« Ce que je crois », le 24 juillet 2022 – Retranscription

Retranscription de « Ce que je crois », le 24 juillet 2022.

Bonjour, nous sommes le dimanche 24 juillet et ce que je vais vous dire s’appellera : « Ce que je crois » et ce qui m’inspire à parler de ce sujet, d’un sujet à ce point sérieux, c’est un article dans Le Monde qui s’appelle : « Dieu et la science : Le mot de « preuve » ne s’applique pas à l’existence de Dieu » et le sous-titre de l’article, c’est : « Dans La science, l’épreuve de Dieu ?, le théologien François Euvé, physicien de formation, interroge les rapports entre la science et la foi. Si les deux doivent entrer en dialogue, il invite à ne pas confondre leur domaine respectif ». 

C’est un sujet qui m’intéresse en particulier du fait que je suis depuis 2016 attaché à l’Université Catholique de Lille alors que, quand Pierre Giorgini, le recteur, m’avait tâté en me posant la question : « Est-ce que vous êtes croyant ou non ? » avant de me nommer professeur associé, j’avais dit un très clair : « Non, je ne suis pas croyant. Je ne crois pas à l’existence d’un dieu ». Mais évidemment, aussitôt qu’on a dit ça, les choses se compliquent. 

Les choses se compliquent parce que – comme j’en ai discuté récemment dans une vidéo [Tout cela a-t-il un sens ?] – je suis né dans une culture où soit on approuve le christianisme dans lequel tout ça baigne, soit on le rejette mais alors, on est dans un discours – et je l’avais souligné – dans une sorte d’athéisme qui n’a pas grand-chose à dire en sa propre faveur sauf qu’il n’est pas d’accord. C’est une sorte de protestation mais dont on pourrait dire que c’est une protestation un peu infantile parce qu’elle n’arrive pas à dire quelque chose de très intéressant à l’égard de ce christianisme. Et on pourrait résumer en fait cette opposition à ce christianisme non pas du tout au message de l’Évangile mais simplement au fait qu’est apparue ce qui semble alors aux yeux d’un athée comme une classe parasitaire : celle du Clergé, qui s’est réjoui et a exploité de diverses manières pas toujours très recommandables, la croyance des gens à ce qui était dit dans les Évangiles, Évangiles dont ils n’avaient d’ailleurs qu’une connaissance, je dirais, assez éloignée du texte lui-même et devaient faire confiance sous la forme du catéchisme à des résumés assez expéditifs de différents endroits des Évangiles, résumés qui, le plus souvent – et j’en ai parlé récemment à propos de la totale mésinterprétation de la parabole des talents – résumés qui souvent s’éloignaient extrêmement en fait du message originel. 

Alors, où est-ce que ça me situe par rapport à toutes ces histoires ? Eh bien, quand je vois qu’il est question de rétablir un dialogue avec la foi, entre les théologiens et les scientifiques, comment dire ? je pousse un peu un soupir parce que j’ai l’impression essentiellement que c’est un combat d’arrière-garde. J’ai l’impression que plus personne ne croit au message d’un monde après celui-ci dans lequel certains vont au paradis et d’autres aux enfers – ou « en enfer » s’il n’y en a qu’un – et des choses de cet ordre-là, d’un jugement dernier, du fait que nous serons tous ressuscités après notre mort un beau jour. Tout ça me paraît de l’ordre, voilà, de l’histoire du Labyrinthe avec Ariane, Thésée et le Minotaure. Ça me paraît des histoires du même ordre. Est-ce qu’il y a encore beaucoup de gens qui croient que ça s’est vraiment passé, l’histoire de Thésée, du Minotaure et d’Ariane ? Je ne crois pas. Et d’Icare, voilà, qui prend son envol, Brueghel a fait un très très beau tableau sur la chute d’Icare mais je crois qu’on en est restés là. 

Tout ça me paraît donc un combat d’arrière-garde. François Euvé dit très bien qu’il faut distinguer clairement la religion de la superstition mais, je dirais, avec un peu de recul – celui du « catholique zombie » comme le dit très bien Emmanuel Todd – tout ça se confond. Il n’y a plus de grande différence entre la religion et la superstition et, je le rappelle souvent, de la même manière que le but d’Émile Durkheim quand ils fonde la sociologie moderne, c’est de définir la base pour une morale laïque, de la même manière, de manière parallèle et un peu avant, Tylor, le grand anthropologue britannique, assigne à l’anthropologie sociale qui nait la tâche d’« éradiquer une fois pour toutes la superstition ». Et dans la superstition – c’est une grande catégorie chez lui – on trouve, je dirais, comme un sous-ensemble, un sous-ensemble important mais voilà, au milieu, on trouve la religion. 

Alors, est-ce que la religion, ce n’est plus rien ? Est-ce que cette idée de croire à Dieu, ce n’est plus rien du tout ? Si je pensais qu’il n’y a rien à dire, je n’aurais pas fait cette vidéo. Je vais vous raconter une histoire. C’est un de mes fils d’ailleurs qui m’a inspiré ça, c’est-à-dire que dans les conversations qu’on avait et qu’on a toujours, il lui arrive de dire, sur un mode ironique et plaisant : « Praise the Lord, Hallelujah ! ». Bon, « Saluons, rendons hommage au Seigneur, Alléluia ! ». Qu’est-ce que c’est ? C’est une référence à ces preachers, à ces prédicateurs que l’on voit parfois dans les films ou si on a la chance de se trouver un jour dans une église où il y a un prédicateur – j’ai eu l’occasion de faire ça en Sierra Leone – à certains moments, le prédicateur s’interrompt et se tourne vers le ciel et dit : « Gloire soit rendue à Dieu, Alleluia ! » et j’ai pris l’habitude à la suite de mon fils, de temps en temps, quand les choses vont dans ma direction, quand une grande bénédiction m’est accordée par le Ciel, de me tourner effectivement vers le Ciel et de dire : « Praise the Lord, Hallelujah ! », voilà : « Loué soit le Seigneur, Alléluia ». Ce n’est même pas de la superstition, je dirais, c’est de l’ordre de l’autodérision ! C’est de l’ordre de l’autodérision. 

Cela dit, cela dit, j’ai été frappé il y a quelques années quand j’ai raconté dans un petit billet – c’était au tout début de mon blog, donc on devait se situer, voilà, dans les années 2007/2008 [De la prière, le 7 juillet 2007] – j’ai raconté qu’un soir, une soirée il y a longtemps, une soirée de difficultés à l’époque où je n’avais vraiment plus un radis et j’avais quatre enfants à charge et que je m’étais surpris en train de fixer un coin de plafond, et au bout d’un moment, je me dis : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Pourquoi tu es là, comme ça, à regarder un coin de plafond en pensant à tes soucis ? ». Et l’explication m’était venue, c’est parce que ce coin de plafond, c’est trois en un : ce sont trois arêtes qui se rejoignent en un sommet et j’ai compris – je suis un peu psychanalyste sur les bords et je fais un peu d’auto-analyse – que c’était une représentation graphique – que je pouvais voir de mes yeux voir – de cette image de la Sainte Trinité qui se trouve dans notre religion. 

J’avais raconté ça sur mon blog et j’avais eu la chance mais la surprise aussi de recevoir un message d’un théologien qui me disait : « C’est formidable ! Vous avez trouvé Dieu comme ça, dans le coin de votre pièce. Et dans un moment de grande difficulté pour vous, vous avez fait la chose qu’il fallait : vous vous êtes tourné vers Dieu et vous avez prié à votre manière ». Bon, alors j’ai remercié ce théologien. Il m’avait ajouté comme une sorte de post-scriptum dans son message que si – j’ai raconté ça en plein milieu de la crise des subprimes et si l’attention était un peu tournée vers ce que je disais, c’est parce que, bon, j’avais prévu ce truc-là – il m’avait dit : « Si la crise des subprimes n’avait servi qu’à ça, qu’à ce que vous trouviez cette image, ce serait déjà pas mal ». Je lui ai répondu que j’avais le nez sur ce qu’il se passait en ce moment, qu’il y avait énormément de souffrance humaine et que si Dieu avait considéré qu’il fallait vraiment créer tant de souffrance humaine juste pour que moi je découvre Dieu dans un coin de mon plafond, que c’était beaucoup demander ». 

