Pour en finir une fois pour toutes avec ce débat sur Dieu, par Un chrétien de gauche.

Ce billet était à l’origine une réponse personnelle à Paul Jorion suite à sa vidéo « Ce n’est pas Dieu qui nous sauvera ! » et aux commentaires qui ont suivi. Je ne souhaitais pas qu’il soit publié pour des raisons qui me sont propres. Mais devant son insistance, je l’ai retravaillé pour en fournir une version publiable dont le fond soit laissé intact. Cela peut, après plus de quinze jours maintenant, sentir un peu le « réchauffé », mais à la lecture de certains commentaires du billet « VentsContraires.net, Paul Jorion : L’ultralibéralisme est un catéchisme », je trouve finalement qu’il garde toute son actualité.

Pour en finir une fois pour toutes avec ce débat sur Dieu, par Un chrétien de gauche.

Cher Paul Jorion, suite à votre billet oral « Ce n’est pas Dieu qui nous sauvera ! », je vais essayer, en réponse, d’aller à l’essentiel.

Pour commencer, je donne personnellement à ce billet le titre suivant, que je trouve d’avantage conforme à son contenu : « Pour en finir une fois pour toutes avec les religions théistes ». D’ailleurs, n’avez-vous pas écrit dans un commentaire de votre « Temps qu’il fait » du 21 novembre : « Je dis – une fois pour toutes – ce que je pense des religions [théistes] et de leurs adeptes, dans une vidéo qui sera en ligne cet après-midi. Suspens… » En fait, c’est avec Dieu que vous voulez en finir une fois pour toutes. Et moi, à travers ce billet, c’est avec ce débat sur Dieu que je veux en finir « une fois pour toutes ».

Il se fait que s’est opéré récemment dans mon esprit, à l’occasion d’une retraite, une réconciliation radicale entre « la religion » et « la paix », réconciliation à mon sens tout aussi radicale que l’étaient vos propos sur Dieu dans cette vidéo. Il n’y a là, dans mon chef, aucune naïveté ni déni du réel. Il ne suffit en effet pas de dire : « notre religion est porteuse de paix » pour qu’elle le soit effectivement. Ça, c’est une constatation assez facile, à laquelle vous arrivez aussi. Je suis également entièrement de votre avis sur le fait que l’enseignement du Christ, dans sa radicalité, a jusqu’à présent été extrêmement mal compris par la très grande majorité de ses disciples. Mais, pour paraphraser les bouddhistes, nous pourrions appeler cela « la voie longue ». La voie longue serait alors celle qu’emprunte l’humanité depuis qu’elle a conscience du « mal » (événement relaté dans la Bible par le récit mythique de la « chute », c’est-à-dire l’acquisition par l’homme de la « connaissance du bien et du mal ») : chacun projette le « mal » à l’extérieur de lui, et ça donne, exactement comme vous le remarquez, que puisque Dieu est de mon côté, l’autre côté, c’est celui du « mal », et puisque Dieu me « demande » d’éliminer le « mal », la conclusion est vite déduite.

Mais il y a aussi une voie « courte », et c’est précisément la voie radicale proposée par le Christ. Elle consiste, grosso modo, à accueillir l’ennemi, celui qui est soi-disant porteur du « mal »… en commençant par constater que tout ce que j’appelle « mal » est une projection de ma propre conscience divisée en deux entre « bien » et « mal » (je porte la « chute » à l’intérieur de ma conscience, mais ce n’est pas un héritage du passé, je suis co-responsable de cette situation). Le « bien » est – bien entendu ! – de mon côté, et le « mal »,… projeté à l’extérieur. Je « lance le deux », ce qui nous renvoie à l’étymologie du mot « diable ». Je pourrais donc en déduire que la religion chrétienne a été vécue jusqu’ici, par beaucoup de ses adeptes (mais pas tous !), de façon « diabolique » : le porteur du mal, c’est le gars dans la tranchée d’en face.

Mais ceci n’est pas un privilège des religions, nous sommes tous concernés ! Et pourtant, la quête de la paix est une quête qui traverse toute l’humanité. Pour donner un exemple personnel, j’ai constaté que lorsque je me donne l’impression d’avoir « raison » et que l’autre, en face, a « tort », et que j’essaye de le convaincre, je perds la paix intérieure. J’ai donc décidé d’arrêter – autant que faire se peut, car « on ne se refait » que très lentement – ce petit jeu-là.

Et tout particulièrement pour ce qui concerne la religion.

Dans tout ce débat sur « la religion », je n’ai pu que constater, une fois de plus, qu’en matière de religion, sur un fil de commentaires (même sur le blog de Paul Jorion !), le plus sublime côtoie les lieux communs les plus éculés. En particulier, il est de bon ton de se jeter indifféremment sur Dieu et sur la religion (comme si c’était la même chose) en criant « Haro sur le baudet », comme on se défoulerait sur un ennemi désarmé et déjà à terre.

