PIQÛRE DE RAPPEL : Le duc d’Aiguillon, le vicomte de Noailles, le vicomte de Beauharnais et le duc du Châtelet

Dans le chapeau du billet d’AncestraL : Que faire, lorsque l’on sait qu’un monde meilleur n’apparaîtra pas de lui-même ?, j’indique que la position qu’il défend là n’est pas la mienne et je renvoie à un billet en date du 14 mars 2010 où j’exprime mon opinion sur le même sujet. Ce billet m’a semblé mériter une « piqûre de rappel ».

La discussion d’hier dans « N’est-il pas temps, alors, de s’engager ? » a attiré mon attention sur une différence importante voire même fondamentale, entre certains d’entre vous et moi-même, alors que nous disons les mêmes choses et semblons pourtant viser les mêmes buts.

Pour moi, le but est clairement défini, disons pour faire vite : « un monde meilleur », et ceux qui s’opposent à ce monde meilleur que j’entrevois, constituent une masse indéterminée qu’il s’agit essentiellement de rallier à mes idées. Pour certains d’entre vous, l’ennemi est clairement défini, alors que le but est moins circonscrit, en gros : « me débarrasser de mon ennemi ».

La différence est cruciale parce que ce qui m’apparaîtra dans ma cause « centrée sur le but », comme une victoire apparaîtra aux yeux de celui « centré sur l’ennemi », comme ma défaite. Ce qui m’apparaît comme le fait d’avoir pu convaincre mon « ennemi d’un jour » après une longue lutte (il ne s’agit bien sûr que d’une première bataille et non de la guerre), apparaît à mon ami « ennemi-centré » comme le fait que je me sois rallié au camp de l’ennemi. Comme il me l’a été dit hier dans un mail anonyme : le fait que Mme Merkel, Mrs Sarkozy, Papandréou, Barroso, réclament désormais une interdiction partielle des paris sur les fluctuations de prix, fait de moi un « vendu ».

Quel est le raisonnement qui conduit là ? Le fait que vous ayiez convaincu l’ennemi fait que vous et lui disiez désormais la même chose, et c’est vous qui parlez donc désormais comme l’ennemi. Si ma mesure avait été bonne, jamais Mme Merkel, Mrs Sarkozy, Papaandréou, Barroso, jamais de tels « ennemis jurés », ne l’auraient adoptée. Or ils l’ont fait, et le faisant, ce n’est pas moi qui les ai fait rejoindre mon camp, c’est eux qui m’ont fait rejoindre le leur. Ou plutôt, ont révélé « qui j’étais vraiment ». La qualité d’ennemi est ici, je l’ai dit, intangible : elle est déterminée une fois pour toutes et rien ne la fera changer ; il ne s’agit pas, dans cette perspective, de convaincre, mais uniquement d’en découdre.

Ceci éclaire il me semble, non seulement la discussion d’hier mais aussi celle qui eut lieu précédemment à propos de la « création monétaire par les banques commerciales » : trier parmi les torts de l’ennemi est une perte de temps puisque son statut d’« ennemi » ne sera jamais mis en cause. Cela explique aussi pourquoi nous procédions, de notre côté, en proposant une démonstration toujours plus fouillée, toujours plus complète, alors que nos opposants s’efforçaient eux d’allonger la liste de ceux qui sont de leur avis. Cet argument « par le nombre » me déconcertait : « Quel importance, le nombre ! », me disais-je, mais le nombre n’est pas indifférent s’il s’agit de se compter, de compter « ceux qui sont comme nous » et « les autres ».

Qu’est-ce qu’il me reste à faire ? Je ne changerai pas de méthode bien entendu : il s’agira pour moi toujours de convaincre. Convaincre cette fois, ceux qui n’en sont pas convaincus, que ce n’est pas l’identité de l’ennemi qui compte mais la nature de l’objectif. Les guerres fondées sur l’ennemi se perdent ou, dans le meilleur des cas, leur issue se détermine au hasard, celles fondées sur le but sont plus certaines d’être gagnées. Et rappelez-vous : la nuit du 4 août, ce sont des aristocrates qui se réunirent pour abolir les privilèges. Merci au duc d’Aiguillon, au vicomte de Noailles, au vicomte de Beauharnais, au duc du Châtelet et aux autres, de vous être laissés convaincre : nous vous sommes toujours redevables.

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