On a reparlé récemment de Terrence Malick, parce que son nouveau film The Tree of Life, qui devait être présenté à Cannes, et sur lequel on comptait beaucoup, n’était pas prêt.
J’ai vu The Thin Red Line en Californie à l’époque où il est sorti (1998). Un de mes fils me rendait visite à cette époque, et nous l’avons vu ensemble. Nous en sommes ressortis rompus : quel extraordinaire documentaire sur l’espèce à laquelle nous appartenons lui, vous et moi-même.
Pour ceux qui n’ont pas vu le film : il s’agit de la bataille de Guadalcanal dans l’Océan Pacifique (1942-43) et Malick, dans sa croisade anti-Hollywood, a voulu filmer cela de la manière la plus réaliste qu’on puisse imaginer.
Ceux qui ont vécu ce genre d’événements « extrêmes » pourront nous dire si le metteur en scène a réussi ou non à rendre le climat de l’homme dans ses pires moments, et dans ses meilleurs bien sûr, puisqu’ils viennent malheureusement en général ensemble (comme quand le personnage incarné par Sean Penn oublie tout de l’importance que pourrait avoir à ses yeux sa propre vie pour aller rechercher l’un de ses camarades tombé en première ligne).
Notre espèce, pour le pire et le meilleur. Quoi qu’il en soit, et tant qu’à naître sur cette planète, j’aurais préféré, et de loin, naître une girafe.
73 réponses à “Naître une girafe”
Désolé, mais beaucoup trop de voix « off » pour faire un bon film. Hollywoodien ou pas. Et la mort y est mise en scène de manière très esthétique, hollywoodienne en fait.
A aucun moment ne ressort la laideur grotesque, l’obscénité de la violence et de la mort. 5 minutes d’images d’archives glanées ça et là et ayant survécu à la censure en disent plus long que ces heures interminables de monologues et de combats bien ordonnés d’acteurs vitaminés aux joues pleines, aux regards vifs , souffrant et mourant dans la dignité.
Pas bon.
Idem. Suis sorti de la salle avant la fin, ce qui ne m’est arrivé que deux ou trois fois en vingt ans alors que je suis plutôt cinéphile et bon public (ça va chez moi du blockbuster hollywoodien au film iranien pour intellos). Rarement vu aussi ennuyeux et ridicule (les soldats n’arrêtaient pas de pleurer et de monologuer interminablement). Franchement, j’en suis sorti avec plutôt l’envie de castagner. Bon, je suis pas rentré dedans, ça arrive. Cela m’est à nouveau arrivé avec « le nouveau monde », du même auteur, que j’ai encore trouvé insupportable de niaiserie.
Pour un bon film dénonçant les horreurs de la guerre, je conseille plutôt « les sentiers de la gloire » de Kubrick.
« Ceux qui ont vécu ce genre d’événements « extrêmes » pourront nous dire si le metteur en scène a réussi ou non à rendre le climat de l’homme dans ses pires moments »
J’ajoute que j’ai vécu quelques moments très violents dans ma vie vu le quartier mal famé dont je proviens et que ce film ne me paraît absolument pas réaliste, mais alors là pas du tout. Dans ces moments-là, ce qui est le plus dur à assimiler psychologiquement par la suite, c’est qu’on devient une bête féroce animée par l’instinct de survie, pas qu’on chiale en dissertant sur la beauté de l’herbe qui bouge grâce au vent. Un ami ex-paracommando me l’a confirmé par ailleurs un jour. S’il y en a dans la salle, il pourra confirmer ou infirmer, vu qu’une expérience personnelle n’est pas l’autre.
« …beaucoup trop de voix « off » pour faire un bon film ».
Donc « Le Roman d’un tricheur » de Sacha Guitry, « L’Ultime razzia (The Killing) » de Kubrick, « Une autre femme » de Woody Allen, « Apocalypse Now », de Coppola, « Johnny s’en va-t-en guerre » de Dalton Trumbo, « Chaînes conjugales » de Mankiewicz, « Amadeus », de Milos Forman ou « A tombeau ouvert » de Scorsese, entre beaucoup d’autres, sont de mauvais films, puisqu’ils utilisent la voix off bien plus que Malick dans La ligne rouge »?
Girafe, girafe…
Allez visiter http://www.onemilliongiraffes.com/, c’est un site à nul autre pareil, qui demande à chacun de contribuer à hauteur de ses moyens créatifs, pour réunir un million de girafes « faites main ». Sans contrepartie, sans jugement, une « oeuvre collective » juste parce que c’est possible…
Hello ventilo
L’idée de montrer qu’ensemble on peut réaliser de grande choses m’interpèle.
