Eugene Fama et Copernic

Pascal Combemale me fait parvenir un entretien récent avec Eugene Fama, économiste de l’école de Chicago, fameux à plusieurs titres, pour avoir, par exemple, amélioré un modèle du prix d’une action à un facteur en lui adjoignant deux autres facteurs (le facteur unique était purement tautologique puisqu’il exprime simplement la manière dont la variation du prix d’une action diffère de la variation de prix du marché dans son ensemble – les deux facteurs que Fama ajoute sont eux ad hoc car ils n’ont aucune justification théorique) et pour avoir affirmé que l’hypothèse de « marché efficient » ne peut être rejetée sans que l’on rejette en même temps la notion d’« équilibre de marché » (le prétendu « dilemme » est aisément résolu par la constatation empirique qu’aucun « équilibre de marché » n’a jamais été observé – voir mes Le rapport entre la valeur et les prix [1999] et Le prix et la « valeur » d’une action boursière [2007]).

Pascal me pose aussi la question suivante :

« J’aimerais savoir, s’il le veut bien, ce que Paul pense de cet interview de Fama, économiste nobélisable, grand théoricien devant l’Eternel de l’efficience des marchés financiers (plus précisément du marché des actions). Je continue à me demander si ces économistes, qui ne sont pas tous idiots, croient vraiment à ce qu’ils racontent, ou si c’est simplement pour eux une façon comme une autre de gagner leur vie ».

Voici ma réponse :

« J’ai lu l’entretien avec Fama. Je sais que c’est en effet à ce genre d’économistes qu’on attribue des prix Nobel mais ce type de science économique est condamné. Leurs modèles sont « phénoménologiques » : ils rendent compte des faits mais de manière « ptoléméenne », « pré–copernicienne » et, comme dirait Hegel, « en extériorité de la chose–même ». En astronomie ptoléméenne, avec la terre au centre, toute nouvelle anomalie dans les orbites des planètes et de leurs satellites conduisait à ajouter des « épicycles », c’est ce que Fama explique candidement qu’il a fait aussi : il a pris un modèle existant et lui a ajouté deux variables et hop ! le tour est joué. Un modèle auquel on peut ajouter deux variables, tout scientifique vous le dira, est nécessairement faux : leur modèle de la formation des prix est faux parce qu’il ignore « la chose–même », en l’occurrence, le rapport de force « aristotélicien » entre acheteurs et vendeurs. Depuis quelques années je travaille modestement au modèle « copernicien » de la formation des prix. Comme vous le savez, c’est en–dehors de la science économique… et même en–dehors de l’université ! ».

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