTE ni INJUSTICE.
    C’est d’abord parce que l’image ou inscription est mise sur la pièce par le prince pour indiquer que son poids est certifié et de quelle matière elle est faite, comme on l’a montré plus haut, au chapitre IV.
    Donc, SI ELLE NE REPONDAIT PAS VRAIMENT AU POIDS INDIQUE, on voit tout de suite qu’il y aurait là FALSIFICATION TRES VITE et TROMPERIE FRAUDULEUSE.
    Souvent, en effet, les mesures à blé, à vin et autres sont marquées de la marque officielle du roi et, si quelqu’un commet une fraude sur elles, on le considère comme faussaire.
    Or, c’est exactement de la même manière que l’inscription de la pièce fait connaître la mesure de son poids et la nature véritable de sa matière.
    Combien serait-il donc inique, combien serait-il donc détestable, surtout de la part d’un prince, de diminuer le poids sans changer la marque !
    Qui serait en mesure de le déterminer ? A ce propos, en effet, Cassiodore (42), dans le livre V des Variétés, dit ainsi : « Qu’est-il en effet d’aussi criminel que le fait qu’il soit permis aux usurpateurs d’altérer jusqu’à la qualité même de la balance, de la sorte que ce qui passe pour l’attribut de la justice soit corrompu par les fraudes ? »
    Mais encore LE PRINCE, PAR CE MOYEN, PEUT ACQUERIR POUR LUI L’ARGENT D’AUTRUI. Et il peut se faire que rien d’autre ne le pousse à faire une mutation de cette sorte.
    Il recevrait en effet les pièces de bon poids et en fabriquerait des pièces à un poids amoindri qu’il émettrait au moment opportun.
    Ce n’est pas autre chose que ce qui est défendu par Dieu dans bien des passages des Saintes Ecritures. Voici ce qu’en dit le Sage (43) : « Double poids, double mesure, et tous deux abominables devant Dieu. » Il est dit aussi dans le Deutéronome (44) que le Seigneur « a en abomination celui qui fait cela ». C’est pourquoi des richesses ainsi réunies aux dépens de leur propriétaire se consument bientôt parce que, comme dit Cicéron (45), « bien mal acquis ne profite pas ».

    (42). Cassiodore, Variétés, V, 39, 5.
    (43). Proverbes, XX, 10. « Le Sage» désigne ici Salomon.
    (44). Deutéronome, XXV, 16.
    (45). Cicéron, Philippiques, Il, 65.

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    Extraits du CHAPITRE XIII
    La mutation de la matière des monnaies

    (…)

    Surtout, cela ne peut jamais être permis au prince, pour les raisons données dans le chapitre précédent, raisons qui s’appliquent directement ici, puisque l’EMPREINTE DE LA MONNAIE est la MARQUE de l’AUTHENTICITE de la matière et de cet alliage : les MODIFIER, ce serait donc FALSIFIER la MONNAIE.
    En outre, sur certaines pièces, on inscrit le nom de Dieu ou d’un saint quelconque et le signe de la croix, ce qui fut inventé et institué il y a bien longtemps pour témoigner de l’authenticité de la pièce en matière et en poids.
    Si donc le prince, sous cette inscription, change la matière et le poids, il est considéré commettre subrepticement une imposture et un parjure, rendre un faux témoignage et aussi transgresser le commandement par lequel il est dit (46) : « Tu ne prendras pas le nom de ton Dieu en vain ! » Il abuse aussi de ce terme de moneta ; en effet, selon Huguçon (47), moneta vient de moneo (« j’informe »), parce qu’elle informe qu’il n’y a pas de fraude dans le métal ni dans le poids.
    Au contraire, PAR ce MOYEN, le PRINCE PEUT ATTIRER A LUI INDUMENT les BIENS DU PEUPLE, comme il a été dit au sujet de la mutation du poids dans le chapitre précédent, et Beaucoup d’AUTRES MAUX S’ENSUIVENT.
    Il est sûr que la FALSIFICATION serait pire ici que dans la mutation du poids parce qu’elle est PLUS FALLACIEUSE et MOINS PERCEPTIBLE, qu’elle peut NUIRE PLUS et DAVANTAGE LESER la COMMUNAUTE.

    (…)

    (46). Exode, XX, 7.
    (47). Huguccione da Pisa, Grandes Dérivations, s.v. Moneta.

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    Extraits du CHAPITRE XIV
    La mutation complexe des monnaies

    (…)

    Et, puisqu’on ne doit faire aucune mutation simple, si ce n’est par suite des causes réelles et naturelles déjà dites, lesquelles se produisent rarement, il faut savoir qu’une occasion véritable de faire une mutation complexe de la monnaie se présente plus rarement encore et peut-être même jamais.
    Si par hasard elle se présentait, une telle MUTATION complexe, à plus forte raison encore que pour la simple, NE DOIT JAMAIS ETRE FAITE PAR LE PRINCE, par suite des dangers et des maux indiqués auparavant, MAIS PAR LA COMMUNAUTE ELLE-MEME.
    En effet, si ces MUTATIONS SIMPLES indûment faites entraînent autant d’ABUS qu’il a été dit précédemment, DE BIEN PLUS GRANDS et PIRES S’ENSUIVRAIENT d’une MUTATION COMPLEXE.

    (…)

    La conclusion générale de tout ce qui précède sera donc qu’AUCUNE MUTATION DE MONNAIE, tant simple que complexe, NE DOIT ETRE FAITE de la seule autorité du prince, SURTOUT lorsqu’il veut en faire parce qu’il a EN VUE DE GAIN ou PROFIT à tirer d’une telle mutation.

