Radicaliser Marx dans l’analyse

Ce texte est un « article presslib’ » (*)

« Les deux postures ci-dessus [Daniel Cohen et Paul Jorion] manquent leur but et ne peuvent prétendre être les prémisses d’une reconstruction de la « science économique ». Car ou bien elles se contentent de redire ce que tout économiste conséquent sait (par exemple, toute évolution de l’économie est à replacer dans le cadre des rapports sociaux dominants) et qu’il a tiré des penseurs fondamentaux du capitalisme, ou bien elles accumulent les contresens et les contradictions. Dans ce dernier cas, il ne faut pas y voir un défaut de perspicacité de la part de leurs auteurs, mais plutôt un reste de la force de l’idéologie économique qui a déferlé sur le monde depuis trois décennies et qui empêche encore, malgré la brutalité de la crise, d’oser se réclamer des penseurs critiques du capitalisme (Marx) ou critiques de l’incapacité radicale du marché à s’autoréguler (Keynes). » Jean-Marie Harribey, La cacophonie économique.

J’ai mis en évidence – dans une série d’articles publiés dans La Revue du MAUSS il y a près de vingt ans (1) – que Marx avait été incapable de voir que la structure sociale est inscrite dans la structure des prix et qu’elle se reproduit telle quelle grâce à celle-ci. J’ai dit qu’il fallait radicaliser Marx avec l’aide d’Aristote – qui avait lui vu que le prix se constitue toujours comme résultante du rapport de force entre acheteur et vendeur.

Karl Marx, hégélien maladroit, capable de voir la thèse et l’antithèse mais aveugle à la synthèse, penseur au style exceptionnellement obscur, se situait dans la perspective du « Plus radical que moi, tu meurs ! ». Aussi l’idée qu’il faille radicaliser Marx est difficile à admettre par ceux qui considèrent qu’il constitue – comme il l’a proclamé lui-même – le nec plus ultra en matière de critique.

Qu’on m’entende bien : ce que Marx a écrit sur l’économie domine de beaucoup en qualité ce qui fut écrit par la suite et sa théorie de l’intérêt en particulier, comme partage du surplus, constitue – bien que conçue antérieurement – un progrès sensible par rapport à celle en termes de préférence pour la liquidité, que Keynes introduisit. L’œuvre de Marx ne constitue pas pour autant un horizon critique indépassable.

Il faut radicaliser Marx dans l’analyse, non seulement en mettant en évidence les rapports de force – c’est-à-dire le politique – à l’intérieur de la formation des prix et la confirmation de ces rapports de force du fait de ceux-ci, mais aussi en distinguant clairement au sein de la « bourgeoisie », les capitalistes (qui perçoivent l’intérêt – comme Marx l’avait pourtant compris dans ses notes devenues par les soins d’Engels le troisième volume du Capital) des entrepreneurs (qui s’approprient eux le profit) au sein d’une structure tripartite dont le troisième élément est constitué des salariés, le prolétariat de Marx : ceux que l’on convie à la table une fois celle-ci desservie. La concentration des richesses est inscrite dans cette structure comme sa dynamique et seule sa compréhension complète peut déboucher sur des propositions de réforme ayant quelques chances de réussite.

La critique des analyses de Marx et de Keynes (Marx à l’usage des banquiers) a été produite durement par les péripéties historiques de leurs applications. Keynes a servi d’alibi à toutes les politiques antisociales des cinquante dernières années. Marx, en proposant la dictature du prolétariat comme remède (le degré zéro de la réflexion politique), a engendré un monstre liberticide qui assura qu’on ignorerait pour cent ans ce qu’il y avait pourtant à retenir dans son œuvre. Si la liberté absolue accordée au plus fort de faire comme il l’entend était bien la thèse, la suppression de la liberté pour tous n’était elle encore que l’antithèse. La synthèse viendra mais comme résolution authentique de toutes les contradictions.

—————-
(1) * Déterminants sociaux de la formation des prix de marché, L’exemple de la pêche artisanale, La Revue du MAUSS, n.s., 9, 1990 : 71-106; n.s., 10: 49-64.

* Le prix comme proportion chez Aristote, La Revue du MAUSS, n.s., 15-16, 1992 : 100-110.

* L’économique comme science de l’interaction humaine vue sous l’angle du prix. Vers une physique sociale, in Pour une autre économie, Revue Semestrielle du MAUSS, 1994 :161-181.

