République de l’euro et démocratie européenne des biens communs, par Pierre Sarton du Jonchay

Billet invité.

En réalité l’argent comptabilise le crédit lequel est l’expression passive positive du pouvoir quand le crédit repose sur la reconnaissance réciproque des personnes. Au contraire l’argent est simulation active néfaste du pouvoir quand les rapports de domination obligent les faibles à s’endetter face aux riches afin de matérialiser les asymétries de pouvoirs entre les individus inégaux. L’argent fonctionne comme instrument de la corruption parce que érigé en mesure du pouvoir de domination au lieu d’être alloué au financement des finalités humaines exprimées et délibérées dans une égalité réelle des droits.

La liberté de corrompre par l’argent ne peut être bridée que par le rétablissement du monopole d’émission monétaire des États de droit réels. La fonction économique financière d’un État de droit est d’adosser le pouvoir d’achat de la monnaie émise à la production de biens et services réels reconnaissables comme tels par des citoyens effectivement égaux en droit. Le dépôt légal de tous les biens et services effectivement en production est le seul moyen d’indexer la mesure du crédit par la probabilité de satisfaction des besoins humains garantis par la loi. La fonction financière de dépôt est une fonction économique du pouvoir judiciaire de l’État de droit réel. Dans l’État de droit qui ne soit pas seulement formel, l’argent est matérialisation de droits véritables, vérifiables et véridiques.

Le moyen de dissoudre l’entre-soi oligarchique, c’est à dire de rendre publique (res publica) l’existence de tous les liens transactionnels en nature ou en espèces monétaires entre tout citoyen à l’intérieur d’une même société politique, est de définir toute monnaie vraie de règlement par les limites légales et juridiques de la société. Une société politique crée un cadre économique par une monnaie qui lui soit propre et qui la rende réellement effectivement solidaire de la livraison du bien matériel par tout vendeur en son sein.

Concrètement :

  1. Tout nom social instituant des règlements monétaires est déposé dans une banque de dépôt elle-même inscrite dans une et une seule souveraineté juridique constituée en État de droit commun à une société politique identifiée ;
  2. Tout citoyen ayant un pouvoir d’achat personnel direct à l’intérieur d’une société est identifié par la banque dépositaire du nom social, comme actionnaire de cette société à hauteur du solde de son compte de dépôt ;
  3. Le prix du capital d’une société quelconque est la somme de tous les soldes de dépôt de ses actionnaires et le pouvoir d’achat d’un dépôt est limité aux biens et services produits dans la société par le travail de ses actionnaires qui sont débiteurs du capital social ;
  4. Les biens et services produits dans une société sont des objets matériels porteurs d’une valeur d’usage, ainsi que tous les services par quoi l’usage de ces objets est conçu, produit, collectivement évalué et finalement judiciairement réglé en monnaie de la société ;
  5. Pour acheter les biens et services d’une autre société avec un compte d’actionnaire, il faut nécessairement convertir par une chambre de compensation publique, selon une loi commune à l’acheteur, au vendeur et à tout intermédiaire politique ou financier nécessaire, son unité monétaire dans l’unité monétaire de la société d’où l’on importe ;
  6. Pour importer des biens et services d’une société étrangère à celle dont on est actionnaire, il faut en être personnellement actionnaire avec un autre compte de dépôt ou bien il faut effectuer son règlement en « monnaie locale » par l’intermédiaire d’un agent de change personnellement membre de la société importatrice et garant du crédit de la société exportatrice dans la société « importante » ;
  7. Un règlement monétaire « inter-social » est donc une opération de change impliquant quatre sociétés distinctes, une de consommation, une de production, une financière et une politique qui est garante du crédit inter-social en nature ; la garantie politique inter-sociale est celle d’une loi supérieure dans l’économie commune de tous les transacteurs ; la garantie en espèce est celle d’une monnaie financière qui soit la comptabilité du crédit par une loi juridique commune aux trois sociétés politique, de production et de consommation ;
  8. Tout règlement monétaire supporte une taxe sur la valeur ajoutée qui soit le règlement de la prime de garantie en bien commun légal du prix collectivisé à l’intérieur de la société de consommation, donc de la société de production, donc de la société financière et donc de la société politique ;
  9. La TVA sociale est versée au capital comptable de la société où un bien est acheté ; cette TVA finance le gouvernement et l’exécution de la partie commune de tous les biens et services consommés dans la société au bénéfice de tous ses actionnaires citoyens ;
  10. Une fraction du produit de la TVA sociale est versé dans la « réserve de change » décomposée et distribuée au nom de chaque société « extérieure » dont les exportations sont requises au bien vivre légalement défini au bénéfice de tous les actionnaires citoyens de la société politique « importante ».

Toutes ces règles d’économie politique des biens communisés sont applicables dans les systèmes interbancaires actuels de compensation à la condition de l’identification exhaustive et impérative dans une comptabilité publique centrale de toutes les sociétés qui sont des personnes morales des prix du capital et de leurs membres actionnaires qui sont les personnes physiques de la démocratie des biens.

