L’actualité de la crise : Ô TEMPS, SUSPENDS TON VOL ! par François Leclerc

Billet invité

Déjà dépassés avant même d’avoir été appliqués, les accords du 21 juillet ont été ratifiés par le Bundestag sans donner lieu à un grand « ouf ! » de soulagement, les bourses continuant de manifester leur fébrilité devenue coutumière. La mise au point d’un plan A’ donne du fil à retordre et son approbation n’est pas gagnée d’avance, à suivre les méandres des débats allemands. De même que la renégociation de la participation des banques au second plan de sauvetage de la Grèce, qui suscite de fortes résistances des banques. Pour ne pas parler de la grande muette, la BCE, qui reste coite.

La dernière émission obligataire italienne a pourtant montré que les marchés ne sont pas revenus sur leur stratégie de la tension, faisant encore grimper les taux qui sont à la limite du soutenable. En Grèce, d’autres tensions sont à l’oeuvre, comme l’a illustré le très frais accueil réservé au retour de la Troïka. Une sorte de désobéissance civile se répand dans le pays, plus redoutable que les grands défilés sans lendemain. Enfin, l’échec de la privatisation du Loto espagnol – au vu du faible montant des offres – présage mal des ventes patrimoniales qui poussent comme des champignons en Grèce, en Espagne et en Italie, et qui sont destinées à accomplir ce que l’absence de croissance économique ne permet pas de réaliser : une augmentation des recettes de l’Etat pour rembourser la dette.

Dans l’immédiat, le plan A’ semble comme suspendu en plein vol, à tel point que certains s’interrogent sur la possibilité d’une manipulation américaine (la chaîne CNBC l’ayant la première dévoilée). Une manière comme une autre de gagner du temps et de brouiller les pistes. On avait cru comprendre qu’il fallait faire silence dans l’attente du vote du Bundestag pour ne pas le perturber, il est intervenu, et puis rien… Peut-être qu’un simple délai de décence s’impose, après tout !

Un grand fossé est à franchir, devant lequel les dirigeants européens hésitent. Le sauter, c’est faire fi de deux tabous. Ne pas attendre qu’un nouvel encadrement contraignant des limites des déficits publics et du montant de la dette soit préalablement mis en place, et surtout prendre d’une manière ou d’une autre des engagements financiers d’une toute autre ampleur que jusqu’à maintenant. On parle tout de même de un à deux milliers de milliards d’euros, et même si l’on est désormais habitué à faire valser les milliards, ce n’est pas de la petite monnaie.

Les analystes financiers ont déjà décortiqué les différents montages évoqués et mis en évidence qu’il y avait dans ces constructions un indéniable côté quitte ou double qui fait nécessairement réfléchir. Il n’y a pas le droit à l’erreur, mais comment mettre le maximum de chances de son côté (pour oublier les fadaises du zéro risque) ?

Une autre décision est à prendre – et à imposer – qui consisterait à renégocier avec les banques pour augmenter la décote de la tranche de la dette grecque destinée à la subir. Les calculettes doivent chauffer, afin d’en analyser les effets pour les banques et de déterminer les mesures de soutien financières qui devraient être prises en contrepartie pour certaines. La situation allemande méritant d’être relevée : ce sont les bad banks financées par l’Etat qui feraient le plus les frais de cette opération… Dans son éditorial, le Financial Times se fait incisif : « Mais la plupart des banques ont clamé ad nauseam qu’elles pourraient supporter des pertes sur les actifs grecs qu’elles détiennent. Si elles ont menti, un sauvetage en direct est moins grave qu’indirect et via Athènes. »

Faudra-t-il encore que la crise monte et déborde pour se décider à sauter le pas ? C’est l’hypothèse qui prévaut, étant donné les épisodes précédents. Mais de combien de temps les Européens disposent-ils d’ici à leur prochain rendez-vous du G20, où ils vont à nouveau comparaître devant leurs pairs ? Cinq petites semaines à présent…

PS : Insensiblement, le cas de la France s’invite sur le tapis. Un déficit qui n’est pas contenu par ici, une augmentation de la TVA favorable à l’emploi (sic) par le candidat embusqué de la droite par là…

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