Cela dit, et c’est par ça que je vais terminer, il m’arrive effectivement – et est-ce entièrement, voilà, ça c’est la question qu’on se pose quand on a un inconscient… Cet inconscient, qu’est-ce que c’est ? Voilà, c’est la salle des machines, c’est l’opérateur comme dit quelqu’un qui se reconnaîtra. Qu’est-ce qui se passe véritablement entre la conscience et l’inconscient ? Qu’est-ce qu’il se passe dans cette salle des machines, dans la soute, par rapport à ce qu’on pense véritablement ? J’avais fait la réflexion que ce qui m’avait choqué dans ce film qui s’appelle The Perfect Storm. C’était une histoire de tempête, un ouragan pas comme les autres, je ne sais plus comment ça s’appelle du tout en français (« En pleine tempête »), ce qui m’avait frappé en tout cas dans cette histoire où un bateau est pris absolument dans la tourmente et finira par disparaître, que personne ne s’était tourné vers Dieu pour prier. Et ça, c’est à partir d’une autre expérience, c’était mon expérience de pêcheur, que quand ça va vraiment mal, il est difficile – ça ne m’est pas arrivé à moi – il est difficile de ne pas prier, de ne pas se tourner vers le ciel en disant : « Je ne crois pas à grand-chose mais si jamais il y avait quelque chose qui pouvait me tirer d’un tel pétrin – c’est-à-dire de me noyer dans les 5 minutes qui viennent – ce serait quand même pas mal que ça se manifeste ».

Alors, je vais terminer en disant la chose suivante : il m’arrive effectivement, en plus de ce « Praise the Lord, Hallelujah ! » de me tourner vers un coin de plafond et de poser des questions quand je n’arrive pas du tout à trouver la réponse. C’est dans un dialogue, c’est dans un dialogue, espérer, où je me tourne en disant : « Ecoute… » Et là, à qui est-ce que je m’adresse ? Quand je m’adresse à Dieu le Père, je dis : « Ecoutez ». Quand je m’adresse à Jésus-Christ, je dis : « Ecoute… ». Bon, je ne sais pas, voilà, c’est une idée de familiarité, de quelqu’un qui comprendrait ce que je veux dire de la même manière que moi je comprends ce que lui veut dire quand il l’a dit à l’époque où il l’a dit. Et là, je pose des questions. Je pose des questions : « Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ? Comment est-ce qu’on va se sortir de ce pétrin ? » etc. Et là, malheureusement, jusqu’ici, je n’ai jamais rien reçu en retour. Alors, si tu m’écoutes ou si vous m’écoutez [se tourne vers le Ciel], c’est un petit appel du pied parce que notre espèce est vraiment dans de grandes difficultés et si vous pouviez quand même ou si tu peux quand même apporter un élément de réponse, ça me ferait plaisir [rires] parce que ça pourrait nous permettre de ne pas prier simplement pour la venue d’extraterrestres qui pourraient nous dire ce qu’on devrait faire maintenant. Voilà.

Alors, est-ce que vous allez prendre au sérieux ce que je viens de dire là ou pas ? C’est à vous de décider. Est-ce que moi je le prends au sérieux entièrement ou pas ? Je n’en sais encore rien. Je vais y consacrer les quelques minutes qui suivront la fin de cet enregistrement. 

A bientôt !

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51 réponses à “« Ce que je crois », le 24 juillet 2022 – Retranscription”

  1. Avatar de Vincent Teixeira
    Vincent Teixeira

    Alleluia ! comme disait Buñuel, je suis aussi athée qu’une théière…et « je préfère (définitivement) le vin d’ici à l’au-delà » (P. Dac)…

    Blague à part, si parfois, dans certaines circonstances de la vie, on peut en effet ressentir comme une tentation ou esquisse, velléité, de prière, comme aiguillonné par un obscur frisson de « transcendance » (personnellement, j’éprouve aussi cela, en écoutant certaines musiques, Bach par exemple)… je crois que c’est simplement lié au fait que dans son dialogue intérieur (le propre de la pensée), on se trouve face à l’inconnu, face à l’absence de sens, aux apories ; et dans les circonstances les plus tragiques ou dramatiques, face au néant (qui nous habite)…
    mais à la fin, je pense comme Hugo (ou comme il est dit aussi dans les Upanishad) que nous restons dans l’obscurité – avec le bénéfice de quelques éclairs, « illuminations » forcément passagères, comme des « gouttes d’éternité » (sans rapport avec la foi religieuse ou un quelconque absolu) : « L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix du noir. »

    1. Avatar de H4LG4ND
      H4LG4ND

      Marrant que Buñuel compare son athéisme à celui d’un théière, avait-il entendu le jeu de mot théière de jardin / Teilhard de Chardin (qui lui, pourtant grand scientifique, ne l’était pas, athée).

      Vous croyez tout de même en des choses surprenantes, comme cette fois ou vous aviez entrevu une de vos amies être victime d’un accident alors qu’elle n’avait fait que le frôler.

      Certe nous sommes plus là dans une vision K Dickienne que dans la doxa des religions bien qu’elles auraient certainement leurs interprétations de cette étrange expérience.

      Qui sait ce que nous rencontrerons au final à naviguer ainsi sans nous en rendre compte dans le champ des possibles.

      1. Avatar de Vincent Teixeira
        Vincent Teixeira

        Concernant Teilhard de Chardin, je dirais simplement (en reprenant Straub à propos de Heidegger – cf billet antérieur sur ce même blog de PJ) : « ce n’est pas mon homme ».

        Quant à cela : « Vous croyez tout de même en des choses surprenantes, comme cette fois ou vous aviez entrevu une de vos amies être victime d’un accident alors qu’elle n’avait fait que le frôler »…
        pardon, mais je ne vois absolument pas de quoi vous parlez…

    2. Avatar de Pascal
      Pascal

       » L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix du noir. » 
      Il est donc clair que Victor Hugo ne pratiqua pas la méditation.🙏😉

      1. Avatar de Vincent Teixeira
        Vincent Teixeira

        ah bon ? Justement, c’est plutôt le contraire qui est « clair »… ou plutôt « obscur »… ou clair-obscur, si vous préférez…
        (enfin, si j’ai bien lu « mon » Hugo)…
        On pourrait même dire, comme Annie Le Brun, que « le noir est une invention des Lumières » (réf. au roman gothique, à Sade, etc.)

        1. Avatar de Pascal
          Pascal

          « Après la mort de sa fille Léopoldine à Villequier en 1843, Victor Hugo est au comble du désespoir. Il entend des bruits. Le 7 mars 1867 : « Frappements extraordinaires cette nuit ». Le phénomène se reproduit presque quotidiennement. Le 4 septembre 1875 : « Cette nuit, frappements. Jour anniversaire de la mort de ma douce fille Leopoldine. Sois bénie ». »
          https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/calvados/caen/ces-etranges-choses-nocturnes-qui-hantaient-victor-hugo-1380525.html
          Le monde de Hugo était peuplé de ténèbres, normal qu’il les aimait.

          1. Avatar de Pascal
            Pascal

            normal qu’il les aimat.
            Foutu correcteur !

          2. Avatar de Vincent Teixeira
            Vincent Teixeira

            oui, tout à fait… mais à la fois, peuplé de ténèbres et peuplé de lumières… en réalité, peuplé ou plutôt habité, hanté par l’infini…
            Il n’y a qu’à lire sa poésie (« Les Contemplations », rien que le titre renvoie bien à quelque chose qui tient aussi de la « méditation »), mais aussi ses romans… « Les Misérables » est un livre peuplé de ténèbres ET de lumière. Il l’écrit lui-même : « ce livre est un drame dont le premier personnage est l’infini. L’homme est le second. »
            En réalité, je pense qu’il « aimait » davantage la lumière que les ténèbres… sauf que ce qu’il percevait de « la bouche d’ombre » ne lui est jamais apparu comme une lumineuse « parole d’évangile » (pour le dire vite)… le(s) mystère(s) du monde restant entier(s)… En tout cas, il y a chez lui un formidable et éperdu élan d’élévation – et non une complaisance dans l’obscur.

