L’EXTRÊME-DROITE NE SORT PAS DU CADRE, BIEN AU CONTRAIRE !

Le billet récent de Michel Leis intitulé Danger suscite de votre part une avalanche de commentaires qui me parviennent par mail et dont la teneur est identique : « Vu l’incurie du gouvernement, vu le pouvoir acquis par une infime minorité, vu l’impossibilité pour le peuple de changer par son vote quoi que ce soit au sort misérable qui lui est aujourd’hui réservé, etc. les gens qui s’alignent de plus en plus nombreux sur les positions de l’extrême-droite sont bien excusables ! »
L’argument mobilisé dans ces messages appartient à un type connu : celui de l’« enfance malheureuse » du criminel endurci. La réponse à faire est la même : oui la motivation s’explique partiellement au vu des circonstances et le comportement est du coup partiellement excusable, mais si le comportement est excusable, il n’en est pas pour autant tolérable parce qu’il débouche sur le malheur de tous.

Depuis bientôt sept ans (oui : 7 !), j’offre ici – avec l’aide des auteurs de « billets invités » – des explications de la crise financière et économique que nous subissons. J’explique de manière détaillée des phénomènes complexes en les décomposant en termes de causes et d’effets, en distinguant soigneusement les décisions qui ne peuvent être imputées qu’à des individus, des effets de structure au mécanisme fait d’implications réciproques entre différents éléments.

Jamais vous ne m’aurez vu pour autant remplacer l’explication nécessaire par un nom propre : celui d’un ou de plusieurs individus, celui d’une société secrète ou d’un groupe ethnique. L’extrême-droite opère de la manière inverse : elle s’épargne toutes les difficultés d’une explication complexe par la désignation d’une étiquette : « Juifs », « Musulmans », « Francs-maçons », « Roms », « Illuminati », que sais-je encore.

Bien entendu, en recourant à ce type de mode explicatif, l’extrême-droite n’a pas innové : elle se contente de recycler le « mode paranoïaque » archaïque propre à toutes les religions du monde qui consiste au moment où l’on reste le bec dans l’eau dans son explication, à remplacer le bout qui manque par le nom d’une divinité quelconque, dont il est alors dit qu’elle est « manifestement » responsable de ce qu’il s’agit d’expliquer. Un quelconque « moteur premier » est invoqué au-delà duquel il est impossible de remonter, le mot « manifestement » étant convoqué bien à propos pour masquer les manques tragiques de notre intelligence tristement défaillante.

Arrivé là, et comme le dit Michel Leis, dans un étonnant bond qualitatif, le lampiste se transforme soudain en « vrai coupable ». Malheur à lui, et grand bien fasse au contraire à l’éventuel coupable véritable qui touchera lui les dividendes ou encaissera les bonus des usines à massacrer les lampistes.

L’extrême-droite ne sort pas du cadre, bien au contraire : elle conteste nos dirigeants par la vocifération (un ersatz de la capacité authentique à convaincre) sans se démarquer d’eux sur ce plan là puisqu’elle aussi cherche à nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Kif-kif !

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