Les malthusiens ont encore frappé, par Françoise Degert

Billet invité. Sur son propre blog.

L’obsession américaine de l’accès aux ressources face à l’augmentation de la population humaine n’a pas diminué. Le fameux Paul Ehrlich qui a publié en 1960 The population bomb récidive. Toujours entouré de scientifiques, il lance cette fois-ci un cri d’alarme à propos de la disparition des animaux sur terre. En cause : les humains et leur manie de se reproduire et d’augmenter en nombre.

L’obsession américaine de l’accès aux ressources face à l’augmentation de la population humaine n’a pas diminué. Paul Ehrlich qui a publié en 1960 avec sa femme Anne H. The population bomb, ouvrage traduit en français sous le titre La bombe P, récidive. Toujours entouré de scientifiques, il lance cette fois-ci un cri d’alarme à propos de la disparition des animaux sur terre. En cause : les humains et toujours leur manie de se reproduire et d’augmenter en nombre.

Il est vrai que la nature souffre en ce moment, et ce depuis l’ère industrielle, débutant au 18e siècle en Grande-Bretagne et au 19e en Europe et en Occident. Pour masquer le véritable responsable de cette catastrophe écologique, quelques scientifiques bien vus des néo-conservateurs tels Paul Ehrlich ressortent à chaque fois la responsabilité humaine dans la catastrophe. Humaine seulement, car il ne faut surtout pas mettre en cause la responsabilité du système économique – le capitalisme – , il est hors de question d’en changer. Or ce que l’homme fait, il peut le défaire ou faire autrement et c’est justement ce qu’il ne faut pas envisager… Malgré l’assourdissant silence des médias, des voix s’élèvent pourtant contre cette pensée dominante. Citons, entre autres, les ouvrages de Paul Jorion, cet anthropologue non-marxiste passé par la finance, qui a publié Le dernier qui s’en va éteint la lumière et Se débarrasser du capitalisme est une question de SURVIE.

Cette idéologie de conservation liée au malthusianisme fonde toute la politique environnementale et du développement durable que nous subissons actuellement. Pour conforter cette idéologie, on nous a récemment servi « l’anthropocène ». Qu’est ce que c’est ? Là encore, il s’agit de convaincre l’opinion que l’humanité est tellement responsable de la catastrophe écologique qu’elle a laissé une empreinte géologique sur terre et qu’on peut parler d’ère « anthropocène ». Il y a eu quelques débats sur le début des dégâts provoqués par l’homme. Le paléolithique ? Non, les hommes se nourrissaient de gibier et de cueillette et en plus ils n’étaient pas nombreux. Difficile de faire croire à une telle catastrophe écologique dans ces conditions. Le néolithique lorsque sont apparues la pierre polie et l’agriculture ? Là, les partisans étaient plus nombreux, surtout ceux qui ont dans le collimateur les éleveurs et les agriculteurs. Mais ce n’était pas convaincant. Finalement, certains géologues ont mis un terme à leurs débats en affirmant haut et fort que l’anthropocène n’était pas une ère géologique *, tout au plus une étape historique. À noter que Jason W. Moore, professeur à l’université Binghamton (USA), pourfend lui aussi l’idée d’anthropocène et parle carrément de « capitalocène ». Même son de cloche chez le géographe suédois Andreas Malm, pour lequel il ne convient pas de sonder dans les archives de l’espèce humaine les causes du réchauffement climatique, mais plutôt dans celles de l’Empire britannique (1).

Le masque de l’anthropocène étant tombé, on en revient à l’histoire. À quand remonte la catastrophe écologique ? Il faut lire Marx écologiste par John Bellamy Foster pour en connaître l’origine. En 1840, l’étude de Justus von Liebig, intitulée Chimie organique appliquée à la physiologie végétale et à l’agriculture, a bouleversé les esprits et contredit les théories malthusiennes. Elle démontre les effets néfastes de l’agriculture industrielle pratiquée dès cette époque en Angleterre. Commentant l’étude de Liebig, Marx voit dans la rupture du métabolisme entre l’économie et la nature l’origine de la catastrophe écologique. En clair, avant la révolution industrielle, l’éleveur et le paysan rendaient à la terre ce qu’ils lui prenaient ou empruntaient en y laissant des fumures. L’homme participait ainsi au cycle de vie. Poussée par la recherche de rendements pour nourrir les villes et par le manque de bras, l’agriculture industrielle épuise les sols obligeant l’Angleterre à acheter du guano en Amérique du Sud jusqu’aux ossements laissés sur les champs de bataille pour nourrir à nouveau la terre … Notons que ce « métabolisme » encensé par Marx est encore pratiqué par les éleveurs extensifs, transhumants et les paysans. En conclusion : ce ne sont pas les hommes dans leur ensemble qui détruisent le monde mais le système économique aux mains d’une infime minorité qui détient le pouvoir.

Pour en finir : cette offensive de Paul Ehrlich & Co. ne doit pas être prise à la légère. Elle justifie à l’avance de prochaines décisions politiques et économiques graves, telles celles prises dans les années 60 et 70 sur la biodiversité. Elle manifeste aussi une certaine agitation dans un contexte de crise mondiale aiguë, à la veille d’un krach d’ampleur inégalée…

Notes  

1 – Andreas Malm, L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital, La fabrique 2017

* P.J. : À mon sens, les arguments de ces deux géologues sont malheureusement consternants. Ainsi, comme éléments de leur démonstration : 1° on ne peut constater le passage d’une ère géologique à une autre que plusieurs millions d’années plus tard, 2° ceux qui affirment que nous sommes passés d’une ère à une autre n’ont pas suivi la voie hiérarchique (sic), 3° le comité ad hoc ne s’est pas encore réuni (sic), et le tout à l’avenant. J’y reviendrai dans le cadre d’une dénonciation de la cuistrerie de certains scientifiques, incarnations caricaturales de la pensée bureaucratique.

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