      2. Avatar de Vincent Teixeira
        Vincent Teixeira

        On retrouve exactement la même idée dans les Upanishad – et en particulier dans l’une des plus importantes (la « Isha Upanishad »), ce qui montre bien tout l’abîme qui sépare « la Vérité », l’absolu des religions monothéistes et les paradoxes d’autres spiritualités beaucoup moins impérieuses dans leurs discours, leurs « dogmes » (comme dans leurs préceptes, moraux et au-delà) :
        « En aveugle ténèbre entrent ceux qui croient au non-savoir, en ténèbre plus épaisse ceux qui se complaisent au savoir. »

  2. Avatar de oups
    oups

    : « L’homme qui ne médite pas vit dans l’aveuglement, l’homme qui médite vit dans l’obscurité. Nous n’avons que le choix du noir. »
    C’est très beau.

    Toutefois… ça ne dit rien de l’homme qui prie (et on prie avec ses actes), qui vit auprès de Lui…

    1. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      ce n’est pas « très beau »…
      c’est plutôt très juste.
      Sinon, en parlant de « Lui » (majuscule), je ne vois pas bien de qui (minuscule – comme tout un chacun, dans nos « vies minuscules ») vous parlez (?)…

    2. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      oups…
      on ne prie pas du tout « avec ses actes »… mais avec ses pensées / la prière n’a rien d’un « acte » (au-delà du rituel formel, formaté de telle ou telle religion), mais tout d’un voeu pieux.

    3. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      … repensant à la prière (et à celle, en clin d’oeil, du Père Jorion, notre hôte),
      me revient tout à coup un texte, très émouvant, de Pierre Michon (dans « Corps du roi ») où il raconte comment il lui est arrivé de prier (sans dieu, athée qu’il est) réellement, deux fois dans sa vie, dans deux circonstances très précises, deux événements majeurs dans sa vie…
      et quelle était sa prière ? la récitation de deux poèmes…
      la poésie, comme véritable chant ou prière… et peut-être est-ce aussi une fonction de la poésie, d’être une prière, ultime antidote au désastre, prière sans arrière monde.
      Ces deux moments :
      la mort de sa mère dont la veillée funèbre lui inspira la lecture de « La Ballade des pendus » de Villon, et la naissance de sa fille pour laquelle il lut « Booz endormi » de Hugo :
      « Les deux poèmes que j’ai dits regardent les cadavres, tous les cadavres parmi lesquels il y a ceux des mères, ils regardent l’âme qui se souvient de ces cadavres qu’elle a habités (…) ; ils regardent les corps vivants, les petits enfants qui naissent, qui vieilliront et qui mourront. Ils les regardent, ils leur parlent, ils en parlent, cadavres, petits enfants et nous qui sommes entre les deux, comme si cadavres, petits enfants et nous c’était le même – et c’est le même. Ils rassurent le cadavre, ils assurent l’enfant sur ses jambes. Voilà sans doute la fonction de la poésie. »
      C’est aussi « ce que je crois » (du moins « une » des fonctions)

  3. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    Mon gourou Thom à propos des rapports Dieu/Science :

    « En quoi l’appel au hasard pour expliquer l’évolution serait-il plus scientifique que l’appel à la volonté du Créateur ? ».

    Version détaillée ici dans une conférence : Processus au hasard, déterminisme et innovations (le darwinisme est dans le viseur…)

    https://www.youtube.com/watch?v=BXxKQVQFnRo

    Position de Thom (initialement géomètre « professionnel ») :

    – « Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu »;

    – « Sinon, si nous continuons à priser par-dessus tout l’efficacité technologique, les inévitables corrections à l’équilibre entre l’homme et la Terre ne pourront être -au sens strict et usuel du terme- que catastrophiques. » , dernière phrase d’un article sur l’innovation dont la conclusion est qu’il faut la décourager.

    1. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      René Thom est passionnant et très « fertile » en questionnements…
      mais il vaut mieux éviter d’en faire un « gourou »…
      Ni dieux ni maîtres…
      et comme il disait, « prédire n’est pas expliquer ».

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @Vincent Teixeira

        Définition d’un gourou (Wikipédia) : Guru ou gourou est un terme qui signifie « précepteur », « mentor », « guide spirituel », « maître ».

        PJ a ses maîtres : Aristote, Hegel, Perelman, Guilbaud, etc. . J’ai le mien.

        1. Avatar de Vincent Teixeira
          Vincent Teixeira

          @BasicRabbit
          Ah merci beaucoup !
          mais « gourou » (qui, comme vous le savez, vient du sanskrit) signifie d’abord (et j’insiste sur le « d’abord ») maître spirituel, précepteur religieux (et j’insiste sur le « religieux »), dans la religion brahmanique ;
          le sens de « maître spirituel » est un sens dérivé (R. Abellio, 1946 ; répandu dans les années 1960)… par analogie, mais qui conserve sa connotation religieuse – et je dirais même reste entaché par sa connotation religieuse (or précisément, dans la discussion, il est question de science et religion – d’où l’importance des termes).

          PS : comme vous avez l’air pointilleux s’agissant des mots… sur ce point, je préfère encore « mon ami » Robert… le Grand (ou le Robert Dicitonnaire historique de la langue française) à Wikipédia

          1. Avatar de Paul Jorion

            Quand je mentionne mes mentors, je n’attribue aucune dimension mystique à ce qu’ils ont dit ou écrit et s’il devait se faire que je relève l’une ou l’autre erreur chez eux, je la mentionnerais (évidemment, je ne me suis pas choisi pour mentors des gens qui se soient beaucoup trompés…).

            La différence entre vous et moi, c’est que quand je cite René Thom (ce que j’ai souvent fait), je n’ajoute jamais : « Et en plus, et surtout : il était sorti de la cuisse de Jupiter ! ».

            1. Avatar de BasicRabbit
              BasicRabbit

              @PJ.

              Il y a sans doute de l’ironie dans la citation « jupitérienne » de Thom (dont je ne connais pas le contexte). C’est en tout cas que dit Jean Largeault qui la cite dans la préface de « Apologie du logos ».

              Ceci dit dois-je déduire de votre réponse que mon commentaire du 26 novembre 2022 21h05 ne vous a pas plu ? Je l’ai pourtant terminé sans aucune arrière pensée par :

              « Il me semble que PJ -qui cite Thom dans PSI et dans « Comment la vérité… »- est particulièrement bien placé pour tenter la synthèse des deux points de vue. ».

              —————–

              Je retiens de cette métaphore thomienne l’idée d’une échelle de Jacob (cf. mes commentaires du récent billet de PHILGILL) dont les sept premiers barreaux sont les sept catastrophes élémentaires.

              De mes lectures de « Stabilité structurelle et morphogenèse » j’ai retenu que la formation des organes sexuels humains était pour Thom régie par la catastrophe ombilic parabolique, septième barreau de l’échelle de Jacob (1).

              Or, pour Thom, ce sont les mêmes dynamiques qui régissent l’évolution des phénomènes naturels, des espèces, de l’homme et des sociétés. Aussi je pense qu’une espèce aura atteint le stade adulte quand elle s’harmonisera au mieux avec les individus qui la composent, c’est-à-dire ici quand ce sera au moins la catastrophe ombilic qui régira l’organisation des sociétés humaines.

              Mais il n’est pas difficile de voir qu’on en est très loin puisque nous en sommes socialement encore au « struggle for life » que Thom associe à la catastrophe « fronce », deuxième barreau de l’échelle.

              Thom associe le don à la catastrophe papillon (4ème barreau) et signale qu’aucune de ses sept catastrophes élémentaires n’est associée à l’échange (don et contre-don) , échange dont il me semble crucial de comprendre les mécanismes fondamentaux pour espérer des rapports sociaux pacifiés.

              1 : « Chréodes génitales », p.190-192 (2ème ed.)