    (48). Genèse, XXIII, 16.

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    Extraits du CHAPITRE XV
    Le gain que le prince tire de la mutation de la monnaie est injuste

    Il me semble que la CAUSE PREMIERE et DERNIEREpour laquelle le PRINCE veut s’EMPARER du POUVOIR DE MUER les MONNAIES, c’est le GAIN ou PROFIT qu’il peut en avoir, CAR AUTEMENT, C’EST SANS RAISON QU’IL FERAIT des MUTATIONS si NOMBREUSES et si CONSIDERABLES.
    Je veux donc encore montrer plus à fond qu’UNE TELLE ACQUISITION EST INJUSTE.
    En effet, toute MUTATION de la MONNAIE, excepté dans les cas rarissimes déjà dits, IMPLIQUE FALSIFICATION et TROMPERIE et ne peut convenir à un prince, comme on l’a prouvé.
    Donc, si le prince usurpe injustement cette chose déjà injuste en elle-même, il est impossible qu’il en tire un juste gain.
    D’autre part, TOUT CE QUE LE PRINCE EN RETIRE DE GAIN, c’est nécessairement AUX DEPENS de la COMMUNAUTE.
    Or, tout ce qu’un prince fait aux dépens de la communauté est une INJUSTICE et le fait, non d’un roi, mais d’un TYRAN, comme dit Aristote (49).
    Et S’IL DISAIT, selon le MENSONGE HABITUEL DES TYRANS, QU’IL CONVERTIT ce PROFIT en BIEN PUBLIC, ON NE DOIT PAS LE CROIRE PARCE QUE, PAR UN RAISONNEMENT DE LA SORTE, IL POURRAIT M’ENLEVER MA CHEMISE ET DIRE QU’IL EN A BESOIN POUR LE BIEN-ETRE COMMUN.
    De plus, selon l’apôtre (50), il ne faut pas faire « de mauvaises choses pour que de bonnes arrivent ».
    On ne doit donc rien extorquer ignominieusement pour feindre ensuite de le dépenser à des usages pieux.
    Au contraire, si le prince peut, à bon droit, faire une mutation simple de la monnaie et en retirer quelque gain, il peut, pour une raison analogue, faire une plus grande mutation et en retirer plus de gain, muer à plusieurs reprises et avoir encore plus de gain, faire une ou plusieurs mutations complexes et toujours amasser son gain des manières déjà expliquées.
    IL EST VRAISEMBLABLE QUE, SI CELA ETAIT PERMIS, LUI OU SES SUCCESSEURS CONTINUERAIENT AINSI, ou de leur propre mouvement ou POUSSES PAR DES CONSEILLERS, parce que la NATURE HUMAINE INCLINE et TEND à S’ENRICHIR TOUJOURS DAVANTAGE QUAND ELLE PEUT LE FAIRE FACILEMENT.
    Ainsi, le PRINCE POURRAIT ENFIN ATTIRER à lui PRESQUE TOUT L’ARGENT ou les RICHESSES de ses SUJETS et les REDUIRE à la SERVITUDE, ce qui serait FAIRE ENTIEREMENT PREUVE DE TYRANNIE et même d’une VRAIE et PARFAITE TYRANNIE, comme il ressort des philosophes et des histoires des anciens.

    (49). Aristote, la Politique, V, 10 (1310b 40-1311a 1).
    (50). Epitre de saint Paul aux Romains, III, 8.

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    Extraits du CHAPITRE XVI
    Le gain dans la mutation de la monnaie est contre nature

    (…)

    Il est naturel en effet à certaines richesses naturelles de se multiplier, tels les grains de céréales « que, semés, le champ rend avec force intérêt », comme dit Ovide (51), mais il est MONSTRUEUX et contre nature qu’une CHOSE INFECONDE ENGENDRE, qu’une CHOSE STERILE SOUS TOUS SES ASPECTS FRUCTIFIE ou SE MULTIPLIE d’elle-même, et l’ARGENT est une CHOSE DE CETTE SORTE.
    Donc, lorsque cet argent rapporte du gain sans être engagé dans le commerce des richesses naturelles, selon son usage propre, celui qui lui est naturel, mais en étant converti en son semblable, comme lorsqu’on change une monnaie en une autre ou qu’on en donne une pour une autre, un tel profit est vil et contraire à la nature.
    C’est par cette raison en effet qu’Aristote prouve, dans le livre 1 de la Politique (52), que l’usure est contre nature parce que l’USAGE NATUREL de la MONNAIE est qu’elle soit l’INSTRUMENT de PERMUTATION des RICHESSES NATURELLES, comme on l’a souvent dit.
    Celui qui l’utilise d’autre façon commet donc un abus contre l’institution naturelle de la monnaie, car il fait en sorte que, comme dit Aristote, le denier engendre le denier, ce qui est contre nature.

    (…)

    Cassiodore dit là-dessus : « On doit donner le montant exact d’un sou et parce que l’on a le dessus, on en retranche quelque chose ; on doit verser une livre et, parce que cela vous est possible, on la diminue un peu. Voilà des agissements que ces noms eux-mêmes, on le voit bien, rendent impossibles. Ou bien on s’acquitte intégralement, ou bien on ne paie pas ce qui est dit : de toute façon, on ne peut pas employer les noms des intégralités en effectuant des diminutions scélérates… Violer donc de tels secrets de la nature, vouloir ainsi rendre confuses les certitudes les mieux établies, cela ne semble-t-il pas une mutilation cruelle et infâme de la vérité elle-même ? … Pardessus tout, que poids et mesures soient irréprochables car tout est bouleversé si leur intégrité est altérée par les fraude. (53) »

    (…)

    (51). Ovide, Les Pontiques, l, 5, 26.
    (52). Aristote, la Politique, l, 10 (1258b 7).
    (53). Cassiodore, Variétés, 1, 10, 7, puis 10.

