Le monde change rapidement, le 25 mars 2020 – Retranscription

Retranscription de Le monde change rapidement, le 25 mars 2020.

Bonjour, nous sommes le mercredi 25 mars 2020 et, comme vous le voyez, là où je suis, il fait chaud. La fenêtre est ouverte. Je suis en bras de chemise et j’ai encore un peu chaud et je ne crois pas que ce soit la fièvre : non, heureusement, ce n’est pas ça.

Le monde est en train de changer. C’est de ça que je voudrais vous parler et il change à une allure extraordinaire. Durant la crise de 2008, on avait affaire à un système, essentiellement un système financier, complètement internationalisé, complètement mondialisé, qui s’effondrait sous nos yeux et à chaque endroit, on subissait les conséquences de la manière dont le système global était en train de s’effondrer.

Quand Lehman Brothers est tombée en septembre 2008 aux Etats-Unis, les conséquences ont été immédiates pour nous également. Nous étions en direct sur, voilà, sur un monde, un globe, complètement globalisé et la manière dont les uns ou les autres se comportaient n’avait pas énormément d’importance : Dexia s’écroulait au même moment que Lehman Brothers, que Bear Stearns, et ainsi de suite. Tout ça était instantanément connecté par l’électricité : par l’Internet, et on pouvait voir en direct les choses qui s’écroulaient. De même, je ne sais pas combien de temps s’écoule entre le moment où un prix change sur le marché de New York et le moment où moi je le vois. Ça doit être une fraction de seconde : c’est pratiquement immédiat.

Ce qu’on voit dans cette crise-ci, c’est différent. Pourquoi c’est différent ? Parce que l’impréparation ou la préparation de chacun des pays pour ce genre de catastrophe est extrêmement différente. Et au sein d’un pays comme les Etats-Unis où le président a donné des coups de butoir importants au système fédéral, on le voit maintenant, c’est chaque état pour lui seul et il y a parfois des solidarités qui s’établissent entre les gouverneurs de deux états parce qu’ils seraient, par exemple, du même bord politique, mais ça se limite à ça. On passe des coups de téléphone et on essaye de se débrouiller avec les moyens du bord.

Et ce qu’on peut voir alors, c’est des situations comme celle que l’on voit aux Etats-Unis où la gestion des états est extrêmement différente : où l’Alabama ferme tout et où les dirigeants se sont réunis et, de manière très solennelle, disent : « On est dans une situation absolument invraisemblable. On va essayer de s’en sortir ». Et pas loin, dans l’état du Missouri, vous avez un gouverneur négationniste qui dit : « Non, non, il ne se passe rien, etc. Ne vous affolez pas. Tout ça, c’est bidon ! ».

Dans la situation de polarisation où on est en ce moment aux Etats-Unis, vous avez d’un côté le Parti démocrate qui, à mon sens, prend conscience de l’ampleur de la crise et, de l’autre côté, des représentants du Parti républicain qui, par loyauté envers leur président qui est un négationniste de la crise telle qu’elle est, ont tendance à nier qu’il existe même une crise.

Vous pourriez dire – et je l’ai dit en blague hier – « Ça va produire une espèce d’auto-sélection  : les Républicains vont disparaître entièrement et il n’y aura plus que des Démocrates et ils pourront voter pour quelqu’un d’autre que Trump ».

Mais vous savez pourquoi c’est une blague ? Parce que, bien entendu, il y a des gens des deux bords à l’intérieur de chacun des états et puis, les états ne sont pas étanches : le bonhomme du Missouri qui dit : « Il ne se passe rien ici », pas loin de l’Alabama où on dit : « C’est la catastrophe nationale ! », ça passe les frontières.

New York est sans doute, au monde, l’endroit où la crise est la plus aiguë. Que font les gens ? Ils ont fait comme les Parisiens il y a une semaine ou il y a 10 jours : ils ont pris leur voiture, ils ont pris le train, pour aller ailleurs. Partout où ils vont, ils vont aller disséminer le virus.