* Statut, rareté et risque, Recherches Sociologiques, vol XXVI, 3, 1995 : 61-76.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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120 réponses à “Radicaliser Marx dans l’analyse”

  1. Avatar de Moi
    Moi

    @Eugène : Ok, je vais essayer de lire ces bouquins (mais c’est pas gagné si on y jargonne autant que vous, ceci dit sans volonté de polémiquer; tout science a son jargon, surtout la linguistique, mais lorsqu’il s’agit de communiquer avec un individu lambda comme moi, ce n’est pas le plus efficace).

    Le petit résumé introductif sur la théorie de la médiation que je viens de lire (un peu rapidement, il est tard) me semble intéressant mais concrètement quels sont les résultats et l’utilité? Est-ce une thérapeutique? Cela permet-il d’expliquer des phénomènes? De prévoir des comportements?

  2. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    @ Crapaud
    La loi de l’offre et la demande serait une vaste foutaise. Notez que l’aime les audaces, mais il faudrait un peu étayer, ou introduire de la subtilité concernant une loi qui n’en est pas une -tout à fait d’accord- mais qui recouvre une observation réelle faite par l’ensemble des économistes quelle que soit la place qu’il lui accorde . Lui substituer une « loi » du rapport de force , c’est remplacer une simplification asséchante par une autre qui l’est tout autant.

    Notez que le principe de l’offre et la demande peut être conçu comme du rapport de force sur une base objective ponctuelle.

    Mais le ‘risque’ de parler d’une loi de rapport de force , c’est de tomber dans une généralité qui ne serait explicative qu’ à un niveau très cérébral d’une part , et d’autre part de tomber dans une vision pré-établie où l’on ratatinerait le réel en fonction d’une conception très cantonée du rapport de force.

    Vous dites « Dans un entretien d’embauche, au moment de discuter salaire, le rapport de force n’a rien de médiatisé. » : effectivement (J’ai trop insisté sur la représentation idéologique que s’en font les acteurs) , je comprends ce que vous dites. Mais lorsqu’on discute un salaire -du moins en France ou dans le système européen occidental- il y a déjà une médiatisation pré-existante énorme sous forme d’une pile de textes et règlements qui encadre cette négociation .

    Bien sûr, cette médiatisation est l’aboutissement de rapports de forces sociaux : mais pas seulement , il y a aussi du débat démocratique, de l’idéologie pure, etc … : c’est à dire qu’effectivement la société a voulu faire échapper au rapport de force pur une partie de la négociation en le figeant dans du texte.

    « Et ça complique les choses, si les rapports de force ne sont pas seuls en lice… » : effectivement , la simplification totale -mais pratique et commode- qui ramène tout à des rapports de forces est un gentil conte de fée inversée , une fausse lucidité, un matérialisme de Walt Disney.

  3. Avatar de Eugène
    Eugène

    @Moi,

    Soit tu rends la réalité conforme aux mots dont tu disposes; soit à partir d’une anthropologie dont les hypothèses sont justifiees par tous les comportements culturels sains et pathologiques, tu reforges les concepts pour avoir des explications le plus cohérentes possible de la réalité de ce qui nous fait humains, donc une théorie … Bref, t’as le choix entre mythe et science!

    thérapeutique? non
    explicatif? oui
    prédictif? oui mais au niveau structural, pour aller vite en-dessous de ce qu’on observe et que d’aucuns prennent pour des faits! (Même dans les sciences dites dures, les faits des chercheurs ne s’observent que par l’intermédiaire d’une théorie ET d’un protocole expérimental adapté!)

    Pour ce qui nous occupe ici (économie-finance) je considère que l’immense majorité des problèmes proviennent d’individus (inventeurs de produits sophistiqués entre autre) qui n’ont rien à faire dans des postes de décision (à l’exemple de J6M viré par Bébéar). Donc des ‘protocoles’ prédictifs seront suffisants pour d’abord choisir parmi des décideurs qui restent des humains, pas des robots uniquement branchés par l’idée de profit!

  4. Avatar de 2Casa
    2Casa

    @ Moi

    Bonjour,

    Je viens pour ma part de finir Quentel après avoir dévoré « l »introduction à la théorie de la médiation » de Jean Gagnepain. Effectivement, une des difficultés – au-delà du niveau d’érudition de M. Gagnepain ; Quentel est pour sa part très lisible si on accepte d’entendre une critique pointue de domaines que l’on ne maîtrise pas forcément non plus (Linguistique, Sociologie, Psychanalyse) – une des difficultés, donc, c’est l’emploi de concepts que l’on connaît déjà, mais en un autre sens. Cela déroute un peu – d’où votre impression de « jargon ». Mais une théorie peut-elle faire l’économie d’un vocabulaire clairement défini dans son propre cadre ? – pourtant c’est vraiment passionnant.

