Les États-Unis au bord de la crise de nerfs, le 29 mai 2020 – Retranscription

Retranscription de Les Etats-Unis au bord de la crise de nerfs, le 29 mai 2020.

Bonjour, nous sommes le vendredi 29 mai 2020. Je ne vous ai pas parlé beaucoup des Etats-Unis ces temps derniers, à l’occasion, par contraste avec une période qui a débuté fin 2016, au moment de la campagne électorale. Non, même fin 2015, au moment où M. Trump apparaissait tout à coup comme une météorite dans les primaires du parti Républicain pour l’élection présidentielle de novembre 2016.

Et pendant une longue période, je vous ai fait un compte-rendu presque au jour le jour des tribulations de M. Trump et des Etats-Unis sous M. Trump. J’ai arrêté à un moment donné. J’ai arrêté au moment du vote au Sénat sur sa destitution, le processus de l’impeachment. Il y avait là un tournant, un tournant qui laissait supposer que ce que j’appelais « la saga de la chute de la météorite Trump » allait peut-être se prolonger de manière considérable. Le rapport Mueller qui devait, qui aurait dû montrer la complicité de l’équipe Trump avec les manœuvres de la Russie pour favoriser sa venue à la présidence et, ensuite sa présidence, n’avait rien donné. Les Démocrates avaient cependant, sur l’affaire de l’Ukraine, destitué M. Trump au Parlement : à la Chambre basse, le Congrès, mais la partie haute, le Sénat, à majorité Républicaine, a fait de ce qui aurait dû être un jugement avec des sénateurs dans le rôle de jurés, en ont fait une parodie en refusant de faire venir des témoins. À partir du moment où il n’y avait pas de témoins, il n’y avait pas de procès. Il y a juste eu un vote où les Républicains ont exonéré leur président.

Depuis, j’ai parlé… Depuis, bon, mon attention a été consacrée essentiellement à ce qui nous a préoccupé tous, vous et moi, c’est-à-dire le Covid-19. L’apparition sur le blog – vous pouvez le voir – de la pandémie coïncide avec ce vote au Sénat aux Etats-Unis [le 5 février] donc ce n’est pas comme si je n’avais plus rien à faire, d’autant qu’à l’Université catholique de Lille, on a eu l’amabilité de me demander aussitôt de préparer un cycle de conférences pour l’année prochaine sur le thème de l’après-Covid.

Mais j’ai continué à parler des Etats-Unis quand ça se justifiait. Si je consacre maintenant une petite vidéo à ce que j’appellerai « Les Etats-Unis au bord de la crise de nerfs », c’est qu’il y a un certain nombre d’éléments qui sont apparus ces jours derniers et qui vont, malheureusement je dirais, dans le sens… pas malheureusement pour moi ou pour les analyses que je fais sur les Etats-Unis mais malheureusement pour les Etats-Unis qui vont dans le sens de ce que je dis depuis un certain temps. Il y a d’une part… vous le savez, je considère que la Guerre de sécession qui devait régler par la liberté accordée aux anciens esclaves, une population afro-américaine amenée contre son gré, enchaînée, aux Etats-Unis pour travailler dans des plantations essentiellement – s’est terminée à la fin de la guerre de sécession, dans les années 1860, par la libération des esclaves.

Très rapidement, le gouvernement des Etats-Unis a essayé, dans une politique d’apaisement, est revenu sur certaines choses dans les décisions qui avaient été prises dans le Sud et on a permis en particulier que les héros du Sud, c’est-à-dire les héros sudistes, puissent avoir des statues érigées en leur nom, ce qui avait provoqué un incident en 2017, au moment où il était question de retirer quand même certaines statues de ces grands héros, voilà, du Sud esclavagiste.

A cette occasion-là, il y avait eu des manifestations, des contre-manifestations à Charlottesville et une contre-manifestante, Heather Heyer, avait été tuée par un suprémaciste blanc qui avait utilisé sa voiture comme bélier pour écraser des gens dans la foule. A cette occasion-là, Trump était apparu sous son vrai jour, c’est-à-dire en disant qu’il y avait des « gens sympathiques » dans les deux camps.

On s’attendait quand même à ce qu’il désavoue les manifestants surarmés agitant justement des drapeaux confédérés, donc, des états du Sud esclavagistes, qu’il leur retire un soutien éventuel. Il ne l’avait pas fait. Au contraire, il les avait encouragés, ce qui avait conduit à une série de déclarations officielles d’un grand ensemble (au moins 6 ou 7) de généraux américains – en disant que l’attitude du président ne correspondait pas aux valeurs de l’armée américaine. C’était, voilà, le premier grand incident. C’était en août 2017.

Ce qui s’est passé, c’était quoi ? C’est il y a 3 jours à Minneapolis, dans le Minnesota. Le Minnesota, c’est un état du Midwest, c’est-à-dire que c’est au milieu de la carte des Etats-Unis. C’est à la frontière du Canada. C’est que 4 policiers ont, de sang-froid, assassiné – sous prétexte, au départ, d’un contrôle d’identité – ont tué un Afro-américain. Un des 4 policiers a appuyé son genou sur sa nuque jusqu’à ce qu’il meure et la police, voilà, les autorités du Minnesota ont suspendu, voire même licencié je ne sais pas, je crois que c’est licencié 4 policiers. Ça ne correspondait pas à ce que la population noire et blanche attendait : on s’attendait que ces personnes soient immédiatement inculpées.