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    Extraits du CHAPITRE XVII
    Le gain dans la mutation de la monnaie est pire que l’usure

    Il y a trois manières, me semble-t-il, par lesquelles on peut tirer du gain de la monnaie sans l’employer selon son usage naturel :
    – La première, c’est par l’art du changeur, dépôt (55) ou commerce des monnaies ;
    – La deuxième, c’est l’usure ;
    – La troisième, la mutation de la monnaie.
    La première manière est vile, la deuxième mal, la troisième pire.
    Aristote (56) fit mention des deux premières et non de la troisième, parce qu’en son temps une telle perfidie n’avait pas encore été inventée.
    Que la première soit vile et blâmable, Aristote le prouve par la raison déjà évoquée au chapitre précédent. D’une certaine façon, il s’agit en effet de faire engendrer l’argent.
    Il appelle aussi l’art du changeur « obolostatique » : c’est ce que nous appelons couramment le poitevinage (57). C’est pourquoi l’apôtre saint Matthieu, qui avait été changeur, n’est pas retourné à son métier antérieur après la résurrection de Notre Seigneur, comme le fit saint Pierre qui, lui, avait été pêcheur. Pour expliquer ce fait, le bienheureux Grégoire (58) dit que « C’est une chose de gagner sa vie par la pêche, c’en est une autre de s’enrichir des gains du tonlieu (59). Il y a en effet beaucoup de métiers qu’il est bien difficile, voire même impossible, d’exercer sans pécher. »
    De ce fait, il y a des arts mécaniques qui souillent le corps, tel que celui de l’égoutier, et d’autres qui souillent l’âme, comme c’est le cas de celui-ci.
    Pour l’usure, il est tout à fait certain qu’elle est mauvaise, détestable et inique, et cela découle des Saintes Ecritures. Mais il reste à montrer maintenant que faire du gain lors d’une mutation de la monnaie est encore pire que l’usure.
    En effet, l’usurier remet son argent à quelqu’un qui le reçoit volontairement et qui peut ensuite en tirer parti pour subvenir à ses besoins. Ce qu’on lui donne en plus du capital, c’est par un contrat volontaire entre les parties. Mais, dans une mutation indue de la monnaie, le prince ne fait rien d’autre que prendre, sans leur accord, l’argent de ses sujets, en interdisant le cours de la monnaie antérieure, meilleure et que tous préféraient à la mauvaise, pour leur rendre ensuite un argent moins bon, en l’absence de toute nécessité et sans que cela puisse avoir une quelconque utilité pour eux.
    Lors même qu’il la fait meilleure qu’avant, c’est cependant pour qu’elle soit dépréciée par la suite, et qu’il leur attribue moins, à valeur égale, de la bonne que ce qu’il avait reçu de l’autre. De toute façon, il en retient une partie pour lui.
    Donc, dans la mesure où il reçoit plus d’argent qu’il n’en donne, à l’encontre de l’usage naturel de celui-ci, cet accroissement est comparable à l’usure elle-même, mais elle est pire que l’usure en ce qu’elle est moins volontaire ou qu’elle s’oppose plus à la volonté des sujets, sans que cela puisse leur profiter, et en l’absence complète de toute nécessité. Puisque le gain de l’usurier n’est ni aussi élevé ni en général préjudiciable à autant de gens que l’est celui-ci, imposé à toute la communauté contre ses intérêts avec non moins de tyrannie que de fourberie, je me demande si l’on ne devrait pas l’appeler plutôt brigandage despotique ou exaction frauduleuse.

    (55). « …per artem campsoriam, custodiam vel mercantiam monetarum… ». Littéralement, custodia signifie « garde», « surveillance ».
    (56). Aristote, la Politique, l, 10 (l258a 38-1258b 9). Aristote n’a jamais fait mention, bien sûr, dans la Politique, de l’art du changeur ni de la mutation des monnaies. Aristote n’oppose à l’économique que la chrématistique, activité mercantile et usuraire. Les causes du glissement du contenu du texte d’Aristote au Moyen Age sont présentées dans l’introduction aux textes de Nicolas Oresme.
    (57). « Pictavinagium ». Ce terme figure au nombre des additions que Dom Carpentier a apportées au Glossarium de Du Cange avec le sens de « prestation acquittée en poitevines », qui ne saurait convenir ici. En fait, la poitevine ou pite étant la monnaie divisionnaire qui valait un quart de denier, il faut comprendre que « poitevinage» désigne ici l’activité des manieurs d’argent. Le caractère péjoratif de ce terme ressort de diverses attestations de termes apparentés, renvoyant à l’habileté supposée du changeur à tromper, à ses manières cauteleuses et à ses profits mesquins (cf. Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française, s.v. «poiteviner» et « poitevinesse » ; Edmond Huguet, Dictionnaire de la langue française du XVIe siècle, s.v . « poiteviner », d’ailleurs mal interprété).
    (58). Grégoire le Grand, Homélies sur les Evangiles, XXIV (1 184c).
    (59). Le tonlieu était, selon la définition du Petit Robert, sous l’Ancien Régime, un « impôt ou taxe sur les marchandises transportées », un « droit payé par les marchands pour étaler dans les foires et marchés ». Le changeur, bien que ne tirant pas directement profit de la perception de cette taxe, en dépendait indirectement en fournissant aux marchands la monnaie exigible au poste de tonlieu. Ainsi, monnaie, change et tonlieu sont étroitement liés dans les écrits médiévaux.