Je viens juste d’avoir une inspiration en ce sens, belle coïncidence.
Et si…
Et si on faisait comme avec linux et le libre en informatique.
Certains jeux sont fait par des personnes qui rachètent les droits afin de rendre le jeu libre d’être distribuée à tous gratuitement.
Il est possible de faire de même avec la finance et les « droits sur tout ».
Il faut reprendre le système avec ses propres armes pour nous en libérer.
Unissons nous et achetons notre liberté.
C’est toujours mieux que de payer les dettes consécutive à leurs escroqueries.
En s’achetant notre liberté, on mise sur un avenir.
Tandis qu’en les laissant faire…
Allez, et si…
B.S 25/05/2010
Vous venez de (ré)inventer les « milieux associés » dans la terminologie de B Stiegler.
La langue est le plus simple exemple. Elle vous est donnée, vous la prenez, tout le monde y trouve son bien
(même le porte-monnaie des psychanalystes d’ailleurs) . Et vous êtes à la fois destinataires et locuteurs potentiel, dès la première demi-seconde où les signes adéquats vous sont adressés (y compris visuels, etc.) .
Linux est du même tonneau, vous y écrivez et vous êtes lecteur du code, si vous êtes dans la communauté Linuxienne (jy suis pas)…
Donc voila la belle utopie : la finance remise en place dans son rôle d’échange. Mais qu’échangez vous au juste, pour être dans le circuit d’échange ? Vous vous payez de mots ? Vive l’utopie et remettons les questions qui fâchent aux calendes (grecques) !
Sérieusement, je suis d’accord pour définanciariser pas mal de choses, et aller vers l’amatorat généralisé (« otium ») pour partager les immenses connaissances collectives.
pour ma par jaurais aimé être un rosignol ou un merle.
« Dans un monde sans mélancolie les rossignols se mettraient à roter. » Cioran
je choisirais donc le merle
Et moi le Loriot ou la grive musicienne
bien vu logique car la girafe et ses petites oreilles ailées est recensée au menu de la Bible (Deutéronome 14,5) parmi les animaux comestibles définis par la loi mosaïque. « Voici les animaux que vous mangerez : le bœuf, la brebis et la chèvre; le cerf, la gazelle et le daim; le bouquetin, le chevreuil, la chèvre sauvage et la girafe. Vous mangerez de tout animal qui a la corne fendue, le pied fourchu, et qui rumine », dit Moïse au peuple d’Israël. un monde vide d’animaux, du champagne et de la poussière d’or, le règne de la paix enfin sur terre!
Les girafes, Paul, ne font pas d’anthropologie (pas plus que de girafologies), et ne pigent rien à l’économie.
D’une manière plus générale, les girafes ne remettent jamais en question l’ordre établi.
Comment en être sûr ? Elles n’ont jamais la parole.
@jide
Je ne suis pas une spécialiste es girafes, mais mon neveu est vétérinaire et je crois qu’une des caractéristique est que le groupe n’a pas de leader, telle ou telle girafe occupant la position alternativement. Toujours est-il que l’ordre hiérarchique y est tout au contraire beaucoup remis en cause !
+1 pour le plus beau film de guerre que j’aie jamais vu, qui se magnifie en un film sur les hommes, leur nature, leurs contradictions (ça change des films guerriers glorifiants habituels).
Une girafe, pourquoi pas, ou bien, un rhinocéros :
superbe
Days of Heaven, une autre merveille de Terrence Malick,
avec, dans les passages musicaux, l’exquis Aquarium de Camille Saint-Saens :
que l’on n’entend pas dans la bande annonce
http://www.youtube.com/watch#v=8cUhBDYbiag&feature=related
« The Thin Red Line » un film extraordinaire qui m’a profondément ému.
Paul, avez-vous pensé au délice d’être loutre des mers ?
« La loutre des mers s’enroule dans des algues enracinées pour ne pas dériver au large pendant son sommeil » (Arte).
Oh oui ! Pas le moindre tripalium à l’horizon loutre…
Je l’ai vu et c’était mon film préféré, à l’époque…
@Paul :
Toutefois le girafon tombe toujours de très haut en naissant …
Nous aussi…et l’on est jamais bien surs de s’être relevés!
