Billet invité.
C’est à Toronto, devant un pare-terre choisi, que Christine Lagarde a énoncé de manière directe, à la canadienne, des vérités assez inhabituelles dans sa bouche sur la régulation financière. Elle prononçait le 25 octobre une de ces allocutions de circonstance devant le Conseil international du Canada, un organisme privé dédié à la recherche et au dialogue sur les enjeux mondiaux, tel qu’il se présente lui-même.
Faisant le point sur les perspectives économiques et financières, elle a constaté que « la reprise mondiale a souffert de nouveaux revers et la croissance est décevante » et que « le système financier mondial ne fonctionne toujours pas correctement », pour en conclure que « pour l’heure, le secteur financier ‷ à l’origine de cette crise ‷ freine la reprise dans des pans essentiels de l’économie mondiale. Compte tenu des coûts exorbitants – à la fois économiques et humains – encourus ces six dernières années, nous ne devons épargner aucun effort pour éviter que cela ne se reproduise. »
Saluant l’adoption de nouvelles règles et de nouveaux principes de régulation financière, Christine Lagarde s’est cependant interrogé sur leur application, pour reconnaître « qu’elles n’avaient pas encore abouti à un système financier plus sûr » et que « les structures de base que nous jugions nuisibles avant la crise sont encore présentes » et notamment que « les systèmes demeurent trop complexes », car beaucoup d’établissements « sont toujours trop importants pour faire faillite ».
À qui la faute ? « …À des retards d’application, délibérés ou pas, dans certains secteurs et à cause de la résistance à laquelle se heurtent certaines réformes ». « Il y a de nombreux intérêts particuliers qui s’opposent au changement et la résistance s’intensifie. Il est curieux d’entendre certaines banques dénoncer le caractère trop contraignant des nouvelles réglementations et de les voir dépenser des centaines de millions de dollars pour que des groupes de pression puissent y mettre fin ! ».
Ce constat posé, la directrice générale du FMI a précisé ce qu’il restait selon elle à faire. En premier lieu « avancer de manière tangible dans la résolution du casse-tête des établissements trop importants pour faire faillite », car « nous avons douloureusement besoin d’une perspective mondiale » (trois réformes distinctes de séparation des activités de dépôts et de marché coexistent). En second « avancer dans la planification du redressement et de la résolution des gros établissements, notamment dans le cas des résolutions transfrontières ».
« Le ‘système bancaire parallèle’ reste une préoccupation. Il s’agit des activités des institutions financières non bancaires qui échappent au périmètre réglementaire. » Enfin, Christine Lagarde a mentionné « l’application de la réforme des marchés de dérivés » et « des principes du Comité de Bâle pour un contrôle bancaire efficace », dont elle avait auparavant souligné le caractère « généreux » de son calendrier. En soulignant que « pour excellentes qu’elles soient, les règles sont futiles si elles ne sont ni appliquées ni correctement supervisées. »
Au moment de la péroraison, il a été question d’un « défi véritablement mondial » afin que les marchés deviennent « résilients », car « nous n’avons simplement pas le choix, tant les coûts de la crise dépassent ceux de la construction d’un système plus stable ».
Tenu publiquement, ce discours est nouveau, en dépit de ses limitations apparentes. « La résistance s’intensifie », voilà ce qui en est à l’origine. Il sonne comme la reconnaissance d’un échec, comme une exhortation qui résonne dans le vide… Mais il témoigne aussi d’une prise de conscience exprimée es qualité par la responsable du FMI.
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