    Je ne peux que vous conseiller ces lectures. Vous comprendrez mieux les critiques portées par Eugène et d’où découle cette nécessité de vérification empirique clinique – qui est aussi un point de départ pour Jean Gagnepain – ainsi que la radicalité de son propos étayé par cette théorie. Ca le mérite croyez-moi. Même si je ne suis un spécialiste d’aucun de ces domaines (Linguistique, Sociologie, Psychanalyse) c’est aussi toujours une bonne « révision » des acquis fondamentaux de celles-ci.

    Eugène j’espère ne pas avoir dit n’importe quoi ! Cordialement.

  5. Avatar de Moi
    Moi

    @Eugène:
    « l’immense majorité des problèmes proviennent d’individus »

    Tout à fait. Souvent on se perd à discuter du capitalisme et de grandes théories sur le système, et on oublie que derrière le capitalisme il y a avant tout des capitalistes qui malheureusement sont au pouvoir et manoeuvrent pour que le système soit dans leur intérêt quitte à causer des problèmes à d’autres.

    « Donc des ‘protocoles’ prédictifs seront suffisants pour d’abord choisir parmi des décideurs qui restent des humains, pas des robots uniquement branchés par l’idée de profit! »

    @2Casa: ok, convaincu. 🙂

    Précisément, il y a déjà des « protocoles » pour choisir les décideurs. Le problème c’est qu’ils vont dans le sens contraire de ce que vous proposez: ils sélectionnent ceux qui sont le plus branché par l’idée de profit. La difficulté est de changer de protocole. Les robots vont se défendre… 🙂

  6. Avatar de Moi
    Moi

    Désolé, j’ai collé par mégarde ma réponse à 2Casa au milieu et non à la fin du post.

  7. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Opposùm : « La loi de l’offre et la demande serait une vaste foutaise. Notez que l’aime les audaces,… »
    C’est pire qu’une foutaise : une escroquerie intellectuelle ! La confrontation de l’offre et de la demande ne peut que produire ce qu’en science on appelle une mesure, pas une loi. Confronter l’offre et la demande c’est exactement comme de poser deux choses sur les plateaux d’une balance, et de voir à quelle condition les plateaux sont en équilibre. Faire passer une opération de mesure pour une loi, c’est une escroquerie intellectuelle qui sert à masquer le procédé.

  8. Avatar de Oppossùm
    Oppossùm

    @ Crapaud
    Nous sommes bien d’accord qu’il ne s’agit pas d’une loi.
    Et que ce travestissement est probablement idéologique.
    Reste une observation qu’on peut ériger en observation constatée en de nombreux endroits géographique et historique : le prix connait des variations consistant en un ajustement de la demande à l’offre.

  9. Avatar de Visiteur du soir
    Visiteur du soir

    L’avis de Jacques Attali sur l’ »amélioration » post G 20 :

    http://www.dailymotion.com/video/x99fg2_intervention-de-m-attali_webcam

  10. Avatar de antoine
    antoine

    @schizosophie

    Je sais bien que ce n’est pas vous qui avez ajouter ce petit mot « révolutionnaire ».
    Celà dit ou avez vous lu que ceci était destiné et même pouvait n’être que transitoire?
    (je ne vois pas le rapport avec Althusser, à part la citation que j’ai choppée par hasard sur la toile)

    Par ailleurs « rapports sociaux » je ne sais pas ce que ça veut dire. Ou bien ca a un sens déterminé et c’est tant mieux (qu’est ce que c’est que des rapports non-sociaux?) ou bien c’est un ensemble fourre-tout et le terme est dépourvu de toute pertinence analytique. Comme monnaie-credit-liquidité, on trouve « n » définitions qui impliquent tout et leur contraire. Paralogismes sur paralogismes (de gauche ceux-là).