Cette idée de Trump et de certains de ses alliés qu’il y aurait une espèce de… Ils ont une vision absolument fausse, on peut bien le dire, de ce que c’est une épidémie. Ils se disent : « Voilà, il y a des gens qui sont malades à New York. Il y en a d’autres qui sont malades à La Nouvelle Orléans, essentiellement à cause du carnaval qui a eu lieu il n’y a pas très longtemps. Il y en a qui sont malades en Californie. On va essayer d’établir un cordon sanitaire autour de ces endroits-là (il faudrait que j’ajoute l’état de Washington, autour de Seattle) et puis voilà, il ne va rien se passer ». Je vous montrerai la carte des Etats-Unis avec le nombre de cas.

C’est vrai que la situation est absolument dramatique à New York. La vitesse, l’accélération de la crise est là la plus élevée, c’est le chiffre le plus élevé que j’aie vu.

J’ai eu une discussion avec l’un d’entre vous qui ne voulait pas croire que la situation aux Etats-Unis était bien plus dramatique qu’ailleurs mais les chiffres sont là. Et je vous le dis depuis pas mal de temps : c’est une conséquence, je dirais, de l’attention que j’ai portée à ce pays récemment en faisant un peu une chronique au jour le jour des aventures de M. Trump et d’une connaissance que j’ai d’avoir habité là et de m’être intéressé à la politique du pays, ayant habité là 12 années – la situation y est tout à fait particulière. D’abord, une très très forte polarisation au niveau des populations mais qui a une importance puisque vous aurez des gouverneurs d’état, comme je l’ai dit, des gouverneurs négationnistes à côté de gouverneurs qui prennent l’ampleur de la crise et, à l’intérieur d’un état, vous aurez des maires de grandes villes qui seront plus ou moins en accord avec leur gouverneur, des choses de cet ordre-là. C’est-à-dire qu’on va avoir une espèce de mosaïque de négationnistes au milieu d’une population de gens qui prennent l’ampleur de la crise en tant que telle. Ce qui veut dire que c’est la pire situation qu’on puisse imaginer puisque ceux qui nieront jusqu’au bout continueront de contaminer les autres.

C’est Trump qui a dit hier dans une conférence de presse : « Je veux que le monde se presse, que les foules se pressent dans les églises pour Pâques ». Alors, Pâques, c’est dans quoi ? C’est dans 24 jours, quelque chose comme ça. Ce bonhomme imagine que, dans l’état où se trouve son pays, que les gens pourraient se presser à l’église ou au temple pour… dans 3 semaines.

Imaginons même que certains de ses partisans veuillent le faire, ils mettraient en danger non seulement eux-mêmes, évidemment, au tout premier rang mais ils mettraient en danger leurs voisins quand ils rentrent à la maison.

Le calcul de Trump, il est très simple : les dollars sont plus importants que les gens. Ce qu’il nous expliquait dans sa déclaration, c’est que si on obligeait les gens à rester chez eux et de ne pas pouvoir travailler parce que les gens ont absolument envie de travailler, le nombre de suicides dépasserait bientôt celui des victimes du coronavirus.

Trump fait deux choses : d’abord, il essaye de surfer sur son ignorance crasse. C’est la première chose. Et il est là en campagne électorale en permanence, c’est-à-dire, imaginons qu’il puisse faire ce qu’il a fait jusqu’ici, c’est-à-dire s’adresser à des auditoires, de préférence de partisans rabiques de ses vues politiques, et de leur dire : « Les choses vont devenir comme je dis qu’elles seront ! »

Et là, on l’a encouragé bien entendu en ne résistant pas à ses tentatives de putsch, de mise en place d’un système, d’un pouvoir tyrannique autocratique. On lui a permis d’une certaine manière de plier la réalité à ses vœux. Et donc, il a pris l’habitude de se dire : « Eh bien, même si ce n’est pas vrai, ça va devenir vrai parce que je suis le président et que je pourrai faire en sorte que ça devienne vrai ! ».

Ce qu’il ne voit pas, ce sont les limitations que met à cela un virus qui ne l’écoutera pas, qui ignorera complètement ce qu’il peut raconter parce qu’il n’a aucun pouvoir là-dessus.