        2. Avatar de Vincent Teixeira
          Vincent Teixeira

          et d’ailleurs, dans son usage courant, le terme a une connotation très négative, voire péjorative, « sectaire »… étant de fait surtout utilisé pour parler des sectes… Illustration même dans « Le Monde » d’aujourd’hui :

          https://www.lemonde.fr/le-monde-des-religions/article/2022/11/27/le-phenomene-sectaire-n-a-cesse-d-augmenter-depuis-vingt-ans_6151815_6038514.html

          1. Avatar de Pascal
            Pascal

            C’est là, la difficulté des mots et de leur définition.
            Comment entendre le mot « guru » ? De multiple manières.
            La première qui ne peut être contestée, le guru s’inscrit dans une lignée spirituelle avec un savoir transmis de maître à disciple.
            La seconde qui peut être discutée, le guru est précepteur religieux, car il pose la question du religieux vs spiritualité. Si l’on considère par exemple que Jésus, Bouddha et d’autres furent des maîtres spirituels, ce sont leurs disciples, et pas tous d’ailleurs, qui bâtirent à partir de cette spiritualité, une religion institutionnalisée. Ni Jésus, ni Bouddha n’ont été chef religieux.
            Il est donc nécessaire de faire la distinction entre religion comme institution qui se définit par des lieux de culte, un clergé qui rentre dans l’éducation de masse et d’autre part, une démarche spirituelle qui se caractérise par une démarche individuelle d’introspection, de quête d’une vérité intérieure.
            Bien sûr, les frontières entre les deux ne sont pas si faciles à distinguer.
            Mais par exemple, les maîtres Soufis s’ils étaient des érudits s’inscrivant dans la tradition musulmane, ils n’ont eu de cesse de ridiculiser les bigots comme l’a fait aussi Molière.
            La plupart des religions ont pignon sur rue et un site internet aujourd’hui. De très grands maîtres spirituels n’ont été connus que très localement et leur nom a disparu sauf quand Arnaud Desjardins va les filmer dans les années 70.
            Pourquoi les grands maîtres restent-ils discrets contrairement aux religions qui s’affichent ?
            La première raison, c’est qu’une transmission de maître à disciple oblige de sélectionner les futurs disciples pour n’en garder qu’un petit nombre. Ensuite, l’ostentation et l’orgueil sont a l’opposé de ce qu’est un maître spirituel. Enfin, parce que le chemin de l’éveil est un chemin subversif qui libère de la soumission aux institutions et au pouvoir.
            Bien sûr, nous avons tous en tête des gurus en Rolls et des manipulateurs de foule.
            La quête de la spiritualité nous amène à être beaucoup plus attentifs aux autres, un état de conscience qui ouvre à une meilleure compréhension des autres. Pour les personnes mal intentionnées, cela offre un pouvoir de manipulation considérable notamment auprès des personnes les plus vulnérables. Il devient facile de se laisser aller à l’ivresse du pouvoir.
            Faire le choix de suivre un guru demande la plus grande vigilance mais malheureusement, il en va de même dans le domaine dans la psychologie ou de la psychanalyse.

      2. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @Vincent Teixiera (« Ni Dieux ni maîtres »)

        Entièrement libre, donc?

        Thom sur la liberté et le déterminisme :

        – « La liberté, comme la mathématique, est fille de l’imagination. » ;

        – « Je pense – de manière tout à fait essentielle – que l’extension des pouvoirs de l’homme sur la nature est liée à l’extension de son imaginaire. » ;

        – « La mathématique est fille de la liberté humaine. Elle en est peut-être son plus splendide rejeton. » ;

        – « On peut penser que comprendre l’articulation entre le déterminisme mathématique – de type différentiel et laplacien – et le déterminisme langagier des causes en langue naturelle est l’une des tâches essentielles, sinon de la science, du moins d’une philosophie naturelle bien conçue. » ;

        – « Le déterminisme, lorsqu’il est scientifique, c’est-à-dire accessible à tous, et théoriquement intelligible pour tous, est un instrument de libération. » ;

        – « Je crois que le libre-arbitre existe chez l’homme, en tant que système qui permet d’échapper au double bind. » ;

        – « Ainsi donc l’activité mathématique, par son exigence simultanée de liberté et de déterminisme, paraît tourner le dos à toute dynamique naturelle ; soucieuse de simuler le mélange de déterminisme et d’indétermination pratique, elle pousse d’emblée cette opposition à son extrême : une période de liberté totale (associée à une mémoire parfaitement fidèle et parfaitement inefficace, suivie d’un processus à déterminisme absolu. Ce faisant elle n’est pas sans imiter certains mécanismes de notre physiologie, par exemple la vision. » ;

        « Qu’on ait dû avoir recours à des considérations plus raffinées – en un mot à la Science proprement dite – pour prévoir l’évolution des phénomènes, montre que le déterminisme d’évolution des formes n’est pas rigoureux et qu’une même situation locale peut donner naissance, sous l’effet de facteurs inconnus ou inobservables, à des conséquences d’apparence extrêmement diverses. Il est piquant d’observer, à ce propos, que la Science qui, en principe, nie l’indéterminisme, en est effectivement la fille, fille ingrate dont la seule fonction est d’anéantir son père ! .

        Thom sur le hasard (de nos jours souvent associé à la liberté…) :

        – « Le déterminisme en Science n’est pas une donnée, c’est une conquête. En cela les zélateurs du hasard sont des apôtres de la désertion. » ;

        – « Les défaillances du déterminisme sont les défaillances de notre imagination. (…) Introduire l’aléatoire pur c’est briser radicalement la possibilité d’une intelligibilité complète du monde ».

        – « Que gagne-t-on à enrober le squelette du déterminisme dans une couche de graisse statistique ? » ;

        – « La thermodynamique ignore les formes, qu’elle ne peut que détruire. » ;

        – « Entre ce cas [dynamique ergodique, du matelot ivre] et l’intentionnalité permanente définie par un potentiel, il y a sans doute toute une classe de dynamiques intermédiaires à découvrir ; placées entre le déterminisme têtu d’un potentiel, et la spontanéité gratuite du choix « arbitraire », elles seront sans doute plus propres à simuler le comportement réel du psychisme humain. Peut-être la Dynamique Qualitative des prochaines années pourra-t-elle contribuer à l’exploration de ce domaine obscur. » .

        À propos de l’ordo ab chao :

        L’école de l’ordre par le bruit (Von Foerster (1911-2002), vraisemblablement née de l’approche statistique de la thermodynamique de la deuxième moitié du XIXème siècle, a fait des émules jusqu’en économie puisqu’on trouve un article au titre éponyme de 1976 signé Jacques Attali, (1) et même jusqu’en politique (gouvernance de l’ordre par le chaos, que je vois comme la version moderne du soi-disant inusable « diviser pour régner », chaos nihiliste qui, tel un boomerang, nous revient actuellement en pleine figure).

        Il y a pour moi une inversion quasi orwellienne du « ordo ab chao » devise des francs-maçons « bâtisseurs de cathédrales » en le « ordo ab chao » des adeptes de l’ordre par le bruit (le sens du « ab » latin s’inversant de « à partir de » en « par »). La citation suivante indique quasi explicitement comment Thom traduit « ab » :

        « Au fond, en mathématique, tout sort de l’itération obstinée et stupide de l’opération n → n+1 (addition de 1). Cette générativité, dûment qualifiée (rendue porteuse de qualités) engendre le monoïde libre des « mots » engendrés par un alphabet fini. C’est là le « chaos » primitif d’où vont naître toutes les structures intéressantes de l’algèbre. Tout se passe alors comme si le flot de la combinatoire libre du monoïde venait en quelque sorte à s’« enrouler » autour de figures intéressantes par leurs propriétés globales. » .

        1 : https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1976_num_25_1_1382 (ne pas rater le théorème de l’ordre par le bruit de Grand Frère Jacques (Big Brother en anglais)).

        1. Avatar de Vincent Teixeira
          Vincent Teixeira

          @BasicRabbit :
          « (« Ni Dieux ni maîtres ») Entièrement libre, donc? »

          Ai-je énoncé pareil sophisme ?
          Evidemment que non (« entièrement »)… les choses sont évidemment « un peu » plus complexes (et ceux qui prétendent crânement être « entièrement » libres sont bien souvent dans une servitude volontaire qui s’ignore) – sauf à verser dans le chigalevisme – cf « Les Possédés » de Dostoïevski (et les commentaires qu’en a faits Camus) où l’on trouve d’ailleurs ceci, qui résonne avec les présents commentaires : « l’homme n’a fait qu’inventer Dieu pour vivre sans se tuer, et voilà le résumé de l’histoire universelle jusqu’à ce moment. »

          Vous avez l’air d’aimer les citations… moi aussi (pas tellement par « amour » de la citation) ; mais je ne suis pas, comme vous, assez « thomiste » ou « moniste » ou « -iste » en quoi ou qui ce soit…
          Et c’est précisément en ce sens que je disais « ni dieux ni maîtres » (pas de transcendance, et aussi, pensant, évidemment, entre autres, à Nietzsche, et au refus, symbolique, de Zarathoustra, de se poser en « maître » et de « faire école »)… par allergie à tout esprit « sectaire », ou d’école…
          ou encore « l’esprit de gramophone » (Orwell), ou l’enfermement dans une chapelle…
          J’ai moi-même des références majeures (pour moi, dans mon « panthéon personnel »), mais pas d’idoles ni de maîtres « absolus »… car je ne crois en aucune espèce d’ »absolu » (mais ce n’est que mon point de vue).

