Un régulateur, Une banque, Une VaR et une seule (XVI) JP Morgan Chase opéra une réduction cruciale de sa VaR, par Bruno Iksil

Billet invité. Ouvert aux commentaires. Bruno Iksil est l’auteur ici de « Bruno Iksil, surnommé « La baleine de Londres », nous dit ce qui s’est vraiment passé ». Il nous offre ici un nouveau feuilleton sur le contexte de ces événements.

La firme opéra une réduction cruciale de sa 10-Q VaR en dehors du CIO, en dehors du « crédit », en dehors du tout nouveau « modèle du CIO »….

La note de bas de page numéro 1630 du rapport du Sénat américain apporte un autre détail trop ignoré à ce jour : « 30 janvier 2012 email du contrôle des risques de la firme – Reporting, JPMorgan Chase, to Jamie Dimon, JPMorgan Chase, Douglas Braunstein, JPMorgan Chase, and others, “JPMC Firmwide VaR – mise à jour quotidienne – valorisation du 27 Janvier 2012,” JPM-CIO-PSI 0001339 (“La VaR 95% de la firme dans le 10-Q est au jour du 27 janvier 2012 de $108 millions par rapport à la limite qui est de $125 millions, soit une chute de $53 millions par rapport à la VaR du jour précédent (implémentation du nouveau modèle de VaR pour synthetic credit).”), Février 2012 “CIO February 2012 Business Review,” JPM-CIO-PSI 0000289, at 290 (“Today’s Attendees, Operating Committee, Jamie Dimon, Doug Braunstein,” and others.).” Cette note de bas de page ici parle de $53 millions de réduction pour la VaR de la firme, déclenché par ce changement de modèle de « Crédit » où la VaR « Crédit » elle-même n’a baissé que de $30 millions. Cela n’est possible qu’en modifiant des corrélations apparaissant entre le secteur « crédit » et les autres secteurs de marché tels que « taux », « actions », « devises », « matières premières », « métaux précieux ». Bref le passage de $30 millions à $53 millions ne concerne que la firme et on se demande bien comment ce « portefeuille synthétique de corrélation » concentré sur le « crédit » pouvait bien diversifier plus les autres secteurs, comme cela tout d’un coup entre le 26 janvier 2012 et le 27 janvier 2012 dans les modèles de JP Morgan… Aucune défaillance des formules employées à Londres au CIO seul dans sa calculette locale sur des produits dérivés de « crédit », quelle qu’elle fût, ne pouvait affecter les formules exactes de New York sur les secteurs qui précisément n’intègrent PAS de produits dérivés de crédit. On ne trouvera aucune explication à ce mystère même lointaine dans la très longue annexe que Mike Cavanagh consacra (20 pages sur 131 pages au total) à la VaR en janvier 2013 au nom de Dimon, du Directoire et de JP Morgan.

Pour finir, sans cette réduction de dernière minute sur la VaR fin Janvier 2012 sur des corrélations n’ayant aucun lien avec le portefeuille « synthétique » du CIO, la VaR 10-Q rapportée mensuellement n’aurait pas été de $126,4 millions. Comment peut-on arriver à ce chiffre tout d’abord ? En reprenant le calendrier des états donnés en annexe du rapport du Sénat et en supposant que la VaR croissait régulièrement d’un jour sur l’autre pour les journées manquantes. La Ligne de base de la VaR de JP Morgan se situe entre $105 et $110 millions hors incident. En procédant ainsi on peut arriver à ce chiffre de $126,4 millions. Ensuite, on va estimer simplement que la VaR totale de la firme ne pouvait en fait baisser plus au final que la VaR crédit de la firme elle-même, justement du fait que les corrélations entre secteur sont faibles et stables. (Je passe sur les détails du calcul matriciel. Mais les experts de la variance comprendront). Si donc, dans le meilleur des cas la réduction ne pouvait dépasser $30 millions, alors la firme aurait sorti une VaR de plus de $130 millions soit un dépassement de $5 millions au-dessus de la limite de $125 millions. Là les régulateurs n’auraient pu ignorer l’incident dès le 1er février 2012. Là aussi le mythe de la ‘Baleine de Londres’ était mort-né à coup sûr car tous les trades récents auraient du être débouclés.

Si maintenant Stephan et Artajo avaient été suivis dans leurs estimations expertes, quoiqu’approximatives c’est sûr, il est vraisemblable que la firme aurait fait état d’une VaR plus élevée encore. Mais la firme n’avait aucunement besoin du CIO et ce depuis la création même du CIO au sujet de la VaR. Sans cette baisse vraiment déroutante de la VaR, les trades n’auraient donc jamais eu lieu. La ‘Baleine de Londres’ n’aurait pas vu le jour, en tout cas pas sous la forme que nous connaissons en 2017. Quoi qu’il en soit, ces épisodes ne décrivent que des actions du contrôle des risques où les traders du CIO sont mis à part. On ne peut pas leur reprocher grand-chose ici.

Il faut se rappeler que lors de son ‘moment d’aveu’ le 10 mai 2012, Jamie Dimon ne fit pas la lumière sur cet incident de la VaR. La Banque ne dit toujours pas la vérité en juillet 2012 lors du mea culpa sur la valorisation et les contrôles de risque. Fin 2012, face aux questions du Sénat américain, Dimon et Braunstein disaient ne pas se souvenir de ce changement de modèle de VaR. Cela déclencha l’incrédulité d’Ina Drew et d’Irv Goldman apparemment. Pour autant, Mike Cavanagh au nom du directoire en janvier 2013 évita pendant 20 pages d’annexe consacrées à la VaR de montrer ces chiffres là, 27% contre 44%, $53 millions contre $30 millions, $126,4 million contre $130 millions ou plus. En mars 2013, le rapport du Sénat fut très critique mais laissa ces mêmes chiffres discrètement dans des notes de bas de page.

FIN

 

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