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*Godot est mort !*
« On ne peut peindre sans appartenir à un lieu » titrait hier soir « Marianne » son excellent article sur Botero :
Puisque cet article fait référence à Garcia Marquez et Vargas LLosa, citons ce dernier dans le livre qu’il lui a consacré, « Une somptueuse abondance » :
« L’esthétique de Botero est la négation du laid, la plus haute conquête de l’art contemporain. L’antique croyance selon laquelle la mission de l’art n’est pas de s’identifier aux manifestations tristes, répugnantes ou abjectes de l’humain et de les exprimer à travers un langage qui ne les trahisse pas, mais d’utiliser ses ressources pour les embellir, en élevant, en un acte de prestidigitation artistique, la réalité sombre, par le biais de la beauté et l’élégance formelle, à un plan où elle peut être seulement appréciée et jugée comme un objet de plaisir, a de nos jours en Botero une de ses rares survivances. »
Et pour illustrer en musique cette oeuvre, je trouve que la chanteuse Colombienne Toto la Momposina lui sied très bien :
Je me souviens d’avoir eu la chance de découvrir l’exposition des sculptures charnues de Fernando Botero à Venise en 2003. Fortement décriée par les puritains cette exposition s’intégrait parfaitement et malicieusement dans cette ville d’Art ! Un clin d’œil à la Renaissance italienne, au détour d’une ruelle, d’une grosse femme étalée ou d’un cheval mastoc.
Fernando Botero : « On ne peut pas faire de la peinture sans appartenir à un lieu. »
(Petit détournement d’un extrait des Confessions de Saint-Augustin, Livre X, Chapitre VI, 8 ) :
Alors, qu’aimait-il donc en faisant de la peinture ?
Ce n’était point la beauté selon l’étendue, ni la gloire selon le temps, ni l’éclat de cette lumière amie à nos yeux, ni les douces mélodies du chant, ni la suave odorance des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni les délices de la volupté. Ce n’est pas là ce qu’il aimait en elle.
Et pourtant il aimait une lumière, une mélodie, une odeur, un aliment, une volupté ; cette lumière, cette mélodie, cette odeur, cet aliment, cette volupté, suivant l’homme intérieur ; lumière, harmonie, senteur, saveur, amour de l’âme, qui défient les limites de l’étendue, et les mesures du temps, et le souffle des vents, et la dent de la faim, et le dégoût de la jouissance, Voilà ce qu’il aimait en faisant de la peinture.
Fernando Botero : « J’ai peint beaucoup d’instruments de musique mais, si vous regardez bien, mes guitares n’ont pas de cordes, elles ne jouent pas. Parce que ce qui m’intéresse dans une guitare, une clarinette, un violon, etc., c’est la forme, rien que la forme. »
Appartenir à un lieu, comme un trou au milieu de l’instrument.
Les Confessions de Saint-Augustin – LIVRE X, chapitre 10, 17 :
« Quand j’entends dire qu’un objet comporte trois sortes de questions, savoir : s’il est, ce qu’il est, quel il est, je m’empare bien de l’image des sons dont ces paroles se forment, je sais qu’ils ont traversé l’air avec bruit, et qu’ils ne sont plus. Mais les réalités mêmes, exprimées par ces sons, je ne les ai perçues par aucun sens corporel ; je ne les ai nulle part que dans mon esprit, et c’est elles-mêmes, non leur image, qui habitent dans ma mémoire. Par où sont-elles entrées en moi ? qu’elles le déclarent, si elles peuvent. Je visite toutes les portes de ma chair, et je n’en trouve pas une qui leur ait donné passage.
Les yeux disent : Si elles sont colorées, nous les avons annoncées ; si elles sont sonores, disent les oreilles, nous les avons introduites ; si elles sont odorantes, disent les narines, c’est par nous qu’elles ont passé. Le goût, dit encore : S’il n’est pas question de saveur, ne me demande rien. Et le tact : S’il ne s’agit pas de corps, je n’ai point touché, et, partant, je n’ai rien dit. Par où et comment se sont-elles glissées dans ma mémoire ? je l’ignore : car, en les apercevant, ce n’est pas sur le témoignage d’une intelligence étrangère que je les ai crues, mais j’ai reconnu leur vérité dans mon esprit, je les lui ai remises comme un dépôt, pour me les rendre à mon désir. Elles étaient donc en moi avant que je ne les connusse, sans être dans ma mémoire ; mais où donc, et comment, quand on m’en a parlé, les ai-je reconnues, en disant : Il est ainsi, c’est vrai ; si elles n’étaient déjà dans ma mémoire, mais ensevelies au loin, et à de telles profondeurs, que peut-être, sans indication, ma pensée ne les eût jamais exhumées ? »
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