Un candidat émerge à gauche, ne pourrait-il se décider un jour à porter notre volonté de changement ?, par Jacques Seignan

Dans son billet, Michel Leis conclut après une démonstration implacable que « la gauche de la gauche offre sur un plateau le pouvoir aux politiques qu’elle prétend combattre. »

Pour compléter son analyse, on pourrait examiner le terme de « gauche » dans la formule « gauche de la gauche ». Et continuer d’examiner les raisons profondes du drame politique français. L’une réside bien sûr dans l’incroyable trahison des dirigeants socialistes avec à leur tête F. Hollande : ils ont vidé de sens le terme de gauche. Ils font une politique de droite tout en permettant aux éditorialistes mainstream de les qualifier de « gouvernement de gauche ». Les gesticulations des Frondeurs et autres Aubrystes ne servent à rien, si ce n’est qu’à cautionner involontairement cette appellation frauduleuse. Cette usurpation funeste induit un profond désarroi dans le peuple de gauche. Quant au premier terme, il faut le mettre au pluriel mais ce n’est malheureusement plus dans l’idée [la Gauche plurielle] qui avait porté M. Jospin au pouvoir en 1997. C’est un pluriel de divisions.

Un bref passage en revue de ces « gauches » est édifiant.

Aux prochaines élections présidentielles, il y aura donc (au minimum) deux candidats issus de la mouvance trotskyste : M. Poutou et Mme Arthaud. A les écouter, on éprouve de la sympathie : ils disent avec une conviction sincère des choses que l’on entend si rarement ailleurs. Mais aujourd’hui ne peut-on aussi se sentir exaspéré de les revoir à nouveau, sans que même une simple alliance n’ait jamais pu s’établir entre leurs petits partis ? Ils ont de petites boutiques à faire vivre et chaque cinq ans elles acquièrent une visibilité médiatique et quelques financements (merci à la Constitution de la Ve).

Dans le style des chapelles et des boutiques, il y a nos amis « écologistes ». Comme pour le Parti socialiste, un phénomène de décomposition accélérée a eu lieu chez EELV, avec trahisons successives des dirigeants, toujours disponibles, malgré les décisions de leur base, à aller à la soupe ministérielle. Le ridicule ne tue pas en politique, qu’en dire de plus ?

D’autres candidats semblent avoir plus de potentiel : MM. Mélenchon, Montebourg… Pour M. Mélenchon on dirait que son objectif est tout bonnement de dépasser Hollande au premier tour. Ce Graal atteint, croit-il à sa capacité de rassembler ? Pour A. Montebourg, et autres candidats à la candidature ayant sa notoriété, tout se passe comme si l’essentiel était de prendre date. On sait qu’en France, suivant le principe Shadock, plusieurs tentatives doivent être faites pour être élu et la ronde éternelle réapparait (de Bayrou à Poutou en passant par Le Pen).

D’autres cas sont plus malaisés à appréhender. Par exemple celui de Clémentine Autain, personnalité de gauche, intelligente et respectable, mais qui ne semble pas toujours comprendre le monde dans lequel elle vit – comme si la réalité souhaitée empêchait parfois l’analyse de la froide réalité. Sa négation du péril du terrorisme islamique en 2013 en est une tragique illustration que l’on regrette de devoir rappeler.

Il y a donc les gauches de la gauche (l’ancienne et celle de droite). Un point commun pourrait être établi pour tous (et étendu à la droite) : une immense sous-estimation du danger FN (*). Tout se passe comme s’ils avaient tous définitivement entériné un schéma rêvé (pour eux !) : le candidat qualifié pour le second tour, même avec quelques pourcents, est sûr de rafler la mise face à Marine Le Pen. Cette conviction a pu être renforcée par l’élection présidentielle autrichienne et un hypothétique plafond de verre. Pourtant s’ils prenaient la peine de quitter leur microcosme hexagonal, Trump devrait les faire réfléchir et les effrayer.

Ont-ils, pour beaucoup d’entre eux, posé que c’était déjà perdu pour 2017 et veulent-ils être prêts pour 2022 ? Quel terrible aveuglement ! Les Français écœurés assistent à ces minables calculs et à ce théâtre politicien indigne et dangereux mais comme souvent dans les situations les plus désespérés des espoirs se lèvent.

Thomas Piketty dans sa dernière tribune [Le Monde du 02.06.2016] sur la loi travail écrit :

« La loi travail apparaît de plus en plus clairement pour ce qu’elle est : un effroyable gâchis, un de plus au sein d’un quinquennat raté, et peut-être le plus grave. Le gouvernement voudrait nous faire croire qu’il paie le prix d’être réformateur, et qu’il doit se battre seul contre tous les conservatismes. La vérité est tout autre : sur ce sujet comme sur les précédents, le pouvoir en place multiplie les improvisations, les mensonges et les bricolages. »

Ne pourrait-il se décider un jour à porter notre volonté de changement ?

L’autre espoir qui va croissant est celui que porte Nuit debout. Ils travaillent bien. Ils ont collectivement, et nous avec eux, compris ce que doit être la politique.

Vivent les Camille !

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[Pour rappel, dans les mouvements qui ne veulent plus de leaders se mettant en avant, leurs porte-paroles prennent souvent pour pseudonyme le nom de Camille.]

(*) – Dans la série « Connaître les élus frontistes », écoutez la chronique de François Morel à France Inter le 3 juin 2016.

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