« La vie est un enfer dont chaque seconde est un miracle. » Cioran
C’est un sacré bon film en effet que cette Ligne rouge, qu’on adore ou qu’on déteste, ce qui est plutôt bon signe 😉 Merci en tout cas de ce rappel que – pour le moins – je n’attendais pas sur ce blog.
Ce film rompt avec quelques poncif antérieurs (du genre Tora, Tora, Tora, dont j’avais d’abord pensé qu’il avait été filmé au troisième degré tellement il aligne les clichés sur ces demi-sauvages japonais)
Quelques scènes me reviennent à l’esprit : Le Capitaine Staros (Elias Koteas) qui essaie de s’opposer à l’ordre du Lt. Colonel Gordon (Nick Nolte) d’attaquer frontalement la colline au sommet de laquelle sont nichés les soldats japonais qu’il voit comme un suicide. Gordon éructe ses ordres à distance avec une violence inouïe en jouant sur plusieurs registres (refus d’ordre, mauviette, incompétents…) et Staros d’essayer de rester impassible et de lui opposer des arguments d’ordre juridique pendant que ses hommes attendent, attendent en espérant un changement de stratégie qui ne viendra pas vraiment. Après ces interminables moments d’attentes, de progression lente à travers les herbes hautes vient l’assaut, d’une fulgurance et d’une intensité folle où les hommes ne sont plus vraiment…des hommes. On rencontre alors ces dangereux ennemis, faméliques et terrorisés.
Au passage, la musique composée par Hans Zimmer ajoute beaucoup à l’atmosphère du film. « Journey to the Line », par exemple, exprime bien cette attente interminable de l’assaut que pourtant personne ne veut vivre sans pouvoir y échapper (cela me rappelle un peu une certaine crise dont on parle à l’occasion sur le présent blog, mais cela doit être pavlovien). Bref, le morceau est presque aussi oppressant que le « Music for 18 Musicians » de Steve Reich.
D’autres scènes sont surréalistes, par exemple lorsque les soldats croisent ces mélanésiens, continuant tant bien que mal leur vie pluriséculaire sur leurs îles que d’autres ont choisies comme terrain de jeu macabre, si vous me passez l’expression.
« Magnificence, Impermanence », nous dit Murasaki Shikibu dans le dit du Genji, tout ce qui est déchoit nécessairement.
Excellent …
j’y ai retrouvé nombres de sensations de mon expérience mitaire.
Et aussi … une poésie paradoxalement décuplée par la durée, l’étrangeté et même la contrainte.
Ce film ne convient pas du tout à ceux qui ne pensent qu’à un spectacle,
ou d’autres qui apprécient les télé-réalités … réalité ?!
A mon sens un chef-d’oeuvre absolu qui n’est même pas franchement un film de guerre. Une réussite esthétique et philosophique…
La bande son de la ligne rouge est excellente. Pour Hollywood Sam Peckinpah, avec « Croix de fer » s’impose. Méconnus mais incontournables pour leur humanisme, Bondartchouk « ils ont combattu pour la patrie » et Klimov, « Requiem pour un massacre ».
Lu ailleurs: « Les girafes n’existent pas, c’est un coup monté. »
si, elles existent !
et la preuve c’est que quand elles voyagent,
elles évitent les tunnels, et de passer sous des ponts.
Dalton Trumbo, Johnny got his gun (Johnny s’en va-t-en guerre), notre espèce pour le pire?
Le film est bien… Mais, le livre est excellent : « Mourir ou crever » de James Jones.
Quand on me parle de Terrence Mallick, je pense au « Nouveau Monde », sa revisitation du mythe de Pocahontas. Ce qu’il y a de merveilleux chez Mallick, c’est sa façon, lente, profonde, viscérale de filmer la nature. C’est est au choix: plein de l’espoir que les hommes ressentaient sans doute quand ils étaient à l’état de nature, soit, pour les nerveux, plein d’un terrible ennui. En fait, ce qui ennuie souvent les gens dans ce genre de cinéma, ce sont les prières: car Mallick filme des prières.
Personnellement, c’est sans doute mon côté rousseauiste, mais ces prières, cette évocation du « premier homme » me rend nostalgique.
http://laviedesoccidentaux.blogspot.com/2010/05/une-priere-viens-esprit-aide-nous.html
« C’est au choix : plein de l’espoir que les hommes ressentaient sans doute quand ils étaient à l’état de nature, soit, pour les nerveux, plein d’un terrible ennui. »
L’élite spirituelle vs les brutes nerveuses?