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    Extraits du CHAPITRE XVIII
    De telles mutations des monnaies, en soi, ne doivent pas être permises

    Parfois, dans la communauté, pour qu’il n’arrive pas quelque chose de pire, et pour éviter le scandale, des choses déshonnêtes et mauvaises sont permises, telles que les lupanars publics.
    Quelquefois aussi, par nécessité ou par commodité, on permet d’exercer une activité vile, comme le change, ou même dépravée, comme l’usure. Mais, en ce qui concerne cette mutation de monnaie faite pour en tirer du gain, on ne voit pas de cause au monde pour laquelle tant de gain devrait ou pourrait être admis. Par là, on n’évite pas le scandale mais on l’engendre plutôt, comme il ressort suffisamment du chapitre VIII. Bien des inconvénients s’ensuivent, dont certains ont déjà été évoqués et dont d’autres encore seront examinés par la suite.

    (…)

    (60). Cassiodore, Variétés, l, 10, 2 et 7.

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    Extraits du CHAPITRE XIX
    De certains inconvénients touchant le prince qui résultent des mutations des monnaies

    Les inconvénients qui proviennent de ce type de mutation des monnaies sont nombreux et considérables.
    Certains concernent principalement le prince, d’autres toute la communauté, d’autres encore des parties de celle-ci.
    Ces derniers temps, on en a vu se produire bon nombre au royaume de France. Certains ont même déjà été évoqués plus haut, qu’il convient cependant de rappeler.
    D’abord, il est vraiment exécrable et infâme au plus haut point de la part d’un prince de commettre une fraude, de falsifier la monnaie, d’appeler or ce qui n’est pas de l’or, et livre ce qui n’est pas une livre, et autres actes de cette sorte indiqués antérieurement aux chapitres XII et XIII. En outre, il lui incombe de condamner les faux-monnayeurs. Comment donc peut-il rougir assez si l’on trouve chez lui ce qu’il devrait chez autrui punir de la mort la plus infâme ?
    Encore une fois, c’est un scandale considérable, comme on le disait au chapitre VIII, et avilissant pour le prince, que la monnaie de son royaume ne reste jamais dans le même état, qu’on la fasse varier d’un jour à l’autre et qu’elle vaille quelquefois plus dans un endroit que dans un autre au même moment.
    D’autre part, durant ces périodes de mutations, on ignore très souvent combien vaut telle ou telle pièce, et il faut faire commerce de la monnaie, ou bien l’acheter et la vendre, ou bien changer le prix, à l’encontre de sa nature.
    Et, ainsi, il n’y a aucune certitude pour la chose qui doit être la plus certaine, mais plutôt la confusion de l’incertitude et de la désorganisation qui attire le blâme sur le souverain.
    De plus, il est absurde et tout à fait contraire à l’honneur d’un roi d’interdire le cours de la vraie et bonne monnaie du royaume et, poussé par la cupidité, de sommer, que dis-je, de contraindre ses sujets à utiliser de la moins bonne monnaie, comme si l’on voulait dire que ce qui est bon est mauvais, et vice versa, alors qu’il est pourtant dit là-dessus par le Seigneur par la voix du prophète (61) : « Malheur à vous qui dites que le bien est mal et que le mal est bien. »
    Et, encore une fois, il est malséant au prince de ne faire aucun cas de ses prédécesseurs, car chacun est tenu par commandement divin d’honorer ses parents.
    Or, il paraît nuire lui-même à la considération due à ses aïeux quand il abroge leur bonne monnaie et qu’il la fait fondre avec leur effigie, et qu’au lieu de la monnaie d’or qu’ils avaient fabriquée, il fait une monnaie en partie de cuivre. N’est-ce pas là ce qui a été évoqué dans le troisième livre des Rois, où l’on dit que le roi Roboam rejeta « les écus d’or qu’avait faits Salomon, son père, qu’il remplaça par des écus de bronze (62) ». C’est encore ce même Roboam qui perdit les cinq sixièmes de son peuple pour avoir voulu trop grever ses sujets.
    Enfin, un roi doit au contraire abhorrer sans réserve les actes de tyrannie et c’en est un qu’une telle mutation, on a déjà souvent eu l’occasion de le dire, et qui est également préjudiciable et périlleux pour toute la postérité du roi, comme on le montrera plus longuement par la suite.

    (61). Isaïe, V, 20.
    (62). I Rois, XIV, 27. Dans la Bible, il s’agit de boucliers, mais Nicolas Oresme joue sur le fait que ce terme avait fini par désigner les pièces d’or frappées d’un bouclier émises depuis Louis IX.

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    Extraits du CHAPITRE XX
    Autres inconvénients touchant la communauté tout entière