Il y a eu aussitôt des incidents à Minneapolis. Depuis, il y en a eu à d’autres endroits, en particulier à Los Angeles. C’était hier. J’ai toujours le Los Angeles Times avec des flashs – j’ai habité 10 ans à Los Angeles – qui m’annonçaient que des manifestants avaient bloqué la One-Ten (110) : c’est une très grande autoroute qui traverse Los Angeles du Nord au Sud, je dirais, en son plein milieu). Soutien, soutien d’une partie importante de la population et les manifestations continuent puisqu’il n’y a certainement pas de désaveu de l’Etat et là, ces émeutes viennent se connecter avec quelque chose qui se passait en parallèle, du côté de M. Trump.

Vous savez que M. Trump passe ses journées à envoyer des messages sur Twitter et jusqu’ici, la compagnie Twitter n’avait jamais fait la moindre remarque à ce sujet alors que le caractère incendiaire de ses messages enfreignait à chaque instant la politique de Twitter en matière de maintien de l’ordre sur son site. Et alors, si j’ai bon souvenir, c’est avant-hier, Twitter a changé sa politique en mettant un avertissement sur un des tweets de M. Trump. M. Trump tempêtait contre le fait que, dans certains états à gouverneur démocrate, on permet, on s’arrange en ce moment pour organiser du vote par correspondance, étant données les circonstances, particulières, et lui disait : « C’est bien entendu un moyen pour eux pour tricher, etc. »

Et là, il y avait eu un avertissement de Twitter disant, vous savez, de manière classique, comme on voit ici dans les journaux sur l’Internet ou sur différents sites : « Il est bon que vous vérifiiez ces informations-là auprès d’autres sources ».

Ça ne lui a pas plu du tout à Trump. Ça ne lui a pas plu du tout. Alors, qu’est-ce qu’il a fait ? Bon, eh bien, écoutez, il a boudé un peu et puis… Non, c’est pas son style : il a pris immédiatement un décret pour imposer d’autres types de surveillance aux réseaux sociaux.

Twitter, ce matin, ne s’est pas montré impressionné alors que, à propos des incidents de Minneapolis, M. Trump disait qu’il s’agissait de thugs. C’est un mot qui veut dire « bandit sans foi ni loi » en anglais. Si j’ai bon souvenir, l’origine de ce mot est peut-être sanskrite. Il faudrait que j’aille vérifier ça. J’aurai dû vérifier avant mais voilà [non, c’est correct].

Et Twitter a mis une astérisque en disant que ce message enfreint les règles de Twitter car il est une incitation à la violence. Et il a été ajouté que c’était simplement en raison de l’intérêt de l’actualité du message qu’il était quand même posté, qu’il était quand même affiché. C’est une allusion au fait que c’est un président de la République fédérale des Etats-Unis qui a mis ce message. Mais donc, la guerre n’est pas terminée.

Que vont faire les autres réseaux sociaux qui sont maintenant nombreux ? On espère qu’ils réagiront. Ils sont très très, comment dire, sourcilleux quand c’est l’opinion publique, quand il s’agit de la Chine et pas des Etats-Unis alors espérons qu’ils se manifesteront ensemble.

Est-ce que c’est un signe que les choses tournent, que le vent tourne pour Trump ? C’est possible. C’est possible. Pourquoi est-ce que Twitter a accepté, voilà, pendant des années, des tweets du président qui ne correspondaient absolument pas au règlement général. Il semblait que, de ce point de vue, M. Trump était au-dessus des règlements. Là, Twitter a changé de politique. Il y a peut-être le sentiment chez certains que le rapport de force est en train de se modifier. La bérézina trumpesque en matière de gestion de la crise, son sabotage du pouvoir de coordination de l’Etat fédéral, ses initiatives plus ou moins délirantes de suggérer, voilà, d’imposer le traitement à la chloroquine, d’en prendre lui à titre préventif, de mal comprendre un message sur le pouvoir des désinfectants et des rayons ultraviolets qui lui a fait croire qu’il s’agissait de procédures qui étaient recommandées à usage interne alors qu’il s’agit bien sûr, simplement… ce qui était mentionné, c’était un moyen de désinfecter des surfaces. Il s’est décrédibilisé de manière tout à fait considérable sur ce plan-là et il continue bien entendu à crier au complot. Il a lancé le hashtag #obamagate. Il essaye de faire diversion. C’est un homme de spectacle. C’est un homme, voilà, de téléréalité.

Est-ce que Twitter a ressenti une certaine faiblesse de ce côté-là, un certain découragement de la part de ses troupes ? Il y a peut-être un élément. Il y a un élément. Je n’y ai pas pensé avant mais ça me vient à l’esprit. Quand les gouverneurs d’états ont imposé le confinement et que Trump, qui soutenait en principe, a demandé à des manifestants de venir pour faire rouvrir les états et que des manifestants MAGA, c’est-à-dire Make America Great Again, donc ses partisans avec leurs casquettes rouges, se sont rendus devant les capitoles, devant les préfectures des états américains, ce qui a frappé tout le monde, c’est à quel point ces foules étaient peu nombreuses. Enfin, quand je dis « foule », souvent, c’étaient même pas des foules. C’étaient quelques dizaines de manifestants, au plus quelques centaines de manifestants. Est-ce que Trump s’est rendu compte lui aussi que, quand il rallie ses troupes, il n’y a pas grand-monde qui vient ? C’est possible. C’est possible. Et ça n’a peut-être pas échappé à Twitter.

Alors, voilà. Affaire à suivre. Je vais peut-être devoir vous reparler un peu plus que je ne l’ai fait récemment de ce qui se passe, à nouveau de ce qui se passe aux Etats-Unis. On verra.

Allez, à bientôt !

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