Billet invité
Le plan bidon est une sinistre farce : ses auteurs eux-mêmes n’y croient pas !
Anders Borg, le ministre suédois des finances, a commenté ainsi les événements : « Bien sûr, tel le nouvel acte d’un long drame, les Grecs restent collés à leur tragédie. Mais si je ne crois pas que nous ayons réglé le problème, je suis persuadé que nous avons réussi à faire du problème grec le problème des Grecs ».
Gregorz Kolodko, le ministre polonais, n’y va pas non plus par quatre chemins : « …on pourrait dire que les choses sont en bonne voie, mais elles ne le sont pas. Elles annoncent une catastrophe qui a déjà débuté et qui progresse lentement. Tricher vis à vis de l’opinion publique et tromper le marché par de faux calculs n’est ni une stratégie ni une politique, c’est de la pure stupidité ».
Le sauvetage de la Grèce consiste à l’isoler pour la regarder lentement sombrer, après que ses créanciers privés aient fait la part du feu, substituant dans une très large mesure à leurs prêts des crédits sur fonds publics, dont les chances de remboursement sont ce qu’elles sont.
Tirant à sa manière les leçons du climat détestable qui se développe en Grèce, Werner Hoyer, président allemand de la Banque européenne d’investissement (BEI), a proposé à la Commission d’accorder un congé spécial à ses fonctionnaires grecs, afin qu’ils puissent contribuer aux réformes dans leur pays. Avec ce commentaire sublime : « Cela n’apporte pas grand-chose si ce ne sont que les Allemands ou d’autres Européens du nord qui annoncent les mauvaises nouvelles en Grèce ». Pour mémoire, la « task force » européenne qui va être dotée d’un pouvoir de contrôle sur leur mise en oeuvre est dirigée par un Allemand, Horst Reichenbach.
Pour que la zone euro survive, la Grèce doit périr en son sein : telle est la morale de l’histoire. Laissant le monde entier abasourdi, ne comprenant pas comment un si petit pays peut avoir menacé le système financier international !
Que va-t-il se passer dans l’immédiat ? L’échange des titres de la dette grecque va mobiliser l’attention : un volume insuffisant de titres présentés au gouvernement grec remettrait en question l’équilibre global du plan adopté. Entre 20 et 25% des titres concernés seraient détenus par des hedge funds, dont l’attitude, pas plus que celle de certaines banques, n’est connue. Devant cette menace, le gouvernement grec a engagé le processus législatif d’adoption d’une clause d’action collective rendant obligatoire jusqu’au seuil des 2/3 du volume des titres l’échange, la configurant ainsi afin de tenter d’esquiver l’activation des CDS, objectif également poursuivi par l’Institute of International Finance qui regroupe les grandes banques mondiales.
On attend par ailleurs la décision du FMI quant au niveau de sa participation au plan. Prudent, celui-ci voudrait la limiter au minimum possible de 13 milliards d’euros, soit 10% du total du prêt, étant donné qu’il lui est politiquement impossible de s’esquiver. Cela a comme conséquence d’accroître la part financée par l’Union européenne, qui espérait une participation du tiers.
Plus à terme, comme le Frankfurter Allgemeine Zeitung l’analyse ce matin, il ne va y avoir de choix qu’entre adopter un troisième plan de sauvetage ou laisser sortir la Grèce de la zone euro. Cela sera – peut-on ajouter – une question de calendrier, dépendant de la situation dans laquelle les suivants de la liste se trouveront.
C’est la raison pour laquelle Mariano Rajoy a sans doute considéré que le moment était favorable pour renégocier avec Bruxelles les objectifs de réduction du déficit public de l’Espagne. Descendre de 8% l’année dernière à 4,4% cette année se révèle totalement irréaliste, car cela demanderait un ajustement de 30 milliards d’euros dans le budget, deux fois ce que le plan d’austérité prévoit.
Sans surprise, l’histoire grecque se répète déjà.
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