    Parmi les nombreux inconvénients provenant de la MUTATION de la MONNAIE qui concernent la communauté entière, il en est un qui a été évoqué plus haut, principalement au chapitre XV, c’est que par là, le PRINCE PEUT ATTIRER à lui PRESQUE TOUT l’ARGENT de la COMMUNAUTE et complètement APPAUVRIR ses SUJETS.
    Et, de même que certaines maladies chroniques sont plus dangereuses que d’autres en ce qu’elles sont moins sensibles, de même un tel prélèvement s’exerce d’autant plus dangereusement qu’il est moins perçu.
    En effet, le PEUPLE NE RESSENT PAS le POIDS de cette IMPOSITION aussi vite que celui d’un autre prélèvement, et cependant, nulle taille sans doute ne peut être plus lourde, nulle plus générale, nulle plus considérable.
    L’or et l’argent, par suite de telles mutations et affaiblissements, s’amoindrissent dans le royaume parce qu’en dépit de la surveillance on les emporte à l’extérieur, où ils sont donnés plus cher.
    Les hommes s’efforcent en effet volontiers de porter leur monnaie aux lieux où ils la croient valoir plus.
    Il s’ensuit donc la diminution de la matière des monnaies dans le royaume.
    En outre, il arrive que ceux qui vivent en dehors du royaume y apportent alors une monnaie qu’ils ont contrefaite et attirent ainsi à eux le gain que le roi, lui, croit avoir. Enfin, c’est la matière même de la monnaie que l’on peut consumer à force de la fondre et refondre aussi souvent que l’on a coutume de le faire là où se pratiquent des mutations de ce type. Ainsi donc, la matière monnayable est diminuée de trois façons à l’occasion des mutations précitées. Elles ne peuvent donc se prolonger, on le voit, là on l’on ne regorge pas de matière monnayable provenant des minerais ou d’autres sources, car le prince finirait ainsi par ne plus en avoir assez pour lui permettre de faire de la bonne monnaie en suffisance.
    Par suite de ces mutations, on cesse d’apporter les bonnes marchandises ou richesses naturelles des royaumes étrangers à celui dans lequel la monnaie est ainsi muée, parce que les négociants, toutes choses égales par ailleurs, préfèrent se rendre dans les lieux où ils trouvent une monnaie sûre et bonne. Et c’est enfin à l’intérieur même de ce royaume que, par de telles mutations, l’activité des négociants se trouve perturbée et entravée de bien des façons.
    En outre, on le sait, DURANT ces MUTATIONS, ON NE PEUT EVALUER ou APPRECIER bien et juste les REVENUS en argent, PENSIONS annuelles, LOYERS, cens et choses semblables.
    Par ailleurs, l’ARGENT NE PEUT ETRE PRETE (63) SANS DANGER, et cela à CAUSES d’ELLES ; et, qui plus est, beaucoup se refusent à rendre ce service charitable par suite de ces mutations.
    La suffisance de matière monnayable, les négociants et toutes les autres choses précitées sont pourtant ou nécessaires ou fort utiles à la nature humaine, et les choses qui s’y opposent sont préjudiciables et nocives à l’ensemble de la communauté civile.

    (63). Il s’agit du prêt sans intérêt, mutuum, d’où, plus loin, l’évocation d’un service charitable.

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    Extraits du CHAPITRE XXI
    Autres inconvénients qui touchent des parties de la communauté

    Certains corps de la communauté s’emploient à des activités honorables ou utiles à tout l’Etat, qui ont pour but d’accroître ou gérer les richesses naturelles pour les besoins de la communauté (64) : ce sont les hommes d’Eglise, les juges, les soldats, les cultivateurs, les négociants, les artisans et leurs semblables.
    Mais il en est un autre qui augmente ses richesses personnelles par l’exercice d’un métier vil : ce sont les CHANGEURS, MARCHANDS de MONNAIE ou BILLONNEURS ; et, certes, cette activité est honteuse, comme on le disait au chapitre XVIII.
    Partant, ces derniers, qui sont pour ainsi dire superflus à l’Etat, et certains autres, tels que les RECEVEURS et les MANIEURS d’ARGENT ou leurs semblables, PRENNENT une GRANDE PART du REVENU ou GAIN qui provient des MUTATIONS de MONNAIE et, soit malice, soit hasard, S’ENRICHISSENT de ce fait, à l’encontre de Dieu et de la justice, puisqu’ils n’ont pas mérité de telles richesses et qu’ils SONT INDIGNES de TANT DE BIENS.
    D’autres en sont appauvris, qui constituent les corps les meilleurs de cette communauté, si bien que le prince, par là, lèse ses sujets les plus nombreux et les meilleurs, les grève à l’excès et que, cependant, tout le gain ne lui en revient pas, mais que ceux que l’on a cités en ont une grande part, eux dont l’activité est vile et entachée de fraudes.
    En outre, quand le prince ne fait pas savoir à l’avance à son peuple la date et les modalités de la future mutation de monnaie qu’il entend faire, il en est qui, grâce à leurs astuces ou à leurs amis, la prévoient en secret, achètent alors des marchandises contre la monnaie faible, les vendent par la suite contre de la forte, et s’enrichissent ainsi en un tournemain en faisant indûment d’énormes gains à l’encontre du cours légitime du commerce naturel. On voit que c’est là une sorte de monopole, au détriment et au préjudice de tout le reste de la communauté.
    Et d’autre part, par de telles mutations, il est fatal que les revenus évalués à une certaine quantité d’argent subissent soit une injuste diminution, soit une augmentation non moins injuste, comme on l’a mentionné plus haut dans le chapitre sur la mutation de l’appellation de la monnaie.
    De plus, par de telles variations et altérations des monnaies, le prince donne aux méchants l’occasion de faire de la fausse monnaie, soit parce que cela heurte moins leur conscience de la falsifier du fait que le prince, ils le voient bien, en fait autant, soit parce que leur falsification n’est pas si aisément décelée et qu’ils peuvent dans ces circonstances plus facilement perpétrer de nombreux méfaits que si la bonne monnaie continuait d’avoir cours.
    Enfin, tant qu’elles se prolongent, elles donnent lieu à un nombre presque incalculable d’ambiguïtés, d’obscurités, d’erreurs et de difficultés inextricables dans les comptes de dépenses et de recettes.
    Elles sont aussi à l’origine de litiges et de poursuites diverses, acquittements de dettes défectueux, fraudes, désordres, abus innombrables et maux multiples que je ne saurais expliquer, peut-être plus considérables et plus graves encore que ceux qui ont été énumérés jusqu’ici.
    Et cela n’a rien d’étonnant car, comme dit Aristote (65), « un mal donné en entraîne beaucoup d’autres », ce n’est pas difficile à constater.

