Mon plan B, le 24 janvier 2020 – Retranscription

Retranscription de Mon plan B, le 24 janvier 2020. Ouvert aux commentaires.

Bonjour, nous sommes le vendredi 24 janvier 2020 et je voudrais revenir dans cette petite vidéo sur une que j’ai faite, c’était il y a exactement  2 semaines, à laquelle j’avais donné le titre hautement évocateur de « Ce que j’ai fait depuis lundi ».

Pourquoi ce titre ? Ça me permettait de couvrir un grand nombre de sujets comme dire un petit mot sur le Brexit, dire un petit mot sur les Etats-Unis et, surtout, ce dont je voulais vous parler, c’était du fait que Vincent Burnand-Galpin et moi, nous avions déposé le manuscrit de ce livre qui, au moment où nous l’avions déposé il y a 15 jours s’appelait : « Etat d’urgence : Comment sauver le genre humain » et puis, après discussion avec l’éditeur, on a laissé tomber cet « état d’urgence » et c’est devenu : « Comment sauver le genre humain » qui est plus clair et direct.

Et ce qui m’avait surpris, c’est que dans les jours qui suivaient, je m’étais dit depuis un certain temps que j’allais me remettre à deux projets qui avaient été remis depuis un certain temps. C’était travailler, terminer véritablement le manuscrit du 2e volume consacré à Trump et une idée qui date d’il y a une dizaine d’années, exactement une dizaine d’années, une suggestion de M. Pierre Nora chez Gallimard, que j’écrive quelque chose qui serait de l’ordre de mémoires, pas sous la forme particulièrement ennuyeuse et auto-congratulante que le style peut avoir mais quelque chose de plus intéressant sur comment on peut naviguer, comment il a été possible à quelqu’un de naviguer dans la deuxième moitié du XXe siècle et le début du XXIe .

Et ma surprise avait été que, dès que j’avais eu un peu de temps, je m’étais précipité à faire tout à fait autre chose à laquelle je ne m’attendais pas, qui était de me replonger dans l’intelligence artificielle, d’aller rechercher les boîtes où se trouvaient mes livres à ce sujet et de me replonger là-dedans et de constituer très rapidement, avec deux d’entre vous, deux physiciens, un petit groupe de réflexion sur ces questions-là.

Et surpris, surpris par moi-même, j’avais fait cette petite vidéo et l’explication que je me donnais, et que je vous ai donnée, c’était en termes de l’effet Zeigarnik, du nom d’une psychologue des années 1950, que les tâches interrompues, on a toujours envie d’y revenir et de les terminer. Et je mettais ça en rapport avec la fin brutale de mon travail en intelligence artificielle où on nous avait rassemblés un beau jour pour nous dire : « Ecoutez, il n’y a plus d’argent. On travaille en fait pour l’armée et pas pour British Telecom et ceux d’entre vous qui sont britanniques peuvent aller travailler dans une caserne pas très loin d’ici et, pour les autres, merci beaucoup pour ce que vous avez fait ! ». Donc, c’était particulièrement frustrant, je dirai, comme fin en queue de poisson, surtout qu’on était au milieu de trucs qui étaient assez passionnants et donc, explication : effet Zeigarnik.

Et puis, si vous avez fait une psychanalyse, a fortiori si vous êtes psychanalyste vous-même, vous savez que quelque chose qu’on remet à tout moment sur le tapis pour essayer d’en comprendre davantage, ce sont les motivations qu’on a.

On en reparlait, c’est quoi, il y a deux jours, à Lille, à propos de l’ « effet Libet », cette concertation qu’on peut faire que notre conscience, que notre intention, la manière dont nous formulons l’intention de faire quelque chose vient après que notre corps a déjà débuté le mouvement, la chose.

M. Libet avait vu que, d’après ses expériences qui ne l’avaient pas convaincu lui-même – ce qui est très amusant – que l’intention de faire quelque chose vient une demi-seconde après que nous avons commencé de le faire et des expériences successives, au fil des années, qui ont essayé peut-être au départ de voir où était l’erreur dans le raisonnement de Libet ou dans son interprétation de ses données sont arrivées jusqu’à des écarts de 10 secondes. Parfois, notre conscience que nous voulons faire quelque chose arrive 10 secondes après que nous avons commencé à le faire. Et quand on réfléchit, on trouve chacun des expériences de ce type-là : des comportements inexplicables mais qui sont simplement liés à l’apparition de la conscience qu’on a l’intention, qu’on voudrait bien faire quelque chose que le corps a déjà décidé de faire depuis un bon moment.

Et ce qui m’est venu, c’est que mon explication en termes de Zeigarnik, elle est probablement partiellement vraie mais il y a autre chose qui m’est apparu.