@ moi
je ne crois que la contemplation ou la prière soit le propre d’une élite quelconque. Qui sait même si les brutes nerveuses ne sont pas ceux qui en ressentent le plus le besoin? Je crois bien que moi-même je suis un de ces grands nerveux qui aspirent à s’oublier le plus complètement possible dans cette contemplation.
Un de mes meilleurs souvenirs cinématographiques: une colline que les GI’s dans leur progression à l’intérieur des terres doivent prendre. Au sommet, un fortin, tenu par les Japonais. Une image, un cadre, le silence avant le déchaînement de la bataille: un plan fixe sur la colline en question, des herbes qui ondulent au vent, et soudain à la faveur du passage d’un nuage la lumière qui bascule, puis irradie à nouveau. Comme souvent chez Malick, la nature tient un rôle à part entière, elle est là, tout autour du manège tragique des hommes, la biogée comme dirait M Serres, filmée de main de maître, avec un sens du temps inouï. Et puis, après ce moment suspendu sur l’abîme de l’histoire, la bataille qui se déchaîne, filmée caméra à l’épaule, ce capitaine humain qui rechigne à envoyer ses hommes à une mort certaine et ce colonel magistralement joué par un Nick Nolte au mieux de sa forme qui en contrebas éructe et crache ses ordres au téléphone.
Pour moi, un des meilleurs films de guerre. En plus, la voix off, loin d’être superflue donne toute l’ambiance au film, et comme un fil conducteur nous y entraîne.
Grand film.
VM
Peigner la girafe/version soft
« Une des explications fournies ;une histoire mettant en scène le gardien du Jardin des Plantes où résidait l’animal. Ce gardien aurait été pris en flagrant délit d’oisiveté et pour se justifier aurait répondu « je peignais la girafe ».
Bonjour!
Tout à fait d’accord avec Paul: un des tout meilleurs films que j’ai vu, du niveau de Ran ou Kagemusha de Kurosawa.
Paul,
La girafe comme métaphore de la Communication Non Violente?
http://fr.wikipedia.org/wiki/Communication_non_violente_(Rosenberg)
Pour moi, ce film de T. Mallick en particulier, c’est un peu comme l’Appassionata de Beethoven dans le film « la vie des Autres », où celui qui a écouté cette musique ne peut plus vouloir de mal à ses semblables …
Sauf qu’on écoutait beaucoup Beethoven parmi les SS. Nul doute qu’ils appréciaient aussi l’Appassionata.
@ Moi
Pfff…. Un peu inutile comme remarque, non?
On a bien compris que vous n’aimiez pas. Est-ce bien la peine d’essayer d’en dégouter les autres, surtout avec de si piètres arguments?
@Nikademus:
Ma remarque portait sur Beethoven, que j’aime bien, et sur l’affirmation fausse que s’émouvoir d’une belle oeuvre rend meilleur. Pas sur Mallick.
Et je ne vois pas en quoi elle est piètre. Des philosophes en ont fait des bouquins et ont cherché à comprendre ce fait que des bourreaux peuvent par ailleurs être de bons pères de famille aimants et au surplus être profondément touchés par des oeuvres esthétiques émouvantes. Autrement dit, ce qui émeut les uns n’émeut pas les autres et s’émouvoir, le pathos, n’est pas de l’ordre de l’éthique.
La guerre, dans sa cruelle absurdité, confrontée au mythe du paradis perdu. Le début (le soldat découvrant la vie des origines) est époustouflant.
Plus une rêverie, un long poème, superbe et envoûtant, qu’un film de guerre.
Malick, pour dénoncer la barbarie, a choisi le propos métaphysique. A tout prendre, ce point de vue est moins complaisant que tous ces films-boucherie qui prétendent nourrir la même ambition.
http://web.mit.edu/mlcar/www/personal/performances/translations/courte-paille.html
VI Le carafon
« Pourquoi, se plaignait la carafe,
N’aurais-je pas un carafon?
Au zoo, madame la giraffe
N’a-t-elle pas un girafon? »
Un sorcier qui passait par là,
A cheval sur un phonographe,
Enregistra la belle voix
De soprano de la carafe
Et la fit entendre à Merlin.
« Fort bien, dit celui-ci, fort bien! »
Il frappa trois fois dans les mains
Et la dame de la maison
Se demande encore pourquoi
Elle trouva, ce matin-là
Un joli petit carafon
Blotti tout contre la carafe
Ainsi qu’au zoo le girafon
Pose son cou fragile et long
Sur le flanc clair de la girafe.