Ce qui ne m’a pas empêché, comme je l’ai dit, de lire et de trouver des choses sublimes. La plus sublime de toutes, selon moi (mais je n’ai pas tout lu !) est sans conteste le commentaire de Un Belge : « Reste le souffle du vent sur la peau, et parfois la main de l’Autre dans la sienne, sans mot dire. » Et, plus loin, « un spaghetti au Vicomte peut avoir quelque chose de cela… ce qui n’a rien de décourageant, bien au contraire. »

La barre très haut (comme vous le faites remarquer vous-même en réponse), en effet. Mais, en effet aussi, rien de décourageant, bien au contraire !

Un spaghetti au Vicomte peut être de l’ordre du repas eucharistique (avec « devinez qui » dans le rôle du Christ ? Vous voyez que je peux moi aussi placer la barre très haut ! 😉 ). Blague à part, si on arrive à faire quelque chose qui, comme vous le dites, « pourrait renvoyer au mot « religion », religio, dans son sens étymologique (« qui nous relie entre nous ») », créer une communion, une fraternité…

J’utilise le vocabulaire religieux exprès.

Car il n’y a pas de raison que les religions théistes s’approprient quoi que ce soit, que ce soient des mots, des idées, des réalités. Saint Paul le prophétise : les religions disparaîtront, mais ce qui ne disparaîtra pas (« ne passera pas »), c’est l’amour.

Pourquoi, alors, s’acharner sur « Dieu » ? Pourquoi préconiser – que dis-je, prôner – une religion athée ? A quoi pourrait-elle bien servir ? N’est-ce pas pure perte de temps et d’énergie que cela ? Pourquoi ne pas laisser les croyants être croyants et les athées être athées, tout en recherchant, ensemble, les solutions à nos problèmes ? Ne trouvez-vous pas que des problèmes, nous en avons déjà suffisamment comme ça pour encore nous en inventer ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une « religion athée » éviterait de facto l’écueil que vous dénoncez à propos des religions théistes ? Rien n’est moins sûr ! Il me semble d’ailleurs que le témoignage de Keynes, que vous relayez vous-même, est de cet ordre-là : la « religion » de Lénine ne vaut apparemment guère mieux ! Alors vivons, aimons, et surtout, arrêtons de voir « le mal » en dehors de nous… si ce « mal » n’est qu’une projection de notre propre conscience divisée en deux.

C’est une intuition qui m’a été soufflée à l’oreille, mais que j’ai fait mienne, de penser l’homme, dans sa quête de paix, comme étant fondamentalement un être de paix. De penser qu’en fait, cette paix, si nous la cherchons, c’est parce que, fondamentalement, c’est ce que nous sommes nous-mêmes. Ce qui, par conséquent, nous montrerait à quel point nous nous voyons très rarement tels que nous sommes ! Il me semble – c’est ma lecture – que le témoignage de Un Belge est de cet ordre-là.

La barre très haut, en effet. Mais, en effet aussi, rien de décourageant, bien au contraire !

Pour ma part, c’est cela, à partir de maintenant, auquel je m’emploierai « de tout mon cœur, de toute mon âme et de tout mon esprit ». Il s’agit à présent pour moi de suivre ce conseil de Saint Séraphin de Sarov : « Acquiers la paix intérieure et une multitude d’hommes trouveront leur salut auprès de toi ». Il ne s’agit pas de « jouer au sauveur », bien au contraire. Il s’agit de faire un pari : celui de croire que je suis, effectivement, fondamentalement un être de paix, et donc d’œuvrer à la coïncidence avec mon être profond. Et peut-être qu’un jour je découvrirai avec joie que la promesse liée au conseil de Saint Séraphin (et dont on trouve des similitudes dans nombre de textes bouddhistes) est une réalité. En attendant, si ça ne me fait pas de bien, au moins, ça ne me fera pas de mal !

Si je me suis permis de vous livrer ces réflexions, c’est parce que ma démarche est motivée par une intention, assez naïve, j’en conviens : qu’éventuellement vous puissiez voir, au sujet des religions théistes, autre chose que des images d’Epinal. C’est-à-dire que j’essaye de vous faire comprendre pourquoi, selon moi, ce n’est pas Dieu qui est le problème. Et que Dieu n’apparaisse pas dans votre conscience n’a, pour moi, vous l’aurez compris, rien à voir avec ça. Vous dites que vous n’avez pas à vous en soucier, mais ne vous en souciez pas, alors ! Pas du tout !

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