Billet invité
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Suivant un scénario sans surprise, le marché obligataire se retend. Le coût du service de la dette espagnole et italienne continue d’augmenter au fur et à mesure que leurs programmes de financement avancent à petits pas comptés. Il pèse davantage sur les budgets, contrariant les mesures destinées à réduire les déficits.
Les instituts de statistique Insee (France), Ifo (Allemagne) et Istat (Italie) sont tous d’accord : l’Europe s’enfonce dans une récession qualifiée de « technique » pour tenter de la rendre anodine, ce qui va dans le même sens. Voilà pourquoi la BCE vient également sans surprise de décider de diminuer son principal taux directeur.
Elle essaye une nouvelle fois d’inciter les banques à développer le crédit pour relancer l’économie, est-il expliqué. Le marché ayant anticipé la mesure, le résultat n’est pas garanti. Il l’est par contre pour l’Eurosystème dans son rôle de bad bank, le conseil des gouverneurs de la banque centrale abaissant encore la barre sous laquelle celle-ci refuse d’accepter des banques leurs actifs en collatéral afin de permettre l’opération. Son vrai sens masqué est encore une fois de soulager les banques.
« Le programme d’achat [des obligations souveraines] est en sommeil profond et va le rester », a asséné Klaas Knot, le président de la banque centrale néerlandaise, claquant la porte au nez des gouvernements qui doivent se débrouiller avec leurs propres moyens, car « le programme d’aide risquerait d’augmenter les risques liés au bilan de la banque centrale », croit-il pouvoir justifier. Comme si l’aide aux banques ne produisait pas le même effet ! La Banque d’Angleterre ne partage pas ce souci et relance à hauteur de 50 milliards de livres son programme d’assouplissement quantitatif et ses acquisitions de gilts, les obligations souveraines britanniques. La Fed pourrait suivre le mouvement. Considérée comme ayant seule la force de frappe financière permettant de détendre le marché obligataire, la BCE continue de son côté à se dérober sur le marché secondaire, en dépit des exhortations de Christine Lagarde au nom du FMI.
Le gouvernement espagnol tente à nouveau d’échapper au sort qui l’attend et prépare un nouveau programme pluriannuel de mesures d’austérité et de coupes budgétaires qui, selon Reuters, devraient être annoncées la semaine prochaine. Elles atteindront la TVA, les pensions de retraite, les salaires des fonctionnaires, institueront de nouveaux péages autoroutiers et procéderont à des coupes dans les budgets des ministères et des régions. La course est sans fin pour tenter de réduire un déficit qui file entre les doigts, accentué par la hausse du coût de la dette, la récession et la crise sociale.
Le gouvernement grec peaufine de son côté sa demande d’étalement du calendrier de son plan de sauvetage, n’ayant à proposer que la réalisation de son programme de privatisation de 50 milliards d’euros qui n’a pas avancé, et qui présente l’avantage – si l’on peut dire – d’un coût social moindre dans l’immédiat que toute autre mesure budgétaire. Le plan de sauvetage étant totalement sorti de ses rails, la question est de savoir si une faillite de l’État va pouvoir être évitée, si l’on en croit Anders Borg, le ministre suédois des finances. Afin de soulager les finances grecques, Tsipras propose de faire bénéficier les banques grecques des mesures destinées à renflouer les banques espagnoles.
Une réunion de l’Eurogroupe sera consacrée à étudier ces deux cas brûlants le 20 juillet prochain : les autorités européennes tiennent la situation du bout des doigts et s’en satisfont faute de mieux, mais ils vont devoir se faire violence pour éviter l’effondrement de la Grèce.
Aux yeux de l’opinion publique, il faut des coupables ! Démissionnaires, Bob Diamond et la direction de Barclays sont sur la sellette au Royaume-Uni, comme si le gouvernement devait donner des gages face à un ressentiment envers les banques que l’on devine s’approfondissant. En France, le parlementaire socialiste Henri Emmanuelli demande l’audition du gouverneur de la Banque de France, au cas où la manipulation du Libor et de l’Euribor ne se serait pas arrêtée aux frontières de l’hexagone.
C’est en Espagne que les choses vont le plus loin. Rodrigo Rato, ancien ministre de l’économie, ex-directeur général du FMI et président démissionnaire de Bankia se voit reproché par l’Audience Nationale (la plus haute juridiction du pays) les délits d’escroquerie, de détournement de fonds, de falsification des comptes annuels, d’administration frauduleuse et déloyale et de manipulation des prix. Excusez du peu ! Le juge étend l’enquête aux autres dirigeants de la banque – le plus souvent membres ou proches du Partido Popular au pouvoir – ainsi qu’à leurs familles, pour déterminer s’ils n’auraient pas été les heureux bénéficiaires de prêts ou de garanties… Les auditions à grand spectacle débuteront le 23 juillet prochain.
L’Insee vient d’apporter un nouvel éclairage en annonçant mettre au point un nouvel outil statistique. L’objectif est de pouvoir mieux cerner l’évolution du niveau de vie – et non des revenus ou salaires – de la « population intermédiaire » (ceux qui ne sont ni pauvres ni riches), qui représente 80 % de l’ensemble. Prévoyant, l’institut cherche à se donner les moyens de mesurer le délitement du statut des classes moyennes, en évitant d’utiliser cette notion fourre-tout qui ne distingue pas les évolutions pourtant entamées.
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