Donald Trump au service de la science, le 20 juin 2020 – Retranscription

Retranscription de Donald Trump au service de la science, le 20 juin 2020.

Bonjour, nous sommes le samedi 20 juin 2020.

En science, quand on veut vérifier une hypothèse ou essayer de la confirmer ou de l’infirmer, on met en place une situation expérimentale. On dit : « Voilà, on va mettre les choses de telle et telle manière et on va voir ce qui se passe » pour confirmer si ce qui se passe est bien ce qu’on avait pu prévoir ou pour, au contraire, faire la preuve une fois pour toutes que l’hypothèse était incorrecte. Quand il s’agit de situations humaines, c’est beaucoup plus délicat parce qu’il y a des problèmes d’éthique qui se posent. On ne met pas les gens délibérément en danger sauf dans des situations abominables qui ont effectivement existé : dans des camps de concentration et des choses de cet ordre-là. Mais, sinon, on ne met pas les gens en danger délibérément.

Il m’est arrivé, dans un comité d’éthique, de devoir approuver ou, au contraire, refuser des expériences où on envoyait un courant électrique à des personnes pour essayer de les décourager de tel ou tel comportement. J’ai dit non. J’ai dit : « Non, ça ne se fait pas ! ». Je savais qu’il y avait une certaine tolérance [dans le milieu scientifique] vis-à-vis de ça et j’ai dit que, personnellement, moi, j’étais absolument contre.

Du coup, dans des situations comme des pandémies, comme celle dans laquelle nous nous trouvons, nous en sommes réduits à observer ce qui se passe. On ne met pas en place délibérément des situations qui mettent la vie des gens en danger. Je dirais, le pire que l’on fasse dans cette perspective, c’est dans le cas où on donne à des personnes un médicament dont on imagine qu’il est probablement bon, qu’il va contribuer à la guérison, et il est possible effectivement, dans une perspective de contrôle, de vérification, de donner des placebos à d’autres personnes – ce sont des pilules de sucre en général qui n’auront aucun effet, délibérément. C’est-à-dire qu’en fait, on vérifie l’effet placebo, c’est-à-dire le moral des gens qui fait que des gens peuvent guérir en croyant qu’ils prennent un médicament qui peut les aider à guérir. Ça se passe en effet ainsi.

Ça fait partie, voilà, du fonctionnement interne des êtres humains, mais aussi des animaux en général, c’est-à-dire que la conviction que les choses vont aller mieux a un effet excellent sur le système immunitaire et donc, c’est ça l’effet placebo.

Et on va comparer ce qui se passe, normalement : avec l’effet placebo (la conviction qu’on a pris un vrai médicament), on va comparer cet effet qui peut être, je ne sais pas, de 5 %. Si alors le médicament lui-même n’a pas comme effet davantage que ces 5 %, on se dira que le pouvoir thérapeutique de ce médicament n’est pas nécessairement meilleur que celui de la simple conviction qu’on va aller mieux.

Tout cela pour dire que dans un cas comme celui de la pandémie présente, il est très difficile de véritablement mettre en place une situation expérimentale.

Heureusement, nous avons affaire aux Etats-Unis à un président qui a organisé pour ce soir une expérience qui va nous permettre de voir ce qui se passe dans une situation quasi-expérimentale. De quoi s’agit-il ? M. Donald Trump, Président de la République Fédérale aux Etats-Unis et candidat de fait, automatique, aux prochaines élections présidentielles de novembre de cette année, appelle ses partisans à se réunir à Tulsa, dans l’Oklahoma, dans un grand hall, dans une grande salle de conventions qui peut accueillir 19.000 personnes et il a laissé entendre que toute personne qui porterait un masque manifesterait, de cette manière-là, son antipathie pour la personne qu’il est parce que lui est convaincu qu’il s’agit en réalité, avec cette pandémie, malgré les chiffres relativement inquiétants, qu’il s’agit d’un hoax, qu’il s’agit de, voilà, d’une machination, d’une fumisterie, d’un canular et que, en particulier, comme c’est une personne qui n’est pas religieuse mais qui est superstitieuse par ailleurs et qu’il n’est pas éloigné de croire qu’il est véritablement l’Elu de Dieu et que les gens qui le suivent pourraient éventuellement disposer d’une protection divine, il est convaincu que les gens qui viendront ce soir, les 19.000 personnes qui viendront à sa réunion électorale de Tulsa, que ces gens seront protégés (je ne vais pas entrer dans les détails de pourquoi).

Une question se pose par rapport à Tulsa en tant que telle. En 1921, cette ville de l’Oklahoma a été la victime ou le témoin d’un lynchage [« pogrom »] de la population noire par la population blanche. Une date avait été choisie [le 19 juin] qui était une date, justement, importante dans le mouvement de déségrégation. La réunion a été reportée un tout petit peu pour que ça ne coïncide pas exactement mais voilà.

On va assister à un test en direct : que se passe-t-il dans un état qui était relativement épargné jusqu’ici ? C’est un état essentiellement rural, l’Oklahoma. Que se passe-t-il quand on met, quand on va mettre 19.000 personnes dans cet espace confiné, à qui on a fait savoir que le port du masque serait une marque de défiance envers l’invité de marque qui sera là ? Alors, on va voir ce qui se passe.

Ça va être très intéressant ! Les organisateurs, eux, ne sont pas aussi confiants que le président parce qu’ils ont fait signer à l’ensemble des gens qui viendront une décharge pour qu’ils ne se tournent pas vers le comité d’organisation s’il devait leur arriver quelque chose à la suite de leur participation à la réunion.

Alors, c’est formidable. C’est formidable parce que, finalement, on n’est pas trop inquiet pour ces gens-là. D’abord, premièrement, s’ils sont véritablement les Elus de Dieu, il ne se passera absolument rien. Et deuxièmement, s’il leur arrive quelque chose, ce sont des partisans de M. Trump, c’est-à-dire ce sont, dans leur ensemble, des suprémacistes blancs, des racistes, des fascistes et donc, on pourrait dire que, d’une certaine manière, s’il leur arrivait quelque chose, ça ferait partie du processus général, je dirais, de sélection que Charles Darwin a déjà bien décrit où celui qui n’est pas adapté finit par disparaître.

Voilà un petit point sur le Covid-19.

P.S. Comme je le signalerais le lendemain, le 21 juin, les fans ne sont pas venus comme espéré, d’où le titre de mon billet : « Zut, Trump n’est pas arrivé à infecter une proportion significative de ses partisans ! » À vue de nez (d’après les photos), j’avais dit une salle remplie au deux tiers, soit 13.000 personnes. La police a dit 6.200, soit moins d’un tiers. Trump, convaincu que le million de sièges réservés correspondait à la réalité, était furax.

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