Billet invité.
Nous nous approchons de la croisée des chemins. Le « temps de la démocratie » hypocritement réclamé par les autorités politiques européennes pour masquer leur impuissance fait désormais défaut. Elles font désormais face à leur propre échec consommé, tandis que le spectre de la récession prend le pas sur celui du déficit.
Faisant écho aux parlementaires allemands qui ont annoncé vouloir prendre leur temps pour discuter des mesures du sommet européen du 21 juillet dernier, en vue d’une éventuelle adoption, le ministre grec des Finances, Evangélos Vénizélos, a déjà prévenu que le bouclage du programme d’échange d’obligations avec les banques ne pourrait pas intervenir avant « la première ou deuxième semaine d’octobre ». Plus l’urgence se précise, plus les délais se rallongent, et ce n’est pas fini.
Car la crise n’attend pas et utilise la bourse pour le faire savoir, le marché obligataire étant barré, sous haute surveillance de la BCE. Celui des CDS est par contre florissant, ce qui n’est jamais bon signe. Il y a décidément toujours quelque chose qui cloche.
Le taux de la dette des pays dans le collimateur étant contenu, celui des grands pays continue de baisser, porteur d’un rendement négatif en ce qui concerne l’Allemagne mais havre d’une sécurité introuvable ailleurs. Voilà qui accentue le grand écart entre les uns et les autres et rend encore plus hypothétique la cohésion de la zone euro et potentiellement moins avantageux pour les mieux dotés l’émission d’euro-obligations. Refusées d’un côté et présentées comme solution miraculeuse de l’autre (d’autant plus facilement qu’elles ne subissent pas l’épreuve du feu).
Les valeurs financières continuent de chuter brutalement, faisant perdre à la Société Générale 40% de sa capitalisation boursière en un mois, un record que les autres mégabanques, toutes aussi malmenées, ne lui envient pas. Imposant demain, pour reconstituer leurs fonds propres, un effort encore plus important, accentuant encore la concurrence engagée sur le marché obligataire avec les Etats et les grandes entreprises.
L’avenir s’annonce sombre, tous les pays révisant à la baisse leurs perspectives de croissance, Allemagne compris. Des discussions théologiennes s’engagent sur l’existence avérée ou non d’un krach boursier ou d’une récession économique en vue. Nier, toujours nier, surtout devant l’évidence, est écrit en lettres d’or dans le bréviaire des coupables !
Cas d’école s’il en est, le sauvetage de la Grèce rencontre de sérieux problèmes. Dans l’immédiat parce que la Finlande, et dans la foulée l’Autriche, la Hollande et la Slovaquie, réclament des garanties grecques pour verser leur contribution, remettant tout l’édifice en cause, mais plus à terme et irrémédiablement en raison de la forte récession qui s’y confirme. Le PIB pourrait selon le ministre des finances, se contracter de 4,5% cette année, au lieu des 3,8% prévus, un pourcentage identique à celui de l’année dernière. Pour la troisième année consécutive, la Grèce est en récession.
Le pays prend le chemin de ne pas remplir son contrat pour la deuxième fois, pour une simple et unique raison : son insolvabilité qui demeure et n’a été que très marginalement prise en considération.
Les déclarations crispées en provenance de toute les capitales européennes illustrent mieux que tout la voie sans issue dans laquelle continuent de s’engouffrer les gouvernements. Soit en refusant catégoriquement non seulement l’émission d’euro-obligations, mais aussi de nouveaux financements pour renforcer les moyens du Fonds de stabilité européen (FSFE), en accord avec ses nouvelles missions, soit en préconisant des sanctions futures pour les pays qui sortiraient des clous (à supposer qu’ils y rentrent d’abord), en suspendant les crédits communautaires dont ils bénéficient – fonds de cohésion et structurels – c’est à dire en les enfonçant davantage. La Grèce, le Portugal, l’Italie et l’Irlande pourraient être au premier chef touchés, pour des montants de plusieurs milliards d’euros annuels chacun.
Dernière touche avant que tout ne s’écroule, il est question d’étendre aux dix-sept pays membres de la zone euro ce que les Français ont appelé la « règle d’or », l’introduction dans la constitution (ou la Loi fondamentale pour les Allemands) de mesures strictes de limitation du déficit public. Un affichage sévère pour une application dont l’usage dira la rigueur effective, quand ses modalités précises seront définies.
Dans ces conditions, ne reste de proposé qu’un seul tunnel de sortie, que les Espagnols continuent d’emprunter à leur tour. Le gouvernement veut ainsi faire avaliser en urgence par le Parlement un nouveau train de mesures destinées à rapporter 4,9 milliards d’euros, venant s’ajouter aux 50 milliards d’euros déjà dégagés. Ce qui ne résout en rien la lancinante question du déficit des régions, dont la majorité n’est pas parvenue, les deux années précédents, à remplir leurs objectifs de réduction des déficits.
A-t-on jamais vu dans l’histoire européenne autant de constance aveugle ? Il vient à l’esprit les Accords de Munich, si l’on cherche un précédent. En craignant que les mêmes causes produisent aussi une catastrophe. En l’occurrence l’éclatement programmé de la zone euro, suivie de l’entrée avec tambour et trompette dans une récession économique profonde et prolongée.
Cela sera le prix à payer pour une stratégie de sauvetage prioritaire d’un système financier qui montre à nouveau qu’il est à bout de souffle, l’expression de la totale inconséquence d’une génération entière de responsables politiques incapables de se hisser au niveau de leurs supposées responsabilités. Héritage désastreux du capitalisme financier poussé dans ses retranchements sous l’effet de ses propres contradictions.
148 réponses à “L’actualité de la crise : L’ESPRIT DE MUNICH, par François Leclerc”