Les temps qui sont les nôtres : Donald Trump dans ses derniers retranchements, le 10 avril 2018 – Retranscription

Retranscription de Donald Trump dans ses derniers retranchements. Merci à Olivier Brouwer !

Bonjour, nous sommes le 10 avril, et je voudrais vous parler de Donald Trump dans ses derniers retranchements, parce qu’il y a des événements qui se sont passés hier aux Etats-Unis, et qui mettent le président dans une situation extrêmement difficile maintenant. Les dossiers de son avocat, M. Michael Cohen, ont été saisis hier, et pas seulement ses dossiers, probablement, parce que la perquisition a eu lieu à plusieurs endroits, en particulier dans le bureau qu’il occupait dans une firme d’avocats qui s’appelle : Squire Patton Boggs, [chez lui], également dans une chambre d’hotel qu’il occupait pendant qu’on refaisait la décoration chez lui, à différents endroits, à un autre bureau qu’il occupait également. C’est-à-dire que ça a été extrêmement fouillé, et – procédure tout à fait inhabituelle – il s’agit de dossiers qui portent sur la relation confidentielle, sur le secret professionnel entre un client et son avocat, puisqu’il s’agit bien entendu des dossiers qui sont liés à la relation que M. Trump a avec Michael Cohen, son avocat.

La procédure habituelle, aux Etats-Unis, dans un cas comme celui-là, c’est qu’on demande, par la procédure dite du subpoena, on demande les dossiers qui intéressent la justice, et là, une procédure tout à fait inhabituelle a été utilisée, avec un mandat de perquisition, un mandat de perquisition dont la presse et les commentateurs juridiques insistent sur le fait que c’est tout à fait inhabituel, que ça a dû demander en particulier un accord au plus haut niveau du ministère de la justice, impliquant en particulier monsieur Rosenstein, [N°2 au ministère américain de la Justice], qui a la direction de l’affaire du conseiller spécial, M. Robert Mueller, qui enquête sur la collusion possible entre l’équipe de M. Trump et la Russie, la décision d’un juge fédéral bien particulier, et probablement, également, le blanc-seing du ministre de la Justice lui-même, M. Jeff Sessions. C’est-à-dire que toutes ces personnes, qui sont des personnes qui ont été nommées par Trump, se sont mises d’accord sur le fait qu’il y avait une raison impérative pour saisir ces dossiers sans passer par une demande adressée à l’avocat.

Alors, quelles sont les circonstances spéciales qui permettent effectivement de faire cela ? C’est s’il y a suspicion de destruction éventuelle de dossiers, et suspicion également qu’un crime ou un délit grave serait commis si l’on procédait autrement, simplement par une demande, la demande laissant, bien entendu, le temps à la personne de détruire les dossiers. Ttous les commentateurs insistent sur le fait que, à part mettre en prison la femme, le fils, la fille d’une personne pour faire pression sur [elle], le fait de saisir les dossiers de sa relation privilégiée avec son avocat, c’est évidemment ce qu’il y a de plus dangereux. C’est une façon, peut-être, dit l’un des commentateurs, le juriste Alan Dershowitz, c’est peut-être une manière d’essayer de contraindre M. Trump de déposer devant la commission Mueller, mais c’est aussi, simplement, le fait qu’il y a une suspicion au plus haut niveau, et donc parmi des gens qui seraient des alliés, je dirais « logiques », de M. Trump, puisqu’il les a nommés. Ce ne sont pas des Démocrates, qu’il accuse de tous les maux, mais ce sont bien des Républicains. Ce ne sont pas non plus des Républicains qui auraient été nommés par M. Obama (qui est le deuxième dans l’ordre des crimes qu’on peut commettre selon lui) : ce sont des gens qui sont en principe de son côté, mais qui se sont donc mis d’accord entre eux sur le fait qu’il y avait quelque chose de très très grave en train d’avoir lieu.

Alors, qu’est-ce qu’il reste comme arme à M. Trump ? Eh bien, il peut essayer de démettre M. Mueller. Malheureusement [pour lui], il semble qu’il soit bien tard pour démettre M. Mueller puisqu’en fait, ce n’est pas M. Mueller qui a demandé les perquisitions qui ont eu lieu hier : il a révélé, apparemment, des données qui ont conduit [le district] sud de New-York à prendre les mesures [lui]-même, ces mesures de perquisition. Donc, il ne s’agit probablement pas de quelque chose directement lié à l’idée de la collusion avec la Russie, il s’agit probablement de quelque chose lié avec ce versement de 130 000 dollars fait par M. Cohen à l’actrice du porno, de son vrai nom Stephanie Clifford (ou bien Stephanie Gregory qui est son nom de naissance), et plus connue sous le nom de Stormy Daniels. Donc, il s’agit sans doute de cette affaire de paiement, dont on peut considérer qu’il s’agit en fait d’une infraction [à la loi régissant le] financement des campagnes électorales, puisque ce paiement a eu lieu dans les derniers jours précédant l’élection.

