Billet invité.
Quand je regarde l’état du monde en ce début de XXIe siècle, je suis frappé de stupeur. J’ai le sentiment que plus personne ne contrôle rien, qu’il n’y a plus de cohésion sociale, que je suis impuissant face à la complexité et les crises qui couvent, que cette planète court à sa perte et que des psychopathes se bousculent pour m’y emmener le plus rapidement possible.
Est-ce que le mot espoir a encore du sens ? Aurai-je demain, un monde, ne serait-ce que vivable à laisser à mes enfants ?
Quand je vois nos dirigeants, nos hommes d’affaire, nos financiers et nos politiciens agir comme des petites brutes dans une cour d’école, compétitionnant entre eux à celui qui pisse le plus loin… Quand je les vois courir après la fortune, la gloire et le pouvoir comme après une puissante drogue… Quand je les vois m’abrutir d’insignifiances, m’asservir et m’écraser plutôt que de m’aider à atteindre les sommets… Quand je les vois ne reculer devant aucun moyen légal ou illégal pour se soustraire à leurs responsabilités sociales… Quand je les vois contrôler ce que je dois penser et dire, et que pour être sûr que je ne réfléchis pas par moi-même, que je ne me solidarise pas, que je ne me révolte pas, ils sont prêts à semer la confusion, le mensonge et même m’espionner… Quand je les entends me répéter que j’ai vécu au-dessus de mes moyens et que c’est normal pendant ce temps-là, qu’eux, le un pour-cent de la société, continuent de piller plus de la moitié des ressources sur terre, qu’il en a toujours été ainsi, que ça ne changera jamais, et que je dois continuer à me fermer les yeux et la gueule devant la misère humaine qu’ils m’imposent et à laquelle je participe !…
Je me dis alors que je suis bien con et imbécile de les suivre et de les croire. Je me dis que je me vois avec bien peu d’estime et de courage pour accepter une telle soumission devant le mal et la destruction qu’ils répandent partout autour d’eux, alors que nous avons aujourd’hui les moyens de vivre dans la prospérité et la paix.
Je laisse ces gens-là m’intoxiquer l’esprit, le cœur et l’âme. Je suis devenu peu à peu abruti et convaincu qu’il me faut être mesquin et avide, que je ne peux m’élever qu’en marchant sur les autres, que soutenir mon voisin et nous entraider est nuisible et utopiste. Je suis devenu peu à peu convaincu que je ne dois jamais faire confiance et qu’il faudrait que mes petits-enfants portent une arme sur eux alors qu’ils sont à la maternelle !
J’éteins graduellement ce qu’il y a de bon en moi. Je tue l’innocence, la pureté et la beauté du monde. Je ridiculise la compassion, la générosité, le sens des responsabilités… Je foule au pied mes libertés, ma démocratie et mes droits de l’homme.
J’accepte tout ça parce que je me lave le cerveau à coups de mensonges, parce que je les crois les plus forts, parce que j’ai abdiqué et parce que je m’isole dans la peur.
Je préfère me réfugier devant le confort de mon écran en espérant, comme un enfant, que si je les ignore suffisamment, que, peut-être… les problèmes vont disparaître d’eux-mêmes. Je me console en me disant qu’il y a pire que moi, qu’il vaut mieux vivre au jour le jour pendant que l’air est encore respirable, et surtout… qu’il ne faut pas que je me pose trop de questions.
Mais de temps en temps, j’ai une poussée de frustration… de haine et de rage ! Un trop-plein ! Alors les médias et mon gouvernement me donnent à déchirer selon l’actualité du moment… un homosexuel, un fonctionnaire, un artiste, un assisté social, un manifestant, un musulman ou un pédé.
Tout… pour que je ne me regarde pas moi-même et que je ne prenne pas la responsabilité de ma destinée en main !
Pourquoi n’ai-je pas plus soif d’honnêteté, de générosité, de liberté, de courage et de vision dans ma vie ? Pourquoi ne suis-je pas le leader qui prendra la décision d’être là pour nous tous et pour quelque chose de plus grand et de plus important que ma queue ?
Ce monde a besoin de vous et de moi, beaux, grands et forts ! Nous sommes des êtres exceptionnels, destinés à nous envoler vers la lumière, plutôt que de continuer à ramper dans la boue ! Nous sommes tellement plus grands que ce que nous acceptons de voir en nous ! Faudra-t-il que nous nous rendions jusqu’au bord de la catastrophe pour que nous réalisions brusquement, qu’il soit trop tard pour reprendre le pouvoir sur nos vies ?
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