    (64). Le texte de l’original latin, tel que l’ont transmis les manuscrits connus, ne mentionne pas ici, contrairement à celui de la version française, les activités propres aux ecclésiastiques, juges et soldats auxquels il fait pourtant immédiatement allusion. Lacune ou interpolation ?
    (65). Aristote, les Topiques, II, 5, ?

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    Extraits du CHAPITRE XXII
    La communauté peut-elle faire de telles mutations de monnaie ?

    Puisque, comme on l’a montré au chapitre VI, la monnaie appartient à la communauté, on voit bien que cette même communauté peut en disposer à son gré.
    Elle peut donc la modifier autant de fois qu’elle le veut, prendre là-dessus autant qu’il lui plaît et en user comme de sa chose, surtout si cette même communauté a besoin d’une grosse somme d’argent pour la guerre, la rançon de son prince ou autre accident semblable.

    (…)

    Donc, dans le cas précité, celle-ci peut et doit être faite par la communauté elle-même. Là-dessus, sous réserve d’un meilleur avis, il me semble à présent que l’on peut dire ce qui suit.
    Dans un premier cas, cette somme d’argent dont la communauté a besoin doit être transportée ou versée dans des contrées lointaines et chez des gens avec lesquels on n’a pas de relations et, par ailleurs, elle est si élevée que la matière monnayable en sera pour longtemps considérablement moindre dans cette communauté ; et, dans ce cas, c’est par le biais d’une mutation de la matière ou de l’aloi de la monnaie qu’on peut lever une contribution car, par suite de la raison indiquée et selon les modalités décrites au chapitre XIII, si l’on faisait toute autre mutation, celle-ci devrait fatalement être faite ultérieurement. Mais, si la somme précitée n’est pas aussi considérable ou si elle est versée de telle manière, quelle que soit celle-ci, que la matière monnayable n’en puisse être amoindrie considérablement, je déclare, sans minimiser les maux évoqués au début du présent chapitre, qu’une telle mutation de la monnaie en entraînerait de plus nombreux et de plus graves que toute contribution. Elle ferait surtout courir le risque que le prince veuille finalement s’arroger le droit d’y recourir, ce qui ferait réapparaître tous les maux déjà mentionnés.
    Et que l’on ne m’objecte pas mon premier principe où il était dit que l’argent appartient à la communauté, car ni la communauté ni personne n’a le droit d’abuser de son bien ou d’en user illicitement, et c’est ce que ferait la communauté si elle muait les monnaies dans ces conditions.
    Si, par hasard, la communauté fait elle-même une telle mutation, de quelque manière que ce soit, il faut alors, dès que possible, rétablir l’état dû et permanent de la monnaie et cesser tout prélèvement de gain sur elle.

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    Extraits du CHAPITRE XXIII
    Où l’on avance que le prince peut muer les monnaies

    On a coutume de dire qu’en cas de nécessité tout appartient au prince.
    Il peut donc prélever sur les monnaies de son royaume tout ce qui lui semble bon, et comme bon lui semble, lorsqu’il est acculé ou pressé par la nécessité, pour la défense de l’Etat ou de son règne (66).
    Or, la mutation de la monnaie est un moyen commode et approprié de collecter de l’argent, comme il ressort de ce qui a été dit au chapitre précédent.

    (…)

    Cette même communauté peut donc, si elle ne l’a pas fait dans le passé, concéder au prince le pouvoir de muer les monnaies de cette manière, se dépouiller ainsi du droit de réglementer et de muer la monnaie, et donner au prince une part de la monnaie, à prendre de la manière qu’il veut.
    De même, si, en droit commun, il revient à la communauté de réglementer les monnaies, comme on l’a déjà dit souvent, et que celle-ci n’a pu se mettre d’accord sur une modalité unique en raison des désaccords de la multitude, est-ce qu’elle n’a pu condescendre, sur ce point, à ce que l’entière disposition de la monnaie soit dorénavant à la volonté du prince ?
    Si, bien sûr, et aussi à ce qu’il tire, par cette raison, un revenu de la mutation ou de la réglementation de la monnaie. Par ailleurs, comme on le disait au chapitre VII, il faut fixer une certaine indemnité pour la fabrication de la monnaie, et le prince peut et doit prélever une partie de cette indemnité.
    Il peut donc, pour la même raison, avoir ou recevoir là-dessus de plus en plus de gain, autant par conséquent que ce que lui rapporterait une mutation de la monnaie.
    Il peut donc aussi, en ayant recours à de telles mutations, alléger ce prélèvement.

    (…)

    Il se peut donc qu’une part importante de ces revenus ait été autrefois assignée sur le monnayage, de sorte qu’il soit permis au prince de recevoir du gain en muant les monnaies.

    (…)

    (66).  » .. .principatus sui regni …  » signifie à peu près : « son droit à régner sur son royaume « . Toute cette partie du Traité fait clairement référence à la situation contemporaine du royaume de France qui doit affronter le problème de la captivité du roi Jean Il dont son rival anglais exige une rançon.
    (67). Littéralement : « par un privilège spécial qui, en raison de ses bienfaits méritoires, lui aurait été concédé héréditairement autrefois « .
    (68). Littéralement, l’ »Empereur romain « . Il s’agit bien sûr du souverain du Saint Empire romain germanique.