          Vos citations sont fort intéressantes… mais concernent surtout la question de la liberté et du déterminisme en sciences – d’un point de vue à la fois heuristique et épistémologique.
          Je pourrais aussi vous en mettre toute une tartine…
          Mais ce n’était pas exactement en ce sens que je citais le « ni dieu ni maître »… et quant à la liberté (qui ne se limite pas au libre arbitre), je pense aussi que ce n’est pas du tout une donnée, qu’elle n’existe pas « en soi », mais est un idéal, une conquête, une lutte, jamais acquise, toujours en devenir… (donc vous voyez que je rejoins aussi la question de l’imagination, comme moteur essentiel – en sciences, comme dans des questions de « généalogie de la morale », au sens large)

          1. Avatar de BasicRabbit
            BasicRabbit

            @Vincent Teixeira. Mon point d’interrogation avait pour but de vous inciter à réagir. Ce qui est fait, merci.

            En ce qui concerne votre « Vos citations sont fort intéressantes… mais concernent surtout la question de la liberté et du déterminisme en sciences. ».

            Elles sont présentées ainsi mais Thom insiste à de nombreuses reprises pour dire que pour lui le problème de la démarcation science/non science n’a plus lieu d’être :

            – « Le « philosophe de la nature » que j’envisage aura un point de vue résolument anti-démarcationniste. On peut imaginer un spectre quasi-continu joignant les assertions les plus solidement établies (par exemple un théorème de mathématique) aux affirmations les plus délirantes. La pratique de notre épistémologue peut être ainsi décrite. Partant des points de contact obligés entre science et philosophie, il s’efforcera d’épaissir l’interface entre science et philosophie ; il sera donc philosophe en sciences, et
            scientifique en philosophie. » ;

            – « Finalement, le problème de la démarcation entre scientifique et non scientifique n’est plus guère aujourd’hui qu’une relique du passé ; on ne le trouve plus guère cité que chez quelques épistémologues attardés – et quelques scientifiques particulièrement naïfs ou obtus. » .

            Remarque : thomiste est réservé, il me semble, à Thomas d’Aquin.

            1. Avatar de Vincent Teixeira
              Vincent Teixeira

              @BasicRabbit :
              merci pour vos nouvelles citations (je vous épargne ma tartine)…
              JM Lévy-Leblond, ou encore A. Barrau, entre autres, sont aujourd’hui exactement dans cette position (salutaire, et même vitale) – mais c’est loin d’être le cas de tous les scientifiques…

              et oui « thomiste »… évidemment… le clin d’oeil théologique ne vous aura pas échappé (?), car à vous lire, on pourrait penser à du « rené-thomisme »

              1. Avatar de BasicRabbit
                BasicRabbit

                @Vincent Teixeira

                Être philosophe en sciences et scientifique en philosophie.

                Je crois que ça commence à remuer : philosophes s’intéressant de près à la science (en tant que « matheux » je pense à Alain Badiou) et scientifiques « durs » s’intéressant à la philosophie (ceux que vous avez cités par exemple). Mais la route est longue si j’en juge par la lecture du chapitre 4 de « Comment la vérité et la réalité furent inventées » (pour faire référence à notre hôte sur ce blog).

                Refermer la coupure galiléenne (réconcilier les physicians et les physicists) n’est pas une mince affaire.

                Thom :

                – : « (…) une vision plus claire du programme métaphysique de la théorie des catastrophes : fonder une théorie mathématique de l’analogie, qui vise à compléter la lacune ouverte par Galilée entre quantitatif et qualitatif. » ;

                – : « L’ambition ultime de la théorie des catastrophes, en fait, est d’abolir la distinction langage mathématique-langage naturel qui sévit en science depuis la coupure galiléenne. » ;

                – « Ainsi la fonction originelle d’une philosophie de la nature sera-t-elle de rappeler constamment le caractère éphémère de tout progrès scientifique qui n’affecte pas de manière essentielle la théorie de l’analogie. » (je rappelle à ce propos que la théorie des catastrophes est une théorie de l’analogie) .

                1. Avatar de Vincent Teixeira
                  Vincent Teixeira

                  on est d’accord dans le fond…
                  mais vous me pardonnerez d’être aussi direct (car apparemment, vous n’avez pas compris ? de même que la remarque de Paul Jorion ?) :
                  votre « esprit de gramophone » (Orwell), se limitant à « la Voix de son/un maître », répétant et étalant à l’infini un catalogue de citations de votre « rené-thomisme » me fatigue…
                  Comme déjà dit, je vous épargne « mes » propres tartines, épargnez-moi les vôtres, svp – ou alors, achanladez les de vos propres argumentations, interprétations, méditations, commentaires, expériences, pensées, que sais-je ? mais pas un simple catalogue copié-collé de citations… qui donne de surcroît l’impression de consulter ces vomitifs sites de « banques de citations »….
                  alors même que par ailleurs votre intérêt pour RT semble aussi sincère que profond…
                  mais à vous lire, on aurait presque l’impression d’un catalogue de réclames…

                  Moi aussi, je suis volontiers « citateur »… comme Borges, grand écrivain, poète, polyglotte, pétri de multiples cultures, langues, oeuvres, pour qui le langage lui-même était une tautologie, « un ensemble de citations » (sic) – déclarant (en une phrase que j’ai fait mienne) : « Que d’autres se targuent des pages qu’ils ont écrites ; moi je suis fier de celles que j’ai lues. »
                  … mais au moins il ne se limitait pas à UN seul penseur… comme si tout était moniste… comme si (ce qui relèverait du fanatisme, ou de la galéjade) un seul homme avait énoncé « LA Vérité »… une fois pour toute et pour tous…
                  Malgré tout le respect dû à René Thom, ce n’est pas parole d’EVANGILE THOMISTE !

                  1. Avatar de BasicRabbit
                    BasicRabbit

                    @Vincent Teixeira

                    Je considère que mes propres pensées n’ont aucun intérêt pour autrui -en admettant que j’en aie, ce que conteste PJ avec les mêmes arguments que vous-.

                    Si mes citations thomiennes vous indisposent, il vous suffit de ne pas les lire. Si elles indisposent trop PJ celui-ci a toujours la possibilité de me noirlister.
                    .
                    Thom :

                    « Les Philosophes ont abandonné aux savants la Phusis et se sont repliés
                    dans la forteresse de la subjectivité. Il leur faut réapprendre la leçon des
                    Présocratiques, rouvrir les yeux grands sur le monde, et ne pas se laisser
                    impressionner par l’expertise souvent dérisoire d’insignifiance de
                    l’expérimentateur. Inversement la science doit réapprendre à penser. ».

                    1. Avatar de Vincent Teixeira
                      Vincent Teixeira

                      S’agissant de n’importe quel penseur ou écrivain, il y a un temps (quand on est étudiant) pour « recracher »… mais le plus important est ce qu’on est fait soi-même, pour tenter de penser (par) soi-même…
                      Ce ne sont pas les citations de Thom qui « indisposent »… mais plutôt ce « thomisme » moniste… car si UN seul homme, depuis des siècles et des millénaires que l’écriture existe, avait « pondu » « LA » vérité, ça se saurait…
                      Mais au moins, vous validez amplement votre usage du terme « gourou », au sens littéral.

