La Grèce, une fois encore ?, par Zébu

Billet invité.

Sur les radars de l’actualité, la Grèce semblait avoir disparu, tant les néo-nazis et l’écroulement économique semblait avoir été endigués, enfin.

On avait bien eu vent que Samaras, le premier ministre hellène, s’était rengorgé en déclarant que la Grèce allait enfin pouvoir sortir des plans d’aide et renouer avec la croissance (+0,6% en 2014 et même … 2,9% en 2015 !), après 6 ans (!) de récession : -25% de PIB, 27% de chômage et -30% sur les salaires. Sans oublier plus de 170% du PIB de dette publique et une proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté passée de 27,6% en 2010 à 34,6% en 2013.

Mais soit que ce genre de nouvelle semblait incongrue et relever au mieux d’une prophétie auto-réalisatrice politicienne de plus d’un gouvernement pris entre le marteau de la Troïka et l’enclume de la crise, soit que la Grèce était sortie de nos préoccupations nationales focalisées par les multiples crises à rebondissements politiques, on n’y prêta point attention.

Or il s’avère que le gouvernement dirigé par Samaras est aux abois : il proposera un vote de confiance à l’Assemblée hellène, probablement vendredi de cette semaine. Et un tel vote de confiance ne semble pas lui être attribué, tant les dissensions au sein de la majorité gouvernementale sont vives.

Et il y a de quoi. Au début de l’année, le gouvernement a décidé de supprimer le moratoire sur la saisie des biens dont les propriétaires ne peuvent plus rembourser les prêts. Car les banques hellènes, qui ont prêté à tour de bras, sont chargées jusqu’à la gueule de créances douteuses : 23% pour la National banque de Grèce et même 38% pour Piraeus, quand la moyenne pour les banques testées par la BCE est de 11%. Piraeus est d’ailleurs une des 9 banques dont les tests ont montré qu’elles devraient se recapitaliser : 51 milliards d’euros à minima. Un immobilier vital donc pour les banques grecques mais aussi un ‘capital’ vital pour les Grecs, qui ont le taux de propriétaires le plus élevé en UE (80%).

Autre souci : l’opposition crie au bidonnage des chiffres, du fait de la proximité des élections législatives (printemps 2015) mais aussi des sondages, qui donnent jusqu’à 6% d’avance à Syriza, provoquant ainsi des problèmes politiques internes au gouvernement d’alliance dirigé par Nouvelle Démocratie. Car selon Syriza, principal parti d’opposition de gauche, qui a le vent en poupe, les données sorties du chapeau de Samaras ne tiennent pas compte du service de la dette. Syriza, dont les propositions se sont structurées, notamment sur la dette et qui a chiffré son programme, accréditant de plus en plus l’idée qu’il est un parti de pouvoir, en mesure de gouverner.

Pire, les investisseurs ne semblent pas croire en ce ‘miracle grec’ et encore moins dans la capacité de ce gouvernement à la fois à tenir ces engagements annoncés (revenir sur les marchés, retour de la croissance, etc.) et à la fois à obtenir ce vote de confiance : la bourse d’Athènes chutait hier et le taux des obligations se relevait. Des rumeurs de divergences profondes entre les inspecteurs de la Troïka et le gouvernement grec ont paru dans la presse, du fait du départ de ces mêmes inspecteurs, prétextant l’attente des résultats des stress test des banques grecques par la BCE. Pire encore, l’agence Standard & Poor’s ne croit pas en ce miracle et prédit même une rechute dans les 15 mois à venir …

Que se passerait-il alors si le gouvernement n’obtenait pas la confiance, à l’inverse récent de son homologue français ?

Des élections anticipées seraient alors convoquées dans un laps de temps bref (avant la fin de l’année), rendant nécessaire très certainement l’intervention de la BCE, afin de contrer l’inévitable montée du taux obligataire grec dans une telle éventualité, le tout dans le même laps de temps (26 octobre 2014) que la publication des stress tests de cette même BCE sur les 130 banques européennes, dont certaines grecques (et dont au moins une, Piraeus), qui devront se recapitaliser : avec quel argent ?

Si Syriza l’emporte lors de ces élections législatives anticipées, une véritable crise se nouera alors, autrement plus importante que celle que l’on veut bien nous scénariser entre la France et la Commission Européenne.

Ce sera en tout cas une des seules, la seule véritable porte de sortie d’un TINA européen promis jusqu’en 2017, sinon pour 10 ans, sans que pour autant que cette porte ne garantisse d’en sortir réellement.

Le vendredi 10/10/2014 sera-t-il une date importante, ou pas ?

Articles :

http://www.okeanews.fr/20140724-grece-haut-taux-pauvrete-zone-euro

http://fr.myeurop.info/2013/12/23/une-crise-des-subprimes-menace-les-grecs-12788

http://www.latribune.fr/entreprises-finance/banques-finance/20141008tribded9d3484/ce-qu-il-faut-attendre-du-bilan-de-sante-des-banques-europeennes.html

http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2014/02/23/20002-20140223ARTFIG00134-la-grece-au-bord-d-une-crise-des-subprime.php

http://www.zonebourse.com/actualite-bourse/Les-banques-ont-renforce-leur-bilan-avant-les-tests-de-la-BCE–19133740/

http://www.boursorama.com/actualites/grece–ou-en-est-on-vraiment-a9023c0678a91628666fcfe635dd978b

http://www.okeanews.fr/20141006-vers-nouvelles-elections-en-grece

http://blogs.mediapart.fr/blog/gabriel-colletis/061014/le-programme-de-syriza-la-loupe

http://www.express.be/business/fr/economy/grece-sortie-de-crise-exemplaire-ou-nouveau-plongeon-dans-les-15-prochains-mois/208356.htm

http://fr.reuters.com/article/frEuroRpt/idFRL6N0S233420141007

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