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    Extraits du CHAPITRE XXIV
    Réponse à ce qui précède et conclusion principale

    (…)

    En réponse à l’argument qui consiste à dire que la communauté, à qui la monnaie appartient, peut se dépouiller de son droit et le remettre tout entier au prince, et que le droit de battre monnaie serait ainsi tout entier dévolu au prince, il m’apparaît d’abord que c’est quelque chose qu’une communauté dûment consultée ne ferait jamais et, d’autre part, qu’il ne lui serait de toute façon pas permis de muer les monnaies ou de faire un mauvais usage de son bien propre, comme il est dit au chapitre XXII.
    En outre, la communauté des citoyens, qui est naturellement libre, ne se réduirait jamais elle-même à la servitude, ni ne se mettrait sous le joug d’un pouvoir tyrannique en connaissance de cause.
    Si donc, trompée, intimidée par des menaces ou contrainte, elle concède au prince de telles mutations, sans s’apercevoir des maux qui s’ensuivent, et qu’elle s’assujettit ainsi servilement, elle peut annuler cette concession sur-le-champ et de n’importe quelle façon.

    (…)

    De même, donc, que la communauté ne peut concéder au prince le droit d’abuser des épouses des citoyens auxquelles il en voudrait, de même ne peut-elle lui donner un tel privilège monétaire dont il ne pourrait user que mal en exigeant un gain sur leurs mutations, comme il ressort assez de bien des chapitres précédents.

    (…)

    Je dis qu’elle le peut à certains égards et dans certaines circonstances, mais non en lui concédant le pouvoir d’amasser autant de gain au moyen de ces mutations indues. A cet autre argument, tiré du chapitre VII, selon lequel le prince peut recevoir un certain revenu sur la monnaie, il est facile de répondre qu’il s’agit là pour ainsi dire de lui allouer une petite somme, limitée, qu’il ne peut augmenter à volonté par les mutations précitées, mais qui demeure au contraire sans variation aucune. On le concède, le prince peut avoir des revenus, et il doit tenir un rang magnifique, le plus honorable qui soit.
    Mais ces revenus peuvent et doivent être assignés ailleurs et réunis autrement que par ces mutations indues d’où naissent, comme on l’a montré auparavant, des maux si grands et si nombreux.

    (…)

    De tout cela, il faut conclure que le prince ne peut faire ces mutations et en retirer du gain ni par le droit commun ou ordinaire, ni par privilège, don, concession ou pacte, ni par toute autre autorité ou toute autre manière, et que cela ne peut être de son domaine ni lui appartenir en aucune façon. En conséquence, lui refuser ce droit, ce n’est pas le spolier ni aller à l’encontre de la majesté royale, comme le disent faussement des adulateurs menteurs, sophistiques, et qui trahissent l’Etat. Par ailleurs, puisque le prince est tenu de ne pas faire cela, il n’a aucun titre à recevoir une quelconque allocation ou un don pour s’abstenir de cette exaction abusive : cela, en effet, ne paraît pas autre chose que le prix du rachat de la servitude que nul roi ni bon prince ne doit exiger de ses sujets. Enfin, à supposer, mais ceci n’est pas acquis, qu’il ait le privilège de prendre quelque chose sur la monnaie pour en fabriquer de la bonne et la maintenir dans cet état, il devrait encore perdre ce privilège dans le cas où il en abuserait au point de muer et falsifier la monnaie pour accroître son gain personnel de manière non moins cupide que honteuse.

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    Extraits du CHAPITRE XXV
    Un tyran ne peut durer longtemps

    (…)

    Le tyran prise et chérit son propre bien-être plus que le salut commun de ses sujets, et c’est pourquoi il s’efforce de maintenir son peuple dans une soumission servile.

    (…)

    Et c’est là l’intérêt véritable et la gloire du souverain dont le pouvoir, comme dit Aristote (72), est d’autant plus noble, d’autant meilleur que les hommes sur lesquels il l’exerce sont libres et accomplis, et d’autant plus durable que le roi persévère avec zèle dans une telle résolution, Cassiodore (73) ayant dit : « L’art de gouverner, c’est d’aimer ce qui convient au plus grand nombre. »
    Chaque fois, en effet, que la royauté se transforme en tyrannie, elle est vite menacée de disparaître, parce qu’elle est ainsi prédisposée à la discorde, à l’usurpation et à des périls de toutes sortes. Surtout dans une contrée policée et éloignée de la barbarie servile où, par coutume, par lois et par nature, les hommes sont libres, et non pas asservis ni insensibles par habitude à la tyrannie, tels que la servitude ne pourrait leur convenir et qu’eux n’y pourraient consentir, tels qu’ils ne sauraient voir que violence dans l’oppression du tyran, dès lors précaire, parce que, comme dit Aristote (74), « la violence court à sa perte. »

    (…)