                      Ce que dit Thom concernant l’alliage de la physique ou des sciences dures en général est fondamental ; sauf que concrètement, ce qui était possible à l’époque de Hegel (une vision, voir un système surplombant, prétendant à la totalité) ne l’est plus aujourd’hui… la physique quantique (et bien d’autres choses) est passée par là… complexifiant infiniment les savoirs et champs de recherches. La leçon des Présocratiques demeure valable, mais l’époque n’est plus celle des Présocratiques ! Et être philosophe ET savant est devenu beaucoup plus difficile…

                      Malgré tout, le dialogue, les passerelles, l’interdépendance, les alliages – pour reprendre le titre de la revue créée par JM Lévy-Leblond : « Alliage. Culture, science, technique » – sont en effet primordiaux… mais d’après ce que J.M. L.-L. en dit lui-même (et d’après ce que me disent aussi d’autres scientifiques que je connais), bien peu nombreux sont ceux qui développent une réelle « pensée » sur leur travail et pratique scientifique – sans compter qu’ils sont aujourd’hui inféodés à des critères économiques (de rendement, profit, etc.) et impératifs industriels, qui menacent aussi gravement la recherche elle-même.
                      Au final, comme Lévy-Leblond l’écrit : « si ces frères ennemis, le scientisme et l’irrationalisme, prospèrent aujourd’hui, c’est que la science inculte devient culte ou occulte avec la même facilité. »

                    2. Avatar de Vincent Teixeira
                      Vincent Teixeira

                      oups !
                       » ce qu’on est fait soi-même » / évidemment : « ce qu’on EN fait… »

                    3. Avatar de Vincent Teixeira
                      Vincent Teixeira

                      re-oups ! désolé…
                      « l’alliage de la physique ou des sciences dures en général… et de la pensée, la philosophie… »

                    4. Avatar de BasicRabbit
                      BasicRabbit

                      @Vincent Teixeira

                      Après relecture de votre commentaire je reprends au vol votre citation borgienne que je fais mienne comme suit : je considère que mes propres pensées n’ont aucun intérêt pour autrui, ne serait-ce que parce que j’aurais bien du mal à les exprimer (1); par contre je suis enchanté de ce que j’ai lu et compris (ou cru comprendre) de l’œuvre de Thom (qui, selon moi, nous propose rien moins qu’un réenchantement d’un monde qui en a bien besoin (2)).

                      Et puisque vous parlez de Borges (« pour qui le langage lui-même était une tautologie, « un ensemble de citations » « ), je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement entre la citation suivante (3) :

                       » Selon Borges, ou plutôt le narrateur, la bibliothèque est immense mais non infinie car le nombre de combinaisons possibles est lui-même fini ; il ajoute qu’il est absurde de supposer qu’elle s’arrête quelque part, et postule qu’elle pourrait être cyclique, en se répétant sans cesse, et donc infinie ; il conclut son récit par : « le désordre apparent, se répétant, constituerait un ordre, l’Ordre. Ma solitude se console à cet élégant espoir.  »

                      et celle-ci, thomienne, déjà faite plus haut (!) :

                       » Au fond, en mathématique, tout sort de l’itération obstinée et stupide de l’opération n → n+1 (addition de 1). Cette générativité, dûment qualifiée (rendue porteuse de qualités) engendre le monoïde libre des « mots » engendrés par un alphabet fini. C’est là le « chaos » primitif d’où vont naître toutes les structures intéressantes de l’algèbre. Tout se passe alors comme si le flot de la combinatoire libre du monoïde venait en quelque sorte à s’« enrouler » autour de figures intéressantes par leurs propriétés globales.  » .

                      Vous semblez ne pas avoir grande considération pour le monisme en général et le monisme thomien en particulier. Selon moi (dont les maigres connaissances philosophiques autodidactes puisent leur source quasi exclusivement dans Wikipédia !) ce monisme se distingue nettement du monisme « extrémiste », qu’il soit matérialiste (l’existence impliquant l’essence) ou idéaliste (l’essence impliquant l’existence), car il s’agit d’un monisme médian, « in re » (?) (4).

                      La leçon des présocratiques. Je ne sais pas comment vous l’entendez. Voici comment Thom la concevait en 1966 (et je pense qu’il n’a pas fondamentalement changé ultérieurement sur ce point) :

                      « Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d’Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d’une si grandiose profondeur ? Il est tentant de penser qu’à cette époque l’esprit était encore en contact quasi-direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s’étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l’arrivée des Sophistes, de la Géométrie euclidienne ; de la Logique aristotélicienne, la pensée intuitive fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. Or, le moteur de toute implication logique est la perte en contenu informationnel : ‘‘Socrate est mortel » nous renseigne moins que ‘‘Socrate est un homme ». Il était donc fatal que le problème de la signification s’effaçât devant celui de la structure de la déduction. Le fait que les systèmes formels des mathématiques échappent à cette dégradation de la ‘néguentropie’ a fait illusion, à cet égard, une illusion dont la pensée moderne souffre encore : la formalisation – en elle-même, disjointe d’un contenu intelligible – ne peut être une source de connaissance.  » (Note finale de l’article « Topologie et signification »)

                      « Et être philosophe ET savant est devenu beaucoup plus difficile… ». À mon avis un véritable savoir, une véritable connaissance, ne peut être qu’une co-naissance. Thom toujours :

                      « (…) notre modèle offre d’intéressantes perspectives sur le psychisme, et sur le mécanisme lui-même de la connaissance. En effet, de notre point de vue, notre vie psychique n’est rien d’autre qu’une suite de catastrophes entre attracteurs de la dynamique constituée des activités stationnaires de nos neurones. La dynamique intrinsèque de notre pensée n’est donc pas fondamentalement différente de la dynamique agissant sur le monde extérieur. On s’expliquera ainsi que des structures simulatrices des forces extérieures puissent par couplage se constituer à l’intérieur même de notre esprit, ce qui est précisément le fait de la connaissance. ».

                      1 : Thom : « Comme la dimension de l’espace des activités neuroniques est énorme, nous pouvons sans doute réaliser mentalement des configurations stables, des idées dont le centre organisateur est de très grande codimension. Mais quand nous voulons exprimer cette idée, nous devons déplier le centre organisateur et procéder par sections locales de dimension quatre au plus, il en résulte que notre pensée verbale, notre pensée réellement consciente parce que communicable, reste à la périphérie de la figure de régulation, bien loin du centre organisateur de l’idée. Elle y rampe comme un mycélium de champignon et elle finit par la pourrir complètement. Alors a lieu la formalisation de l’idée. ».

                      2 : « Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde » (dernière phrase de Esquisse d’une Sémiophysique). À ce propos Thom ne s’intéresse pas à la vérité (simple rhétorique pour lui) mais au sens (cf. ES p.16).

                      3 : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Biblioth%C3%A8que_de_Babel

                      4 : « C’est sans doute sur le plan philosophique que nos modèles présentent l’apport immédiat le plus intéressant. Ils offrent le premier modèle rigoureusement moniste de l’être vivant, ils dissolvent l’antinomie de l’âme et du corps en une entité géométrique unique. » (SSM, conclusion)

                2. Avatar de BasicRabbit
                  BasicRabbit

                  @Vincent Teixeira.

                  Puisque j’ai parlé de réenchantement du monde à propos de l’œuvre de Thom, voici quelques phrases à propos du désenchantement, en complément de l’article éponyme de Wikipédia que je trouve très bien fait.

                  La question est de savoir si la métaphysique réaliste minimale que propose Thom réenchante le monde d’une façon acceptable pour les désenchantés (1). La citation suivante montre que pour Thom la métaphysique qu’il propose est intelligible par le commun des mortels :

                  « Il est certain que la théorie des catastrophes invite à une réhabilitation de la connaissance commune, qu’une glorification permanente de la connaissance scientifique, médiate et instrumentale, aurait tendance à faire oublier. ».

                  On a en effet tendance à glorifier en permanence les progrès de la connaissance démiurgique, médiate et instrumentale, par exemple de la physique quantique (cf. Alain Aspect, récent prix Nobel), en négligeant les progrès de la connaissance herméneutique (la voie proposée par Thom), certainement plus intelligible et moins « magique » que la voie quantique au point où elle en est actuellement. À ce propos il me semble clair qu’il est plus facile d’accepter la logique du chat affamé de Thom, qui, selon Thom, virtuellement sa propre proie tant qu’il n’a pas découvert une proie réelle, que celle du chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort (mais on est dans les deux cas dans une logique qui transgresse les principes aristotéliciens d’identité et de non-contradiction).

