Chair à canon pour la fortune d’autocrates ? le 20 juillet 2018 – Retranscription

Retranscription de Chair à canon pour la fortune d’autocrates ? Merci à Éric Muller, Nicolas Bolle et Olivier Brouwer !

Bonjour,  nous sommes le vendredi 20 juillet 2018.

Et je vais commencer pas répondre à une question qui m’a été posée hier, de quelqu’un un petit peu furieux, qui n’avait pas l’air très content de la vidéo que j’avais faite hier, et qui me disait « Pourquoi est-ce que vous faites ça ?, Pourquoi est-ce que vous faites ça ? ». Je lui ai répondu – et vous avez peut-être vu – je lui ai répondu et malheureusement il s’agissait d’une officine ou d’un troll, parce que ma réponse ne lui est jamais parvenue : l’adresse était fausse. D’ailleurs, cela vient d’un site qui indique clairement que si on vous envoie des messages de chez eux, c’est faux, parce que leur boîte mail ne fonctionne pas de cette manière-là. Mais enfin, bon, la question était quand même intéressante – Pourquoi est-ce que je fais ça ? – j’y ai réfléchi, et avant de passer à la suite, je vais vous donner la réponse.

Pourquoi est-ce que j’ai écrit un livre sur la crise des subprimes – qui m’a donné une certaine notoriété, puisque la crise a éclaté un peu après la parution du livre ? Eh bien, simplement, parce que j’avais le sentiment de voir des choses, des choses dangereuses, autour de moi, et le sentiment que la plupart des gens ne les voyaient pas. Et donc je me suis simplement mis à ma fenêtre en disant « Écoutez ! Y’a le feu ! Y’a le feu ! » Plutôt que de monter dans tous les étages, et d’essayer d’ameuter tout le monde, je me suis mis à ma fenêtre et j’ai dit « Écoutez ! Y’a le feu ! ». Et, l’autre jour, c’était vendredi dernier, quand j’ai vu cette inculpation de [douze] fonctionnaires russes apparaître, j’y ai lu aussi, également, quelque chose que j’avais le sentiment de lire mais que la plupart des gens autour de moi ne lisaient pas. Ceux qui ont rédigé le texte, eux, l’avaient mis dedans, mais j’ai l’impression qu’ils ne l’avaient pas mis pour lecture immédiate. C’était dans une boîte à outils de choses à utiliser plus tard. Mais il était écrit, en pointillé : « M. Trump est l’agent d’une puissance étrangère », pas pour qu’on le lise tout de suite effectivement, mais pour que ça puisse servir plus tard en disant : « Et bien voilà, le vendredi 13 juillet, nous l’avions déjà indiqué ».

Et puis toute la machine s’est mise en marche. Et dans les choses qui se sont passées hier, il y a eu l’épisode suivant de cela. Pourquoi est-ce que j’hésite une seconde ? C’est parce qu’on a attiré l’attention sur le fait que la personne qui avait fait la déclaration justement de cette inculpation de [douze] fonctionnaires russes c’était monsieur Rod Rosenstein, le numéro deux du ministère de la Justice aux États Unis. Et en principe, ça n’aurait pas dû être lui qui aurait dû le faire, ç’aurait dû être M. Robert Mueller à la tête de la commission mise en place spécialement pour voir s’il y a une collusion ou non entre la Russie et Trump et son équipe. Et donc Rosenstein avait pris la peine de couvrir d’une certaine manière son subordonné dans cette affaire, M. Robert Mueller ancien chef du FBI en assumant les accusations. Il l’avait déjà fait en février. Là il ne s’agissait pas d’inculper douze fonctionnaires mais là d’inculper treize personnes liées à une officine d’intoxication, d’informations… de désinformation si vous voulez, mais constitué essentiellement de non fonctionnaires.

Donc chaque fois qu’il s’agissait d’une chose très importante, M. Rosenstein montait au créneau et ce qui m’avait frappé dans la déclaration de vendredi c’était le fait qu’il parlait d’un ton extrêmement assuré alors que c’est une personne qui est manifestement assiégée par les gens proches de Trump. Donc il y avait un contraste entre le fait qu’il est assiégé… (normalement il aurait dû être un petit peu sur la défensive mais il ne l’était absolument pas). Je vous ai déjà fait allusion, il y a un ou deux jours, au fait que quand il parle maintenant il s’adresse à l’avenir. Il ne répond pas aux gens autour de Trump. Il les ignore de manière délibérée. Et là, il y a eu une chose importante. Je regardais ça, il était une heure du matin pour nous, ça devait se passer en début de soirée à Washington. Ah pardon, ce n’était pas Washington, c’était à Aspen dans le Colorado. C’était une grande réunion sur la sécurité, sur les problèmes de sécurité, et M. Rosenstein est intervenu.  Et là il a fait une déclaration. Je vais d’abord vous parler du contenu et ensuite de la forme.

