Billet invité.
Il n’était plus possible de durer. Deux heures et demie de téléconférence entre les ministres des finances de la zone euro, auxquels s’était jointe Christine Lagarde au nom du FMI, ont été nécessaires pour mettre au point le dispositif permettant aux gouvernements allemand et espagnol de sauver la face. Les premiers ont obtenu que l’aide aux banques espagnoles transite par l’État, accroissant ainsi son déficit, tandis que les seconds tentent de faire valoir qu’il ne s’agit pas d’un plan de sauvetage et d’une perte de souveraineté, l’aide n’étant par ailleurs assortie d’aucune mesure d’austérité budgétaire.
Jusqu’à cent milliards d’euros vont être prêtés au Frob, le fonds de soutien aux banques gouvernemental, à charge pour le gouvernement de réaliser un assainissement de son système bancaire, selon des modalités qui restent à définir. Le FMI, qui ne contribue pas financièrement au sauvetage, aura la tâche de superviser sa bonne exécution.
Trois questions sont désormais posées :
1/ Ce sauvetage des banques va-t-il détendre le marché obligataire et permettre à l’État et aux régions de financer à des conditions acceptables leur dette sur le marché, pour éviter qu’un second volet financier soit prochainement nécessaire ? C’est en tout cas ce qu’espère Wolfgang Schäuble.
2/ L’Irlande a immédiatement demandé à bénéficier du même dispositif à titre rétroactif, c’est-à-dire d’un sauvetage de ses banques sans les mesures d’austérité budgétaire qu’elle a dû consentir. Le précédent espagnol ne va-t-il pas faire date, dans le sens d’un assouplissement des contreparties exigées ?
3/ La dette publique espagnole allant s’accroitre du montant de l’aide aux banques, quel nouveau calendrier de désendettement sera-t-il fixé ?
Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a déclaré à Welt am Sonntag, avant la tenue de la téléconférence que l’Allemagne n’acceptera pas toutes le exigences européennes, bien qu’elle soit profondément attachée à l’euro. Une manière de dire qu’il ne faut pas compter sur d’autres évolutions de la position allemande, tout en reconnaissant que celle-ci est possible dans certaines limites.
Il va falloir le concrétiser, car des occasions vont en être données selon Der Spiegel. La bande des quatre formée par José Manuel Barroso, Jean-Claude Juncker, Herman van Rompuy et Mario Draghi mettrait la dernière main à un projet d’euro-obligations d’un type nouveau. Selon les termes de celui-ci, chaque gouvernement national ne conserverait la possibilité de décider de ses dépenses que si elles sont couvertes par des recettes. Tout besoin budgétaire allant au-delà devrait être soumis à l’eurogroupe, qui pourrait ou non émettre des euro-obligations pour financer le projet correspondant. L’eurogroupe serait contrôlé par un organisme dans lequel siégeraient des représentants du Parlement européen pour donner un minimum de légitimité démocratique à ses décisions.
Mario Monti, de son côté, a insisté pour qu’un volet consacré à la croissance soit impérativement adopté lors du prochain sommet, avant de recevoir François Hollande jeudi prochain et de réunir le 22 juin celui-ci avec Angela Merkel et Mariano Rajoy. Revenant sur la situation des banques, Christine Lagarde a préconisé jusqu’à l’entrée de l’État au capital des banques, si nécessaire, et l’adoption d’un plan comprenant une supervision unifiée des banques, la création d’une autorité bancaire ainsi que d’un fonds d’assurance européen unique. Des décisions à prendre, selon elle, en concomitance avec la réalisation d’une union budgétaire, sans autre préalable.
Toutes ces propositions contredisent la ligne défendue par Angela Merkel, et trouvent leur éclairage dans le dernier communiqué publié par l’agence Moody’s : « Si la Grèce devait quitter l’euro, menaçant ainsi l’existence de la zone euro, nous serions amenés à revoir toutes les notes souveraines des pays de la zone euro, y compris ceux qui ont un AAA ». Le gouvernement allemand est ainsi directement et symboliquement visé.
Dans une semaine, la Grèce retourne aux urnes après avoir bénéficié de 347 milliards d’aides sous forme de prêts et d’annulation de dette sans que rien ne soit réglé. Nul ne sait qui, de Nouvelle Démocratie ou de Syriza, en sortira le premier parti et dans quelles renégociations il faudra entrer, à moins que le pays aille très vite vers la cessation de payement. Nul ne sait en Europe quelles conséquences il en découlera alors, les uns affichant la confiance, les autres la crainte. Est-il possible de tenir un tel pari ?
111 réponses à “L’actualité de la crise : CENT MILLIARDS POUR LES BANQUES ESPAGNOLES, par François Leclerc”