Une solution politique ? Quelle rafraîchissante naïveté !, par Roberto Boulant

Billet invité.

Ceci est dans mon esprit plus un complément, qu’une réponse au billet de Michel Leis, ‘Il n’est d’autres voies que l’action politique’. (Et puis… j’ai aussi beaucoup de mal avec cette injonction commercialo-religieuse qui veut que nous soyons tous béatement heureux à l’approche de Noël !).

« Dans l’antiquité, les esclaves savaient qu’ils ne pouvaient discuter avec nous, au moyen-âge, les serfs savaient que leur statut d’homme libre n’était qu’un leurre, aujourd’hui, progrès du storytelling aidant, une majorité pense vivre en démocratie et avoir le statut de citoyen. Magnifique mélange d’aveuglement et de lâcheté qui nous conforte, nous les maîtres du monde, dans l’assurance que nous sommes vraiment d’une essence supérieure. Alors oui bien sûr, au fur à mesure que notre nouvel ordre féodal remplace des pans entiers de l’ancien monde, que les anciens états-nations s’effondrent, même les gueux les plus désireux d’être bercés d’illusions ne peuvent que constater la réalité : les politiciens professionnels sont nos serviteurs, ils votent nos lois et nous, au travers de ces marionnettes interchangeables, gouvernons cachés aux yeux du commun.

Et de fait, la crise déclenchée par les subprimes prouve que nous sommes hors d’atteinte des lois, nous sommes maintenant bien plus puissants qu’en 2008 ! Et quel plaisir, quelle jouissance même, de voir la populace voter pour un socialiste-ennemi-de-la-finance qui quelques mois plus tard nommera à Bercy  un des nôtres, un banquier d’affaires devenu millionnaire en une nuit !

Nous avons d’ores et déjà gagné. Les cliquets installés sont si nombreux et efficaces que quiconque serait assez fou pour vouloir les détruire, détruirait en même temps la société. Il n’y a plus aucun retour en arrière possible ! »

Le trait est-il exagéré ? Les maîtres du monde pensent-ils vraiment ainsi, avec ce mélange de cynisme, de mépris et de stupidité crasse ? Quelle importance finalement, puisque seul le résultat compte : toute tentative de retour en arrière précipitera immanquablement nos sociétés dans le chaos. Soyons réalistes, le cancer financier a totalement métastasé sur l’ensemble de la planète. Pour filer la métaphore, soit nous tuons rapidement le patient en essayant de le sauver (tentative de retour en arrière), soit nous le regardons agoniser longuement avant de mourir (option TINA). Dans les deux cas, le chaos et l’inconnu au bout du chemin…

Une sorte de Syrie a l’échelle planétaire, où les maîtres du monde sont devenus suffisamment puissants pour refuser toute solution politique. Car en définitive c’est bien de cela qu’il s’agit : non d’un trop plein de politique comme pourrait le laisser penser la logorrhée incessante des politiciens professionnels que plus personne n’écoute, mais bien d’une absence totale de choix. D’une absence de La politique, remplacée par une théocratie financière imposant sa Loi divine.

Alors comment discuter, comment trouver un terrain d’entente avec des extrémistes qui ont brûlé leurs vaisseaux ? Comment discuter avec Wall Street ou la City ? Comment discuter avec Daech ou Bashar El-Assad ? Comment faire de la politique avec des forcenés aussi délirants que surpuissants ?

Comment échapper à la violence ?

Et parmi leurs nombreux crimes, celui-ci est sans contexte un des plus graves. En refusant tout dialogue, en se plaçant en dehors de la sphère de la raison, ces fous vont nous obliger à nous salir, à descendre à leur niveau.

Encore et toujours cette même malédiction ancestrale : devenir à son tour inhumain pour vivre libre. Mais comment arrêter alors la montée aux extrêmes ?

Et la nature nous presse, elle n’attendra pas. La limite des deux degrés du réchauffement global est déjà enfoncée. Des centaines de millions, des milliards de réfugiés climatiques se mettront en marche d’ici la fin du siècle.

Tic-Tac, serons-nous assez intelligents pour trouver une solution à nos comportements suicidaires ?

Tic-Tac, serons-nous assez lucides pour vaincre notre malédiction ancestrale ?

Tic-Tac, le destin d’une espèce se joue sur une petite planète bleue perdue dans l’océan cosmique.

Tic-Tac…

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