    @ Eugène
    S’agit-il d’un processus de sélection ou de dressage (pardon… d’éducation)?
    Ceux-qui ne franchissent pas le « test » sont donc des prédateurs en puissance? Qu’est ce qui garantit que soumis à de nouvelles tentations/conditions ceux qui ont franchi le test, une fois au pouvoir, resteront « humains » (sic).
    Ne serait-il pas mieux d’obliger tous les décideurs à se comporter en accord avec certaines règles strictes soucieuses de préserver le bien public (par exemple l’eau ne peut-être privatisée), en laissant de côté ce genre de considérations morales, et de chercher à assurer par des mesures institutionnelles un contrôle étroit des citoyens sur l’activité des décideurs? Ou de garantir la visibilité sur l’espace public des gens les plus dévoués en empêchant tout effet d’interférence (ceci impliquerait la criminalisation de la com, du lobbying, et d’autres trucs de ce genre)?

  11. Avatar de schizosophie
    schizosophie

    @antoine
    Savez-vous donc si peu de choses à propos d’un sujet qui semble pourtant vous préoccuper au point d’avoir lu « blabla » dans mon intervention initiale ?
    Je n’ai lu nulle part que la révolution était destinée, chez Marx il s’agit de la faire. Pour le reste, lisez Marx si cela vous intéresse vraiment, ou du moins si cela vous intéresse de savoir ce que pourrait signifier « Radicaliser Marx, dans l’analyse ».

  12. Avatar de antoine
    antoine

    @ Schizosophie
    Je me suis mal exprimé (rien à voir avec l’idée de « destin »). Je reprend:
    1/ Marx n’utilise l’expression « dictature du proletariat » pas plus de 2 ou 3 fois je crois. C’est à dire qu’il s’en fout…
    2/ Au sens romain de « dictature », je veux bien vous accorder que la « dictature du proletariat » est distincte de la « société sans classe », et revêt un caractère temporaire.
    3/ En même temps cette expression est opposée à la « dictature de la bourgeoisie ». Dictature d la bourgeoisie regroupe différents types de « régimes » (dont nos démocraties actuelles).
    Il y a là un problème, qui est un problème de fond, et pas seulepment d’ordre conceptuel. Ou bien la dictature du prolétariat est de l’ordre du trnsitoire et ce n’est pas un type de régime, auquel cas elle ne peut pas être opposée à des régimes (tels que les démocraties bourgeoises)… autant comparer des bananes et des nombres, oubien elle peut y être opposée et elle n’est pas transitoire, et Marx n’ayant quasiment rien écrit là dessus, l’idée de généraliser une période révolutionnaire fait froid dans le dos.

    4/ Bien sûr on peut dire qu’en fait c’est la « société sans classe » comme mode de régime qui s’oppose au niveau adéquat à nos « démocraties libérales », et non la « dictature du prolétariat ».

    Reste que la question est alors: comment sait-on que l’idéal est atteint et qu’il faut cesser la dictature du prolétariat?
    Un auteur classique aurait sans doute ironisé en disant qu’évidemment il n’y aura de facto jamais de fin à cette période temporaire, avant de rire sous cape.

    Il aurait aussi fait remarquer, cette fois avec un air plus grave, qu’au petit mot « communauté » s’est substitué le mot « société », et que ceci n’est pas un « détail » malheureux. Il s’agit d’un trait proprement moderne, lourd de significations, qui indique que Marx et les gens qu’il combat partagent les mêmes prémisses fondamentales. Par exemple, le communisme n’est viable, au même titre que le capitalisme, que dans le cadre d’un Etat mondial. Que ceci ne suffise pas à rendre ces projets politiques immédiatement caduques pour le bon sens (même la philosophie politique arabe médiévale, qu voit dans la religion un mode d’organisation de la coopération sociale concurrent de la Cité ou de l’Empire, a renoncé à doter l’Islam d’un tel projet, toute tenttive d ece type étant par défnition vouée à l’échec).
    Et une science politique qui promeut un type de régime dont les conditions de réalisation sont impossibles à réunir est nulle au mieux et dangereuse au pire.
    Il aurait certainement mis en cause l’idéal de justice sociale implicite qui gouverne la « société sans classe » (de chacun selon son « mérite » à chacun selon ses besoins, ou un truc du genre) en disant qu’il est proprement injuste (de ce point devue le XXe a renoué avec Rawls avec une conception de la philia ou de l’amitié politique ou des liens de l’amitié civique qui radicalise contre Marx nombre d’uintuitions du rationalisme classique. Ceci vaut aussi pour tout ceux qui reconnaissent qu’il vaut mieux affronter en face le problème de la justice plutôt que de chercher à faire en sorte qu’il ne se pose pas, à travers la recherche d’une société d’abondance par exemple).