Maurice Carème
Je n’ai jamais fait la guerre, fort heureusement, mais comme tous les gamins des années 50 j’ai « joué’ » à la guerre. Je me souviens de longues attentes, couché dans les hautes herbes, attendant l’arrivée des gamins du camps adverses, n’ayant à admirer que les mouvements des très nombreux insectes, silencieusement actifs sous mon nez enfoncé dans la nature. The thin red line a fait remonter en moi ces souvenirs.
Comme pour tous les « événements extrêmes », j’ai l’impression que c’est l’attente qui est la plus marquante, l’attente du jeu dans un cas, l’attente de la mort, donnée ou reçue, dans l’autre, ou l’attente du changement de système que nous vivons sur ce blog…
Et Apocalypse Now, c’est de la daube ?
imdb :
During the on-going Vietnam War, Captain Willard is sent on a dangerous mission into Cambodia to assassinate a renegade Green Beret who has set himself up as a God among a local tribe.
===================================================
Bonne question, dans la perspective de Conrad, l’altérité est ici vue comme perte du sens, et de soi, dissolution de la civilisation. Or chez Malick, c’est l’inverse…
La jungle, c’est l’effroi, une vague végétale géante, et Céline, lecteur de Conrad, parle de salades géantes. Baudelaire, de salades essentialisées… à propos du culte de la nature.
« Au coeur des ténèbres », je ne sais plus comment Conrad se positionne lui-même face à la civilisation.
Oui mais faite de la meilleure viande qui soit! Plus que de celle du boeuf qu’on y abat, celle de Brando.
Plus que du Conrad Coppolisé, du Conrad Marlonisé!
Quant j’ai vu ce film à sa sortie, la seule image qui me hantait était celle du corps de Brando, le seul son qui m’habitait était la voix de Brando (en VO): « I’ve seen horrors, horrors that you have seen, but you have no right to call me a murderer, you have the right to kill me… »
Comme si le reste n’avait été qu’un habile pensum hollywoodien pour nous mener là…
Bon j’avais 18 ans…
Bien des chefs d’Etats – tous peut-être – et tous leurs ministres,
du premier au dernier des ministres, seraient bien inspirés d’aller
voir les films de Terrence Malick.
Proposition autoritaire ?
Allons, le supplice ne serait pas bien long :
il n’y a, pour l’instant, que quatre films à voir.
Mesdames et Messieurs, encore un effort,
un petit effort d’amour sidérant de la planète ;
de ses démons et merveilles, de tous ses habitants
et de son humanité tout entière.
om, salam, shalom, amen, et tutti frutti
« Bien des chefs d’Etats – tous peut-être – et tous leurs ministres, du premier au dernier des ministres, seraient bien inspirés d’aller voir les films de Terrence Malick. »
Oh que oui! Et que cela soit obligatoire, et qu’on les leur passe en boucle avec des agraffes aux yeux pour qu’ils ne puissent les fermer.
Ils feront moins les malins après ça.
Pour moi aussi un grand souvenir de cinéma.
La guerre est vue de l’intérieur de l’humain. A la fin du film transparait sur le visage des soldats la transformation (destruction) intérieure qu’ils ont subit avec cette bataille.
Quand on a vécu ces horribles moments-là, il vaut sans doute mieux les mettre de côtés. Certains réussiront à occulter à jamais ces moments et trouveront le film à côté de la plaque, mais l’humain étant ansi fait que mettre de côté ces souvenirs fera que la souffrance subie reviendra dans la vie d’une autre manière. Et les milliers de soldats qui reviennent des champs de bataille modernes et qui vivent ces souffrances post traumatiques peuvent en parler.
Montrer la guerre en vrai, au premier degré, est trop horrible (Soldat Ryan) et fera que le spéctateur se met à distance des horreurs et l’effet est donc raté.
Avec la ligne rouge, on se glisse dans la tête du soldat au plus près de ses émotions et de sa souffrance sans devoir passer par un flot d’hémoglobine et de tripes à l’air.
L’homme est capable du meilleur comme du pire, mais c’est vraiment dans le pire qu’il est le meilleur.Grégoire Lacroix
– J’ai beaucoup aimé The Thin Red Line par son côté spirituel. Il montre bien l’aberration de la guerre du point de vue du soldat. Il montre aussi qu’un soldat peut être animé par la bonté.
– Ce weekend, j’ai regardé pour la première fois ‘Les raisins de la colère’. J’ai été transpercé. A montrer aux jeunes dans tous les Lycées.
