À quoi ressemblera mon livre « La chute de la météorite Trump » ?

Eh bien, c’est très simple, il s’agira d’une chronologie des événements et de mes réflexions sur ces événements, mais commentée par moi a posteriori, à la lumière de ce qu’on aura appris par la suite.

Un exemple ? Mais bien sûr ! Voici, l’entrée pour le 10 avril 2018.

10 avril 2018

La saisie de milliers de dossiers appartenant à Michael Cohen, l’avocat personnel de Donald Trump intervenue ce jour constitua bien entendu un geste majeur de défiance de l’institution judiciaire envers le Président. Le fait qu’il s’agisse d’une démarche non-transactionnelle, non-négociée, alors que l’option existait de demander simplement que ces dossiers soient communiqués à la Justice situait bien entendu la gravité des soupçons pesant sur lui. On comprendra a posteriori que le caractère inhabituel voire monstrueux du fait que le dirigeant d’une nation – et pas n’importe laquelle : la première puissance économique et militaire – ait été de facto sinon de jure l’agent d’une puissance étrangère, aura nécessité la mise en place d’un dispositif tout aussi inhabituel et que le fait qu’une partie considérable de la population lui était favorable aura exigé des autorités judiciaires qu’elles jouent son inculpation et son arrestation comme une partie d’échecs ou, mieux encore, comme une véritable campagne militaire puisqu’il s’agissait de rien moins que la bataille décisive d’une Troisième guerre mondiale dont on ignorait jusque-là l’existence. 

On ne sera pas étonné que j’aie mentionné ce jour-là le rôle tout particulier qu’aura joué dans cette décision Rod Rosenstein, numéro 2 du ministère de la Justice, et le fait qu’il aura dû coordonner sa décision avec d’autres acteurs de très haut niveau eux aussi nommés par Trump et dont il attendait, bien entendu, une loyauté sans faille, au prix même d’enfreindre la loi.

Donald Trump dans ses derniers retranchements 

Aujourd’hui 10 avril, je vous parlerai de Donald Trump dans ses derniers retranchements, parce que des événements qui se sont passés hier aux Etats-Unis, mettent le président dans une situation désormais extrêmement inconfortable. Les dossiers de son avocat, M. Michael Cohen, ont été saisis hier, et probablement pas seulement ses dossiers, parce que la perquisition a eu lieu à plusieurs endroits, en particulier dans le bureau qu’il occupait dans une firme d’avocats appelée Squire Patton Boggs, chez lui, également dans une chambre d’hôtel qu’il occupait pendant qu’on refaisait la décoration chez lui, et à un autre bureau qu’il occupait également. C’est dire que les perquisitions ont été extrêmement fouillées, et – procédure tout à fait inhabituelle – il s’agit de dossiers dont certains portent sur la relation confidentielle, couverte du secret professionnel, existant entre un client et son avocat, puisqu’il s’agit bien entendu des dossiers liés à la relation que M. Trump a avec Michael Cohen, son avocat.

La procédure habituelle, aux États-Unis, dans un cas comme celui-là, c’est qu’on requière, par la procédure dite du subpoena, les dossiers qui intéressent la justice, et là, une procédure tout à fait inhabituelle a été utilisée, avec un mandat de perquisition, à propos duquel la presse et les commentateurs juridiques insistent sur le fait qu’elle a dû requérir en particulier un accord au plus haut niveau du ministère de la Justice, impliquant en particulier monsieur Rosenstein, [N°2 au ministère américain de la Justice], qui a la direction de la commission du conseiller spécial, Robert Mueller, qui enquête sur une collusion possible entre l’équipe de Trump et la Russie, la décision d’un juge fédéral particulier, et probablement, également, le blanc-seing du ministre de la Justice lui-même, Jeff Sessions. Ce qui veut dire que toutes ces officiels, ayant été nommés par Trump, se sont mis d’accord sur le fait qu’une raison impérative existait pour saisir ces dossiers sans passer par la procédure moins lourde d’une simple demande adressée à l’avocat.

Quelles sont les circonstances spéciales qui permettent effectivement de faire cela ? C’est s’il y a suspicion de destruction éventuelle de dossiers, et suspicion également qu’un crime ou un délit grave serait commis si l’on procédait autrement, par une simple demande, une telle requête laissant, bien entendu, le temps à la personne de détruire les dossiers. 

Tous les commentateurs insistent sur le fait que, à part mettre en prison la femme, le fils, la fille d’une personne pour faire pression sur elle, le fait de saisir les dossiers de sa relation privilégiée avec son avocat, est évidemment ce qu’il y a de plus menaçant pour elle. C’est une façon, peut-être, dit l’un des commentateurs, le juriste Alan Dershowitz, d’essayer de contraindre Trump de déposer devant la commission Mueller, mais c’est aussi, plus directement, la manifestation du fait qu’existe une suspicion au plus haut niveau, et de fait donc parmi des gens qui devraient être des alliés, disons « logiques », de Trump, puisque c’est lui qui les a nommés à leur poste. Il ne s’agit pas de Démocrates, qu’il accuse de tous les maux, mais bien de Républicains. Ce ne sont pas non plus des Républicains qui auraient été nommés par Obama (et soupçonnables d’hostilité à son égard par Trump à ce titre), il s’agit bien de personnes qui devraient lui être acquises, mais qui se sont donc accordées entre elles sur le fait qu’il y avait quelque chose d’extrêmement grave, requérant des mesures exceptionnelles.