Ce livre que Vincent et moi nous avons fait, c’est une bouteille à la mer. On a pris au sérieux l’idée de donner un plan à partir de choses que j’avais faites depuis longtemps et à partir de réflexions de Vincent maintenant et la recherche de chiffres, de voir ce que les gens font déjà, de proposer un véritable plan, quelque chose qu’on pourrait effectivement donner au Gouvernement ou aux organisations internationales en disant : « Voilà, c’est ça qu’il faut faire maintenant. Dites-nous ce que vous en pensez ! ».

Et comme pas mal d’entre vous l’ont déjà fait remarquer, à propos de certains des textes qui vont apparaître dans ce livre, c’est très ambitieux. Tout nous laisse croire que les Gouvernements ne seront pas partants, que le monde des affaires mettra un veto à la plupart des choses que nous proposons et ainsi de suite. Et ce n’est pas impossible, ce n’est pas impossible.

Et c’est pour ça que ma petite vidéo ici, maintenant, s’appelle « Mon plan B ». Mon plan B, pourquoi ? Parce qu’en fait, à part l’effet Zeigarnik, je me rends compte que… Je me suis rendu compte de la chose suivante : c’est que dans ce livre publié en 2016 qui s’appelait : « Le dernier qui s’en va éteint la lumière », je disais la chose suivante : c’est que, parmi l’ensemble des scénarios que, de manière réaliste, j’essaye d’envisager, je disais la chose suivante : le scénario parmi la multitude qui se trouve devant, celui dont nous sommes le plus près de pouvoir véritablement le réaliser, c’est celui de machines intelligentes succédant à nous non pas comme des aides, comme c’est le cas maintenant, mais comme quelque chose qui nous succède à proprement parler.

Il n’y a pas nécessité que ce soit sous la forme éminemment picaresque du scénario « Terminator » mais sur le plan du réalisable, de ce qui dans l’état actuel de la technique est faisable ou non, mon sentiment à partir de ce que j’ai pu voir – d’avoir quand même continué à suivre l’histoire de l’intelligence artificielle, ce qui se passait dans ce domaine où je n’étais plus chercheur mais où je conservais un intérêt, m’a fait penser, m’a convaincu entre les années où j’ai arrêté d’en faire, en 1990, et maintenant, que ce qui nous apparaissait comme les goulots d’étranglement, ou les goulets d’étranglement, les choses qui nous paraissaient très difficiles à faire et que peut-être, on n’arriverait pas à faire, que tout ça a sauté et je ne vois plus d’obstacle majeur.

Nous savons faire des machines. Nous savons faire des machines qui savent produire d’autres machines. Nous commençons à comprendre véritablement ce qu’il se passe dans les réseaux neuronaux et pourquoi ça marche et dans quels cas ça ne marche pas, et c’est un peu les questions que j’ai posées ces jours derniers. Il faudrait que nous ayons une compréhension parfaite, complète de ce qui se passe exactement dans un réseau neuronal et pourquoi ça se passe de cette manière-là et pourquoi c’est si efficace mais il me semble que ma motivation dans les jours qui ont suivi le 6 janvier, le dépôt du manuscrit, ce n’est pas simplement de vouloir renouer avec quelque chose qui s’était interrompu pour moi mais c’est sans doute l’idée d’un plan B, que si ça ne marche pas du tout notre machin d’appeler à la solution de nos problèmes pour sauver le genre humain, eh bien que je peux passer peut-être encore le peu de temps qu’il me reste à travailler au plan B, c’est-à-dire ce que je présente parfois comme une solution semi-optimiste.

Semi-optimiste parce qu’on ne serait plus là, donc on peut considérer que c’est le pessimisme absolu mais en même temps, si on regarde un petit peu ce qu’il s’est passé dans l’univers, et en particulier à la surface de la Terre, ce mouvement qui va du physique au chimique puis du chimique – et ça, c’est propre à notre planète – du chimique au biologique et que le biologique nous a produits nous en particulier, mais que nous sommes parvenus à produire un stade ultérieur encore au biologique – le truc qui rendait Heidegger fou évidemment parce que ça enlève une grande partie, je dirais, de la responsabilité à un Dieu que nous postulons, cette idée que nous fassions mieux que les dieux qui soit existent, soit nous imaginons, c’est-à-dire que nous ayons produit le stade ultime.

Et donc, je dirais, aux yeux de l’Univers, pour autant que l’Univers ait des yeux, c’est vraiment pas mal que nous inventions le technologique et « aux yeux de l’Univers », il pourrait se dire – je mets tout çà entre guillemets bien entendu, soyons sérieux – que le biologique, c’est quelque chose de fragile et que, nous, êtres humains, nous avons trouvé le moyen d’aller au-delà de cette fragilité en produisant quelque chose qui n’est pas, qui ne serait pas lié nécessairement à une vie sur une planète, comme la planète Terre, mais quelque chose qui pourrait se répandre dans l’Univers et avec une robustesse bien plus considérable.

Voilà une petite réflexion un vendredi matin avant le week-end, allez, à bientôt !

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