L’actualité de demain : LA MATIÈRE NOIRE DE LA FINANCE, par François Leclerc

Billet invité

Faisant suite aux révélations déjà impressionnantes sur les pratiques courantes d’optimisation fiscale des grandes entreprises, mais en bien plus spectaculaires, les cas d’évasion fiscale divulgués ont fait l’effet d’un coup de pied dans une fourmilière. Dans toute l’Europe, c’est à qui se précipitera pour prendre des mesures afin qu’il y soit mis fin, en arguant de sa bonne foi, comme si ce genre d’histoire n’était pas de circonstance, au moment où il est reproché aux États de vivre au dessus de leurs moyens, avec les conséquences que l’on sait. L’avenir dira ce qui résultera de ce grand déballage précipité, mais dans un domaine où il a été toujours avancé à reculons, le vent souffle fort cette fois-ci.

Qu’a-t-il été découvert, pour provoquer une telle réaction ? L’étendue insoupçonnée de ce monde opaque ? L’existence d’une véritable industrie financière clandestine prétendant agir dans le cadre de la loi quand elle est prise sur le fait ? Non, non, on se doutait bien de tout cela, on s’y était même habitué ! La nouveauté est qu’il est perçu que ce monde est partie intégrante du nôtre et non une simple excroissance qu’il suffirait de couper. Les banques, dont nous avons appris ce qu’il faut en penser, en sont une des composantes.

Nous avons aussi appris qu’il n’est pas nécessairement domicilié dans des territoires lointains et exotiques mais au cœur même de l’Union européenne. Que ses capitaux font des aller-retour permanents entre l’ombre et la lumière, car l’argent ne dort jamais, il rapporte. Et que les montages financiers en cascade, les domiciliations de complaisance, les trusts et toute une panoplie juridique interdisent toute traçabilité du capital, condition d’une impunité garantie par construction bien que pour une fois menacée. Car les casinos, petits et grands, sont les lieux d’excellence du lessivage de l’argent, et ceux auxquels nous venons d’avoir accès ne sont pas du petit format.

En tirant le petit fil rouge, il apparaîtrait que ce monde est celui des rendements à deux chiffres de la flibuste sans foi ni loi de la finance. Que les capitaux qui en empruntent les voies dérobées alimentent une finance de l’ombre vierge de toute régulation, dernier territoire non exploré de la planète à l’exception des grands fonds sous-marins. Puis en tirant encore un peu, il se confirmerait qu’il ne suffit pas à ces investisseurs avisés de se soustraire au fisc mais qu’il leur faut aussi, tant qu’à faire d’être arrivé là, faire travailler leur capital au gré des ficelles créatives de la finance et des compétences des hedge funds et des fonds d’investissement. Quitte à parfois se retrouver pris au piège d’une pyramide de Ponzi.

La gestion de fortune et le « family office » ne peuvent à eux seuls garnir les coffres des finances de l’ombre, étant donné leur taille. C’est là où interviennent les entreprises transnationales, et plus modestement les prospères PME. C’est aussi là que se retrouve l’argent du crime (pas seulement en col blanc), car il n’y a pas de section V.I.P. comme dans les prisons de l’autre côté du miroir de l’argent !

La morale de l’histoire est qu’il n’y en a pas ! Et que l’évasion fiscale n’est que le début d’une histoire qui doit être racontée jusqu’au bout pour que ses mécanismes soient démontés : en analysant des masses de données, nous nous sommes engagés sur la piste de la matière noire dans l’univers en pleine expansion de la finance.

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Une réponse à “L’actualité de demain : LA MATIÈRE NOIRE DE LA FINANCE, par François Leclerc”

  1. […] " Faisant suite aux révélations déjà impressionnantes sur les pratiques courantes d’optimisation fiscale des grandes entreprises, mais en bien plus spectaculaires, les cas d’évasion fiscale divulgués ont fait l’effet d’un coup de pied dans une fourmilière. C’est à qui, dans toute l’Europe, se précipitera pour prendre des mesures afin qu’il y soit mis fin, en arguant de sa bonne foi, comme si ce genre d’histoire n’était pas de circonstance au moment où il est reproché aux États de vivre au dessus de leurs moyens, avec les conséquences que l’on sait. L’avenir dira ce qui résultera de ce grand déballage précipité, mais dans un domaine où il a été toujours avancé à reculons, le vent souffle fort cette fois-ci…."  […]

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