                  1 : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9senchantement_du_monde

              2. Avatar de Rosebud1871
                Rosebud1871

                Ah la voix de son maître, vous me rappelez que j’avais jadis collé humoristiquement le chien ecoutant le pavillon… sur une edition confidentielle et clandestine des séminaires de Lacan enregistrés en 4.75 de l’époque, bref sur la galette du DVD.
                Revenons à ce phénomène de croyance, en Dieu – il occupe le terrain – en l’Amour, en la science, en moi, en toi, en eux etc. La vérité, Lacan néologise la varité, ça donne de l’air parfois. Bref il y a le temps des « pourquoi ? « ça peut commencer très vite après les premiers mots, souvent plus tard, parfois pas, ça devrait inquiéter… Mais ce qui inquiète, c’est que ça n’en finit pas pour certains et ça agace, surtout quand ça cale côté réponse des grands. Pas simple de répondre » je ne sais Pas » auquel succédera un « pourquoi tu sais pas ». Le psychalyste comme d’autres gens à la réputation de savoir quelque chose qui va opérer sur la plainte du consultant. Lacan a joué du « sujet-supposé-savoir » pour épingler la posture. Le phénomène du transfert isolé en cabinet, court les rues, dans les affaires sentimentales, familiales incluses, professionnelles, électives diverses, Dieu compris. Il moufte encore moins que l’analyste, donc ça perdure. À qui, à quoi se fier, avec ce mystère embarrassant, vu les emmerdes d’être né ? Pas de réponse autre que celle du colonisé par sa langue dite maternelle, la paternelle étant le latin perdu, invasion qui fabrique un sujet génitif objectif et subjectif, mal entendant que son lexique ne saurait éviter dans les latines l’intrusion, le détournement, la créativité, de l’ère chrétienne : il en est imprégné. Les chinois et japonais ont refusé la bonne parole des missionnaires, c’est un autre monde, d’où l’inévitable translittération. Cette opinion classerait la glossolalie comme acte de résistance annihilant jusqu’au sujet proférant. Bref une sorte d’extrême à l’automatisme mental dont nous sommes servitude parasités très au delà du trognon du libre arbitre, je vous le confirme.

        2. Avatar de Vincent Teixeira
          Vincent Teixeira

          Dit autrement : il n’y a pas de « parole d’évangile »…
          on est toujours dans des interrogations et questionnements ; et il en va de même en sciences. En bon épistémologue, comme il se doit, Jean-Marc Lévy-Leblond (un ami) « aime » à dire qu’en sciences, on ne connaît qu’une toute petite partie des problèmes et questionnements qui se posent (comme la partie émergée de l’iceberg – il donne un indice chiffré de ce savoir par rapport à l’inconnu – évidemment une approximation – mais je cite de mémoire, et j’ai oublié)… et encore les réponses qu’on y apporte ne cessent d’être revues, réévaluées, voire contrariées…

    2. Avatar de BasicRabbit
      BasicRabbit

      PJ : « ce sont trois arêtes qui se rejoignent en un sommet et j’ai compris – je suis un peu psychanalyste sur les bords et je fais un peu d’auto-analyse – que c’était une représentation graphique – que je pouvais voir de mes yeux voir – de cette image de la Sainte Trinité qui se trouve dans notre religion. ».

      En termes thomien on peut voir -très grossièrement- ce sommet comme une singularité de type fronce qui se déploie d’abord le long des trois arêtes de type pli et ensuite sur les trois faces (murs et plafond). Thom qualifie ce type de singularité de logos de la figure qu’elle engendre. C’est la version géométrique de « Et le Verbe s’est fait chair » (chère au catholicisme) que l’on retrouve pour cette raison en épigraphe du chapitre 9 de SSM (1972).

      Le langage géométrique passe là où le langage naturel trépasse : c’est, je crois, le message contenu dans l’envoi de Apologie du logos (1990) :

       » Ce n’est pas un hasard si, finalement, l »une des meilleures applications de la théorie des catastrophes est encore le modèle de l’agressivité du chien proposé par Christopher Zeeman. Malgré son caractère non quantitatif, qui a suscité la dérision des scientifiques professionnels, il a l’avantage inestimable de montrer ce qui fait la supériorité d’un modèle géométrique sur une construction conceptuelle. Expliquer linguistiquement son contenu oblige à des paraphrases compliquées dont la cohérence sémantique n’est pas évidente. « .

      La psychanalyste Michèle Porte, qui a rassemblé 90 pages de citations thomiennes (1), a écrit en introduction de « La dynamique qualitative en psychanalyse » (préfacée par Thom) (2):

       » Une thèse est formulée, affirmons-la clairement : les mathématiciens et les psychanalystes ont a priori des domaines de recherche et des moyens connexes -les seuls processus psychiques – mais pas le même but ! « .

      Thom : « Les perspectives ouvertes par la théorie des singularités sont considérables. Très probablement on va vers une nouvelle manière d’envisager le rôle des mathématiques en science. En reprenant le problème de la modélisation mathématique des activités psychiques, on peut espérer édifier une théorie mathématique de l’analogie. ».

      Il me semble que PJ -qui cite Thom dans PSI et dans « Comment la vérité… »- est particulièrement bien placé pour tenter la synthèse des deux points de vue.

      1 : https://www.maths.ed.ac.uk/~v1ranick/papers/thom/data/citations.pdf

      2 : https://excerpts.numilog.com/books/9782130457718.pdf

    3. Avatar de Pascal
      Pascal

      « Selon de nombreuses philosophies Dieu est géomètre; il serait peut-être plus logique de dire que le géomètre est Dieu »
      Qu’est ce que Dieu ? Vaste programme comme dirait le Grand Charles !😉
      S’il y a bien une différence fondamentale entre l’Orient et l’Occident sur la notion de Dieu, c’est qu’en Occident, Dieu a été personnifié. Votre citation témoigne de ce que Dieu est devenu dans nos esprits.
      Or, « à l’origine » au moins des grandes traditions du livre, Dieu ne peut être décrit, ce que Dieu est relève de l’indissible, de l’innommable comme dans la tradition juive. C’est une différence fondamentale car il devient bien difficile dans nos esprits occidentaux de considérer Dieu autrement que comme une autorité patriarcale.
      Ainsi, beaucoup de perceptions de ce que pourrait être Dieu nous sont devenus inaccessible, quand elles le restent en Orient.
      On peut essayer en faisant la distinction entre Dieu et le divin. Si l’on se dit par exemple que la Vie (ensemble du processus non limité t’être humain) est l’expression du divin comme processus. Cela s’oppose directement à l’idée que Dieu nous a donné la vie et va nous la reprendre. D’un côté la Vie est un processus universel, mort comprise donc indissociable, de l’autre, la vie (la nôtre) est un don qui peut-être repris donc injuste.
      Le débat reste ouvert 🙏😉

      1. Avatar de BasicRabbit
        BasicRabbit

        @Pascal

        J’ai tartiné mon point de vue sur le sujet en long, en large et en travers, dans plusieurs commentaires du billet de PHILGILL sur l’immortalité.

        J’en profite pour dire à PHILGILL -s’il tombe sur ces lignes- que je ne lui ai pas encore répondu à son dernier commentaire parce qu’il faut que je me replonge d’abord dans les deux billets de PJ concernant son bouquin en anglais sur le transhumanisme.

  4. Avatar de BasicRabbit
    BasicRabbit

    PJ : « Qu’est-ce qu’il faut faire maintenant ? Comment est-ce qu’on va se sortir de ce pétrin ? » .

    Lire l’œuvre de Thom :

    « En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur -ainsi que la structure même de l’esprit- l’activité mathématique se place dans le droit fil de l’évolution. C’est le jeu signifiant par excellence, par lequel l’homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s’assure les meilleures chances de survie pour l’humanité. » (fin de « Stabilité Structurelle et Morphogenèse », sous-titré « Essai d’une théorie générale des modèles »).

    Remarque à propos du fondement formel des mathématiques. Les deux phrases qui précèdent la citation ci-dessus sont :

    « Les axiomes de l’arithmétique forment, c’est bien connu, un système incomplet. C’est là un fait heureux car il permet d’espérer qu’un grand nombre de phénomènes structurellement indéterminés et informalisables pourront néanmoins admettre un modèle mathématique. ».

