Pourquoi nous sommes-nous quittés, ma Princesse et moi ? Je n’en sais rien. Sans doute parce que « les routes vont vers des pays », comme dit Brassens, et que « bientôt le sien fit un barrage à l’horizon de ma folie ».
Mais il n’y a pas que cela, il y aussi, si vous voulez mon avis, dans ce cas-ci comme dans tous les autres, un principe général, une sorte de « loi de la nature » qui opère en arrière-plan.
Je ne vous apprends rien si je vous dis que sur « la chose », les gens disent vraiment n’importe quoi. Et s’ils disent n’importe quoi, c’est soit qu’ils n’ont pas la moindre idée, soit qu’ils savent et n’osent rien dire. Et dans le cas qui nous occupe, c’est les deux à la fois. Et là, je vais dire des horreurs, n’allez surtout pas les répéter, il faut que ça reste entre nous, même si c’est quelque chose que tout le monde pense tout bas et n’ose pas dire tout haut, mais comme cela ferait vaciller sur leur base l’ensemble de nos institutions, je compte sur votre entière discrétion.
Je lisais dans le journal que les gens à qui on demande pourquoi ils font l’amour, donnent 237 raisons. Et je ne dis pas que 237 personnes ont donné une explication différente, je dis que celui qui a analysé les réponses a trouvé 237 types de raison.
Alors voilà, à mon avis – et c’est l’anthropologue mâtiné du psychanalyste qui vous parle là – j’ai l’impression qu’il y a un phénomène du genre suivant – je mets ça sous forme d’équation pour que ce soit plus scientifique : « Deux personnes, X et Y, feront n fois l’amour ».
Ça n’a l’air de rien et ce ne serait rien en effet si le nombre n n’était pas déterminable à l’avance.
Bon, n ne veut rien dire évidemment si X ou Y est renversé.e par le bus. Comme ils sont deux, et comme j’exclus les cas de viols en fin de parcours – je reste dans le consensuel – c’est évidemment aussi celle ou celui qui a le moins envie qui décidera de combien de fois « la chose » aura eu lieu au total.
Ce que je veux dire, c’est que le nombre de fois qu’un couple fera l’amour est limité et le nombre n connaissable en principe à l’avance. Libre à eux d’épuiser la quantité sur trois jours (et il faudrait dire plutôt dans ce cas-là, sur 72 heures, ou mieux encore, sur 4.320 minutes) ou sur 45 ans, mais il est limité.
Pourquoi y aurait-il un nombre maximum à n ? Parce que sur cette histoire pour laquelle nous trouvons facilement 237 bonnes explications, comme pour tout ce qui nous arrive, il y a un truc, et ce truc, c’est l’histoire de l’espèce et ses stratégies à elle – ce que Hegel appelle la « ruse de la Raison », le fait que comme l’équipage dans 2001 – Odyssée de l’espace, on nous a tout caché : c’est à la fusée qu’on a confié la mission, et dans ce cas-ci, la fusée, c’est l’espèce, c’est le genre humain.
À mon avis, le plafond au nombre n, c’est pour être sûr que le patrimoine génétique soit bien secoué, bien mélangé constamment. Et de ce côté-là, n’est-ce pas, il n’y a rien à craindre : il n’y a jamais que les têtes qui soient racistes : du côté des corps on n’a jamais eu de raison de se faire du souci ! Dans les prémisses de la controverse de Valladolid, quand les curés demandent aux conquistadors s’ils croient que les Indiens ont une âme, heureusement que ceux-ci ne sont pas venus à l’audience avec leurs femmes et leurs enfants, parce qu’à la question s’ils croyaient que les princesses incas ou aztèques avaient ou non un cul, la réponse aurait été dans la salle.
Alors, pourquoi les gens finissent par se quitter, ou commencent à se tromper avant de se séparer, je vous le demande : faut-il vraiment aller chercher beaucoup plus loin ?
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