Fort McMurray : Nemesis du bitume, par Marie-Paule Nougaret

Billet invité.

Ils l’appellent la bête, mais dragon conviendrait tout aussi bien. Le feu sauvage – wildfire – continue d’avancer à l’Est de Fort McMurray, la capitale des sables bitumineux, classés troisième réserve de pétrole brut au monde. Cela peut durer des mois, disent les pompiers, la sécheresse ayant avancé la saison des incendies d’été.

Aucun rapport bien sûr avec le réchauffement du climat, la consommation d’eau pour l’exploitation du pétrole ou l’abattage des arbres qui retenaient l’humidité dans le sol et la relâchaient dans l’air, tout doucement. Les arbres, ça brûle. Tandis que les champs pétroliers ne risquent rien, explique la firme Syncrude (d’une capacité locale de 350 000 barils par jour), à cause, précisément, des zones tampon qui les entourent : comprenez des aires déboisées, désertes comme la lune, aussi vertes et riantes qu’une mine abandonnée en Allemagne de l’Est.
Les 80 000 habitants qui ont fui, sans toujours éteindre la lumière dans leur précipitation, roulé entre deux parois de feu et vu exploser des stations services, étaient bien contents de trouver refuge dans « les camps des travailleurs temporaires » du pétrole (tiens, tiens, on en apprend toujours). Bien contents de s’envoler des pistes d’aviation privées des firmes, l’aéroport international de la ville ayant flambé. Pour eux, en ce moment, le pétrole c’est la vie.
La production, déjà en baisse à cause du cours peu élevé du brut, ne reprendra que lorsque tout risque aura disparu et cela seul importe pour les investisseurs, ces sauveteurs d’un monde en dérive. Tout cela n’a rien à voir avec le fait que le Canada tire des fortunes de la fertilité des sols naguère peuplés de forêts millénaires, du bois des arbres qu’il y récolte selon le principe des coupes rase – style tondeuse à gazon -, sans parler de la pâte à papier, ou de l’électricité des barrages sur des fleuves géants, alimentés par ces mêmes massifs forestiers. Ni avec la vie des Cri, et autres trappeurs amérindiens dans ces bois, qui régressent prodigieusement. Sur Terre rien n’est relié.
P. S. : Notre correspondante au Québec, Odette Grille, ajoute :
Les écolos d’ici ont déjà réagi mais on leur a gentiment fait remarquer que ce n’était pas le moment de tirer sur l’ambulance.
Les compagnies pétrolières s’en moquent, car même si le feu se rapproche de leurs installations, c’est le gouvernement qui paiera la note, c’est-à-dire les contribuables, alors que, pour les résidents, on peut imaginer le temps qu’il faudra pour qu’ils reçoivent des indemnités et pour le moment, c’est la population qui les aide en nourriture, hébergement, etc… Puisqu’il n’y avait « pas de danger pour l’environnement », rien n’a été anticipé en cas de catastrophe d’une telle ampleur. What’s new ?
 Les Québecois suggèrent que le pipeline de TransCanada serve à leur envoyer de l’eau (et même de l’eau d’érable, ça fera du caramel) dans le sens inverse au lieu qu’il nous apporte leurs problèmes… Dessins humoristiques à l’appui dans la presse de la belle province. Mais l’Alberta nous trouve cyniques…
Moins drôle, les premières nations se trouvent sur la ligne de front, sans camion de pompier, et même parfois sans eau courante, dans cette contrée sauvage jusqu’au boom du schiste bitumineux. Ce qui ne les empêche pas de secourir les sinistrés.
Les autochtones près de Fort Mc Murray ne sont pas seulrment des Cris, mais aussi des Sioux, Chipewyans, etc.
Quelques liens pour les anglophones et un article sur les risques pour les Premières Nations qui n’ont pas de service incendie (ni d’eau dans certains cas)
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