    Le problème c’est que radicaliser Marx quand il s’agit de la question du meilleur régime n’a pas de sens, car Marx n’a rien écrit qui soit digne d’être retenu sur le sujet (en fait on lui fait plutôt dire ceci ou cela, faute de mieux), si l’on accorde qu’une critique ou une déconstruction de l’idéologie dominante ne saurait faire office de philosophie politique.

    Ce n’est pas seulement la « dictature du prolétariat » qui pose problème (Paul est loin de recourir à une basse polémique de ce genre). C’est TOUT le volet normatif de la pensée de Marx (je ne parle pas de son boulot de sociologue ou d’économiste) qui ne se tient pas sur les mêmes hauteurs que ceux qui ont réellement, eux, posé le problème politique dans toute sa radicalité. Ceci tient en grande partie de sa dépendance à l’égard de la philosophie hegelienne de l’Esprit (au passage, la « synthèse » permet d’écrire n’importe quoi), dont il veut absolument se détacher sans jamais, au fond, en remettre en question les prémisses les plus profondes (L’idée que l’histoire a un sens, héritage de Hegel qu’il ne remet pas en question, explique seon moi qu’il n’a pas pu ne serait-ce qu’envisager que l’idéal d’une société sans classe requiérait des conditions humainement impossibles à réaliser).

  13. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @Opposùm : « Nous sommes bien d’accord qu’il ne s’agit pas d’une loi.
    Et que ce travestissement est probablement idéologique. »

    D’abord je me suis que ce n’était pas « probablement » mais certainement qu’il faudrait dire, puis je me suis ravisé : il n’y a pas de visée idéologique dans ce « travestissement » mais, bien au contraire, le soucis d’être « objectif ». Comme elle correspond malgré tout à une réalité objective et universelle, (c’est la forme statistique du marchandage), il a semblé légitime d’en parler comme d’une loi. Ce qui me choque profondément, c’est que l’emploi de ce mot ne choque personne, et qu’aucun économiste ne juge utile de revenir dessus. Un exemple entre mille : dans « La Trahison des économistes », Jean-Luc Gréau constate que, pour les marchandises, la concurrence des producteurs poussent les prix vers le bas, mais, sur le marché boursier, la même concurrence pousse les prix vers le haut. Comme il ne fait pas le lien avec la loi de l’offre et de la demande, son analyse ne va pas au fond des choses.

    Le même phénomène joue encore avec celui de « sélection » choisi par Darwin : ce mot veut dire « choix » en latin. Mais peut-on dire que la nature « choisit » les espèces ou les formes que prennent celles-ci ? La nature ne choisit rien. Notre planète n’a pas « choisit » son orbite, ni aucun de ses paramètres, et ni le soleil ni le système solaire dans son ensemble n’ont choisi quoique ce soit pour elle. Dès lors qu’il y a choix, il n’y a pas loi, sinon celle du hasard.

  14. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Mais je vois que mon Petit Robert donne du mot loi une définition très vague. Exemple : « Loi physique : expression de la permanence d’un phénomène naturel. » A ce compte-là, tout et n’importe quoi est loi. L’univers lui-même serait une loi puisqu’il est par excellence la « permanence d’un phénomène naturel ».

  15. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    C’est en cherchant l’objectivité qu’on en arrive à dire qu’un marché est en quelque sorte « polarisé » entre une population de producteurs et une population d’acheteurs. Un marché traditionnel c’est pas ça du tout, rappelle Jean-Luc Gréau dans le livre que je viens de citer : chaque producteur est acheteur, chaque acheteur est producteur. Cette « loi » qui n’en est pas une a donc introduit une réalité qui n’existait pas, cette opposition producteurs/acheteurs, comme s’ils étaient géographiquement séparés. Comme on le sait aujourd’hui, la mondialisation a largement validé ce schéma.

  16. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    Sur le Net, il se dit un peu partout qu’il faudrait RELOCALISER. C’est le genre de déclaration qui me fait doucement rigoler, car il y a belle lurette que les économistes ont expurgé leurs théories de toute référence territoriale. Pourtant, au sens propre du mot, une économie sans territoire est une UTOPIE.