Qu’est-ce qu’il fait ?  Il dit que ce virus n’existe pas, que c’est une affabulation. Ou bien, il se précipite sur la rumeur autour de la chloroquine et il va nous dire : « Prenez-en ! » et le lendemain, il y a un gars qui a trouvé en fait un truc pour nettoyer son aquarium et qui a regardé la composition et qui a avalé ça et qui en est mort. Sa femme était à ce point malade qu’elle a pu tout juste en réchapper. Elle a tout juste eu assez de force pour appeler le SAMU au téléphone et, à ma connaissance, elle vit toujours.

Je ne vais pas entrer dans des considérations de type biologique : je n’y connais absolument rien, je ne vais pas vous parler de ça.

Certains d’entre vous m’envoient des mails en disant : « Oui, mais vous avez accepté de parler de tas d’autres choses. Pourquoi vous ne parlez pas de ça ? ». C’est différent. C’est vrai, j’ai acquis une certaine expertise dans un certain nombre de domaines qui peuvent apparaître extrêmement différents. Je ne sais pas, disons la psychanalyse et la finance. Mais, sur chacun des sujets dont je parle, [sans même compter de les avoir vraiment pratiqués de l’intérieur] j’ai lu des centaines d’ouvrages.

Or sur la question des virus, je n’y connais absolument rien. J’ai dû lire peut-être plus d’articles que la plupart des gens mais ça ne fait pas du tout de moi une autorité. Je ne sais pas du tout si la chloroquine a un effet ou non. Je n’en sais rien !

J’ai été un consommateur de nivaquine, c’est-à-dire en fait du médicament contre la malaria, contre le paludisme, quand j’habitais en Afrique. J’en ai pris pendant 2 ans effectivement, et je n’en suis pas mort. On m’a aidé par quelques piqûres massives au moment où j’ai quand même attrapé la malaria.

N’attrapez pas la malaria ! C’est vraiment une saloperie : on a tellement de température qu’on délire. Et surtout, ça inquiète beaucoup ceux qui vous voient ! On est soi-même assez dans les vapes, ce qui en soi est assez désagréable, c’est surtout que ça inquiète les gens autour de soi.

Je ne connais rien à ce sujet-là donc je suis dans une situation différente si vous voulez. Quand j’ai parlé de la crise des subprimes, non seulement je connaissais le sujet mais j’étais dans les banques qui étaient au cœur du réacteur. Quand j’ai parlé – quand j’étais considéré un peu comme une autorité lors de la crise de l’euro, c’est un sujet que je connaissais très très bien.

Ici, non ! Comme vous le voyez, sur le blog, je laisse la parole aux autres. J’essaye d’inviter des gens qui ont de bonnes connaissances, des physiciens comme Timiota, des ingénieurs pointus comme Alexis Toulet, voilà, qui nous parlent de ça.

Les médecins aussi ont la possibilité de dire ce qu’ils en pensent. Moi, je peux juste jouer le rôle, je dirais, de chef d’orchestre ou comment dire ? de gestionnaire d’un hôpital de campagne.

Je peux dire aux gens : « J’organise un espace et dans cet espace, on va pouvoir discuter et on va pouvoir avancer ». Ça, c’est surtout, je dirais, le but que je m’étais donné en faisant cette vidéo. 

Est-ce qu’il y a moyen de faire mieux que ce qu’on fait ? Il y a beaucoup de gens qui ont rigolé ou qui ont dit que c’était un canular quand j’ai relayé, communiqué cette recette, ce patron pour faire des masques. Maintenant, partout aux Etats-Unis, les gens font la même chose donc, ce n’était pas une mauvaise idée.

Il fallait être conscient de ce que c’était, ces masques en coton qu’on peut faire soi-même et que ce n’est pas quelque chose de l’ordre, comment dire ? de la pharmacie ou de choses véritablement efficaces mais c’est des choses qui peuvent servir effectivement. Comme on l’a dit, des masques de soins pour des personnes qui ne sont pas en contact directement avec les gens qui sont infectés dans les hôpitaux, c’est quand même mieux que rien. C’est un peu comme ces masques chirurgicaux que votre dentiste porte pour éviter de vous donner les microbes qui se trouvent éventuellement dans sa propre bouche et pour ne pas vous les transmettre.