  5. Avatar de aptyos
    aptyos

    La multiplication des pains n’est pas pour tout de suite mais la fermentation contrôlée y aiderait bien: https://www.theguardian.com/commentisfree/2022/nov/24/green-technology-precision-fermentation-farming

    1. Avatar de Guy Leboutte

      aptyos Monbiot

      « Tout le monde » cherche un espoir.
      Monbiot mise ici sur une production alimentaire potentiellement révolutionnaire, Paul Jorion sauve la mise en imaginant que des créatures produites par les humains vont leur survivre et embellir, ce qui aurait tout de même quelque chose de merveilleux et prometteur, Gaël Giraud a fini par dire quelque part (je le guettais depuis longtemps) qu’il ne peut imaginer le néant après l’existence humaine individuelle si riche ou si terrible, ce qui fonde sa croyance en « Dieu », en fait la divinité de sa naissance, …
      L’espoir en fait a souvent partie prenante avec l’orgueil : nous sommes bien trop merveilleux pour disparaître comme espèce, et, pour certains, même comme individus. (Et pour que ce soit clair, je ne parle ici que de trois personnes qui me nourrissent et que je suis avec intérêt et une forme d’admiration.)

      Si des gens sont croyants, alors toutes les divagations leur sont permises. Mais pour les autres, qui acceptent leur néant individuel au jour de leur mort, pourquoi un néant ne mettrait-il pas fin à l’espèce? Où est la loi qui interdit cette occurrence ? Ce néant est possible, pas certain, nous n’en saurons rien de notre vivant avant longtemps. Dans un passé lointain le genre humain aurait été réduit à moins de quelques millions, puis il a repris du « mordant » : autrement dit, à partir de quel chiffre de population saurons-nous que nous en sommes en train de disparaître, d’autant qu’avant cela la perte de toutes communications et connaissances portant sur l’ensemble de la planète sera très vraisemblablement actée ?
      La vie sur terre telle que nous la connaissons a encore, sauf météorite majeure, un milliard d’années devant elle, quand l’augmentation de température de notre étoile vieillissante mènera notre planète à plus de 70 ou 80 degrés, puis à 100. Et deux milliards et demi d’années plus tard, notre planète retournera au chaudron stellaire. Ça, c’est certain.

      Je ne sais pas où trouver un espoir, alors que l’espoir est sans doute vital. Je note pour mon compte une espèce de joie de vivre « dans la masse » , qui me traverse et a tout d’une propriété du vivant, aussi noires soient mes observations et les perspectives identifiables. Pas d’espoir identifié mentalement mais une joie consciente d’être vivant.
      J’ai il y a quelques années équilibré ma vision du monde en reconnaissant une liste de raisons de ne pas désespérer de l’humanité aussi longue et lourde que la liste des raisons d’en désespérer. Ça doit être mon truc, spontané, pour garder le moral. Mais cela n’assure aucun pronostic sur les événements à venir.

      ————————————-

      PS: pour le pari de Monbiot, mouais. J’ai au moins une 5e objection. Tout ça pour quoi? Pour nourrir 20 milliards d’humains ? Il y a une autre approche, traiter de la destruction démographique qui s’imposera quoi qu’il en soit, à 8 comme à 20 milliards d’habitants humains.

      1. Avatar de aptyos
        aptyos

        Il ne s’agit pas d’espoir mais d’une solution potentielle (certainement parmi d’autres). Cette techno est faisable, elle n’a rien de révolutionnaire et est bien plus simple que les vaccins à ARN. Je ne pense pas la voir arriver de mon vivant. Pour autant, ça ne me rassure pas pour ceux qui resteront et les religions n’ont rien à voir à l’affaire car elles ont privilégié l’ignorance pour garder leur pouvoir. Il ne faut pas confondre l’espoir religieux (auquel je suis imperméable puisque non croyant) avec l’instinct de survie qui contraindra à adopter de telles technologies.
        Sinon, 20 milliards sur Terre, no way, le max avait été estimé à 11 milliards et devrait être revu à la baisse avec de récentes études rapportant une baisse de la fertilité masculine tous pays confondus de 60% … et probablement autant pour les femmes;
        https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/11/15/le-declin-de-la-fertilite-masculine-est-mondial-et-s-accelere_6149933_3244.html

  6. Avatar de Inox
    Inox

    Pour moi, la religion est une relique du moyen âge. Une relique inoxydable que nos craintes de l’inconnu aiment étreindre. Un réconfort.

    Je pense qu’il y a quelque chose de bien plus grand que nous dans cet (ces?) univers, mais qui n’a strictement rien à voir avec tout ce qu’on a pu imaginer jusqu’à maintenant.

    1. Avatar de Vincent Teixeira
      Vincent Teixeira

      exactement cela : « un réconfort », face à l’inconnu.
      et j’ajouterais, en rejoignant André Breton : « chercher le réconfort dans une croyance me semble vulgaire » (« La confession dédaigneuse »)

      1. Avatar de Garorock
        Garorock

        Les institutions religieuses (l’église apostolique et romaine) ont des similitudes avec les pyramides de ponzi. Ce sont toujours les derniers arrivés qui se font …… Les nonnes, les enfants de choeur.
        Et, ailleurs, celui qui se fait exploser pour 72 vierges sattelisées.
        Les évèques sont les traders.
        La banque centrale est au Vatican.
        La multiplication des petits pains (ex nihilo?) se fait toujours pour les mêmes.
        Une réglementation?
        Le mariage des prêtres ne fait pas partie de la doxa!
        😎

  7. Avatar de Hadrien
    Hadrien

    Si l’ Homme ne parvient pas à élaborer « l’équation du tout », unifiant toutes les forces élémentaires, quantique et gravifique, il restera une entité supérieure à l’Homme. Constatons que les lois physiques sont très très très précisément calibrées pour permettre l’émergence de la vie, au point que beaucoup de physiciens non croyants finissent par CROIRE à une infinité d’univers.

    1. Avatar de Rosebud1871
      Rosebud1871

      M’enfin Paul Jorion, ça transpire chez vous le sauveur de l’humanité, le fil paulinien, votre analyste avait de beaux restes du prêtre qu’il avait été, etc. ça fait retour en boucle sur ce blog et pourquoi pas, de là à vous présenter détaché, j’ai plus qu’un doute.
      À l’inverse difficile posture que celle adoptée d’effets fracassants de matières devenue pensante, sans queue ni tête, prise dans les rets du verbiage d’une époque, condamnée à devoir inventer du sens à tout ça chaque matin, sens qui fuit bien-sûr, à défaut du bouchon religieux qui sature et montre le chemin balisé. A Roissy où j’écris, ça s’entend en boucle : protégez vous les uns les autres…y a matière ?

      envoyé par cellulaire.

      1. Avatar de Paul Jorion

        Et vous ne savez encore rien du projet commun auquel je viens de donner mon accord ! Là, ce n’est pas de votre chaise que vous tomberiez, mais carrément de votre lit 😀 !

  8. Avatar de torpedo
    torpedo

    Bonsoir à tous,

    L’histoire des humains ne devrait pas pouvoir se résumer simplement,
    En un affrontement perpétuel de croyances différentes, voire opposées,
    Ni même en un affrontement répété entre croyants et non croyants.
    Pourtant, sans même parler d’aucune religion en particulier,
    Sans avoir à nommer un seul dieu ou même un seul homme,
    Notre histoire ainsi résumée est déjà assez fidèlement croquée!
    Serait-ce une fatalité? A cela, je ne crois pas non plus.
    Pour moi il ne s’agit que d’une preuve de plus de notre stupidité collective.
    La croyances, comme la non croyance,
    Ne sont même pas le fond du problème…
    Car Il ne faut pas confondre causes et effets.
    Les croyances sont les effets,
    Les causes en sont nos peurs.
    Nos peurs ont engendré à travers les âges et les lieux
    Des réponses collectives différentes,
    Qui depuis s’affrontent toujours en de stériles conflits.
    Pourtant toutes nos religions ont été coulées dans un moule commun.
    Une foi commune qui unit tous les croyants, jusqu’aux incroyants,
    Dans une même exigence personnelle et sociétale:
    « Je fais le bien car je désire le bien pour moi-même ».
    Cessons simplement de parler de dieu.
    Dieu, tout comme le Père Noël, n’a rien à voir la dedans.
    Ne croyons qu’en nous même.
    Prouvons nous que nous sommes capables d’évoluer.

    Alors le Socialisme?
    Si ça vous chante!
    Mais si ça fait encore rêver certains,
    Beaucoup ont déchantés depuis longtemps…
    Et puis, il serait peut-être temps de voir un peu plus large, non?

    Eric.

    1. Avatar de Pascal
      Pascal

      « Ne croyons qu’en nous même. »
      C’est déjà le cas et c’est ce qui fait notre malheur (souffrance).

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