La Libre Belgique, Paul Jorion : « L’humanité se découvre au bord de l’extinction », mardi 5 juillet 2016

le dernier qui s'en va... Paul Jorion : « L’humanité se découvre au bord de l’extinction »

Depuis qu’il a anticipé la crise des subprimes, Paul Jorion apparaît régulièrement dans les médias pour livrer ses commentaires à rebrousse-poil d’une pensée économique dominante, qui croit dur comme fer aux vertus de la « main invisible » et à la pérennité du capitalisme.

L’anthropologue belge a cependant franchi un cap supplémentaire avec son dernier ouvrage « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », prédisant cette fois rien de moins que l’extinction de l’espèce humaine d’ici deux ou trois générations. « C’est le chiffre que nous donnent les scientifiques qui travaillent sur la question, qu’il s’agisse de climatologues, de physiciens ou des chimistes », avance-t-il.

Face à cette menace imminente, l’espèce humaine ne répond pourtant que « mollement, à la limite de l’indifférence ou – ce qui revient au même d’un point de vue pratique – en tentant de dégager un bénéfice commercial de toute tentative de réponse. C’est à dire en ignorant de facto l’urgence et l’ampleur du péril », poursuit l’universitaire à la barbe blanche.

N’y a-t-il dès lors plus aucun espoir de se tirer d’affaire? C’est ce que nous avons tenté de savoir, à l’occasion d’un entretien pré-apocalypse.

Une vague complexe qui risque d’emporter l’humanité

Selon M. Jorion, « il y a trois domaines dans lesquels on peut constater une totale perte de contrôle de l’humain: la crise environnementale, le système financier au bord de l’implosion et notre incapacité à faire face à la robotisation de la société ». Si l’on a tendance traiter ces éléments séparément, ils constituent toutefois « la même vague scélérate ».

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« Le meilleur exemple, détaille le chroniqueur, c’est qu’on utilise des produits dérivés de la finance pour pallier les catastrophes environnementales… Comme si l’on oubliait que des difficultés se posent d’un point de vue économique au moment d’apporter de l’aide aux populations après un tremblement de terre ou un tsunami. »

« Concernant l’intelligence artificielle, continue-t-il. Nous confions son évolution à l’armée, comme si cela ne comportait aucun risque. Cela résulte d’une tendance très humaine à mettre les menaces potentielles entre parenthèses, en se disant qu’il y a bien quelqu’un, quelque part, qui finira par s’en occuper. »

« Bref, tous ces problèmes ne sont pas à prendre à la légère, et nos sociétés, par leur complexité, favorisent les effets de contagion d’un domaine à l’autre. Regardez la crise des subprimes, que j’ai annoncée, je ne pensais pas que cela tournerait en crise mondiale, mais la réalité a montré que tout était désormais globalisé. »

En ceci, la démonstration de Paul Jorion est plutôt originale: « Pour la première fois, je montre que la machine est bloquée sur différents aspects, et qu’il faudrait tout résoudre d’un coup. »

Plus aucune chance pour l’espèce humaine ?

Si l’anthropologue se montre avant tout pessimiste, c’est qu’il constate que « nous sommes loin de prendre conscience de la gravité des choses« , même s’il est permis d’encore conserver un léger espoir en la survie de l’humanité : « Il y a des endroits au monde où l’on prend les difficultés actuelles au sérieux, à l’image de la Chine qui engage notamment sa population à baisser sa consommation de viande de moitié. » Et c’est là aussi que les ordinateurs les plus puissants sont destinés à prévoir les phénomènes météorologiques.

« Que nous ayons baissé les bras en Occident, ne veut pas dire l’humanité ne va pas réagir », assène M. Jorion.

Au fil de la discussion, il semble que l’intellectuel belge oscille entre la raison et l’espoir, « cela dépend aussi d’une jour à l’autre« , reconnaît-il. Ainsi, au début de son livre, il argue que nous ne pourrons pas évacuer la triple menace qui plane sur nos tête en faisant simplement le gros dos – « ce n’est pas une crise, ma p’tite dame, c’est une extinction« , écrit-il. Mais, à la dernière page, il se demande tout de même « pourquoi ne pas espérer que (l’espèce humaine) survive, et tant qu’à faire, et pour changer un peu, dans un bonheur moins chichement obtenu et plus généreusement partagé ? »

—> « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », Paul Jorion, éditions Fayard, 2016.

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