J’avais vu La Maman et la Putain au moment où c’est sorti, il y a 52 ans.
Cinquante-deux ans … ça me rajeunit tellement d’y penser ! Je l’avais conservé précieusement tout au fond de ma mémoire. Pas comme un souvenir ému, ni mélancolique, mais comme le souvenir d’un petit sourire en coin.
Cela dit, je ne suis jamais parti à sa recherche dans des expéditions vers des médiathèques de contrées lointaines. C’est l’histoire qui est revenue vers moi l’année dernière sous la forme de la publication du « Coffret Jean Eustache ». Tout y est de ses films, y compris Le Père Noël a les yeux bleus.
Je regarde La Maman et la Putain en feuilleton depuis quelques jours – ça fait quand même 3 heures et 40 minutes – et hier en m’arrêtant – vers 2 heures du mat’ et quelque chose – j’ai été déçu : il ne me reste plus à voir qu’une quarantaine de minutes seulement !
Car qu’est-ce qui fait le charme pour moi de ce film de 1973 ? Que ce n’est pas un vrai film : c’est un documentaire. Ce qu’on peut voir à l’écran cette année-là, en 1973, c’est une fillette possédée par Satan, la corruption des flics new-yorkais avec Al Pacino, des gens qui dans le futur mangent en comprimés des cadavres recyclés, et ainsi de suite. Alors que pour mes copines et mes copains, qui avons exactement le même âge que Jean-Pierre Léaud et Françoise Lebrun, c’est de la caméra cachée si on veut : c’est notre vie, de jeunes intellos, plus ou moins glandeurs, plus ou moins infirmières. Il n’y a qu’un truc dans lequel je ne me reconnais pas : se mettre au lit sans enlever ses godasses, j’étais quand même trop à moitié Hollandais pour ça !
Aller au cinéma et passer 220 minutes à se voir sur l’écran avec ses poteaux – ou apparentés, cela mérite bien, 52 ans plus tard, un petit sourire en coin au fond de la mémoire.
Annie Le Brun et moi nous avons eu comme ça, comme eux, des conversations de 12 heures dans des cafés parisiens, que seul interrompait le regard las d’un garçon signifiant : « J’ai vraiment envie d’aller me coucher ! ». Un jour, en arrivant à La Coupole, nous avons vu que la décoration avait changé : aux murs pendaient maintenant de grandes photos prises en général là. Au-dessus de l’endroit où nous avions l’habitude de nous asseoir, trônaient désormais Malraux en compagnie de Sonia Delaunay.
Annie a dit en s’assoyant : « Eh bien ! Ils sont là (au mur) et nous, nous sommes ici (sur la banquette) ! », avec ce même petit sourire en coin dont je parlais tout à l’heure, qui lui allait si bien, et dont elle ne se départait que pour s’indigner.
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