    Or, un corps est mal en point quand les humeurs affluent à l’excès à l’un de ses membres : souvent, elles l’enflamment et l’enflent gravement, tandis que les autres membres se dessèchent et s’amoindrissent terriblement. Alors, l’équilibre convenable est rompu et ce corps-là ne peut vivre longtemps.
    Il en est de même d’une communauté ou d’un royaume quand les richesses sont drainées outre mesure par l’une de ses parties.
    En effet, une communauté ou un royaume dont les souverains obtiennent une énorme supériorité sur leurs sujets en fait de richesse, de pouvoir et de rang, est comme un monstre, comme un homme dont la tête est si grande, si grosse, que le reste du corps est trop faible pour la porter.
    De même qu’un tel homme ne peut se soutenir ni longtemps vivre ainsi, de même donc, ne pourrait se maintenir un royaume dont le prince drainerait à l’excès les richesses, comme cela se ferait par les mutations de la monnaie, ainsi qu’il ressort du chapitre XX.
    Par ailleurs, dans la polyphonie, si l’uniformité n’apporte ni plaisir ni agrément, l’excès ou l’abus de contraste y détruit et anéantit toute l’harmonie : il y faut au contraire une variété réglée et mesurée durant laquelle les choeurs mêlent avec bonheur de douces mélodies. Il en va généralement de même des diverses parties de la communauté : l’égalité de biens ou de pouvoir n’est pas convenable, elle ne « sonne » pas bien, mais, à l’inverse, une disparité excessive ruine et anéantit l’harmonie de la société, comme le fait ressortir Aristote (80) au livre V de la Politique.
    C’est surtout, en vérité, si le prince lui-même, qui est dans le royaume ce que sont dans le chant la teneur et la voix principale, chante trop fort et sans s’accorder avec le reste de la communauté, que la douce musique du gouvernement royal sera troublée.
    C’est pourquoi, selon Aristote (81), il y a encore une autre différence entre le roi et le tyran : le tyran veut être plus puissant que toute la communauté qu’il domine par la violence ; la modération du roi, au contraire, va de pair avec un régime tel qu’il est plus grand et plus puissant que chacun de ses sujets, mais qu’il est cependant inférieur à cette communauté tout entière en forces et en ressources, et qu’il se trouve ainsi dans une situation moyenne.
    Puisque le pouvoir royal tend communément et facilement à s’accroître, il faut donc faire preuve de la plus grande défiance et d’une vigilance toujours en éveil. Oui, c’est une sagesse suprême qui est requise pour le préserver de dégénérer en tyrannie, surtout à cause des tromperies des adulateurs qui, comme dit Aristote (82), ont toujours poussé les princes à la tyrannie.
    En effet, comme on lit dans le Livre d’Esthey (83), ceux-ci « abusent avec une habile fourberie la confiance naïve des princes qui juge des autres d’après leur propre nature », et c’est par leurs « suggestions que se dévoient les élans des rois».

    (…)

    En effet, comme dit Aristote (85), rares sont les choses qu’il faut laisser au libre arbitre du juge ou du prince.
    C’est Aristote (86) encore qui rapporte l’exemple de Théopompe, roi de Sparte.
    Celui-ci avait renoncé en faveur du peuple à de nombreux pouvoirs et aux tributs imposés par ses prédécesseurs. C’est pourquoi sa femme se lamentait en lui faisant honte de transmettre à ses fils une royauté procurant moins de revenus que celle qu’il avait reçue de son père. Il lui répondit alors en ces termes : «Je la transmets plus durable. » Ô paroles inspirées ! Ô de quel poids sont ces mots qu’il faudrait peindre en lettres d’or dans les palais des rois ! «Je la transmets », dit-il, « plus durable », c’est-à-dire : « J’ai plus accru la royauté en la rendant durable qu’elle n’a été diminuée par la réduction de son pouvoir. » « En voici un qui surpasse Salomon (87) ! »
    En effet, si Roboam, dont j’ai parlé plus haut (88), avait reçu de son père Salomon un royaume régi selon ces principes et qu’il l’avait gouverné dans cet esprit, jamais il n’aurait perdu dix des douze tribus d’Israël, et le chapitre XLVII de l’Ecclésiastique (89) ne lui aurait pas reproché : «Tu as déshonoré ton lignage au point de faire retomber la colère sur tes enfants et les conséquences de ta déraison sur tous les autres : par ta faute, la royauté s’est brisée en deux. » Il est donc ainsi démontré que si le pouvoir d’un roi se transforme en tyrannie, il faut qu’on y mette terme rapidement.

    (…)

    (81). Aristote, op. cit., V, II.
    (82). Aristote, op. cÜ., V, Il (1314a 2).
    (83). Esther, XVI, 6, 7.
    (84). Aristote, la Politique, V, Il (l313a 18).
    (85). Aristote, op. cit., III, 16, ?
    (86). Aristote, op. cit., V, Il (1313a 24-33).
    (87). Evangile selon saint Luc, XI, 31. Cette réminiscence évangélique assure fort à propos une transition entre l’histoire exemplaire trouvée chez Aristote et celle empruntée à la Bible. Elle est par ailleurs tirée d’un contexte sans rapport avec le propos de Nicolas Oresme, puisque c’est de Jésus lui-même qu’il s’agit ici.

    ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤

    Extraits du CHAPITRE XXVI
    Tirer du gain des mutations des monnaies porte préjudice à toute la postérité du roi

    (…)

    Le premier, c’est que c’est une chose très répréhensible chez un roi et qui porte préjudice à ses successeurs que ce par quoi la royauté prépare sa propre perte ou son aliénation à des étrangers.

    (…)

    Troisièmement, je soutiens que, comme je l’ai déjà prouvé et bien souvent répété, tirer du gain à la faveur d’une mutation de la perfide, tyrannique et injuste, une pratique aussi dont on ne peut user de façon continue dans un royaume sans qu’il ne soit, à coup sûr, bientôt transformé en tyrannie à bien d’autres égards.
    Il ne suffit pas que des maux résultent de la mutation, il faut encore, par conséquent, qu’elle soit précédée d’autres maux et accompagnée d’autres encore. Parce qu’elle ne peut être conseillée que par des hommes aux intentions mauvaises et disposés à conseiller toutes sortes de fraudes et d’iniquités tyranniques s’ils voient que le prince y est enclin ou qu’on peut l’y incliner.

    (…)

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