CONTRESENS ET DÉRIVES : UNE CRITIQUE DE « À CHAQUE PEUPLE LES COMBATS DONT IL EST DIGNE » par Bertrand Rouziès-Léonardi, par Cédric Mas

Billet invité.

Bertrand, je qualifie de contresens ton analyse dans ce billet assimilant la fronde qui saisit la Bretagne contre l’écotaxe aux divers mouvements anti-impôts suscités récemment par des pseudo-mouvements spontanés mais reposant sur la doxa néo-libérale « classique » (« pigeons », mais aussi réaction aux tentatives de taxer les PEL et PEA à 15 %…). C’est à mon avis donner à ce mouvement qui part du tréfonds des classes laborieuses, moyennes ou populaires, et qui a reçu un soutien général (y compris de fonctionnaires) un sens qui n’est pas son sens principal. D’où le terme de contresens. Tu opposes dans ce texte ainsi les manifestations contre les politiques de rigueur en Grèce, parées de toutes les vertus (défense de la démocratie, etc. alors qu’en Grèce ils tentent de résister à de nouveaux impôts), à ces manifestations qui seraient nécessairement une nouvelle ruade des anti-État et ne mériteraient qu’opprobre et condamnation morale.

C’est ce que tu écris, et si cela ne correspond pas à ce que tu souhaitais exprimer, tu me céderas que le malentendu est légitime au regard des termes que tu emploies (je lis tous tes textes, qui sont intelligibles et je ne réagis que sur ceux qui me font réagir). Cette vision, sûrement motivée en réaction aux imbécillités de je ne sais quel éditocrate parisien qui ne mérite pas que nous passions du temps sur lui, est à mon avis différente de la réalité, et c’est ce que je soulève. En d’autres termes, les impôts aujourd’hui il y en a trop pour ceux qui bossent, et pas assez pour ceux qui tirent déjà trop bien leur épingle du jeu. Si tu te penches sur les slogans et les mots d’ordre du mouvement, tu verras que c’est plus proche de ce que je dis que de ce que tu décris et qui sert de base à ton billet. De plus, le caractère écologique d’une énième taxe pesant au final sur les producteurs et les ménages les plus isolés géographiquement, et les moins capables de fuir la pression fiscale, est contestable. Comment imaginer qu’alors que l’État se désengage des travaux d’infrastructure nécessaires au « ferroutage », cette taxe incohérente dans ses modalités et ses principes, qui n’est accompagnée d’aucune autre mesure, ait un autre objectif que celui de renflouer les caisses pour pouvoir combler les pertes des banques, payer les dettes aaggravées par la spéculation, ou financer de nouvelles subventions aux multinationales (devine à qui profite le CICE ? aux PME artisanales et locales ?)…

Les ouvriers qui manifestent contre l’écotaxe ne sont pas plus contre les impôts par principe que contre l’écologie (même si je suis d’accord pour soulever que tout n’est pas blanc dans l’industrie agroalimentaire bretonne). Le fait que les manifestants soient ceux qui ont voté Hollande, situés dans la région la moins touchée par la taxe (abattement de 50 %) aurait dû je pense t’interpeller sur le fait que ce n’est pas la taxe qui pose problème, mais sa légitimité dans une période où la boussole politique s’affole et où les dirigeants ont perdu le cap, bref où ils font n’importe quoi pour éviter de prendre les bonnes décisions qui les obligeraient à déboulonner leurs totems.

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