– J’ai également regardé un film de 1932 ‘If I had a million’. Un millionnaire mourant qui a fait sa fortune tout seul décide de distribuer son héritage à des inconnus pris au hasard dans le bottin parce qu’il pense que son argent aura ainsi une utilité. En fait c’est surtout parce qu’il en a marre des rapaces qui voltigent autour de lui. Plutôt Rigolo
Très beau film, climat obsédant, mais c’est une description parmi tant d’autres de la compassion pour le soldat patriote, volontaire, plongé dans l’horreur et l’absurdité d’une guerre que justifient bon nombre d’historiens. Cette horreur opposée à la vie du paradis perdu et des fantasmes de ce gosse. L’opposition à voir » Le démineur » et qui à mon sens est un film très fort, toujours sur le guerrier individuel, mais décrivant son assuétude aux sensations et ce, au mépris de sa vie. Le tout, dans une « sale » guerre non justifiée: l’Irak. Cette dernière filmée de manière bien plus réaliste, car il n’est pas besoin de matériel hollywoodiens pour cette guérilla urbaine.
Bon, puisque personne ne s’y met.
Days of Heaven, une quatrième merveille :
http://www.youtube.com/watch#v=0zLPM8FLMtk&feature=related
non, non, The New World :
Cette violence esthétisée,
ou mise en scène, me fait gerber.
Si les balles ou les coups pouvaient
traverser l’écran et toucher la vraie cible,
le spectateur passif vautré sur son fauteuil,
la perception des conséquences de
ces images débiles deviendrait plus juste.
Le cinéma est de l’art; la violence fimée
en est la négation.
Au niveau des Etats, la mise en scène n’est pas différente:
Un historique de l’ armement nucléaire UK
pose la question préalable
« Pourquoi des Nuke ? » . Réponse:
« Pour être pris au sérieux par les US ».
C ‘est bien le concours débile de savoir
qui est autorisé à jouer dans la cour
des grands, et concourir à qui a la plus longue.
Tout cela est immature et déshumanisant.
Je n’ai pas de mots assez forts
pour exprimer ma désapprobation.
Comment associer ces choses désolantes
à l’ extraordinaire beauté d’une girafe,
et de tout animal ,dans son cadre de vie ?
Vue dans un parc animalier,
elle est d’une splendeur mystérieuse.
La Ligne rouge: l’un de très rares chefs d’oeuvre du cinéma de ces trente dernières années.
Un film philosophique, métaphysique même (comme « Ordet » de Dreyer ou « 2001 odyssée dans l’espace » de Kubrick), et plus, c’est vrai, sur l’espèce humaine que sur l’être humain (ceux qui croient que c’est un film de guerre confondent le cadre avec le tableau et doivent penser que Don Quichotte est un roman sur l’Espagne du XVIe siècle).
Les premières phrases qu’on entend sur fond d’images (et de musique) du paradis d’avant la civilisation (des enfants aborigènes jouant et plongeant dans l’eau) donnent la clé du film:
-« C’est quoi cette guerre au sein même de la Nature? »
-« Pourquoi la Nature lutte contre elle-même? »
-« Pourquoi la terre rivalise avec la mer? »
-« Est-ce que la Nature peut porter en elle la vengeance, être, non pas une force, mais deux? »
Tout est donc dit dans les cinq premiers minutes du film. Dans ses dernières secondes, les images du paradis reviennent et débouchent sur celle d’une plante qui pousse sur une plage.
Entre ces deux séquences paradisiaques, l’histoire de l’homme: la violence, le pouvoir, la Nature, le sentiment du mystère de la vie ou son absence, le hasard, le courage, la justice, le désir, l’innocence, la cupidité, le couple, la solidarité, la pitié, la lucidité, la foi, l’Amour, le sacrifice…
En un mot, un film shakespearien.
Et qui parle, donc, du seul problème philosophique digne de ce nom et vieux d’au moins 5 000 ans (le Gilgamesh des Babyloniens): le Bien et le Mal.
Tout cela avec la plus belle musique écrite par Hans Zimmer (compositeur qui plagie copieusement les grands symphonistes et qui a écrit beaucoup trop de musiques médiocres, mais qui a aussi composé certaines des plus belles musiques de ces vingt dernières années) : le thème « Light »:
Thème qui rappelle, d’ailleurs, par moments le sublime « Cantus in Memory of Benjamin Britten » de Arvo Part:
http://www.youtube.com/watch?v=e348n660zrA
Arvo Pärt – je connais : Le « Cantus in Memory of Benjamin Britten » me donne la chair de poule, me fait pleurer, et me tient debout dans les moments difficiles. Merci.
