Billet invité.
Un cadeau de Noël, un accord d’une valeur inestimable ou historique : les superlatifs ne manquent pas pour qualifier le résultat du dernier marathon des négociations européennes. En réalité, les dirigeants européens ont plus salué l’exploit de leurs ministres des finances, à qui la consigne avait été donnée d’aboutir avant le démarrage du sommet des chefs d’État et de gouvernement, que le résultat du compromis qui est intervenu. Sauf Angela Merkel, qui aura eu gain de cause.
Rappelons-le, il s’agit uniquement du premier volet d’une union bancaire qui en comporte trois, qualifié par la chancelière de « cadre juridique » et de « contours communs de surveillance des banques ». Le mécanisme est annoncé pour être opérationnel en mars 2014, le Royaume-Uni, la Suède et la République Tchèque ayant décidé qu’ils n’en feraient pas partie, ce qui met donc les grandes banques de la City hors circuit.
Elles ne sont pas les seules : le ministre allemand a obtenu que les banques régionales et les caisses d’épargne – qui constituent une grosse partie du système bancaire allemand – ne soient pas supervisées directement par la BCE mais restent sous contrôle du superviseur national, sauf intervention ponctuelle de celle-ci (dans des conditions qui restent encore à établir d’ici février prochain). Au niveau de la zone euro, seules 150 à 200 banques (les plus importantes) seront donc de fait supervisées par la BCE sur les 6.000 que comporte l’Union européenne. En rappelant qu’en Espagne le malheur n’est pas arrivé par les grandes banques.
Pierre Moscovici, le ministre français, a déclaré que la recapitalisation directe des banques – l’élément pratique le plus important à court terme de ce premier volet – pourra intervenir « aussitôt que nous le déciderons », étonnante formule pour reconnaître que ce n’a pas été le cas et que mars 2014 devrait être attendu pour activer cette mesure. Ce qui laisse les Espagnols et les Irlandais sans autre solution que de gonfler leur déficit public et d’assumer le remboursement des aides financières européennes pour renflouer leurs banques, car il n’est pas question de rétroactivité.
L’accord porte donc dans l’immédiat sur la moitié du premier volet de l’union bancaire, restent à régler le volet de la coordination des fonds nationaux de garantie des dépôts, ainsi que celui de la création du fonds européen de renflouement des banques. Sur ceux-ci, des marche-arrière ont déjà été enclenchées devant les réactions enregistrées du côté allemand, notamment par Mario Draghi, signe précurseur de leur oubli programmé.
A souligner toutefois la position du SPD allemand, qui s’oppose à ce que le MES finance directement les banques dans le cadre de l’union bancaire et demande la constitution d’un fonds doté de 200 milliards d’euros abondé par les banques elles-mêmes.
Rodés aux négociations, les ministres européens des finances auront au moins acquis au fur et à mesure des rebondissements un grand savoir-faire dans la présentation avantageuse de leurs compromis : plus l’accord est réduit, plus les exclamations fusent pour mieux masquer la médiocrité des résultats obtenus.
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