Le contenu ça a été de dire essentiellement deux choses sur ces questions d’espionnage et d’interférences, d’ingérence d’une puissance étrangère : « Nous sommes maintenant arrivés à une coordination. L’ensemble des services américains sont coordonnées. Ils travaillent ensemble là-dessus et nous allons aller au-delà. Nous allons informer le public des menaces en temps réel. » Il a dit une autre chose aussi qui ne me revient malheureusement pas… Ah si ! Il a dit : « Il y a un accord dans la nation au sujet du fait que sur ces questions de protection du pays contre les ingérences étrangères, que c’est une question de patriotisme et que ce n’est pas une question d’appartenir à un parti ou à un autre. Nous sommes maintenant d’accord là-dessus. »

Alors ça c’est pour le fond. Pour la forme, de la même manière que… Et ça c’est peut-être là la formation de psychanalyste où on s’intéresse au fond bien entendu, à ce qui est dit, mais on s’intéresse aussi surtout à la façon symptomatique dont les choses sont dites. Et c’est ça qui avait alerté mon attention sur cette inculpation : il y avait quelque chose [de] dit en plus. Il y avait quelque chose à lire entre les lignes. Et ce qu’il y avait à lire entre les lignes c’était cette notion de haute trahison qui était mentionnée.

Et en écoutant Monsieur Rosenstein pendant … Je ne sais pas, il a parlé une demi-heure ou trois quarts d’heure… Je me disais : « Ça me rappelle quelque chose ! » Et ce que ça me rappelait, c’était [l’Appel] du 18 juin. C’était quelqu’un qui dit : « Voilà nous avons… il y a une guerre… nous avons perdu une bataille mais nous sommes prêts, nous sommes prêts pour la suite. »

Je ne vais pas faire trop long aujourd’hui (sourire). Qu’est-ce qu’il y a eu d’autre dans la journée d’hier ? Essentiellement cela, voilà. C’est que les discussions, aux États-Unis, sur ce qui est en train de se passer continuent à la une des grands journaux, mais ça commence à apparaître, surtout les références que vous voyez, ce sont des magazines et des publications spécialisés dans la guerre. Il a été beaucoup question, hier, du Magnitsky Act, qui serait peut-être une des choses dont messieurs Poutine et Trump auraient parlé lors de leur réunion à huis clos. C’est une chose qui a déjà été évoquée dans les contacts entre Russes et Américains (au cas où il y aurait encore des gens qui mettraient en doute la question même de contacts), c’est lors d’une réunion qui avait eu lieu et où se trouvait Donald Trump Jr, une réunion où il était mis à l’ordre du jour de parler de ce Magnitsky Act. Qu’est-ce que c’est que ce Magnitsky Act ? C’est un Act (un Act, c’est un ensemble de lois) qui vise essentiellement l’argent sale aux États-Unis, et en particulier, bien entendu, celui qui viendrait d’autres pays. (Pourquoi Magnitsky ? Magnitsky est un comptable russe qui avait dénoncé certains oligarques russes et qui, apparemment, est mort, battu à mort en prison.) Et donc, un ensemble d’autres pays ont mis en place des lois pour justement empêcher la circulation d’argent sale russe.

Et donc, pourquoi est-ce qu’on a parlé de ça surtout hier ? Eh bien, parce qu’on s’est intéressé à la liste des personnalités que M. Poutine voudrait faire venir en Russie, des personnalités américaines, pour les interroger, voilà. Proposition à laquelle Trump a quand même, hier dans la soirée, dit qu’il n’y répondrait pas favorablement, devant le tollé, mais les journalistes se sont intéressés immédiatement à qui était sur cette liste, et ce qui relie l’ensemble de ces personnes, c’est le Magnitsky Act, ce sont des gens qui ont défendu ça, qui ont proposé ça et qui, dans des livres, disent que c’est une bonne chose.

Alors, qu’est-ce qu’on découvre ? (Et je vais terminer là-dessus.) On découvre que M. Trump est peut-être un naïf qui, au départ, s’est dit simplement : « Je vais gagner plus d’argent en étant président des États-Unis », et que maintenant, toutes ces affaires de guerre, de guerre larvée, tournent autour d’argent, de fortunes que pourraient posséder l’une ou l’autre personnalité russe et dont il ou elle estimerait qu’elles sont menacées par la loi américaine telle qu’elle existe maintenant.

Alors, conclusion : nous sommes dans un drôle de monde où nous risquons des guerres généralisées où les grandes puissances s’affrontent autour de fortunes personnelles de dirigeants de pays. Ça, c’est une chose qu’il faut dénoncer, je suis à mon balcon comme vous voyez en ce moment et je vous dis : « Nous sommes dans un drôle de monde où on essaye de mobiliser les populations dans un sens ou dans l’autre, à l’aide du populisme ou de l’ultralibéralisme, essentiellement pour défendre les fortunes de l’un ou l’autre dans les différents pays. Ce n’est pas une bonne chose, il faut que nous le dénoncions ! ».

Alors, pourquoi je fais ce que je fais ? Eh bien, je continue parce que je suis pour un monde meilleur, un monde plus juste, un monde où il y a égalité, où on n’est surtout pas pris pour des gogos, où on ne se fait pas systématiquement rouler par des dirigeants qui, en fait, vous mobilisent et sont prêts à vous envoyer au front comme chair à canon pour défendre leur fortune personnelle, et ceci vaut pour l’ensemble des pays.

Voilà, allez ! Je ne sais pas si c’est « à demain », on va voir, mais comme les choses sont parties, ça risque d’être demain.

Allez, à bientôt !

 

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