Mais, il y a peut-être d’autres choses, tout le monde le dit, il y a peut-être d’autres choses encore qui ont été découvertes, par exemple certains types de financements illégaux. On parle aussi d’une somme inhabituelle de 150 000 dollars qui a été payée par un Ukrainien en demandant à M. Trump, en échange, de parler quelques minutes seulement, à distance, sur un écran, lors d’une réunion en Ukraine. Et la suggestion est faite qu’en fait, il a été demandé à cet Ukrainien de faire le paiement – ce ne serait pas lui qui aurait pris l’initiative de le faire, on lui aurait demandé de le faire pour la « bonne cause » – là aussi, durant la campagne électorale.

Alors, que peut faire M. Trump ? Il peut faire comme il fait d’habitude, c’est-à-dire tempêter, et il l’a fait hier : une réunion avait lieu, qui a été consacrée à la Syrie et à des réponses possibles à l’empoisonnement aux gaz toxiques, [des faits] auxquels les Etats-Unis ont décidé de réagir promptement et violemment, en coordination, d’ailleurs, avec d’autres pays (vous avez dû entendre des déclarations à ce sujet aussi en France), et au lieu de commencer la réunion sur ce sujet-là, et sans qu’on lui ait posé la moindre question sur ces perquisitions chez son avocat, il a passé un long moment à essayer d’incriminer un certain nombre de personnes, en particulier à dire que c’était tous des gens liés au Parti démocrate et qui essayaient d’avoir sa peau dans une chasse aux sorcières. Il a fait aussi allusion, bien entendu, à la possibilité qu’il a d’éventuellement révoquer M. Robert Mueller à la tête de son enquête. Mais là aussi, comme le font remarquer les commentateurs, il est un peu tard : s’il démet M. Mueller, il y a déjà des poursuites au niveau de New-York, il y a encore des poursuite [vis-à-vis de] son beau-fils Jared Kushner [par un procureur fédéral à Brooklyn] Un certain nombre de personnes sont déjà inculpées ou inquiétées en-dehors même de l’enquête de M. Robert Mueller [par l’État de New York].

Il y a aussi un précédent aux Etats-Unis. Il y a un précédent aux Etats-Unis, c’est ce qu’on appelle le Saturday Night Massacre, le « massacre du samedi soir », quand dans une situation tout à fait semblable à celle de M. Trump aujourd’hui, M. Nixon avait réagi à l’enquête sur le Watergate en révoquant le conseiller spécial, c’est-à-dire l’enquêteur privilégié, monsieur Archibald Cox (« Archie » Cox). Il l’avait démis de ses fonctions pour essayer de torpiller, bien entendu, l’enquête, et le ministre de la Justice et son adjoint avaient démissionné, ce qui avait aussitôt provoqué dans la classe politique plusieurs initiatives d’impeachment, donc de procédure de destitution du président, et devant le fait que l’impeachment aurait lieu, Nixon a préféré démissionner. Donc, on est à un moment tout à fait crucial.

Qu’est-ce qui peut encore se passer ? Eh bien, il se passe en même temps, bien entendu, cette affaire de la Syrie. Il y a là la possibilité pour M. Trump d’agir violemment de ce côté-là, et on pourrait se retrouver, de ce côté-là, dans une situation qui rappellerait une situation décrite dans un film, un film connu des années [90], qui s’appelle : « Wag the Dog », un film, si j’ai bon souvenir de Barry Levinson, avec, dans les rôles principaux, Robert De Niro et Dustin Hoffman. Et là, l’histoire était la suivante : c’était un président qui se trouvait dans une situation difficile en raison d’un scandale d’ordre sexuel, et certains de ses conseillers, avec l’aide de producteurs d’Hollywood, vont mettre en scène une guerre à l’étranger pour essayer d’attirer l’attention ailleurs que sur ce qui est en train de se passer. Et dans l’histoire du film, c’est un incident avec l’Albanie. Dans la réalité, bien entendu, la tension avec la Russie autour de la Syrie, avec la Syrie elle-même, l’Iran et la Turquie, ne serait pas une mise en scène puisque la tension a monté de ce côté-là. Et de toute manière, y aurait-il même une troisième guerre mondiale, la machine judiciaire est lancée maintenant aux Etats-Unis, [ce] qui ferait que l’enquête continuerait de toute manière, puisqu’il y a une administration, et que donc, les événements montrent qu’elle a bien réagi et que les contre-pouvoirs qui sont inscrits à l’intérieur des institutions américaines ont jusqu’ici bien réagi, comme on l’attend de leur part, de constituer de véritables contre-pouvoirs contre des abus qui seraient [commis] ici ou là, et en particulier par un président, comme ça a été le cas avec Nixon et comme c’est le cas maintenant avec Trump.

Alors, on va voir ce qui va se passer, mais les heures, les jours, les semaines qui viennent vont être très intéressantes, puisque maintenant, Trump est effectivement dans ses derniers retranchements. Un commentateur faisait la remarque que si on capture les conversations que vous avez avec votre coiffeur, avec votre [thérapeute], avec votre avocat, il n’y a plus grand-chose que vous ayez sur le cœur qui ne soit pas connu, à partir de là, du public. Alors, c’est la situation dans laquelle se trouve Trump maintenant ; je vous tiens, bien entendu, au courant de nouveaux développements.

Voilà, merci.

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