Je pense aussi au film Platoon de Oliver Stone. Mais c’est surtout avec l’intention de faire découvrir la musique de Samuel Barber, le fameux adagio pour cordes, pour ceux qui ne connaissent pas. Cette musique fait partie de la bande son du film : comme un rêve.
De Barber il y a aussi l’Andante de son Concerto pour violon (composé en 1939):
http://www.youtube.com/watch?v=SFQqqC0I_GI
(En disque, la plus belle version est celle de Gil Shaham avec A. Prévin)
« The thin red Line », la séparation entre l’héroïsme et la lâcheté, est une ligne qui se franchit sans que l’on s’en rende compte.
Le personnage central du film la franchit quand il rencontre ce soldat blessé et ravi car il peut rentrer au pays. À cet instant, il franchit cette ligne. Ce n’est pas dans les mots qu’il franchit la ligne. Ce n’est pas dans la rencontre. Je ne sais pas comment il la franchit à ce moment. Mais je sais qu’il la franchit pendant les quelques mots qu’il échange avec ce type.
Avant cette discussion, il était déserteur et pas du tout motivé. Sans cesse, il balançait entre la beauté époustouflante du lieu ou de ses souvenirs et l’horreur des combats, de la mort, de la peur et des blessures. Cet aller-retour incessant marque pour moi les hésitations et le déchirement de ce type entre ces deux aspects du monde. Il est beau. Il est horrible.
Après cette discussion, il n’y a plus d’aller-retours. Il y juste l’action du moment. L’état des lieux et un type qui se porte volontaire pour une mission quasiment suicide. Il réussit encore à mettre à l’abri ses deux collègues avant de se faire tuer par les Japonais.
Le film se termine avec une affirmation. Les hommes ont été changés par les combats.
Le sujet du film n’est pas Guadalcanal. Pour moi, le sujet du film est de savoir ce que vous faites de la réalité dans laquelle vous vivez. Les différents personnages rencontrés par le héros principal sont différentes réponses à cette question. Le personnage principal les regarde et nous à travers lui pour savoir qu’est ce qu’il fait là. Chacune des réponses proposées par ces personnages est insatisfaisante. Alors ce type en trouve une autre. La guerre n’est qu’un prétexte à cette question.
Les hommes ont été changés par les combats. Mais chacun de nous a une vie. Dans chacune de nos vies se pose la question de savoir ce que nous faisons ici. Malick propose une réponse et avertit qu’elle n’assure pas du tout la survie. Pourtant elle me plaît beaucoup.
Elle intègre, dans l’ordre croissant d’importance la mort, la vie et les autres humains, ceux que j’aime nommer, comme Villon le faisait, « mes frères humains qui après nous vivez ».
L’épitaphe Villon (La Ballade des Pendus) . 1463 .
Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tôt de vous mercis.
Vous nous voyez ci attachés cinq, six :
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est piéça * dévorée et pourrie, * depuis longtemps
Et nous, les os, devenons cendre et poudre.
De notre mal personne ne s’en rie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Se frères vous clamons, pas n’en devez
Avoir dédain, quoi que fûmes occis
Par justice. Toutefois, vous savez
Que tous hommes n’ont pas bon sens rassis ;
Excusez nous puis que sommes transis *, * morts
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grâce ne soit par nous tarie,
Nous préservant de l’infernale foudre.
Nous sommes morts, âme ne nous harie *, * moleste
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
La pluie nous a débués * et lavés, * lessivés
Et le soleil desséchés et noircis ;
Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamais nul temps nous ne sommes assis ;
Puis çà, puis là, comme le vent varie,
À son plaisir sans cesser nous charrie,
Plus becquetés d’oiseaux que dés à coudre.
Ne soyez donc de notre confrérie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
Prince Jésus, qui sur tous as maîtrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie :
À lui n’ayons que faire ne que soudre *. * payer
Hommes, ici n’a point de moquerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre !
François Villon
(né en 1431 ou 1432, et jamais mort)
Naitre une girafe?
Ecoutez Monsieur Jorion pour ma part je vous trouve très bien comme cela .
Très franchement,je ne me vois pas bloguer ou skyper avec une girafe ,un panama vissé sur les ossicônes.Je ne fume pas moi monsieur!
Jamais fait une remarque (aussi conne).
Vous m’avez coupé la parole !
Merci à tous pour ces évocations cinématographiques et musicales.
Mais,
pourquoi une girafe ?