Est-ce qu’il y a moyen de faire mieux ? Les deux expériences d’hier, les deux vidéos que j’ai faites, avant-hier avec Frédéric Taddeï en compagnie de Gaël Giraud, vous avez vu, et celle que j’ai faite en direct avec Ruffin, je crois que ça sert à quelque chose. Vous le faites savoir, je dirais, en votant avec vos clics, en allant voir ces choses.

Je ne sais pas dans combien de temps mais il y aura 100.000 personnes qui auront regardé la conversation avec Ruffin probablement avant ce soir [P.J. : au 2 avril : 165.000] . On va vers des chiffres de ce type-là, lentement, du côté de Taddeï [P.J. : au 2 avril : 219.000] mais on va arriver à le faire.

Et là, c’est bien : on partage l’information. On réfléchit ensemble. Dans les deux cas, c’était un petit peu à propos du livre qui sort sans sortir : Comment sauver le genre humain, que j’ai écrit avec Vincent Burnand-Galpin. Mais on peut continuer à le faire.

J’aimerais bien, en vidéo, arriver moi aussi à faire ça mais j’ai compris en voyant la préparation chez Ruffin, qu’il faut quelqu’un en régie : il faut quelqu’un à la technique. Ça ne peut pas être juste moi et quelqu’un d’autre et que je me débrouille, pendant que je suis en train de converser avec cette personne pour faire passer l’image d’un côté à l’autre et des choses de cet ordre-là : vérifier la qualité du son, etc.

Il faut un technicien ou une technicienne. Et là, en ce moment, comme on ne peut pas faire venir des gens chez soi, c’est plus compliqué. Je ne l’avais pas fait avant parce que personne ne m’a proposé de le faire. Je n’ai pas lancé d’appel au secours non plus précédemment.

On va peut-être y penser par la suite, voilà, si on s’en sort … Mais en attendant, on peut lancer la discussion. Est-ce qu’il y aurait moyen de faire encore mieux ? Vous êtes nombreux à venir. Là, en permanence, dans le pire des cas, vous êtes de l’ordre de 300 simultanément sur le blog. Vous n’intervenez pas tous dans les commentaires. C’est un petit noyau de gens qui le font mais vous lisez, vous venez voir et vous lisez. Et donc, on peut encore échanger davantage d’informations. On peut encore en centraliser davantage. Il y a peut-être encore des choses auxquelles je n’ai pas pensé, qu’on peut faire pendant que dure cette crise dans la phase aiguë qui est celle qu’on a maintenant.

Voilà, donc, je vais ouvrir vos commentaires. N’hésitez pas à proposer des choses qu’on pourrait faire encore ! Ne me proposez pas – comme vous y insistez – de m’envoyer encore des mails qui font 14 pages et en me disant : « Si vous voulez bien lire mon manuscrit de 150 pages, ça me ferait plaisir, et de préférence avant la semaine prochaine ». Non, non, ça non ! Il faut compter tous sur ce qu’on peut produire ensemble mais ça, ça ne marche pas : de me demander à moi de faire des tas de choses en plus !

Non ! Venez avec des trucs clé en main, oui, bien sûr ! Si vous me dites : « Faites une vidéo et moi, je la monterai, j’ajouterai des images ». Là, je vous dis : « Parfait ! On va s’arranger pour le faire ! », mais me dire « Faites vos vidéos comme vous le faites maintenant,  mais faites-en une toutes les heures ». Non, c’est gentil. Des propositions, oui ! Mais des propositions où vous aussi pouvez intervenir et faire une partie au moins des choses qu’il faudrait faire, même si c’est un appel à l’intelligence collective et que d’autres gens devraient participer à votre idée. Si elle est vraiment bonne, on trouvera des volontaires.

Voilà, allez, à bientôt !

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  1. https://www.theguardian.com/us-news/2025/nov/07/james-watson-scientist-dna-death Est ce que GENESIS a une structure en échelle torsadée ? Tant qu’a chercher les appariements conséquents, autant remonter…

  2. https://www.lemonde.fr/planete/article/2025/11/07/cop30-la-chine-soutient-l-action-climatique-par-interet-economique-avant-tout_6652648_3244.html https://www.lemonde.fr/economie/article/2025/11/07/shein-echappe-pour-l-heure-a-une-suspension-mais-le-gouvernement-assure-que-la-plateforme-reste-sous-surveillance-rapprochee_6652651_3234.html

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