A partir du moment où tous les biens et services jugés compatibles par la démocratie au bien de chaque citoyen, sont inscrits dans les banques au nom des personnes physiques qui les produisent et des personnes morales qui en garantissent la réalité légalement bénéficiaire à quiconque, tout privilège oligarchique est concrètement neutralisé. Il n’est plus possible en effet d’effectuer un règlement légal en monnaie d’une quelconque livraison de quoique ce soit sans que la définition bénéficiaire de ce qui a été livré à quelqu’un soit connaissable par tout citoyen. Il n’existe aucun bien réglé en nature et en monnaie qui ne soit vendu par son producteur responsable à un acheteur responsable par une loi sociale humainement établie par le service public d’une banque de dépôt.

Dans une véritable économie de la responsabilité personnelle morale et physique, les prix restent éternellement des dettes impayées tant que des personnes physiques identifiées n’ont pas livré quelque chose qui soit effectivement reconnu comme bien par une société qui en garantisse la licéité morale. Dans une véritable économie du capital, il n’est aucun pouvoir d’achat qui ne se rattache pas à une comptabilité publique universelle du capital garanti par la loi d’une et une seule société responsable de la bonté de ce qui est livré à n’importe lequel de ses citoyens actionnaires. Aucun consommateur de quoique ce soit ne peut disposer d’un pouvoir d’achat dont aucune société reconnue ne garantisse la valeur bénéficiaire légale.

Une véritable économie de la plus-value responsable interdit la matérialisation physique de la monnaie et du règlement monétaire par une simple écriture bancaire sur un support physique. Un flux monétaire doit perdre de facto sa valeur capitale si aucune société instituée et constituée ne se porte garante de la légalité bénéficiaire de la plus-value concrètement versée par des signes monétaires. Pour interdire la désocialisation politique d’un signe monétaire il faut démonétiser le signe physique qui existe hors de la vérification politique publique. Le dépôt qui fonde un pouvoir d’achat monétaire est nécessairement public et gouverné par l’intérêt général. Le gouvernement par l’intérêt général engage nécessairement des personnes physiques actionnaires de la société et soumises à l’élection de la majorité uninominale des actionnaires.

Pour participer au gouvernement d’une société, il faut non seulement que l’intégralité du patrimoine de la personne physique soit déposé au nom de la société qu’elle prétend gouverner, mais il faut que la personne physique soit choisie exclusivement par des personnes physiques à raison d’une et une seule voix par tête indépendamment du prix du patrimoine déposé par chacun dans la société. L’actuelle économie libérale qui intitule « société » une fiction mentale possédée par des inconnus, lesquels détiendraient la majorité du prix du capital parce qu’ayant effectué des versements monétaires dont l’origine légale est inconnaissable, est précisément une économie du néant. La plus-value y est produite par destruction systémique idéologique de toute réalité humanisable.

Il n’y a pas d’économie réelle sans démocratie. Pas de démocratie sans marché libre de la plus-value. Pas de liberté responsable du capital sans dépôt. Pas de dépôt bénéficiaire sans personnalité morale de l’État de droit. Pas d’État de droit sans société identifiée qui le garantisse concrètement. Pas de société politique sans distinction de la responsabilité des actionnaires citoyens par des primes de change sociétales. Pas de marché des changes sans communauté politique de droits. Pas de sociétés d’économie politique de la plus-value sans des actionnaires qui en soient les citoyens par le dépôt public de leurs droits et devoirs en monnaie.

Les conditions de fondation d’une telle économie de la réalité sont posées dans le « Le Capital au XXIème siècle ». La réalité du capital effectivement investi dans l’économie des gens de chair et d’os n’est pas vérifiable ni publiable sans une fiscalité du capital. La fiscalité du capital est incontournable pour faire assurer par des sociétés politiques la réalité humainement bénéficiaire des plus-values tirées d’un quelconque placement d’investissement. De la fiscalisation économiquement nécessaire du capital découle l’obligation du dépôt de la définition des titres du capital que la société politique peut ou non assurer par les dépenses publiques mesurables dans la monnaie qui l’identifie.

La fiscalisation du capital est immédiatement possible par exemple dans l’Union Européenne en obligeant la BCE à n’émettre des euros que sur du collatéral déposé dans une des souverainetés actuellement membre de l’Union ; donc en constituant un cadastre européen des actifs financiers monétisables par la BCE ; donc en transformant les institutions technocratiques de l’Union en gouvernement politique de la valeur juridique de l’euro ; donc en créant un budget confédéral d’assurance des démocraties nationales et locales financé par la TVA prélevé sur tout règlement en euro en fonction du bien livré, des droits de l’acheteur consommateur, des droits du vendeur producteur et du risque de non valeur assumé par la collectivité souveraine garante de la contrevaleur au prix réglé.

Bien évidemment, la mutation de l’euro en monnaie commune inter-sociale des démocraties de l’Union équivaut à l’abolition des privilèges oligarchiques d’emprunt libre sans contrepartie réelle à la société civile. Les personnes physiques responsables de la valeur réelle cessent d’accumuler des créances impayées dans des banques de dépôts fonctionnant pour elles-mêmes aux dépens de toute légalité humaine individuelle et collective. La mise en œuvre d’une compensation européenne universelle des biens et services en euro redonne un sens réel à la capitalisation de pouvoir d’achat en euro du fait que le travail de production effective des citoyens européens actionnaires devient la condition réelle vérifiable de la République des biens livrables contre règlement en euro.

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