Que reste-t-il comme armes à Trump ? Il peut tenter de démettre Robert Mueller. Malheureusement pour lui, il semble qu’il soit bien tard pour cela puisqu’en fait, ce n’est nullement Mueller qui a requis les perquisitions ayant eu lieu hier : il s’est contenté apparemment de révéler des faits ayant conduit les autorités judiciaires du district sud de New-York à lancer elles-mêmes, cette procédure de perquisition. Il ne s’agit donc probablement pas de quelque chose directement lié à une collusion avec la Russie, il s’agit sans doute de quelque chose lié à ce versement de 130.000 dollars fait par Cohen à l’actrice du porno Stephanie Clifford, plus connue sous le nom de Stormy Daniels. Il doit s’agir de cette affaire de paiement, dont on peut considérer qu’il s’agit en fait d’une infraction à la loi régissant le financement des campagnes électorales, puisque ce versement est intervenu dans les derniers jours précédant l’élection.

Mais, il y a peut-être d’autres choses encore qui ont été découvertes, par exemple certains types de financements illégaux. On parle aussi d’une somme inhabituelle de 150.000 dollars qui a été payée par un Ukrainien en demandant à Trump, en échange, de parler quelques minutes seulement, à distance, sur un écran, lors d’une réunion en Ukraine. Et la suggestion est faite qu’en réalité, il a été demandé à cet Ukrainien de faire le paiement – ce ne serait pas lui qui aurait pris l’initiative de le faire, on lui aurait demandé de le faire pour la « bonne cause » – là aussi, durant la campagne électorale.

Alors, que peut faire Trump ? Il peut faire comme il fait d’habitude, c’est-à-dire tempêter, et il l’a fait hier : une réunion avait lieu, qui a été consacrée à la Syrie et à des réponses possibles à l’empoisonnement aux gaz toxiques, des agissements auxquels les Etats-Unis ont décidé de réagir promptement et violemment, en coordination d’ailleurs, avec d’autres pays (vous avez dû entendre les déclarations à ce sujet aussi en France), et au lieu de commencer la réunion sur ce sujet-là, et sans qu’on lui ait posé la moindre question sur ces perquisitions chez son avocat, il a passé un long moment à essayer d’incriminer un certain nombre de personnes, en particulier à dire qu’ils étaient tous liés au Parti démocrate et essayaient d’avoir sa peau dans une chasse aux sorcières. Il a fait aussi allusion, bien entendu, à la possibilité qui est la sienne d’éventuellement révoquer Robert Mueller à la tête de son enquête. Mais là aussi, comme le font remarquer les commentateurs, il arrive un peu tard : s’il démet Mueller, des poursuites ont déjà été engagées dans la juridiction de New York, il y a encore d’autres poursuites visant son beau-fils Jared Kushner par un procureur fédéral à Brooklyn. Un certain nombre de personnes sont déjà inculpées ou inquiétées en-dehors même de l’enquête de Robert Mueller en particulier dans l’État de New York.

Il y existe un précédent à une situation de ce type aux États-Unis, c’est ce qu’on appelle le Saturday Night Massacre, le « massacre du samedi soir », quand dans une situation tout à fait semblable à celle de Trump aujourd’hui, Nixon avait réagi à l’enquête sur le Watergate en révoquant le conseiller spécial, c’est-à-dire l’enquêteur privilégié, Archibald Cox (« Archie » Cox). Il l’avait démis de ses fonctions pour essayer, bien entendu, de torpiller l’enquête, et le ministre de la Justice et son adjoint avaient démissionné, ce qui avait aussitôt suscité dans la classe politique plusieurs initiatives d’impeachment, c’est-à-dire de procédure de destitution du président. Devant la menace que l’impeachment soit prononcé, Nixon avait préféré démissionner. On est donc à un moment tout à fait crucial.

Qu’est-ce qui peut encore se passer ? Il y a au même moment, bien sûr, l’affaire de la Syrie. Il y a là la possibilité pour Trump d’agir violemment de ce côté-là, et on pourrait se retrouver dans une situation qui rappellerait celle décrite dans un film connu des années 1990, qui s’appelle : « Wag the Dog » (1997), un film de Barry Levinson avec, dans les rôles principaux, Robert De Niro et Dustin Hoffman. L’histoire était la suivante : un président des États-Unis se trouvant dans une situation délicate en raison d’un scandale d’ordre sexuel, certains de ses conseillers vont mettre en scène, avec l’aide d’un producteur de Hollywood, une guerre à l’étranger pour essayer d’attirer l’attention de l’opinion publique ailleurs que sur ce qui est en train de se passer. Dans l’histoire du film, il s’agit d’un incident avec l’Albanie. Dans la réalité d’aujourd’hui, bien entendu, la tension avec la Russie autour de la Syrie, avec la Syrie elle-même, l’Iran et la Turquie, ne serait pas une mise en scène puisque la tension est montée de ce côté-là. Et, y aurait-il même une troisième guerre mondiale, la machine judiciaire est lancée maintenant aux Etats-Unis, ce qui ferait que l’enquête se poursuivrait de toute manière. L’administration fonctionne, les événements montrent qu’elle a bien réagi et les contre-pouvoirs inscrits à l’intérieur des institutions américaines ont jusqu’ici bien résisté, comme on l’attend de leur part, à savoir de constituer de véritables contre-pouvoirs protégeant des abus qui seraient commis ici ou là, et en particulier venant d’un président, comme ce fut le cas avec Nixon et comme c’est le cas maintenant avec Trump.

Nous allons voir ce qui va se passer, mais les heures, les jours, les semaines qui viennent vont être très intéressantes, puisque maintenant, Trump est effectivement dans ses derniers retranchements. Un commentateur faisait la remarque que si l’on capture les conversations que vous avez avec votre coiffeur, avec votre psy, avec votre avocat, il n’y a plus grand-chose que vous ayez sur le cœur qui ne soit pas connu, à partir de là, du public. C’est la situation dans laquelle se trouve Trump désormais.

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