Prisonniers d’une idée, par Thomas Jeanson

Billet invité.

S’il y a un point où les prêtres de la religion féroce de l’ultra libéralisme et les disciples bêlants de l’éco responsabilité se rejoignent bien, c’est la prétention.

Les uns comme les autres parlent comme si nous, êtres humains, pouvions considérer librement, de l’extérieur, notre niche écologique pour choisir à notre guise et en toute connaissance de cause, ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire.

Les discours des uns et des autres laissent penser que nous maitrisons suffisamment la situation et ses paramètres pour choisir selon le cas, de considérer l’environnement comme quantité négligeable, ou comme un véhicule pilotable.

Pas de bol, ce n’est ni l’un, ni l’autre et pour plusieurs raisons :

La complexité de l’ensemble Terre – Monde Vivant, interdit de faire des prévisions utiles, du fait du nombre de variables en jeu. Du coup, l’homme, en faisant des choix sur un nombre de critères restreint augmente son profit à court terme, mais dans des proportions qui ont tout d’un pic très, très éphémère.

L’illusion de la conscience ne nous aide pas non plus à établir un rapport apaisé avec notre planète. Nous avançons vite, de certitude invalidée en certitude invalidée, comme un aveugle dans une pièce en bazar, qui crierait «  ça y est, j’ai compris ! » à chaque fois qu’il se cogne.

La fascination pour nos propres créations, bien plus grande que celle qui concerne tout ce qui était là avant nous : Bâtisseurs maladifs, nous construisons sans cesse jusqu’à crouler dessous, et écrivons plus de lignes sur notre grande œuvre humaine que sur tout autre sujet, comme si nous étions le centre du monde, ce qui est loin d’être prouvé.

L’arrachement physique des liens quotidiens et individuels avec nos nécessités vitales… Le progrès en général, nous sépare de la production de nourriture ou de la quête d’eau potable, déléguant ces corvées à des esclaves distants ou mécaniques, nous éloignant méthodiquement de la perception de liens et modifiant notre rapport à la vie. Le résultat de cette distanciation tient en deux mots :  Hors Sol.

Tout cela mis bout à bout finit par établir une position de tiers exclu, résolument satellisé mais dans un éloignement très illusoire.

Le système Terre peut en fait changer la donne assez vite pour redevenir ponctuellement le centre de nos préoccupations. Lors d’une tempête, d’une naissance ou d’un décès, d’évènements qui concernent notre intimité vitale, nous sommes alors parfois puissamment reconnectés avec des questionnements que le cours de la vie nous avait fait, un peu ou beaucoup, oublier.

Nos prétentieux de tout à l’heure se croient suffisamment hors de la niche écologique pour pouvoir en disposer, mais ne proposent pas de sortir du cadre économique pour le faire. C’est pourtant ce qui se passe quand notre survie est en jeu : Personne ne se demande s’il va gagner de l’argent sur ce coup là, quand il court pour sauver sa peau !

Mais quel est donc cet animal capable de considérer le cadre économique qu’il a lui même bâti, comme indépassable, jusqu’à y perdre la vie, alors même que son cadre naturel historique, infiniment concret et palpable, le laisse indifférent ?

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