Est-ce pour prendre de la hauteur ???
c’est drole, mais comment dire que je ne suis pas surpis de voir Paul Jorion parler de « the thin red line »…j’ai toujours trouve beaucoup de raisonance entre ce film et certains ce ces propos…je m’explique.
Sans vouloir trop le reduire, je trouve que cet un film incroyable sur le theme de la violence…en nous, en toute chose dans la nature…d’ou vient cette violence? qu’est elle? et pourquoi est elle la?
Paul Jorion, comme d’autres, que ce soit dans son livre l’argent mode d’emploi ou ailleurs dans les articles, quand il commence a evoquer des solutions « serieuses », son cote « humaniste » ressort toujours ( l’importance de la solidarite, civiliser l’economie, le role de violence de la monnaie, etc). Quelque part, il reviens toujours a poser cette premiere question qui est centrale au film… des la premiere phrase du film
« What’s this war in the heart of nature?
Why does nature vie with itself?.
The land contend with the sea?
ls there an avenging power in nature?
Not one power, but two? »
Et en sage, il se garde bien dis repondre…tout en sentant bien que tant que l’on ne l’aborde pas, on ne resoud rien.
Arvo Part – Spiegel Im Spiegel
Il y a une résistance en moi à ce film, non pas que les larmes, la révolte, la violence, le chagrin et la pitié ne soient pas retrouvés (« elle est retrouvée /quoi? / l’éternité »), mais c’est une histoire qui les raconte et la violence, ou ce curieux chien qui nous suit, la peur, par l’illusoire direct avec quoi haletant nous attendons le dénouement, perd de vue son chien, la peur, son chien qui nous tire à sa laisse, et où? la violence racontée perd la mesure de celle vécue affectée au temps présent, la réponse qu’on y donne, le constat souvent amer d’y faillir, sans qu’on le sache vraiment; poids sans pareil de l’incertitude et de l’impermanence du présent.
spectateur nous passons de connivence ce pacte avec l’histoire parce qu’on fait comme si quelque chose s’y dira et comptera ou a compté, et même si seulement ça un moment il n’y a pas de honte, simplement revivre ces sentiments lesquels si peu évoqués jamais questionnés parce qu’enfouis dans la question sociale, rendent bien souvent à tout discours ce son de cloche narcissique, ignorant de ce qui compte, de ce sur quoi ça non on ne négociera pas, on ne transigera pas. Gageons qu’une histoire puisse modifier quelque peu nos conditionnements, nos réponses apprises qu’on annone, nous donne l’écart le retrait le punctum à lire un peu ce qu’est la peur.
ce qu’est l’histoire du post-fascisme? ce qu’est résister, ce qu’est s’insoumettre, déserter? je pense aussi au courage des fous qui habitent notre prison.
Les singes prêchèrent l’ordre nouveau, le règne de la paix. Et parmi les premiers enthousiastes on compta le tigre, le chat, le milan. Peu à peu, tous les autres animaux furent convertis. Ce fut alors une jubilation très douce, une fraternelle agape végétarienne.
Mais un jour la souris, qui plaisantait d’une façon fort civile avec le chat, se trouva renversée sous les griffes de son récent ami. Elle comprit que les choses reprenaient leur cours ancien. Avec un espoir vacillant, elle rappela au chat les principes du nouveau règne. « Oui », répondit le chat, « mais moi, je suis un fondateur du nouveau règne ». Et il lui planta les dents dans le dos.
Leonardo Sciascia
Bonjour à tous
@Paul: quoique la girafe soit aussi irréfutable que l’éléphant lorsqu’elle est à Paris, quelle ne fut pas ma surprise de les trouver invisibles dans la savane! C’est une métaphore de votre surgissement dans la blogosphère!
Voir aussi Full Metal jacket de Kubrick, bonne illustration des thèses de René Girard sur la ritualisation de la violence et son utilisation.
Ne pas oublier non plus voyage au bout de l’enfer.
J’ai des photos de mon grand père maternel à vingt ans dans le Michigan en 1917: c’est encore un très jeune homme souriant . Quelques mois plus tard au cours d’une perm à Maubeuge, avec celle qui sera sa femme, il a l’air d’avoir plus de quarante ans et le regard hanté. J’ai aussi des photos de mon grand oncle Gabriel , engagé à 17 ans à Oran un bel athlète , retour gazé : mort à 34 ans crâmé, tout regrigné: Avant , après quelle pub pour la guerre! Les belles images c’est pour Roudoudou!
Cordialement.