  17. Avatar de NuageBlanc, en vol rurbaGlocal
    NuageBlanc, en vol rurbaGlocal

    à Crapaud Rouge (12:14)
    Vous dites « Pourtant, au sens propre du mot, une ‘Economie Sans Territoire’ est une UTOPIE. »
          endquote
    Vouliez-vous dire « une ERREUR » et non « une UTOPIE » ?
    Penseriez-vous qu’une « utopie que son auteur pense (à tort ou à raison) à peu près saine » et qui s’efforcerait de la rendre à la fois davantage factible, jouable et propice (la question vitale du « timing » le moins sujet à l’échec) serait dans l’erreur ?
    La mise-à-l’écart n’aide pas cf. supra 19 mai 21:14.
    Mes dimensions 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, (pas 10), 11 et 12 s’entrelacent avec la geographie.
    Le défaitisme est aussi à prendre en compte, même s’il n’aide pas non plus.
    Exemple: Marie Lys de Trescroix — URL de ma prochaine réponse à Etienne et Marie si jamais elle était publiée
    sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/dossiers/2008/regards-crise/forum_voir.php?
    forum_id=200110229&dossier_id=230000053&message_id=445171156&pg=1

  18. Avatar de Crapaud Rouge
    Crapaud Rouge

    @NuageBlanc, en vol rurbaGlocal : « Vouliez-vous dire “une ERREUR” et non “une UTOPIE” ? »

    Quelle curieuse question ! Je m’attendais à tout sauf à ça ! Merci de me l’avoir posée.
    Je voulais dire qu’une économie sans territoire n’existe nulle part, donc qu’elle ne peut être qu’une utopie.
    Mais c’est aussi une erreur, effectivement, car l’économie est censée dire la vérité de ce qui est, non de ce qui peut être inventé.

  19. Avatar de Eugène
    Eugène

    @ Moi & 2casa & …,

    Pour sûr qu’ils se défendent j’en sais quelque chose puisque je cherche – une habitude mais pas celle là – le budget développement industriel correspondant à ce projet structuré conformément aux opérations formelles de l’instance éthique en chacun quand il ‘fonctionne’ à peu près sainement bien qu’inconsciemment**, mais sans le trouver.

    QUELLES QUE SOIENT LES STRUCTURES AUXQUELLES ILS APPARTIENNENT MEME DANS L’ECONOMIE SOCIALE DITE LA PLUS SOLIDAIRE, CES MECS QUI ONT LES MAINS DANS LE POGNON SONT TOUS PERSUADES, D’UNE PART DE DETENIR UN, SINON LE, POUVOIR, MAIS D’AUTRE PART ET EN PLUS, DE CONNAITRE LES REGLES DU JEU DE CE QUI FAIT UN PROJET VISANT LE BIEN PUBLIC SI TANT QU’ON PUISSE DEFINIR CE DERNIER.

    Pourquoi çà? Elémentaire! Après leur avoir expliqué simplement mais en insistant qd même, que, ce qui fait l’innovation de mon projet-démarches n’est pas tant l’aspect industriel innovant également, mais que j’ai trouvé la première application concrète d’un truc qui remet imparablement la morale avant le marché, les mecs finissent quand même par me demander un truc de oufs m’apportant la preuve absolue qu’ils n’ont rien mais RIEN compris au film de ce qui reste à faire dans les années qui viennent! Quoi? Quel est ce truc magique en forme de passage obligatoire et impératif?

    Si vous avez trouvé que c’est un business plan, vous avez gagné; et du coup moi j’ai trouvé quelqu’un qui commence à piger où je veux en venir. Bref, une DECISION qui n’est pas MORALE mais ne s’appuie que sur des montages fi et des business plans supposés rentables pour les Zinvestisseurs mais dont on sait à peu près ce que valent tous ceux faits depuis fin 2008, n’est que de la M…. et encore je suis gentil! Je vous l’ai dit-écrit une fois: mon chien aussi sait choisir en fonction de la conjoncture entre sa gamelle d’eau et celle des croquettes, c’est à dire finalement faire des CHOIX ENTRE DES PROJETS VALORISES!

    Moi & 2casa commencent à peu près à comprendre où je fais passer le seuil de l’humanité si l’on veut changer de logiciel de compréhension donc aussi le (de) monde. Avis aux amateurs; qt aux financeurs je ne crois plus trop au Père Noël mais qui sait…

    ** cette histoire en défrise effectivement plus d’un; jusqu’à « Moi » qui pensait que j’étais un peu dangeureux du fait d’aller farfouiller jusque là, où « çà », décide, en vous, à votre insu; donc sur le mode choix pulsionnel/decision morale. Waf! (je ne mors pas)

  20. Avatar de Eugène
    Eugène

    mords bien sûr, mais avec le mors aux dents

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