L’Écho – Paul Jorion: « Il y a un million de choses qui peuvent mal tourner », le 28 juin 2015

Paul Jorion : « Il y a un million de choses qui peuvent mal tourner »

28 juin 2015 19:43

Celui qui avait prévu la crise des subprimes n’est pas rassurant. « La situation est détonante. Il y a un million de choses qui peuvent mal tourner. C’est une situation très mal maîtrisée. » Presqu’à la Lehman Brothers, avoue le détenteur de la chaire « Stewardship of Finance » à la VUB.

Qui est le responsable de la situation d’aujourd’hui ?

Il est clair que nous faisons face à un « clash » entre des vues diamétralement opposées. Le gouvernement grec est aux mains d’un parti d’extrême gauche qui a des idées du genre de celles du Conseil national de la résistance en France en 1945.

Mais ce qui se produit depuis la victoire de Syriza aux élections du 25 janvier, ce sont des tiraillements qui vont croissant au sein de la troïka, c’est-à-dire entre la BCE, le Fonds monétaire international et la Commission européenne, mais, aussi et surtout, au sein de ces institutions. C’est-à-dire au sein même de la BCE ou au sein du FMI, où les vues d’Olivier Blanchard, le chef économiste, diffèrent très fort de celles de Christine Lagarde. Sans oublier les dissensions au sein du camp allemand.

Mais c’est la proposition d’un référendum en Grèce le 5 juillet qui a mis le feu aux poudres et qui a fait capoter les discussions.

Etant donné que le gouvernement grec refusait les termes de l’accord, il se tourne assez logiquement vers sa population, en demandant au peuple si c’est son gouvernement qui a tort ou bien les créanciers. Evidemment, cela survient dans un contexte très difficile avec d’éventuelles paniques bancaires et de possibles contrôles des capitaux. Mais à nouveau, ce qui est marquant ces deux derniers jours, ce sont les déclarations de certains responsables politiques. Voyez ce que dit l’ancien directeur du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn. Il reconnaît des erreurs passées du FMI et appelle les Européens à accepter une suspension temporaire des paiements d’Athènes. Il y a aussi ces déclarations de l’ancien commissaire européen Karel De Gucht qui souligne que les erreurs ne sont pas seulement commises par les Grecs mais également par les créanciers qui imposent des exigences irréalistes. Et puis, le plus grave sans doute, ce sont les dissensions entre la chancelière allemande Angela Merkel et son propre ministre des Finances. Wolfgang Schäuble est celui qui a les vues les plus extrêmes, avec celles du ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis.

La BCE a décidé de maintenir en l’état ses prêts d’urgence (ELA) au système financier grec. C’est une bonne décision ?

C’est une décision qui m’apparaît très responsable. Depuis 2010, le président de la BCE, Mario Draghi, est probablement celui qui se conduit de la manière la plus responsable. Il ne veut pas jeter de l’huile sur le feu.

Si la BCE avait réduit ou arrêté ses prêts d’urgence, elle aurait en quelque sorte condamné la Grèce et aurait pris une décision de nature politique…

Tout à fait. Souvenez-vous quand la BCE a lancé son programme d’OMT (opérations monétaires sur titres), Draghi avait indiqué qu’aucun pays ne sortirait de la zone euro. Il s’était fait taper sur les doigts par le président de la Bundesbank, Jens Weidmann. Ce dernier s’était demandé de quel droit Draghi jouait le rôle politique d’un président européen.

Que peut-il se passer à partir de ce lundi ?

Nous sommes dans un système financier extrêmement fragilisé, peut-être presque dans une situation à la « Lehman Brothers ». Personne n’avait pensé à l’époque que c’était les fonds monétaires (money market funds) qui allaient provoquer l’étincelle.

On ne peut pas colmater toutes les brèches. On ne peut pas maîtriser complètement la situation. C’est pourquoi la situation est détonante. Il y a un million de choses qui peuvent mal tourner. C’est une situation très mal maîtrisée.

On entre donc dans un terrain inconnu…

Si Mario Draghi ou Christine Lagarde devaient affirmer aujourd’hui que la situation est sous contrôle, ce serait de la frime. Du bluff. Personne ne sait ce qui va se passer…

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