LA DETTE, LE RETOUR, par François Leclerc

Billet invité.

Disparue de l’actualité, la dette publique va y revenir en août prochain, la Grèce allant sortir de son troisième plan de sauvetage et n’attendant pas cette échéance pour préparer son retour sur le marché.

Elle l’a déjà tâté avec succès avec des émissions obligataires à un ou trois ans – sans que l’on en connaisse les dessous – et s’apprête désormais à tester des titres à sept ans. Aux yeux des autorités européennes, l’examen doit être réussi, car c’est aussi le leur ! Que ce soit à propos du Portugal ou de la Grèce, il est important de pouvoir dire que la page est tournée.

Plus facile à dire qu’à faire. La dette publique grecque approche les 180% du PIB du pays, soit plus de 320 milliards d’euros, et son réaménagement en est toujours au point mort, en raison des désaccords entre le FMI et les autorités européennes à propos de sa soutenabilité. En juin dernier, ces dernières s’accrochaient à l’idée de rallonger le calendrier de remboursement de la dette pour soulager ses versements annuels. Quinze ans supplémentaires étaient envisagés.

Les mauvais esprits s’interrogeaient : à force d’allonger les maturités, en viendront-elles à accepter le principe d’une dette perpétuelle, dont seuls les intérêts sont payés ? Non, ils n’en sont pas là, la dette publique grecque ayant cette particularité d’être détenue dans sa quasi-totalité par des institutions publiques…

Pour embrasser le sujet dans toute son étendue, la Commission va se pencher sur un rapport rédigé par le gouverneur de la banque centrale irlandaise, Philip Lane, pour le Conseil européen du risque systémique (ESRB) qui a été logé au sein de la BCE en 2010. Le mécanisme qui est proposé repose sur la titrisation des obligations souveraines que les banques détiennent en excès, afin de les disséminer sur le marché. Dans le jargon communautaire, des SBBS (Sovereign Bond Backed Security, l’acronyme existe avant le produit !). Classiquement, ces titres comporteraient trois types de tranches proposées aux investisseurs, faites d’obligations sûres (seniors), intermédiaires (mezzanine) ou plus risquées (juniors). Les premières rassembleraient principalement des titres de la dette allemande, espagnole, française et italienne ; les dernières des titres grecs et portugais… Dans la logique de ce mécanisme, l’écart (spread) entre pays sûrs et pays risqués devrait toutefois s’accroître au lieu de se réduire, rendant la gestion de la dette toujours aussi problématique pour les pays de la tranche junior.

Sur le papier, ce mécanisme évite la mutualisation de la dette que rejettent les autorités allemandes. Markus Ferber, le vice-président allemand du comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, a néanmoins exprimé son désaccord avec celui-ci, car une agence de la dette européenne, également dans les limbes, serait susceptible d’émettre des SBBS, et on retomberait dans une mutualisation. Il s’en est tenu à la proposition d’éliminer la convention selon laquelle les titres souverains sont considérés sans risque, ce qui selon lui aboutirait plus simplement au même effet pour les banques.

Standard & Poors avait de son côté jeté un froid lors de la publication du rapport, en annonçant qu’il noterait les SBBS seulement BBB-, loin du AAA espéré. Par ailleurs, la campagne en faveur de l’arrêt des achats obligataires par la BCE menée depuis quelque temps par Jens Weidmann et son allié le néerlandais Klaas Knot produit ses effets, les taux d’emprunt des pays les plus solides de la zone euro se sont fortement tendus.

Loin d’être redoutée, une telle évolution du marché correspond aux souhaits des autorités allemandes, car elle accentue la pression sur les gouvernements et réduit leurs marges de manœuvre budgétaires. Au moment où des discussions sur l’évolution de la zone euro sont relancées, il n’est pas mauvais que cette porte dont les gouvernements n’ont pas la clé soit bien fermée.

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